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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 16:43

Mariátegui (14 juin 1894, Moquegua, Pérou – 16 avril 1930, Pérou) était au congrès du PS italien de Livourne quand s'est créé, avec les minoritaires, le PCI. Il a non seulement bien connu Gramsci mais, en plus, en tant que marxiste, il a fait vivre ses analyses en particulier sur la question cruciale du fascisme (le Péruvien a quitté l'Italie en 1922). Cette précision n'est pas sans importance pour comprendre ce texte sur Bourdelle qu'il a peut-être croisé à Paris. Il avait une claire conception des liens entre l'art et la révolution qui se manifeste dans ce texte précieux. JPD

 

Texte de José Carlos Mariátegui (écrivain et philosophe péruvien,  1894 – 1930)

Publié à la revue “Amauta”, N° 26, pages 51-52. Lima, le 16 octobre 1929, sous le titre :   “BOURDELLE ET L’ANTI-RODIN”Traduction Rosendo Li

 L’apologie d’Emile Antoine Bourdelle tend à être, quelque part, le procès de Rodin. Cette intonation caractérise les éloges de Waldemar George et François Fosca. L’art de Bourdelle est compris et estimé par ses exégètes comme une réaction contre l’art de Rodin, même si l’empreinte du grand maître des “Bourgeois de Calais” est trop visible dans quelques sculptures de l’auteur célèbre du monument du général Alvear. Cette attitude correspond, de tous les côtés, à une époque de néo-classicisme, de néo-thomisme et de rappel à l’ordre [en français] dans l’art, la philosophie et la littérature de France.  C’est pour cela qu’on doit être vigilant face au sens critique des artistes fidèles à la modernité et fauteurs de la Révolution.

 La révision de Rodin, initiée par les critiques d’esprit exquisément réactionnaire, ne se différence pas, dans ses mobiles secrets, du procès au romantisme de Charles Maurras, et non plus de l’enquête contre “le stupide XX siècle ” de Léon Daudet. Une bourgeoisie décadente et épuisée, qui a honte dans sa sénilité de ses aventures et bravoures de jeunesse, ne pardonne pas à Rodin son génie osé, sa rupture de la tradition, sa recherche désespérée d’une voie propre. Rodin traduit le mouvement, la fluidité, l’intuition.  Son œuvre touche parfois la sculpture, parfois la dépasse. C’est le sculpteur dionysiaque d’une époque dynamique. Ses figures surgissent de la matière, émergent du bloc avec élan autonome, personnel. Une bourgeoisie fatiguée et blasée[en français], qui retourne à Saint Thomas et fait acte de contrition, refuse intimement cet immanentisme de la matière, ce romantisme de la forme qui anime la vitalité exaltée, pathétique, la création de Rodin. « Rodin n’a rien à voir avec les classiques – écrit Waldemar George - La nature l’a doté des éléments de son travail. Cette nature est soumise à l’action vivifiant de sa force créative. Il est étonnant que, pour arriver à l’effet dramatique d’un Balzac,un artiste ait pu oublier l’histoire et sortir de lui-même, seulement de lui-même, la matière de son œuvre ». Nous pouvons aujourd’hui apprécier les travaux de Rodin sous un nouvel angle. Nous sous-estimons sa philosophie et le caractère littéraire de son inspiration. Nous oublions que la majorité de ses œuvres portent l’empreinte de cette esthétique de fin de siècle. Tout ceci est dit, en respectant le génie et la grandeur de Rodin, mais ceci n’est qu’une invitation à plaider l’obéissance absolue à Bourdelle, à l’artiste qui a reconduit la sculpture à ses principes, à l’histoire, à la règle transcendante.  Pour ces élégants apologistes, Bourdelle est, avant tout, l’artiste « qui a su restituer à la sculpture moderne, ce sentiment du style, ce sens de l’architecture et de la décoration, ce goût pour la noblesse, de laquelle, Rodin, Meunier et l’école réaliste l’avaient dépossédée. »

 Mais si Rodin, au moment de concevoir sa “Porte de l’Enfer”, l’œuvre digne du génie créateur du siècle, comme la seule comparable et équivalente à “La Porte du Ciel” de Ghiberti, paie un lourd tribut à un satanisme de fond romantique et de goût décadent, en commettant un péché manifeste d’inspiration littéraire, ce n’est pas le cas lorsqu’on parle d’esthétique de fin de siècle, quand on l’oppose, avec un air victorieux, à Emile Antoine Bourdelle. Les travaux de “La Porte de l’Enfer” restent malgré tout, comme la tentative d’un colosse. Rodin a échoué dans son entreprise : mais chacun des fragments de son échec, chacun des morceaux de “La Porte de l’Enfer” survit à la tentative ; avec personnalité et élan[en français] autonomes, il s’émancipe d’elle, l’oublie et l’abandonne, pour trouver sa justification dans propre réalité plastique. Chronologiquement et spirituellement, Bourdelle est plus “fin de siècle” que Rodin. La France, l’Europe de son temps n’est plus celle qui, un peu rimbaldienne et supra-réaliste, revendique son droit à l’enfer, mais celle qui, avec Jean Cocteau, retourne contrite à l’ordre médiéval, au bercail scolastique, pour se sentir encore latine, thomiste et classique. L’art de Rodin est, éventuellement, traversé de désespoir, mais, comme dit J.R. Bloch, le désespoir est peut-être l’état le plus proche de la création et de la renaissance. 

 Dans l’œuvre de Bourdelle s’entrecroisent et se superposent les influences. Bourdelle les assimile toutes, mais dans cet effort il sacrifie une partie de sa personnalité. Son œuvre est un ensemble de formes gréco-romaines, gothiques, baroques, chaldéenne, rodinienne, etc. Il est presque, perpétuellement, un tributaire de l’archéologie et la mythologie.  Il crée avec des éléments de musée.  Tout cela reflète le goût d’une époque décadente et érudite, amoureuse successivement de tous les styles. La responsabilité de l’artiste en résulte atténuée par la versatilité des modes de son temps.  Créature d’une société raffinée, encline à l’exotisme et à l’archaïsme, Bourdelle ne pourrait pas résister aux courants dans lesquelles rien n’est plus difficile que le sauvetage de l’individualité.

Il n’aurait pas pu se sentir intégralement gothique comme son compatriote le musicien Vincent D’Indy. Il était un païen austère, ascétique, sans volupté ; un chrétien helléniste et humaniste, modulateur, maître d’Hercules, Pallas, Pénélopes, Centaures, etc. Peut-être un athée catholique comme Maurras. Il était le vestige d’une compliquée et impuissante modernité ; un moderne, perméable à l’archaïsme et traversé de nostalgies.

 Fils d’un maître ébéniste, sa qualité la plus pure et la plus épurée était sa sévère consécration d’artisan médiéval. Son admirable maitrise d’exécution, son sens exigent de constructeur, ce goût pour la difficulté, qui distinguait son œuvre, il la devait à sa discipline de travailleur patient. De sa lignée d’artisans minutieux, de vocation intime, il avait hérité l’adhésion profonde à son art, le plaisir de la création, la dignité professionnelle. Ses majeures réussites sont toujours le résultat de ces vertus. Plutôt que de stylisation, ses trouvailles sont parfois du réalisme. Par exemple, la tête de sa “Victoire” travaillée, selon François Fosca, en s’inspirant du buste d’une Montalbanaise rustique, version directe d’une paysanne qui, “après trois essais successifs est devenue une déesse”. Mais dans le spirituel, Bourdelle était de ceux qui – comme dit Renan – vivent de la croyance de ses pères. Maurice Denis prétend que sa “Vierge d’Alsace” est un chef d’œuvre de l’art religieux de tous les temps. En précisant ce jugement, Denis pensait peut-être à son propre art religieux ; mais il lui échappe irrémédiablement la seul chose qu’on ne peut pas recréer par la fiction : l’esprit.

Mariategui

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 16:35

euroregion-copie-1.jpg

 

Oui, il existe une Eurorégion comme l'indique le journal de propagande du Consel régional. Mais voilà, à la dernière assemblée plénière Martin Malvy s'est laissé aller à une confidence : la Catalogne n'a pas les moyen de payer 500 000 euros pour l'adhésion à cette usine à gaz (voir le compte-rendu filmé de la séance sur le site du conseil régional).

Sous la façade, les fondations craquent... JPD 

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 16:33

A un moment, libéré de sa fonction de député par la majorité de ses électeurs, Jaurès proposa une chronique littéraire à La Dépêche du Midi. Voici celle autour des félibres. JPD

 La Quizaine littéraire 15-05-1894

Aubanel

 Un vieil ami du grand poète provençal, Théodore Aubanel, vient de publier sur lui une très substantielle et intéressante étude chez Lecoffre. M. Ludovic Legré nous conte l'existence même d'Aubanel ; il publie ses lettres intimes, indique l'origine de ses inspirations. Il est évident que ce qui caractérise Aubanel dans le groupe des grands et illustres poètes de Provence, C'est la spontanéité, la sincérité lyrique. Roumanille a été l'éducateur, l'esprit systématique. Mistral a eu la large création épique et impersonnelle. C'est avec sa vie, ses amours, ses deuils, ses joies qu'Aubanel a fait ses œuvres exquises et pénétrantes. Son amour poignant pour Zani, la pâle et douce jeune fille cachée au couvent, a été l'origine de son recueil « La Miougrano entreduberto ».

Ce qui caractérise le génie d'Aubanel, c'est un curieux et intime mélange d'esprit chrétien et de sentiment païen. Il est catholique passionné, plein de piété à la Vierge ; il comprend le pur et idéal amour et il a en même temps le sens de la nature passionnée, éclatante, ardente. Il associe à la dévotion délicate et tendre pour la Vierge le culte de la Vénus d'Arles. Il a eu plus d'une difficulté à ce sujet. Il a tour à tour charmé et scandalisé les bonnes âmes et il a eu à lutter contre de pieuses cabales, après avoir reçu des papes des lettres d'affectueuse approbation.

Mais c'est une joie pour nous de sentir ce que ce mouvement provençal, qui apparaît un peu artificiel et factice à travers le félibrige parisien, a eu de sincérité première, d'élan vrai et chaud. J'aime peu les Provençaux de Paris qui exploitent indéfiniment la Provence mais ceux de Provence ont été vivants, naïfs, inspirés et grands. M. Ludovic Legré nous ramène à l'horizon que domine le mont Ventoux et où ont vécu de vrais hommes, de vrais poètes, qui ont admiré la lumière, la beauté, la vie et qui ont aimé.

 

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 16:30

A un moment, libéré de sa fonction de député par la majorité de ses électeurs, Jaurès proposa une chronique littéraire à La Dépêche du Midi. Voici celle autour de deux productions concernant Lourdes. Celle de Pouvillon, originaire de Montauban et celle de Zola beaucoup plus connu. JPD

 

La Quinzaine littéraire, 04-05-1894

BERNADETTE DE LOURDES

Émile Pouvillon vient de publier chez Plon Un Mystère, dont toute la vie de Bernadette, depuis la première enfance pieuse et rêveuse jusqu'à l'agonie dans une cellule de couvent est le sujet. Pouvillon semble aimer maintenant cette forme du mystère, ces descriptions courtes, analogues à des indications scéniques, coupées de dialogues. Il avait déjà employé la même forme semi-descriptive, semi-dramatique et lyrique dans les Antibel. Mais dans les Antibel, dans cette rude et poignante histoire de paysans, la nature tenait plus de place. Ici, sauf dans le prologue et dans quelques scènes du début, la nature apparaît peu. Les Pyrénées un moment se dressent, puis s'effacent. Et presque tout le drame est purement intérieur et psychologique.

 Je crois que le roman de Zola sur Lourdes était depuis assez longtemps annoncé quand Pouvillon a conçu son œuvre. En tout cas, il n'y a pas là rivalité, et, si j'ose dire, concurrence. La différence est si grande entre le point de vue de Zola et celui de Pouvillon qu'il n'y a pas de conflit à craindre. Nous connaissons à peine quelques feuilletons du livre de Zola, mais la seule différence des titres indique la diversité des œuvres. Pour Zola, c'est Lourdes, c'est-à-dire l'énorme vie du pèlerinage, et si Bernadette en doit être le centre, je suis sûr d'avance qu'elle sera plus d'une fois écrasée par le cadre. Zola retrouve à Lourdes ce qu'il a partout cherché et aimé : après la vie puissante et réglée des grandes gares, après la colossale organisation commerciale des grands magasins comme le Bonheur des Dames, voici une énorme organisation religieuse qui ébranle ramasse et discipline les foules, et qui centralise la dévotion à la Vierge, absorbe et détruit les autres pèlerinages comme le Louvre et le Bon Marché ont absorbé et détruit les boutiques et les magasins modestes du bon vieux temps. Nous verrons si Zola saura montrer dans le frêle mécanisme délicat de l'âme enfantine de Bernadette le ressort central presque invisible, mais tout puissant de cette énorme machine de piété à la fois sincère et théâtrale. Ou, si l'on me permet une comparaison plus évangélique, saura-t-il nous montrer comment l'imperceptible grain de sénevé en levant du sol a communiqué un ébranlement mystérieux à toute la surface de la planète, et a déterminé la vaste houle des mottes de terres, des sillons et des plaines ? Voilà où serait, à mon sens, l'intérêt du livre de Zola.

 Pouvillon s'est transporté d'emblée dans l'âme de Bernadette. C'est à travers ses visions que tout nous apparaît : même la Lourdes nouvelle, celle des basiliques, des immenses pèlerinages, que Bernadette n'a jamais vue de ses yeux. Pouvillon ne nous la montre pas directement, c'est dans une vision de Bernadette devenue sœur cloîtrée que la ville bruyante et triomphante nous apparaît. Il y a des parties charmantes, spirituelles ou délicates dans l'œuvre de Pouvillon. Oserai- je dire quel est, à mon sens, le défaut ? Elle manque de continuité et d'unité. Je suis déconcerté en passant du paradis de légendes ingénieusement ouvragé et laborieusement naïf du prologue à des faits divers, des enquêtes de commissaire et des scènes de reportage. Puisque tout le fond de l'ouvre devait être dans l'âme même de Bernadette et dans les effets divers et contradictoires que cette âme devait produire sur d'autres âmes inégalement capables de la comprendre, pourquoi avoir superposé à cette œuvre vivante et vraie, comme une immuable et fantastique coupole, ce paradis du prologue ? Ce ciel de carton peint, si habilement qu'il le soit, est en dehors de la vie : il est figé, c'est-à-dire mort, et c'est là, à mon sens, comme un plafond qui écrase et rabat l'essor de l'ouvre laquelle, au grand air de la nature et de la vie, fut plus librement montée. Et ce décor du théâtre céleste donne quelque chose de factice à tout le drame humain qui se développe en bas. Mais il est à cette faute une compensation : c'est que, du haut de ce paradis, Pouvillon a pu contempler les Pyrénées, et nous les montrer comme on les verrait d'un ballon descendant. « Sous le Paradis, juste dessous, dans le dédale blanc et bleu des Pyrénées, comme d'un aigle en chasse, le regard du saint plane en orbes immenses, descend sur le haut relief des montagnes. Et à mesure qu'il s'abaisse, les montagnes grandissent. Dans l'éther pâle, des figures monstrueuses apparaissent. Noires, déchiquetées, aiguisées comme des flèches barbares, les cimes sortent de la nudité triste des champs de neige. Voici la pyramide d'Ardiclen, la couronne ébréchée de Néouvieille, les quatre pennes de Vignemale portant comme les quatre bouts d'un linceul, le glacier de Montferrat... ».

Et ceci, qui est admirable, «c'est la lande de Bartrès. Solitaire, perdue entre le ciel et les vagues pays abîmés au dessous, les campagnes comme brodées, les villages tout petits en fuite dans la brume solitaire et triste d'être toujours pareille, de tout temps pareille, avec ses tertres funéraires, ses tertres désherbés, témoins de l'autrefois, avec ses chênes, ses trois ou quatre chênes gardiens de l'étendue, elle ondule couchée au pied des montagnes, prosternée devant les Pyrénées glorieuses et sévères qui se dressent en face d'elles zébrées de torrents, veloutées d'herbe pâle, couronnées de glaciers. »

Pouvillon, qui est souvent un délicat orfèvre presque mignard, a tout à coup (quand il retrouve des paysages analogues à ceux de son Quercy), l'ampleur triste des horizons, et comme la saveur amère et douce des terres familières et désolées. Il y a aussi quelques beaux morceaux de philosophe.

« Un mystique. Un miracle Pourquoi pas ? Les lois de la nature sont invariables, c'est vrai. Mais la loi, la loi unique, la loi absolue, qui peut se vanter de l'avoir lue sur le visage changeant des phénomènes... Que faire, chétifs ? De ses faibles doigts comment saisir l'immensité de la vie universelle ? Que faire ? Abdiquer ; se délivrer du moi, se donner dans l'acte de foi du chrétien, disparaître vivant dans l'absolu. Se donner ? C'est peut-être beaucoup. Et l'occasion est-elle vraiment si pressante ? Quoi ? pour l'étonnement d'une thaumaturgie pratiquée de tout temps et par tous les cultes ? pour le soulagement inattendu de quelques misères privilégiées ? Pourquoi privilégiées ? pour quelques gouttes de joie inutiles, perdues dans l'océan de l'a douleur humaine ? Se donner pour si peu ? Echapper à l'obscurité formidable du grand mystère, pour acquiescer à l'obscurité du petit mystère catholique, où est l'avantage !»

Comme on voit, Pouvillon qui, dans les Antibel a compris et réalisé la grandeur de la fatalité antique, touche ici aux cimes de la pensée chrétienne et aussi de la pensée libre. Oserai- je émettre un vœu ? C'est qu'il reste toujours étroitement associé de cœur et de regard à la nature à la fois sévère et précise, qu'il ne se laisse pas emporter, par la tentation de la mode, à un mysticisme vague où les solides hauteurs des monts s'atténuent en fantômes et où les sommets se dissolvent en nuées.

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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 16:44

Le 8 juillet 1996 je suis arrivé timidement à Salvagnac (81) pour interroger Vincent Labeyrie au sujet de ses souvenirs concernant 1936. Voici les notes que je viens de retrouver.

  

Je suis allé le voir pour parler Front Populaire. Il n'avait que 12 ans et se souvient de presque rien. Son père s'est retrouvé gouverneur de la Banque de France car il fut le seul haut-fonctionnaire à avoir soutenu la gauche. Il s'était engagé au moment de l'affaire Dreyfus qui fut un tournant pour lui. C'est là que Jaurès, grâce à sa position courageuse, trouva les soutiens qui lui permirent de lancer l'Huma. Daniel Halévy fut le premier chroniqueur littéraire du journal. Il se souvient qu'il venait chez ses parents à Versailles discuter avec son père.

De 36, Vincent se souvient qu'il suivit la guerre d'Espagne sur une carte pour voir l'évolution du Front. Blum habitait pas loin de chez eux et il se souvient de l'injuste campagne contre lui au sujet de sa baignoire en or : Blum vivait modestement. Son défaut fut de ne pas être un homme de décision. Pour la non-intervention il invoqua les Anglais comme justification, sur d'autres points les Radicaux. En fait mon père disait : "en tant que premier ministre il a autant d'esprit de décision que j'en aurais si j'étais évêque." Il le vit surtout à l'œuvre au sujet de la fuite des capitaux : les Américains lui signalèrent que l'argent se repliait en masse aux USA mais il laissa faire pensant que sa politique serait assez attractive pour le faire revenir. Par la suite mon père n'aima pas De Gaulle car il le vit mettre sur la touche toutes les personnes qui risquaient de lui faire de l'ombre.

En 44 à La Libération, Vincent était au Cinquième bureau, il découvrit que La Cagoule avait su mettre des hommes dans les deux camps et chacun sauva les autres. Il avait fait de la prison [pendant la Résistance je pense] et c'est là qu'il commença à fumer, action qu'il cessa brusquement au moment où on lui fit un pontage.

Il connaissait très bien le passé douteux de Mitterrand pendant l’occupation et celui non moins douteux de Georges Marchais voilà pourquoi il n’a jamais compris que le PCF soutienne Mitterrand en 1965 et qu’il désigne marchais comme secrétaire national.

Par contre, il aime se souvenir de Virgile Barrel et de Marcel Cachin, ces militants qui en 1905 firent le Parti socialiste grâce à un dévouement sans nom. En 1945 il entendit André Marty dire : "je ne vais pas aller manger avec ce vieux con" et il parlait de Cachin ...

Dans les Alpes-Maritimes, il se souvient d'une anecdote. Dassault faisait sa campagne électorale en promettant aux marins la deuxième chaussure après sa victoire pour compléter la première donnée avant. Dans l'arrière-pays Dassault passa dans une municipalité communiste et comme à la réunion il n'y avait que le maire communiste ce dernier lui proposa de faire entrer son chauffeur. Dassault eut la mauvaise idée d'accepter si bien que quand ils sortirent la belle voiture était recouverte d'affiches : votez Virgile Barel.

Nous avons visité son jardin : les chevaux de son fils, ses deux chèvres dont il s'occupe avec attention, la vigne devant la porte, le gaz pour se chauffer, les azalées, les pivoines, les cerisiers, les pruniers, le double point de vue. Vincent et son épouse sont des personnes paisibles auxquelles va toujours mon admiration.

Jean-Paul Damaggio

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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 13:21

                      ducoudray.jpg

« Les vainqueurs qui plus est, font l’histoire de leur victoire. » Déjà gamin cette phrase me semblait une évidence. Puis nos vies se faisant histoire, une histoire certes modeste, la phrase initiale se fractura ! Qui sont donc les vainqueurs ? ai-je fini par me demander. Pour les biens nés, bien mis et bien soignés, la victoire est si naturelle qu’elle ne peut faire histoire ! Pire, ils refusent de se présenter comme étant l’histoire, car le récit de leurs exploits leur est totalement inutile ! Les personnages phares de l’histoire sont le plus souvent des biens dotés qui ont tout perdu, tout en gagnant l’admiration du peuple ! Les vainqueurs étant par essence des minoritaires, ayant de ce fait besoin du soutien populaire pour rester au pouvoir, l’histoire de leur victoire doit être celle du peuple conquis dans tous les sens du terme. Et Bolivar est le symbole parfait de cette histoire volée au peuple, pour que le peuple ne se sache pas volé !

 Bolivar est un bien doté qui finalement a tout perdu laissant ainsi un œuvre « inachevée » pour qu’après lui d’autres continuent son faux rêve. Il a tout perdu sauf ce qu’il a cultivé le mieux, l’admiration d’un peuple conquis par la mise en scène de ses hypothétiques victoires. Pendant que ses généraux étaient sur le champ de bataille, il tirait les ficelles suivant la formule pleine de bon sens. Et le peuple devenu marionnette se sentait heureux d’être de la fête. Les vainqueurs se firent fort d’en faire un héros pour qu’on oublie leur existence de classe dominante. L’histoire des guerres d’indépendance sera réduite aux faits et gestes d’un homme.

 Le général Ducoudray avait dès 1793 participé à des guerres bien différentes, aux côtés de Napoléon, des guerres où des puissances féodales furent mises à genoux, sauf l’impérialisme anglo-saxon qui, sur son île, a pu tenir tête à la Révolution venue de France. Napoléon, en voilà encore un autre, qui a tout perdu, mais, révolution oblige, il était parti de rien. Napoléon sans son Waterloo n’aurait pas été le même héros.

Pas de surprise donc si à partir de 1813, Ducoudray quittant le champ de bataille européen, devient un général des guerres d’indépendance aux Amériques. Pas de surprise non plus si trois ans après, il cesse d’être le confident et le chef d’état-major de Bolivar. Pourquoi, pas de surprises ? Parce qu’après la victoire de Waterloo, les Anglais ont pu quitter le champ de bataille européen pour celui des guerres d’indépendance aux Amériques. Ducoudray ne pouvait pas se retrouver aux côtés de ses pires ennemis d’hier ! Il s’est alors fait professeur de piano puis professeur de lettres aux USA. Qu’un général devienne professeur de lettres, je ne sais pourquoi, mais ça me le rend sympathique ! Et ce professeur décida d’écrire quelques mémoires, celles des luttes aux côtés de Lafayette, et celles liées à Bolivar qui sont un monument de plus de 500 pages.

 Karl Marx, invité à écrire sur Bolivar, prendra Ducoudray-Holstein (il était en fait franco-allemand) comme référence pour trois raisons : le général trace de Bolivar le portrait le plus critique qu’on connaisse, ce portrait confortait Marx dans son mépris envers les Espagnols, et c’était l’occasion de faire tomber de son piédestal, une notoriété usurpée avec l’aide de la classe dominante. Quand Ducoudray publie son livre en anglais, Bolivar n’est pas encore mort, il n’est pas déjà sacralisé : il s’agit alors d’un simple témoignage.

 Je viens d’apprendre que le livre de Ducoudray a été traduit en espagnol… en 2010. D’avoir été cité par Marx n’a pas été une source de succès. Quant à la France, personne ne pense à le traduire, Bolivar ne le mérite pas ! (1)

« Les vainqueurs qui plus est, font l’histoire de leur victoire. » pourrait devenir : « Les vaincus qui plus est, sont dépourvus de leurs défaites. »

JP Damaggio

(1) Depuis j'ai découvert mon erreur :

 article-ducoudray-holstein-efface-de-l-histoire


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30 décembre 2012 7 30 /12 /décembre /2012 18:17

Confirmation du Nouvel Observateur sur les arrestations des assassins de Jara. JPD

 

Chili: huit ex-militaires incarcérés pour le meurtre de Victor Jara

Créé le 28-12-2012 à 19h55 - Mis à jour à 20h25

La justice du Chili a ordonné vendredi le placement en détention de huit anciens officiers de l'armée mis en cause dans le meurtre du chanteur Victor Jara, tué en septembre 1973, dans la foulée du coup d'Etat militaire du général Augusto Pinochet. (c) Afp

SANTIAGO DU CHILI (AFP) - La justice du Chili a ordonné vendredi le placement en détention de huit anciens officiers de l'armée mis en cause dans le meurtre du chanteur Victor Jara, tué en septembre 1973, dans la foulée du coup d'Etat militaire du général Augusto Pinochet.

 Miguel Vazquez Plaza, magistrat à la Cour d'appel de Santiago, a ordonné l'incarcération deux ex-militaires pour "homicide qualifié" et de six autres pour complicité, a indiqué le pouvoir judiciaire dans un communiqué.

 Avec environ 5.000 autres prisonniers politiques arrêtées dans des rafles, M. Jara fut détenu au Stade du Chili, le plus grand de Santiago. Là, il fut interrogé, torturé, avant d'être abattu à la mitraillette, son corps criblé de 44 balles, probablement le 15 ou le 16 septembre.

 Un fait particulier témoigne de l'acharnement des militaires: les doigts écrasés du chanteur guitariste, cassés à coups de crosse et de bottes.

 "Après avoir réuni beaucoup d'éléments, il arrive un moment où l'on doit terminer l'enquête et tenter d'avancer vers une solution", a commenté le magistrat devant des journalistes.

 Me Nelson Caucoto, représentant de la famille de la victime, s'est dit "assez satisfait" de la décision.

 Le juge a ordonné la détention des ex-officiers Hugo Sanchez Marmonti et Pedro Barrientos Nuñez, contre lequel a été émis un mandat d'arrêt international, car il réside aux Etats-Unis.

 Au cours de sa détention, le chanteur "a été reconnu par les militaires, séparé des autres prisonniers" et transféré vers les vestiaires où étaient installées des salles de torture où il a été constamment "agressé physiquement par plusieurs officiers", selon le compte-rendu d'enquête du juge.

 "Le 16 septembre 1973", a été constatée la mort de M. Jara, dont le corps présentait au moins "44 impacts de balles".

 En décembre 2009, des milliers de Chiliens avaient accompagné les obsèques officielles du chanteur, mort à 40 ans, qui avait été inhumé quasiment clandestinement en 1973 par sa veuve, la Britannique Joan Turner.

 Entre 1973 et 1990, environ 3.000 personnes sont mortes ou ont disparu sous la dictature d'Augusto Pinochet, selon les organisations de défenses des droits de l'homme.

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30 décembre 2012 7 30 /12 /décembre /2012 17:48

Noël Pour Victor Jara ?

 

La Semana est un hebdo colombien fondé par Garcia Marquez (si je me souviens bien). Je cherchais des informations sur un certain Ducoudray fâcheusement oublié, quand je suis tombé sur cette info incroyable que je me suis empressé de traduire plus ou moins bien. Le vais aller vérifier dans la presse chilienne. JPD

 

Le Temps de la justice pour Victor Jara  Par Germán Uribe

La Semana

La justice chilienne a ordonné l'arrestation de huit ex-officiers de l'armée pour le meurtre de l'auteur-compositeur-interprète.

Grâce à la pression exercée par de nombreux groupes d'artistes comme Illapu, Inti Illimani, Conmoción, Sol y Lluvia, Preludio, Francesca Ancarola et José Seves, entre autres, un juge chilien, vient d’ouvrir une enquête judiciaire largement attendue, réactivée en 2005 et concernant le crime sur le chanteur chilien Victor Jara, tué le 16 septembre 1973 dans un stade de Santiago où il a été emprisonné comme 5 000 personnes, suite à la répression de la dictature militaire d’Augusto Pinochet qui venait de renverser le gouvernement de Salvador Allende cinq jours auparavant.

Apparemment, et selon des témoins, un officier de l'armée, surnommé "Le Prince", après l’avoir torturé lui aurait donné la mort. Toutefois, pendant toutes ces années on ne savait pas avec certitude l'identité des soldats qui ont participé à ce carnage brutal d’humains, mais tous les Chiliens savent aujourd'hui, que le nom actuel du stade où Victor a été tué, porte son nom. Et que, finalement, grâce à une nouvelle action de la Justice, ses assassins militaires, qui sont la honte de l'humanité, ont également un nom.

Quant à ses mains, qui, après sa mort, sont devenues une légende, il y a deux versions. D'un côté, ceux qui prétendent qu’après avoir reçu des coups lourds et résisté aux diverses méthodes de torture, ces mains qui jouaient joyeusement de la guitare pour faire oublier la peur alors que le mécontentement était général, ont été écrasées avec les crosses des fusils jusqu’à les défaire ; d'un autre côté, ceux qui s'aventurent à assurer qu’il en a été amputé. La vérité est que, immédiatement après, que la Commission vérité et réconciliation a été créée en 1990, son corps a été retrouvé dans des buissons près du cimetière métropolitain et il a pris le chemin de la morgue où il a été reconnu par son épouse, la danseuse anglaise Joan Turner :

« Il avait les yeux ouverts et semblait regarder en face avec intensité et provocation, malgré une blessure à la tête et de terribles ecchymoses sur la joue. Il avait la poitrine criblée de balles et une blessure à l'abdomen ; ses mains semblaient s’accrocher au bras en un angle bizarre, comme s’il avait eu les poignets cassés ; mais c’était Victor, mon mari, mon amour. »

Mais voyons qui était Victor Jara, le jeune paysan qui savait répéter que son chant était « une chaîne sans commencement ni fin » et qui, cependant, a fini par composer à partir de ses tripes sanglantes, un hymne au sacrifice pour défendre la démocratie et résister au fascisme.

Référence incontestée de la musique rebelle de l'Amérique latine et vrai témoignage artistique de la culture populaire de la révolte, il est né le 28 septembre 1932. Musicien, auteur-compositeur et metteur en scène, il était le fils de Manuel Jara, un « journalier », et d’Amanda Martínez, blanchisseuse, guitariste et chanteuse dont il a hérité sa passion pour la musique, ce qui l’a déterminé à accomplir la tâche de compilation et d'interprétation folkloriques qu'elle assumait et qui, à cause de la relation difficile avec son père, est devenu la force motrice de sa vocation.

En 1944, il quitta sa ville natale pour Santiago. Là, il a étudié la comptabilité ; dévasté par la mort de sa mère il a rejoint le séminaire et puis a accompli le service militaire obligatoire. En 1953, il fait partie du chœur de l'Université du Chili puis s'intéressa au métier d’acteur et à la mise en scène, à l'école d'art dramatique de la même université. Grâce à la critique spécialisée, à plusieurs prix et a un public qui faisait son éloge, il devient rapidement une figure exceptionnelle de la scène chilienne, considéré au cours des années 1960 comme l'un des plus importants directeurs du théâtre chilien de son temps.

Dans le même temps, et conscient que la musique est l'essence même de son existence sociale, il participe au groupe Cuncumén, et il est le directeur artistique de l'ensemble des Quilapayún. Il collabore avec Inti Illimani et fait partie de la célèbre Peña de Parra. Lui et eux, sont marqués par le contenu culturel et politique de leur activité artistique.

Soliste et compositeur, ses chansons se répandent rapidement dans le sud du continent, où il a bénéficié d'une discographie considérable. Souvent les artistes de la stature de Serrat, Sabina, Silvio Rodríguez et Victor Manuel témoignèrent avec leurs voix de sa présence au-delà du temps.

En tout cas, je pense que la meilleure façon de se souvenir de Victor Jara - maintenant que nous savons que la justice chilienne semble avoir trouvé le moyen d'appliquer des sanctions, et de nous éclairer sur la vérité définitive de ce crime, en ordonnant la détention par homicide de huit ex-officiers de l'armée, sous l'accusation d'en être les auteurs ou les complices - c’est de revenir aux belles paroles que lui écrivit Angel Parra en 1987 de Paris :

"Cher Victor:...Je me souviens parfaitement de ta clarté et sécurité dans tes étapes, tes aventures et tes destinations... Je me souviens que Viola (Violeta Parra) m'a dit : apprends, apprends. J'espère avoir appris quelque chose. Par exemple, l’humilité, l’héroïsme ne se vendent ni ne s’achètent, que l’amitié est l'amour en développement, que les hommes sont libres seulement quand ils chantent, font la cour à une femme ou travaillent, jouent le dimanche avec la balle ou prennent leur vin le soir, changent les couches des bébés, distinguent les orties de la coriandre, quand ils prient en silence parce qu'ils croient et son éternellement fidèles à leur peuple comme toi... Aussi je tiens à te dire avant de te quitter que Paris est beau en cet hiver, que mon pays natal je le contiens en une larme, que je viendrai te rendre visite au printemps, que tu salues mes parents quand tu le peux, que j'ai le souvenir de l'histoire et que tout crime qui a été commis doit être jugé sans retard, que la dignité est essentielle pour les humains, que l’année qui vient sera pleine d'émotions, d'espoirs et de travail surtout pour toi, Victor Jara, qui sème le blé et la paix dans nos champs. »

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30 décembre 2012 7 30 /12 /décembre /2012 16:22

En 1969, Madrid a eu sa statue de Bolivar. Après tout c’est là que s’est marié le 26 mai 1802 le Libertador. La statue est dans le merveilleux Parc de l’Ouest pas loin de celle d’O’Higgins. Nous étions alors, en 1969, dans l’Espagne de Franco, un Franco qui subitement s’était converti au bolivarisme. Inés Quintero dans un article sur le Bolivar de droite et le Bolivar de gauche[1] est la première à avoir attiré mon attention sur cette situation. Elle cite un admirateur du Caudillo, Ernesto Gimenez Caballero : « Franco était l’authentique interprète de la pensée bolivarienne, laquelle n’avait même pas été réalisé par Bolivar lui-même, mais par Franco, grand lecteur qui a médité cette œuvre aurorale de ce précurseur hispano-américain. »[2]

Les statues de Bolivar continueront d’arriver en Espagne après Franco. En 1996 la colonie catalane du Venezuela en a financé une pour la nouvelle Barcelone, réalisée par Julio Maragall.

 Je suis donc allé voir dans Moi, Franco de Vázquez Montalbán si on y trouvait Bolivar et voici la réponse. Le romancier au début fait parler ainsi le Général Franco :

« Et certains prétendent que la pensée ne peut commettre de délit, selon la maxime de Lombroso, alors que la pensée négativiste se diffuse, pervertit lorsqu’elle s’organise dans les sectes et qu’elle devient un délit de corruption sociale. La pensée d’Erasme avait vainement tenté depuis la Renaissance de miner les fondations de l’Espagne catholique, puis ce fut le tour des jansénistes, premiers coryphées du Mal, annonciateurs de futurs excès des philosophiques. Réformistes déguisés, les jansénistes espagnols agirent dans l’ombre de l’impuissant Charles IV, puis la franc-maçonnerie, à travers les hauts dignitaires de la cour de Charles III et Charles IV – les Floridablanca, Arada, Jovellanos, Godoy - , entreprit de détruire la forteresse espagnole, et l’empire lui-même. Maçons ceux qui convoquèrent les Cortes de Cadix, maçons, les agents de la rébellion contre la Mère Espagne à travers l'Amérique, à commencer par San Martin et Bolivar. L'évidente grandeur militaire des « libérateurs » autoproclamés ne peut faire oublier leur nature d'agents chargés de détruire l'œuvre de l'Espagne sur instructions des loges de Londres, de Paris et de Vienne, véritable cinquième colonne agissant pour le compte des ennemis de la vigueur espagnole. Et tout au long du XIXe siècle ce fut la franc-maçonnerie qui affaiblit l’ordre ancien sans le remplacer par un ordre nouveau, qui suscita les boues dans lesquelles se perdirent, plus que dans les mers lointaines, les escadres et les armées d'une Espagne minée de l'intérieur. »

 On comprend que Franco a tenté d’instrumentaliser Bolivar tandis que Mussolini ne cacha pas son admiration fondamentale pour le Libertador. Pourquoi cette différence ? J’en suis réduit à une hypothèse : Mussolini a d’abord été de gauche et son fascisme, il tenta de le justifier idéologiquement aussi une des approches fascistes de Bolivar[3]lui était d’un grand secours. Franco a toujours été d’extrême-droite et son fascisme était « naturel » pour ne pas dire « pragmatique ».

 Jean-Paul Damaggio

Inès Quitero est une historienne vénézuelienne qui publie en 2002 : Bolivar de izquierda – Bolivar de derecha Universidad del Atlántico

« El parangon entre Bolivar y Franco » dans Bolivar regresa a españa, Crónica d’una jornada histórica, Madrid, 1971

Celle lancée par le général vénézuélien Juan Vicente Gómez appuyé par Vallenilla Lanz, qui relance le culte de Bolívar en publiant en 1919, El Cesarismo democrático, un opuscule au succès retentissant et traduit en italien en 1933. Son argumentation pour un pouvoir fort s’appuie sur Hyppolyte Taine et Herbert Spencer. Il fait de Bolívar le prototype de ce pouvoir fort.

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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 21:47

Voilà que je découvre cet article qui recoupe mon article précédent sur les Zapatistes. Oui, généralement les autorités tablent sur l’usure des luttes sociales : leur argument c’est de nous fatiguer en nous manipulant, en nous poussant sur 150 terrains de lutte pour nous décourager. Les Zapatistes, depuis le début, ont leur propre calendrier qui, c’est sûr, n’est pas électoral ! J-P Damaggio

 La Jornada

28 Décembre 2012 Jaime Martinez Veloz

Est-il possible de démonter les raisons de 40 mille cœurs zapatistes ?

Ils ont quitté leur communauté, la nuit précédente ; ils marchaient en silence ; en silence ils sont venus des quatre coins du sud-est mexicain ; en silence, avec une haute façon morale et disciplinée, ils sont retournés dans leurs communautés. L'action était impeccable, propre et énergique. Ils ont laissé une déclaration que le temps va déchiffrer tout comme le cours des événements, ce qui ne se fait pas à la première lecture. La déclaration a le mérite d’être cryptée tout en tant claire. Elle encadre les possibilités et une mise en garde aux gouvernements et en même temps contient des surprises et des mesures d'urgence.

Quelle est l'explication qui pourrait fournir les services de renseignement (sic) de l'État mexicain, qui disait que l'EZLN était pratiquement liquidée ? Quelle est la réponse de ceux qui prétendent que le temps détruirait les structures organisationnelles de l'EZLN ? Que pensent ceux qui ont parié sur les actions de lutte contre l'insurrection duc contre-espionnage et sur la minimisation du conflit sous forme de formules détruisant le mouvement zapatiste ?

La capacité organisationnelle et la force organique du zapatisme ne s’est pas usé avec le temps ; au contraire ils se sont renforcés et multipliés, ce qui signifie que ceux qui parie sur l'usure et sur le fait que le temps épuise les insurgés ont échoué.

Les zapatistes ne s’en étaient jamais allés ; la classe politique ne voulait pas les voir ou c’est une autre chose elle n'a pas voulu assumer ses responsabilités à leur égard ; mais ils ont toujours été là construisant à partir de la base, en organisant dans la dignité, ce que pouvoir leur a refusé : un meilleur sort pour les leurs, en dépit des limitations et des pénuries de matériaux qu’ils remplacent avec imagination et créativité. Un échantillon du dédain des forces politiques mexicains face au problème des Indigènes, en particulier dans leurs rapports avec l'EZLN, s'exprime par le fait que la Commission de la Concorde et la pacification, qui doit exister conformément à la loi pour le dialogue, la conciliation et une paix digne au Chiapas, n’est pas encore formée, ce qui montre le manque d'intérêt de toutes les forces politiques représentées au Congrès de l'Union. Il est à noter qu'au cours de ces dernières années, il n’y a eu aucune réunion de la Commission législative où il y a eu le quorum légal pour être en mesure de concevoir une stratégie qui permette de résoudre un conflit dont la complexité n'est pas mince.

Quelle explication peuvent fournir à la Nation ceux qui, en accusant l'EZLN de vouloir balkaniser le pays, sont les mêmes qui ont livré les 52 millions d'hectares (un quart du territoire national) aux sociétés minières afin que, en échange de rien, ils participent au pillage du pays pendant 12 ans qu’ils soient nationaux ou étrangers ?

Que peuvent dire ceux qui depuis le gouvernement accusent les zapatistes d'être au service d’intérêts obscurs et qui sont aujourd'hui les employés de multinationales qui se sont appropriés des entreprises ou commerces mexicains qui ont été privatisés ?

Existe-t-il une justification ou explication, modérément fondée, de la part des institutions de l'État mexicain capable d’exposer pourquoi les Indiens mexicains sont les plus pauvres parmi les pauvres, lorsque leurs villages sont installés dans les territoires immensément riches, exploités par des compagnies minières étrangères et nationales ?

La multiplication des conditions de pauvreté et la marginalisation des peuples autochtones du Mexique démontre que c'est l'État mexicain qui a échoué non seulement dans sa stratégie pour réduire les décalages en matière autochtone, mais surtout dans la construction d'une relation qui comprenne le problème autochtone, leur conception du monde, leurs besoins, leurs liens avec la terre et les ressources naturelles de leurs territoires aujourd'hui dans les mains d'entreprises privées nationales et étrangères.

Il est temps que le gouvernement comprenne, ce que cela signifie que plus de 10 millions d'Indiens subsistent dans des conditions d'inégalité et de la misère. La question autochtone n'est pas une question de programmes d'aide sociale, mais le remboursement intégral de leurs droits constitutionnels.

L'EZLN n’est pas de retour, elle n’est jamais parti, sauf que son terrain d’intervention n’est pas électoral, mais les causes profondes du Mexique profond. La balle est dans la cour des institutions de l'État mexicain, dont la réponse doit commencer en créant les conditions pour réaliser pleinement les accords de San Andrés Larráinzar, convenue entre l'EZLN et le gouvernement fédéral, qui sont la base pour la mise en place d'une nouvelle relation entre l'Etat mexicain et les peuples autochtones de notre pays. Respecter les Accords de San Andrés est la seule chose qui peut commencer à démonter les raisons de 40 mille cœurs zapatistes qui ont manifesté de façon disciplinée, hissant haut les causes qui affectent et aggravent les indigènes mexicains et de larges segments de la société mexicaine.

À toute personne ayant le désir de connaître plus :es.scribd.com/doc/80284016/Derechos-Indigenas-a-18-anos-del-Levantamiento-Zapatista.

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