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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 10:53

Hakim Laâlam est un chroniqueur quotidien du Soir d'Algérie à la plume chargée de mémoire. JPD

 

 

"C'est ça la démocratie par Hakim Laâlam

Victoire écrasante du FN en France. Alger exprime son inquiétude face au danger imminent d’une…

vague de harraga français sur ses côtes !

Drame ! Séisme ! Big-bang ! Catastrophe ! Vague bleue ! Nous avons eu droit à tous les «superlatifs» pour qualifier la victoire du Front National français aux européennes. Pourtant, dans les faits, le FN n’est pas encore réellement le premier parti de France, contrairement à ce que certains ont déjà écrit. Pourtant, surtout, le FN ne semble pas en mesure de réunir la condition de sièges dans 7 pays de l’Union pour pouvoir prétendre former un groupe et peser réellement. Pourtant, malgré tous ces pourtant, j’ai été frappé par le degré d’«atterrement» de ténors classiques de la politique française sur les plateaux télé immédiatement après l’annonce de la victoire de Marine Le Pen. Mélenchon qui pleure. Valls qui balbutie. Copé qui en perd son bronzage aux UV. Fabius qui se raccroche lamentablement à l’élection d’un oligarque milliardaire en Ukraine pour éviter de commenter frontalement la débâcle du PS à ces européennes. Les Verts qui ne savent plus s’il faut revenir dans le gouvernement ou se reconvertir dans la culture du compost aux abords du Larzac. Et Hollande ! Ah ! Hollande ! Il a convoqué hier matin tout son staff en lien avec les questions européennes et sécuritaires pour un comité de crise très crise ! J’ai même entendu Madame Guigou, relayée un p’tit chouia par la Rama Yade, appeler à la mise en place de comités de vigilance citoyenne. Pour un peu, et les généraux français allaient se réunir en conclave secret dans l’équivalent hexagonal de notre ENITA afin d’appeler à l’arrêt du processus électoral ! Alors que Marine n’a remporté qu’une européenne ! Mon Dieu ! Combien d’entre ceux qui pleurent aujourd’hui en France, ceux qui crient à la république en danger, ceux qui souscrivent à pleins poumons à l’érection de barricades au Trocadéro, ceux qui jurent que personne ne déboulonnera la statue de Marianne pour la remplacer par celle de Jeanne d’Arc, combien d’entre tous ceux-là, tous ces amis français, nous avaient fait sévère et musclé reproche d’avoir barré le chemin au FIS en 1991 ? Combien ? Et pourtant, chez nous, le FIS avait «remporté» par la fraude et la terreur une élection capitale qui lui ouvrait directement les portes du Palais et de toutes les institutions vitales de la RADP. Combien d’amis socialistes, mais aussi d’amis centristes et de droite – hacha les communistes ! — nous avaient fermement recommandé de respecter le «choix populaire», de nous coucher face à la gangrène verte ? Beaucoup ! Et aujourd’hui, sans jouissance particulière, mais avec juste ce qu’il faut de mémoire respectueuse de ceux parmi nous assassinés par l’intégrisme et les courants totalitaires, nous recommandons sobrement, amicalement et gentiment à nos amis «françaouis» de s’en remettre à la loi des urnes, d’accepter la république Bleu Marine et de mesurer enfin ce que fut grandiose le geste de haute responsabilité assumé par Nezzar et ses compagnons ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. H. L.

 

 

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 21:15

boutef.jpg

Kamel Daoud
☻ Le bien portant imaginaire:

L'évènement du jour ? C'est l'évènement d'avant-hier. Une image vaut mille mots mais ici, face à un Medelci onctueux au Conseil constitutionnel, Bouteflika en a dit 37. Ou plus. Ou moins. Dans lestrois phrases, deux étaient proches du langage, une était à la frontière du SMS. On a compris en gros, que Bouteflika avait le son, qu'il était vivant et conscient, mais assis. Et cela est déjà surréaliste: on est l'unique pays au monde où l'argument d'un candidat n'est pas un programme mais la preuve qu'il est vivant. La seule nation qui va se contenter de 37 mots pour élire un homme. C'est la campagne électorale la plus courte du monde. 15 secondes d'effort labial et un montage d'une grossièreté qui a fait dire à un journaliste étranger au chroniqueur hier, «On dirait que le monteur avait pour but de le décrédibiliser».

Donc 37 mots, quinze secondes, cinq ans de plus et quinze ans derrière le dos.

Mais au-delà du comique ? Le grossier. L'homme est apparu, malgré ses efforts, malgré la tricherie sur les images et les compositions, malgré le sourire et malgré l'g-hystérie des chaînes TV baltaguya, comme l'homme que l'on sait tous: usé, impuissant, diminué, à bout de souffle, hagard et dépassé. Incapable donc de gouverner dans la décence et la lucidité et incapable d'avoir entre les mains un pays comme le nôtre, avec un peuple comme le nôtre et une jeunesse comme la nôtre. C'était une vraie pièce du contre-Molière: au «Malade imaginaire», on a opposé le «bien portant imaginaire» donc. Et dans la même mise en scène théâtrale.

Le but du clip ? C'était d'avoir le dernier mot dans la bataille des images. D'un côté, celle des anti-monarchie, encerclés à Alger, victimes d'arrestation, traînés par terre et embarqués parce qu'ils disent non. De l'autre, l'image qui devait faire oublier ces images: un Bouteflika heureux, souriant, en pleine forme, jeune et vif, sautillant comme autrefois et capable de redonner confiance au muscle et à l'avenir. Sauf que ce fut raté. Les images laissent l'impression du malaise même chez les tièdes. On en sort gêné, abattu. On y devine quelque chose d'indécent qui ressemble à une folie et un entêtement qui va au-delà de la bienséance. Ces images sont terribles et il faudra effacer tous les crédits ANSEJ et distribuer un million de logements sociaux par mois pour les faire oublier.

Quinze secondes de murmure donc pour preuve de vie sur Mars. Et c'est ainsi que va être notre avenir: sous forme de burlesque, du cinéma muet longtemps puis balbutiant brièvement, avant de s'éteindre au bout de la bobine. Que dire de plus ? Rien. Tout est dans l'image. Le monteur n'a pas menti. Par Kamel Daoud

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 21:07

 

Je reprends ici avec lelien en cliquant sur le nom une longue de Sifaoui. JPD

Mohamed Sifaoui

Ma lettre à MM. Bouteflika et Médiène

Messieurs,
En préambule, je tiens à préciser qu’à travers la présente lettre, j’interpelle les citoyens que vous êtes. D’où ce choix de ne pas écrire «Monsieur le président» ou «Monsieur le général». Je caresse, malgré vous, ce doux rêve qui m’amène à penser qu’en définitive, vous et moi serions des égaux, que vous et le peuple le seriez également. Malgré vous ! Par la seule force de l’écriture et le temps d’une missive.
«Messieurs», aussi, car j’espère par ailleurs qu’au-delà de vos statuts respectifs, vous continuez à vous déterminer à travers votre appartenance à ce pays qui, à l’évidence, semble passer bien après l’égotisme de l’un et le carriérisme de l’autre. Mais quoi qu’il en soit, «Messieurs», enfin, car quoi que pourraient en dire vos relais respectifs, vous êtes surtout, l’un et l’autre, illégitimes, appartenant à un système qui l’est tout autant.

Je vais me faire l’économie d’un retour en arrière et ne pas revenir ici sur l’histoire de ce pouvoir que vous incarnez depuis quinze ans pour l’un, près de vingt-cinq ans pour l’autre et que vous servez l’un et l’autre, avec d’autres, depuis plus d’un demi-siècle avec plus ou moins de réussite, puisque vous êtes arrivés, avec d’autres, à pérenniser l’illégitimité et à bafouer la démocratie. Car en vérité, la question essentielle est là : votre régime est illégitime et vous le savez. Vous n’ignorez pas que, dès 1962, l’armée des frontières, à laquelle vous avez l’un et l’autre appartenu, a confisqué illégalement le pouvoir en piétinant les principes contenus dans la Déclaration du 1er Novembre 1954, en méprisant le peuple, en l’infantilisant, en crachant sur la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie pour l’indépendance de ce pays et en instaurant un système de gouvernance qui ne cesse de provoquer le délitement de la société algérienne et qui continue d’exacerber le régionalisme, les clivages et les marginalisations. Un système qui, nous le voyons tous, a atteint aujourd’hui ses limites.
Sauf à vouloir être de mauvaise foi, il vous sera difficile de nier, en effet, que ce système de gouvernance est aujourd’hui moribond mais, pis encore, par votre inconscience, par votre entêtement contre vents et marées à vouloir maintenir un mode de fonctionnement archaïque et antidémocratique, vous avez démoralisé les Algériens, démobilisé les élites, plus grave, vous avez réuni les conditions du chaos.
Vous n’êtes pas sans savoir que mis à part vos clientèles respectives – que vous entretenez en dilapidant l’argent public et en multipliant les passe-droits – la majorité des Algériens vous rejettent et tournent le dos à ce système inique basé sur le clientélisme et la corruption, devenus ses principaux piliers.

La plupart des Algériens vous rejettent non pas en tant que personne seulement, mais surtout en tant que principaux responsables du pays et de ses malheurs. Vous avez réussi à démobiliser tous les patriotes sincères et tous ceux qui, en 1992 par exemple, ou à d’autres moments de l’histoire récente, ont mis leur vie en danger pour la sauvegarde des principes de la République et des valeurs démocratiques. Oui ! Vous avez réussi à démoraliser, y compris des militaires qui ont mis leur vie en danger face au fanatisme abject, d’anciens fonctionnaires de haut niveau, des intellectuels et des journalistes qui ont préféré l’exil à cette vie indigne que vous proposez, des médecins, des universitaires qui, par votre faute, proposent leurs talents ailleurs. Mais aussi, vous avez réussi à démoraliser tout un peuple, soumis à votre politique d’abrutissement et d’infantilisation. Il n’y a qu’à voir que le rêve de beaucoup d’Algériens, des plus jeunes aux pères de famille, consiste à obtenir un visa pour l’étranger et partir.

Ceux que vous terrorisez par votre pouvoir machiavélique et même ceux que vous avez compromis et aliénés, de gré ou de force, veulent en effet quitter l’Algérie comme pour mieux vous laisser ce pays que vous vous êtes indûment accaparé. Le premier, vous M. Bouteflika, en confondant l’Algérie avec ces monarchies que vous avez toujours admirées et le second, vous M. Mediène, en confondant un service de renseignement avec ces partis politiques monolithiques qui veulent tout contrôler, y compris la conscience des citoyens.
Au lieu d’essayer de comprendre ce peuple et ses aspirations légitimes, vous avez choisi sinon le mépris, la diabolisation. Nous serions trop idiots pour comprendre les visées qui sont les vôtres. Tels des sujets vous nous traitez. Tel un troupeau vous nous considérez. Vous seriez les bergers qui décideraient de notre avenir, de celui de nos enfants et de nos petits-enfants et nous serions les exécutants dociles. Telle est votre logique. Nous serions, selon vous, inaptes à la citoyenneté !

C’est probablement la raison pour laquelle vous n’avez jamais daigné nous expliquer les contours de vos projets politiques et sociétaux (si vous en avez) sinon par cette langue de bois incompréhensible et ces mensonges répétés, langue maternelle du système qui vous a enfantés. Et, de plus, quelle belle trouvaille que d’affirmer, à travers vos relais respectifs, que chaque interpellation citoyenne serait tantôt l’œuvre d’une «main étrangère», tantôt l’expression d’un «complot ourdi contre l’Algérie». Comme si le citoyen algérien aurait, ipso facto, besoin d’une quelconque tutelle pour réfléchir et s’exprimer. Quel mépris !

Depuis la naissance de ma conscience politique, je n’ai pas vu d’autre «complot» que celui fomenté par votre système de gouvernance contre son propre peuple. Pour preuve : c’est votre système qui a rendu l’Algérien perméable aux fanatismes ; votre système de gouvernance a banalisé la corruption ; votre système de gouvernance a exacerbé le régionalisme ; votre système de gouvernance a encouragé l’injustice et instauré les inégalités sociales ; votre système de gouvernance a tué l’école algérienne, le savoir et l’intelligence ; votre système de gouvernance a massacré la médecine et transformé les hôpitaux algériens en mouroirs ; votre système de gouvernance a poussé les Algériens vers l’exil comme si leur pays était occupé par une puissance maléfique ; votre système de gouvernance a détruit l’agriculture et empêché l’édification de tout projet économique cohérent ; votre système de gouvernance a clochardisé la société ; votre système de gouvernance a laissé des bidonvilles, la misère et la violence s’installer autour des villes. A cause de votre système de gouvernance, Alger n’est plus Alger ; Oran n’est plus Oran ; Tlemcen n’est plus Tlemcen ; Annaba n’est plus Annaba ; Ghardaïa n’est plus Ghardaïa ; Constantine n’est plus Constantine. A cause de votre système de gouvernance, l’Algérie n’est plus l’Algérie. Et les Algériens ne sont plus rien ! Ou peut-être des zombies vivant clandestinement dans des pays qui ne veulent plus d’eux, des miséreux apatrides quémandant un «asile politique» ou une «carte de résidence», voire une autre «nationalité» aux quatre coins de la planète.

Messieurs,

Les informations qui parviennent à la société sont inquiétantes. Et une anxiété légitime s’est installée. Que vous soyez de connivence ou pas importe peu. Que vous vous souteniez mutuellement ou que vous détestiez cordialement n’est pas une priorité. Que l’un soit le chef d’un clan corrompu et l’autre le patron d’un système moribond, j’en suis conscient. Mais je vous demande, car je crois que c’est une question importante qui intéresse l’opinion, oui je vous demande : savez-vous au moins vers quelle destination comptez-vous mener l’Algérie ? L’un et l’autre êtes-vous conscients qu’après avoir hypothéqué l’avenir de plusieurs générations d’Algériens, vous réunissez désormais les conditions d’une somalisation du pays ? En êtes-vous réellement conscients ?

C’est pour toutes ces raisons que je tiens à en appeler à votre conscience. Je me force à croire que vous possédez encore un sens patriotique. Je refuse de penser – même si des éléments objectifs m’y encouragent – que votre ambition à l’un et à l’autre serait de détruire l’Algérie volontairement ou par votre incapacité à prendre de la hauteur. J’en appelle à votre conscience et à la conscience de tous les Algériens pour que cesse cette mascarade.

M. Bouteflika, vous êtes devenu et à travers vous toutes les institutions algériennes, la risée de la planète. Vous savez que vous ne pouvez pas aller contre les lois de la physiologie. Vous êtes âgé et malade et ce n’est là ni une honte ni une tare. Quelle que soit votre histoire, elle est désormais derrière vous. Ne laissez pas le pouvoir corrompre votre âme au point de vous croire éternel. Pensez à tous ces Algériens. Ecoutez toutes ces voix qui vous supplient de partir dignement et tournez le dos à ces courtisans intéressés, à ces arrivistes et à ces opportunistes assoiffés de pouvoir qui vous encouragent à aller vers l’impasse. N’écoutez personne. Ni vos conseillers ni votre frère Saïd Bouteflika. Ecoutez plutôt votre cœur, si tant est qu’il puisse vibrer pour ce pays. 

M. Mediène, vous êtes à la tête des services spéciaux depuis un quart de siècle. Il serait plus juste de parler de police politique. Vous appartenez à une génération qui croit encore qu’il est possible de réaliser notre bonheur malgré notre volonté. Toujours la même infantilisation des masses. Je vous demande solennellement d’assumer vos responsabilités.
En 1999, vous aviez adoubé et fait adouber, avec d’autres, pour la plupart aujourd’hui disparus, la «candidature» de M. Bouteflika. Vous avez fermé les yeux, en 2008, sur le viol dont a été victime la Constitution. Il vous appartient de prendre votre part, dans le cadre de vos prérogatives constitutionnelles, pour mettre un terme à cette situation inacceptable.

Le pays est en danger. Et ce danger ne vient ni de Libye ni du Sahel, ni de France, ni des Etats-Unis, ni d’Israël, ni du Pakistan, ce danger émane de cette insupportable volonté qui vise à permettre, contre toutes les règles du bon sens et de la bonne gouvernance, à un homme malade et considérablement affaibli par l’âge de briguer une présidence à vie alors qu’il est incapable d’être conscient plus de trois à quatre heures par jour. Ce danger, vous le savez, vient des frères Bouteflika et de ceux qui les entourent. Vos partisans disent que vous seriez un «patriote honnête». Il est temps de le prouver. De le prouver et de partir par la suite, dignement, afin que vous puissiez profiter, vous aussi, d’une retraite certainement méritée. 

Messieurs,
Les solutions existent et les femmes algériennes n’ont pas été stériles durant les soixante dernières années. Arrêtez cette mascarade électorale. Permettez à de larges coalitions de mener une transition aux côtés de personnalités reconnues et respectées et de préparer ainsi, dans des conditions favorables, des élections réellement démocratiques. Transmettez le pouvoir au peuple qui, au regard de ce qu’il a enduré au cours des années 1990, sera capable, j’en suis convaincu, de rejeter tout projet totalitaire, nihiliste ou violent. Je n’appelle pas à l’ouverture d’une chasse aux sorcières, car, comme la majorité des Algériens, je ne souhaite ni le chaos, ni l’anarchie, ni la guerre civile.
Mais il vous appartient, à l’un et à l’autre, de montrer une réelle volonté d’éviter à l’Algérie une situation inextricable. Et arrêtez de nous faire croire, comme si nous étions des idiots, que le nom de Bouteflika serait, à lui seul, synonyme de stabilité. Au regard de la situation, il est, ainsi que le maintien de ce système de gouvernance, source d’instabilité. Incontestablement !

Et, de plus, regardez autour de vous. Ne croyez pas que votre puissance actuelle vous confère, pour l’éternité, une quelconque immunité contre la colère du peuple si celle-ci venait à s’extérioriser. Vous connaissez parfaitement la nature des Algériens, leur côté excessif, mais gardez à l’esprit que s’ils évitent, pour l’instant, d’exprimer leur ressentiment, c’est probablement parce qu’ils font preuve majoritairement d’une responsabilité et d’un sens patriotique et qu’ils refusent d’accompagner l’entêtement qui est le vôtre par une réponse destructrice. 
Par cette modeste voix qui est la mienne, je ne prétends parler au nom de personne. Mais je crois exprimer des sentiments que beaucoup de mes compatriotes peuvent partager. A travers cette lettre, j’ai voulu tout simplement marquer ma désapprobation avec les choix que vous semblez mettre sur pied l’un à côté de l’autre ou l’un face à l’autre. J’ai tenu aussi à vous dire, comme beaucoup d’Algériens, je refuse de choisir, dans cette bipolarisation, réelle ou supposée que vous avez instaurée, entre le chef d’un clan (M. Bouteflika) et le chef d’un système (M. Médiène). L’un étant le produit du système et le second étant le protecteur du clan. N’empêche, même si, dans l’absolu, je ne vous crois pas capable de faire preuve de courage politique, je prie de tout mon cœur d’avoir été excessif et injuste à votre égard. Auquel cas, montrez-moi que si votre système a, jusque-là, indûment empêché des millions d’Algériens de jouir normalement de leur pays, il n’en sera pas de même pour nos descendants.
Mohamed Sifaoui. Algérien de cœur et de descendance, journaliste de profession. El Watan
Jeudi 6 mars 2014
Mohamed Sifaoui

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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 13:23

Kamel Daoud, l'auteur du texte ci-dessous, est passé voici peu de temps à Montauban d’où deux articles sur le blog de la brochure au sujet de cet homme courageux, pays où il est bon de le rappeler il existe des journalistes très courageux. jean paul damaggio

Camus et l’algérie 1    Camus et l’algérie 2

 

Honte à toi Bouteflika ! Vous n’avez pas eu honte de nos martyrs, de votre âge, de votre maladie, de ce que vous avez fait avec ce pays, pour venir encore aujourd’hui y jouer le Hassan II et le roi des temps assis. Vous nous avez humilié, vous nous avez ôté l’espoir de la bouche pour le donner aux vôtres, vous nous avait fait vieillir avant le temps, vous nous poussez à l’exil pour nous prendre notre terre de notre cœur et vous revenez encore pour des années que vous donnez à votre royaume en les ôtant à nos enfants à venir.

Que voulez-vous ? Plus d’argent ? Plus d’or et d’agneaux ? Plus d’applaudissements ? Plus de gloire ? On vous les donnera. Donnez votre prix et on cotisera pour que vous preniez l’or et nous laissiez la terre. Pourquoi tenez-vous tant à emporter notre pays dans votre tombe ? Enterrer vivante notre nation avec vous ? Nous pousser au désespoir, l’humiliation ? Votre mascarade, vos danseurs et vos mannequins ont fait de nous la risée du monde. Là où le monde se révolte pour arracher la liberté, vous nous réduisez à l’asservissement par votre folie qui pense compenser votre manque de grandeur. Pourquoi tenez-vous tant à nous insulter et à porter l’injure à l’avenir ? Que voulez-vous que l’on achète pour que vous laissiez le soleil se lever ? Et nous sommes fatigués. Et de la fatigue des peuples naitra, toujours, la colère qui vous emportera et vous rendra l’humiliation par dix. Vous n’êtes pas le premier à rêver de l’immortalité sur le dos d’un pays et vous le payerez comme les autres qui vous ont précédé. Vous achèterez aujourd’hui les gens, les chômeurs, les patrons, les passants mais cela ne peut pas durer toujours. Vous le payerez vivant et après la mort.

Vous allez nous laissez un pays corrompu, exsangue, défait, ridicule, mort, sans don et humilié et cette humiliation on vous la rendra. C’est une promesse et un serment. Ce peuple qui, selon vous ne vous mérite pas, vous n’en méritez pas la terre. Ils vous survivra et s’éveillera et vous renverra vers le désert qui vous sied si bien. La cours des comptes sera cette fois celle de l’histoire.

Ce n’est parce que vous n’avez pas d’enfants que nous on n’en a pas. Ce n’est parce que vous n’avez pas de foyer que nous n’avons pas de pays. Ce n’est parce que vous êtes aigri que nous devons payer. Cette terre a survécu à tous ceux qui l’ont humilié et volé. Elle les a chassés et tués et traînés dans la poussière. Vous n’êtes pas le premier colon de notre malheur et ce peuple, même si aujourd’hui n’existe plus, n’est pas mort.  Vous êtes comme tous les tyrans arabes ou pas : un jour vous serez lynché. Mort, malade ou vif. Vous serez pendu, chassé, allongé sur une civière et inculpé du crime d’avoir massacré des millions d’enfants à venir. Venir aujourd’hui, avec une armée domestiquée, de danseurs de foules, des serviles et des corrompus pour se présenter comme le père du Peuple et le sauveur d’une nation est un mensonge. Vous serez bien sur élu, vous ou votre frère : vous avez avec vous l’argent, l’image, le son et la puissance que Dieu vous a enlevé du corps. Mais cela ne durera pas. Aucune infamie n’a égalé l’éternité. On attendra.

Le Quatrième mandat durera quatre jours ou quatre semaines. Au pire quatre ans. Et vous partirez. Et nous serons là.

Vous nous empêchez de voter ? Dieu votera. Par la vie et la mort.

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4 décembre 2013 3 04 /12 /décembre /2013 18:20

alger-etudiant.jpg

Quel plaisir que de trouver ce journal sur Gallica (même si j'aurais préféré y trouver Alger Républicain). Un journal qui rappelle la riche vie culturelle dans le pays. Un journal qui montre comment dès 20 ans Caus est sur tous les fronts. Critique musical, théâtral, littéraire.

Voici donc l'article du numéro dont la couverture est en image. JPD

 Alger Etudiant 25 janvier 1934

A propos du Salon des Orientalistes

Le soir — une. longue pièce humide, un feu véhément, deux fauteuils auprès. Une gouttière s'écoule monotone. Au mur, des Despiau, Dompon, Maillol, où le reflet des flammes suscite une vie sardonique. Dans un coin, une tête se dessine à peine sous des pansements humides qui la font douloureuse. Nous sommes dans l'atelier de Louis Bénisti. Personne ne parle : à quoi bon ?

De cet asile un peu chagrin, solitaire, sont parties des œuvres nourries dans le silence, jetées maintenant en pleine foule, dans un salon trop éclairé. C'est qu'un sculpteur n'expose pas aussi facilement qu'un peintre. On attend un Salon. On ne donne alors qu'un peu de soi au public pour qu'il ne le voie, point. Ces portraits de Bénisti, on les rencontre au détour de la foule. On sort de l'assistance, «.élégante et choisie » comme il se doit, et on arrive sur des visages humbles, un peu perdus, gênés par leur pureté. Ils sont très mal placés, pour certains très mal éclairés, et cela leur va très bien.

Trois envois seulement. C'est que Louis Bénisti est un des rares artistes jeunes qui aient compris qu'une œuvre doit être longtemps portée en soi. Son art est à ses débuts, ses conceptions sont presque mûres. Il a compris qu'on ne crée pas avec des interrogations et des inquiétudes, mais qu'une œuvre est une réponse. S'il aime à dire que son métier est celui de tout le monde, c'est qu'il échappe au facile préjugé de l'inspiration et sait qu'en art, rien de grand ne s'acquiert sans peine.

Et pour avoir appris de Maillol l'importance des volumes et des rapports architecturaux en sculpture, pour avoir subi avec émotion l'incisive sensibilité de Despiau, c'est cependant en lui qu'il a trouvé cette grande vérité qu'une œuvre se construit comme une poterie se façonne.

On peut voir, à ce Salon des Orientalistes, le portrait, reçu au Salon d'Automne, du peintre Clot. Le métier et la conscience scrupuleuse de Bénisti ont fait surgir de la glaise une figure un peu douloureuse, émouvante, mais qui nous séduit sans raffinement. Quelque chose manque à cet envoi, qu'on peut trouver dans les deux autres portraits, qui lui sont postérieurs. Ici, l'art est plus épuré, et c'est heureusement que se concilient inspiration et expression. Le premier, un portrait d'enfant, s'étonne au milieu du Salon. L'ironie des lèvres se dissimule, le menton s'amollit et l'impertinente correction du nez mène aux yeux, lointains, dont le regard ne voit point. Et tout cela se joint pour susciter la pureté de l'inexpérience, la seule véritable peut-être chez l'enfant. Mais c'est au troisième portrait qu'il faut s'arrêter. La matière, par endroits, semble se liquéfier, transparente, tandis qu'ailleurs la lumière dort en rond sur des surfaces plus denses. Un visage apparaît comme un pays avec ses plaines et ses monts, et sa nostalgie très particulière.

Ici, le pays est très doux, à peine mélancolique, et si discrètement. Sans doute est-ce là du classicisme s'il est vrai que ce dernier se définit un faisceau de vertus morales dont la première est la modestie.

D'une façon générale, cet art plaît par sa soucieuse retenue et son sérieux. Pour débuter, il n'en satisfait pas moins. Il n'est fatal, ni résigné. Et lorsqu'il sourit, c'est avec des lèvres de. chair. Il est médité dans le silence et se donne pour ce qu'il est : l'œuvre d'un homme. Ici la main achève ce que l'esprit commence. Ce sont là de suffisantes raisons pour que cet art puisse espérer compter. Une réserve cependant : quand l'atmosphère de la peinture me semble faite de silences et d'éclats de rire, une sculpture me paraît souvent une impérieuse affirmation. Et certains qui préfèrent la peinture, ont besoin de la sculpture. Jusqu'ici, et pour être émouvantes cependant, les affirmations de Louis Bénisti restent timides. Manque une œuvre forte qu'il peut et doit créer. Peut- être faut-il encore à son art ce tranchant, catégorique qui fait les grandes œuvres. Pour rendre une création définitive, il faut y apporter, et en dernier lieu, un peu de volontaire inintelligence. Au demeurant, la modestie peut être en certains cas un coupable renoncement: Elle n'est encore ici que la sympathique attente d'un homme qui aime son métier, pense son œuvre et dont l'art humble, patient et si souvent classique méritait d'être mieux connu.

Albert CAMUS.

L'abondance des matières nous oblige à renvoyer à notre prochain numéro une étude plus générale sur le Salon des Orientalistes.

 

 

Louis Bénisti (Wikipédia) Né dans une famille établie en Algérie depuis plusieurs générations, Louis Bénisti fait de 1914 à 1920 ses études secondaires au lycée d'Alger puis, de 1920 à 1928 est artisan en joaillerie1. En 1928 il abandonne la bijouterie et fréquente l'académie d'art d'Alfred Figueras, peintre catalan ami de Picasso et réfugié politique à Alger. Il s'y lie avec Jean de Maisonseul qui le présente à Albert Camus. Il devient l'un de ses intimes, à l'occasion d'une soirée organisée par Max-Pol Fouchet. En 1931 il se tourne vers la sculpture. Camus est le premier à commenter, en 1934, les œuvres qu'il expose et s'inspire de lui pour le personnage de Noël dans La Mort heureuse.

Louis Bénisti est en 1934 pensionnaire du gouvernement général de l'Algérie à la Casa Velasquez. En 1935 il devient enseignant en dessin au lycée de Maison Carrée. Il participe simultanément, réalisant des masques et des costumes, à la scénographie des spectacles du «Théâtre du Travail » puis du « Théâtre de l'Équipe » qu'anime Camus qui confiera plus tard à Maisonseul : « Je passe ma vie à voir des gens que je méprise ou qui m'ennuient, alors que je sais que je ne rencontrerai jamais personne comme Bénisti ».

En 1934 Louis Bénisti expose à la librairie-galerie algéroise Les Vraies Richesses d'Edmond Charlot et participe régulièrement au Salon d'automne à Paris. Il part en 1938 étudier à Paris dans diverses académies. De retour à Alger en 1941 il se marie en 1942. Il expose par la suite régulièrement à Alger, Oran (à la galerie « Colline » de Robert Martin) comme à Paris. À partir de 1943 il se consacre entièrement à la peinture. Il fait en 1947 la connaissance du poète Jean Sénac qui lui consacre la même année un article dans « Oran-Républicain ». En accord avec les proches de Camus, il fait ériger en 1961 à Tipasa une stèle à la mémoire de l'écrivain. Il participe en 1964 à l'exposition Peintres algériens présentée au musée des arts décoratifs de Paris.

Louis Bénisti enseigne le dessin dans des établissements scolaires de 1948 à sa retraite en 1972. Installé ensuite à Aix-en-Provence il continue de peindre, « sensible aux enfants jouant sur les marches des escaliers de l'HLM qu'il habite » et « retrouve les mêmes attitudes d'enfants et d'adolescents qu'il avait observées dans la Casbah d'Alger ». Il réalise alors des dessins et monotypes sur les thèmes de l'enfance et de la danse, recomposant à l'aide d'anciens dessins « une Casbah perdue, les femmes et les enfants des rues de sa jeunesse algéroise, au-delà de toute anecdote ».

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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 13:25

Gallica propose beaucoup de numéros de ce "journal républicain du matin" pour la période 1912-1942. Nous y trouvons trois référence à Albert Camus. D'abord un écho rappelant l'existence de ce journal surprenant Alger-Etudiant sur lequel je reviendrai. Ensuite on découvre Camus à la tribune d'un grand meeting en 1937 contre le racisme et l'antisémitisme et pour la défense du projet "violette" qui devait donner un petit droit de vote aux indigènes mais comme le droit de vote des femmes il n'a pas pu aboutir. J'ai ajouté un article sur le même numéro du journal, où les fascistes fidèles à eux-mêmes, prônent des droits sociaux contre le droit de vote. Et enfin un article de 1941 où Camus se retrouve un moment à Alger (en 1942 il se retrouve définitivement en France) dans le cade d'une initiative de l'organisation de la collaboration "Jeune France". Comme tout document il faut le saisir dans son contexte et ne pas tirer d'enseignements trop rapides. J-P Damaggio

 

L'Echo d'Alger 27 janvier 1934

Bibliographie : ALGER-ETUDIANT

Le moins cher des magazines nord-africains

De plus en plus nombreux sont ceux qui attendent avec impatience la parution magazine à robe violette. C'est qu'en effet "Alger-Etudiant" offre chaque quinzaine, à ses lecteurs un sommaire de plus en plus intéressant et copieux. Qu'on en juge plutôt par le numéro du 25 janvier :

« Sur un grand navire ». nouvelle du célèbre romancier José Germain;

« Mirage », nouvelle d'Evenou-Norves ;

« Impressions d'Allemagne », reportage de Jacques Belleteste ;

« Conférence et interview de Léon Daudet », par Pierre Charousset

« Situation présente », par Gaston Richier, président de l'A.G.E.A. ;

« Le plus grand poète nord-africain : Marius Scalesi ». vu par l'éminent écrivain Pierre Mille.

De plus, « Alger-Etudiant » présente dans ce numéro sa nouvelle page du cinéma : images, avec la brillante critique des films de Gaston Martin et des illustrations inédites. La page « Entr'acte » groupe les chroniques du théâtre (P. Gougenheim). Des disques (Léon Reymond), du jazz hot (Henri Rossoti) et de la musique, avec une interview du célèbre guitariste Segovia. par Jean Albertini. On lira, par ailleurs, dans les pages : « L'Université et les étudiants », « Cinq dans ton oeil ». littérature, sport universitaire et, de nombreux articles signés: Al- Camus, B. Desportès, Marcel Urbani Georges Becker, H. Cordier, etc.. etc. Ce numéro, bien qu'édité sur 16 pages au lieu de 12, est vendu au prix habituel de 0 fr. 50. La période des abonnements de propagande étant expirée, le prix de l'abonnement est porté à quinze francs « Alger-Etudiant », le journal des; jeunes et de ceux qui veulent le rester, est Incontestablement le plus moderne, le plus vivant et le moins cher des magazines nord-africains.

 

L'Echo d'Alger 24 mai 1937

Un meeting Franco-musulman contre l'antisémitisme et le racisme

Plusieurs milliers d'auditeurs, parmi lesquels un grand nombre de musulmans, ont assisté au meeting organisé hier matin, dans le hall de l'automobile par la Fédération algérienne de la L.I.C.A., en présence de M. Bernard Lecache.

Après la constitution du bureau de séance composé de MM. Pinaud, président de la Fédération d'Alger ; Sadia Lévy et Kessous, d'Oran, Fauré, de Marrakech, et Melki, de Constantine, M. Pinaud, dans une courte allocution d'ouverture, plaça la réunion sous les auspices et la mémoire de ceux qui luttent pour une plus grande fraternité humaine et évoqua les grandes ombres de Jaurès et de Severine. Puis successivement MM.Escoute, au nom du comité du Rassemblement populaire ; Dalloni, président de l'Union républicaine et socialiste ; Sarramégna, au nom du parti radical-socialiste ; Chatanay, secrétaire général du parti SF.I.O. ; Ali Boukhort, au nom du parti communiste; le professeur Wuschendorff, président de l'« Union franco-musulmane » ; Scelles-Millie, président de la Jeune République ; Benhoura, au nom du comité exécutif du congrès musulman ; Albert Camus, au nom de la Maison de la culture ; Kessous, au nom du Comité oranais du congrès musulman apportèrent leur adhésion totale de la L.I.C.A.vers un idéal de fraternité humaine, hors de tout racisme. Ce sont les mêmes sentiments qu'exprima le cheikh Taïeb EI-Okbi, au nom de l'Association des Oulema, dans un discours  que traduisit M. Benhoura. La plupart des orateurs d'ailleurs donnèrent en même temps leur adhésion à la doctrine de la L.I.C.A., leur adhésion au principe du projet Viollette. Ce fut également le thème du discours de Bernard Lecache : un acte de foi dans l'action du gouvernement de Front populaire en faveur des musulmans de l'Afrique du Nord. Il résuma ensuite la doctrine de la L.I.C.A. à cet égard en donnant lecture de la motion adoptée à l'unanimité et qui constitue tout un programme d'action sociale, économique et politique en faveur des populations indigènes. Après le vote d'une motion de solidarité envers le congrès musulman qui tenait hier ses assises à Perrégaux, présentée par M. Kessous, la réunion prit fin vers midi, après une allocution de clôture.

Le P.P.F. et la politique coloniale

Auditoire restreint, hier matin, à la réunion organisée par le P.P.F. Cinq cents personnes environ. Au premier rang se trouvait M. Rozis. maire d'Alger, entouré de quelques conseillers.

M. Bayard ouvrit la séance et fut suivi à la tribune par MM. Fossati et Arrighi.

Se plaçant sur le plan politique impérial les trois orateurs prirent comme « leitmotiv » cette phrase: « on ne doit pas mourir de faim là où flotte le drapeau français » et se déclarèrent partisans d'une action sociale neuve, susceptible de donner satisfaction aux masses indigènes. Mieux vaut pour tous les indigènes le pain, la maison et l'école, affirmèrent-ils, qu'un bulletin de vote pour une minorité.

Ils demandèrent, également en chœur que des mesures soient prises rapidement pour soulager la misère des masses indigènes. Le service d'ordre organisé alentour l'Empire n'eut pas à intervenir.

 

L'Echo d'Alger 27 novembre 1941

Tradition et Jeunesse : les Invités de « Jeune France» écoutent à Tipasa, les leçons du passé.

 

Il est des lieux où l'on mûrit, dit Barrès. Ce sont ceux qui portent l'esprit, par un particulier ébranlement, vers la rêverie, la méditation, l'approfondissement de soi, de la vie, du monde. Ce sont lieux de grâce où l'âme, délivrée soudain, se donne à ce qui la requiert.

D'où vient cette grâce? D'une harmonie, d'une certaine douceur, d'un faste intime ou d'un somptueux dépouillement, et parfois même de peu : de la courbe d'une colline, d'arbres sur le ciel, de vestiges vivants, mais d'où s'élèvent de miraculeux appels des invites auxquelles ne pas répondre serait trahir le meilleur de soi.

On sait, après une longue journée sur l'Acropole d'Athènes, ce qu'elle doit au dessin de l'Hymette. Il en va de même pour Tipasa : parmi les absinthes sauvages, les ruines s'intègrent à un paysage d'un merveilleux équilibre.

On ne peut rester insensible à l'inclinaison de ses collines vers la mer, dominées par le Chenoua triangulaire tel un fronton, aux teintes de ses pierres, parmi les lentisques, aux transparences de ses criques, aux proportions de l'ensemble.

C'est bien là qu'il fallait convier des écrivains, des poètes, des musiciens, des peintres, des sculpteurs, des architectes, des artistes et des intellectuels. Nul autre endroit n'aurait été plus digne de leurs entretiens.

On ne saurait donc trop féliciter l'Association « Jeune France» d'avoir choisi Tipasa pour cadre de ces journées d'une rare qualité, d'une grande portée, d'autant qu'elle a été la première à prendre, en Algérie, l'initiative de réunir une élite indiscutable, de mettre en contact les personnes et les œuvres, de provoquer entre les plus riches de nos esprits, une amitié dont bénéficiera la vie intellectuelle de nos trois départements.

La place nous manque pour relater dans le détail ces journées qui coïncidèrent avec le séjour parmi nous de M. Roger Leenhardt, délégué général de « Jeune France. Mieux vaut d'ailleurs en dégager les enseignements. Aussi bien furent-elles d'une très noble simplicité : c'était un signe éloquent de la primauté de l'esprit que de voir M. le recteur Hardy deviser avec un jeune intellectuel musulman, ou M. Raymond Coche chaudement disputer de la condition de l'artiste. Le ton, d'ailleurs, avait été donné par M. Louis Leschi, qui accompagna de commentaires vivants et attachants une magistrale visite aux ruines.

Et ce climat d'absolue sympathie rien ne sut mieux l'exprimer que les entretiens du dimanche où, sur la question des rapports de l'artiste avec la masse, se croisèrent tant d'avis passionnés et passionnants, tous d'une chaleur, d'une tenue, d'un intérêt tels que le seul reproche fait à ces heures d'élite fut d'être trop brèves.

La soirée du samedi prouva, s'il en était besoin, la qualité des œuvres de nos musiciens et de nos écrivains. Après que Sylvain Dhomme eût proclamé, en lisant un leader d'Armand Guibert, l'excellence de la poésie et que Mylène Arden eût interprété un poème de Patrice de la Tour du Pin, président honoraire de « Jeune France », on put entendre une très belle « Sarabande» de Frank Turner, un fragment du remarquable « Trio» de Mme Marcelle Schweitzer, de subtils « Croquis de Medéa » de Léo-Louis Barbès, deux pièces de Charles Simian d'un excellent dessin mélodique.

Des lectures firent connaître des poèmes et des textes de François BonJean, de R.-J. Clot, de Jules Roy, de Gabriel Audisio, de Max-Pol Fouchet, de Jean Grenier, d'Albert Camus, d'Edmond Brua. Puis Loudolf Child conclut cette soirée par plusieurs danses d'un style remarquable.

Mais on manquerait gravement à la pensée des animateurs si l'on omettait la part faite aux intellectuels et aux artistes musulmans. C'est ainsi que des musiciens arabes interprétèrent des chansons populaires de la région d'Alger et que M. Bencheneb présenta le poète Mohammed El Aïd. "Jeune France", en effet, veut s'employer à resserrer les liens entre les cultures musulmanes et françaises. Les journées de Tipasa prouvent cette volonté. Faire tomber les barrières entre les civilisations, il n'est peut-être pas, aujourd'hui, de tâche plus souhaitable.

Il va sans dire que le but premier de cette rencontre était de grouper autour de « Jeune France» quelques-uns des meilleurs esprits d'Algérie et leur faire connaître le programme qu'elle se propose de réaliser sur la terre africaine. Le magistral exposé de M. Roger Leenhardt, plein d'aperçus, aurait suffi, à lui seul, à convier tous les hôtes de Tipasa à des taches communes.

Comment ne pas soutenir, en effet, une telle association, qui se propose de servir les artistes en s'interdisant d'amoindrir la liberté nécessaire à leur vocation et à leurs recherches ?

La « part de Marthe», pour reprendre une expression de M.-P. Fouchet, il n'en est pas de plus exaltante que des intellectuels désintéresses la revendiquent, c'est un signe de renouveau.

Servir les arts sans les asservir, telle pourrait être la devise de « Jeune France ». Après les journées de Tipasa, si admirables de plénitude spirituelle, une chose nouvelle est née sur notre sol.

 [ parmi les trois photos illustrant l'article nous avions : M. M.-P. Fouchet, directeur de la revue « Fontaine », réfléchit à l'action que « Jeune France » va entreprendre en Algérie tandis que médite M. Roger Leenhardt, délégué général de « Jeune France »]

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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 12:16

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 Sur la photo : Premier plan : Brice Torrecillas puis en suivant : Agnès Spiquel en discussion avec une responsable de Confluences, Maïssa Bey, Franck Planeille, Kamel Daoud. Sur le mur une affiche où l'on voit Maurice Petit l'âme de Confluences.

 

Nous avons passé la journée en notre capitale pour suivre des rencontres sur Camus et l’Algérie, et les interventions sur les correspondances de Camus avec d’autres écrivains.

Ici nous n’évoquerons que le premier point déjà important en soi. Pour cause de diverses rencontres, nous connaissions les trois écrivains algériens invités et nous étions intéressés par les propos qu’ils pourraient tenir au sujet de Camus.

Nourredine Saadi a en fait été remplacé par le Toulousain Abdelmadjid Kaouah, exilé politique des années 90, poète et militant très connu à Toulouse parmi les amoureux de l’Algérie. Il a apporté une connaissance utile sur les rapports sur le sujet. Pour aujourd'hui je ne retiens que le clin d'œil aux liens entre Montauban et l'Espagne qui devraient rendre la ville attentive aux liens entre Camus et l'Espagne.

Maïssa Bey s’est un peu effacée devant la spécialiste à ses côtés, Agnès Spiquel.

Celui qui a été le plus direct, le plus significatif, celui qui a apporté ce que nous ne trouverons pas dans les livres, est celui dont nous attendions le moins : Kamel Daoud.

Né en 1972, il fait partie de la jeune génération dont la préoccupation n’est plus de savoir comment s’est déroulée la guerre d’Algérie avec la France, mais comment sortir de la crise actuelle où le « Livre tue les livres » ! « Pas question de chercher à sauver Camus, je cherche seulement à me sauver moi-même et donc mon pays d’aujourd’hui ».

Kamel Daoud a écrit un roman à partir de L’Etranger et en toute chose, il dit clairement la réalité. Il avait écrit une chronique comme il le fait tous les jours dans son Quotidien d’Oran et son éditeur l’invita à pousser le bouchon plus loin. D’où son roman qui part du constat que dans L’Etranger, l’indigène n’est nommé que par ce seul nom : L’Arabe. Et il n’en fait pas un point de fixation sur les rapports entre France et Algérie. Il fait plutôt le rapport avec Robinson Crusoë où Robinson n’est pas capable de nommer le Noir à son service qu’il désigne du nom de Vendredi. Son roman n’est pas une gifle infligée à Camus, bien au contraire. Kamel demande de rapatrier les cendres de Camus à Alger ! Une boutade ? Les consciences ont besoin de telles boutades pour avancer !

Je pense que rares sont ceux qui l’ont cru quand il révéla qu’un journaliste du Monde lui avoua : « Tu peux dénoncer Bouteflika plus que je ne peux dénoncer Sarkozy, dans mon journal ! »

Car l’Algérie est ainsi faite qu’après 1988 est née une presse libre, avec des journalistes de talent qui se battent : « Face aux abus de pouvoir, il faut dénoncer les abus d’obéissance ». Kamel n’a pas besoin de chercher à plaire ou à déplaire.

J’ai moi-même découvert cette presse phénoménale dès 1989 car Algérie Actualité arrivait alors dans un kiosque à Montauban. Et je suis heureux qu’un journaliste parmi d’autres ait pu évoluer et en arriver à dire la possible Algérie démocratique de demain. Il a été islamiste et pour se libérer de la dictature du Livre, il rappelle comment, au nom de Dieu, Camus est envoyé encore au cimetière, car le monde ne peut pas être absurde comme le dit Sisyphe, car l’individu ne peut pas être autonome comme dans la philosophie de Camus.

Sur bien des points je peux me trouver en désaccord avec Kamel Daoud mais invité à Montauban à parler de Camus, j’ai aimé sa façon de sortir de l’exégète pour rester accroché à la vie d’aujourd’hui. Bien sûr, inutile de croire que ce journaliste n’en a rien à faire de l’histoire, du passé, mais à condition de pouvoir se battre aujourd’hui, face aux adversaires d’aujourd’hui, pour sortir de la merde d’aujourd’hui.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

Pour terminer la soirée nous avons eu une lecture magistrale de Maurice Petit : L’Hôte une des six nouvelles de L’exil et le Royaume (publié en 1957) et, avec les propos de Daoud dans les oreilles, le texte de Camus prend une autre dimension. La solitude de l’instit dans le désert algérien, « héros » de la pièce, qui ne nomme jamais autrement que l’Arabe, l’homme qu’il a en face de lui, sera finalement victime d’une injustice en marche, preuve que parfois la logique ne fait pas l’histoire.

Maïssa Bey expliquera, qu’en fait, cette dénomination n’est rien d’autre que le reflet d’une époque que Camus veut rendre, et Agnès Spiquel ajoute qu'il laissait à ses amis, les écrivains algériens, le devoir d’écrire l’histoire avec l’autre point de vue. C’est bien gentil mais dans le cas de l’Hôte, l’instit plutôt attentif à son seul compagnon aurait pu lui demander son nom, même si, à l’époque l’Arabe, est si invisible qu’on l’appelle seulement l’Arabe. J-P Damaggio

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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 21:07

Nous reviendrons sur la question évoquée ici par Kamel Daoud, chroniqueur du Quotidien d'Oran qui fait là une proposition surprise. JP Damaggio

 

Kamel Daoud

Rapatrier un jour les cendres de Camus ?

Faudra-t-il un jour rapatrier les cendres d'Albert Camus ? Pour le moment, il est dit qu'il n'est pas algérien. Pourtant né en Algérie. Avec des livres éclairés par les paysages algériens, la terre d'ici, la lumière, le sel aussi et surtout. La raison est, dit-on, son choix de ne pas prendre les armes, c'est à dire de ne pas être du bon côté. Car, pour le moment, l'histoire algérienne est réduite à la mesure de l'histoire du FLN. «Avant» ou «pendant» il n'y avait rien ou que de la traitrise et de la tiédeur. Le verdict frappe de nullité la grandeur d'Albert Camus ou l'engagement profond et indépassable de Messali Hadj. Et cette histoire d'une guerre et d'un combat est dure, stricte, tranchée par la mort et la vie et ne permet pas encore de voir au-delà. Mais viendra un jour où, pour continuer à vivre, ce pays cherchera la vie plus loin, plus haut, plus profond que sa guerre. On devra alors proclamer nôtres les anciennes histoires, toutes nos histoires et s'enrichir en nous appropriant Camus aussi, l'histoire de Rome, de la chrétienté de l'Espagne, des «Arabes» et des autres qui sont venus, ont vu ou sont restés. La langue française est un patrimoine, comme les architectures des colons, leurs traces et leurs actes, crimes ou marais asséchés, génocides et places publiques. Et cela vaut pour les autres : notre empire prendra de la géographie quand il prendra la vastitude de l'histoire. Et nous seront grands et fiers lorsque nous nous approprierons tout notre passé, nous accepterons nos blessures qui nous ont été faites et ce qu'il en naquit parfois comme terribles fleurs de sel ou de pierres. Un jour donc, cela cessera, et on pensera à rapatrier les cendres de Camus car il est notre richesse d'abord, avant les autres. Il a en lui la trace de nos pas et nous avons nos traces dans ses errances et ses voyages même s'il nous tourne le dos comme on le dit. Même s'il le nie ou le fuit. C'est ainsi. L'Algérie est aussi les enfants qui l'on renié. Et on s'apaisera alors. Car il est triste de voir qu'on n'arrive pas à fêter la naissance de cet homme ni ici où il est né ni là-bas où il est mort. Il est coincé dans le terrible territoire du premier sans-papier. Illustre déchiré. Enfant indésirable et désiré. Un homme qui a posé la question au monde et dont on réduit la réponse à un extrait de naissance. Triste histoire d'un mythe. Misère des deux bords qui repoussent ou se déchirent cet enfant du mauvais couple. Quand il est mort, Ibn Rochd (Averroès pour les Autres) a été enterré au Maroc, mais c'est à Cordoue qu'on a rapatrié ses cendres. Ibn Rochd était-il «arabe» ? Espagnol ? Andalou et homme de sa quête ? Ses cendres enrichiront sa nouvelle terre mieux que sa vie n'éclaira les nôtres.

Un jour, on l'espère, Camus nous reviendra. Et Saint-Augustin, et les autres, tous les autres, toutes nos histoires, nos pierres, architectures, mausolées et croyances, vignes et palmiers, oliviers surtout. Et nous sortirons tellement vivants d'accepter nos morts et notre terre nous sera réconciliée et nous vivrons plus longtemps que le FLN et la France et la guerre et les histoires des couples. C'est une question essentielle : celui qui accepte son passé est maitre de son avenir. Les cendres de Camus nous sont essentielles malgré ce que l'on dit. Il est le lieu de la guérison car le lieu du malaise, lui comme ce pan de l'histoire qui est nous, malgré nous. Ses cendres sont notre feu. C'est ici son royaume, malgré son exil. Cet homme obsède si fort et encore que son étrange phrase pour l'étranger vaut pour lui plus que pour son personnage : hier Camus est mort, ou peut-être aujourd'hui. On ne sait plus. On doit pourtant savoir et cesser. Kamel Daoud

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23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 17:49

 

La revue Commune de 1935 publie cet article au sujet d'un roman de Montherlant qui ne sera publié qu'en 1968 ! Il s'inscrit dans un travail de Maurice Mauviel sur les rapports entre Montherlant et Camus qui ne font pas la Une des médias, aller savoir pourquoi ! JPD

 

 Par Georges Sadoul Commune 1935

"M. Henri de Montherlant a écrit il y a déjà plusieurs années un roman sur le Maroc, La Rose de Sable. Ce roman fut longtemps annoncé dans les feuilles littéraires, puis on apprit que son auteur renonçait provisoirement à sa publication, ce roman- contenant des passages qui pouvaient nuire à l'action colonisatrice de la France.

M. Henri de Montherlant vient de publier dans Marianne du 20 mars un fragment de ce roman. Il s'agit de la rencontre de deux personnages : le lieutenant Auligny, récemment arrivé au Maroc, et le médecin lieutenant Bonnel. Voici comment Bonnel pose, dans une anecdote, la question indigène :

A Rabat, venant de débarquer, j'étais à la terrasse d'un café. Soudain, cris du patron à son garçon indigène: « Saloperie ! Ah ! je te prends la main dans le tiroir-caisse!— Moi ! Fouillez-moi ! — Bien sûr, je t'ai pincé à temps. Allez, fous le camp d'ici ! — Et ma semaine ? — Ta semaine ? Tu veux que j'aille chercher un agent de police ? » Là-dessus, pugilat, des consommateurs interviennent et fourrent dehors l'Arabe en le frappant. L'Arabe parti, le patron rigole, avec un drôle d'air, les yeux baissés. Un colon était assis à une table voisine, et lui aussi il rit en dessous. Il lui demande : « Est-ce que vous avez vu cet Arabe mettre la main dans le tiroir-caisse ? — Pensez-vous! Mais c'est samedi soir. — Et alors ? — Eh bien, comme ça le patron fait l'économie d'une semaine de paye. — C'est joli ! — Eh, qu'est-ce que vous voulez, ici, c'est le Maroc ! » Combien de fois l'ai-je entendue depuis cette phrase, prononcée, ou seulement exprimée par un geste, mais dont le sens était clair : « Ici, c'est permis d'être une crapule. C'est le Maroc ! » Non, il faut dire bien haut qu'il n'y a de justice pour l'indigène que pour le gros, le vendu, l'Arabe avec ruban rouge, qu'il a gagné en trahissant ses compatriotes. Ense et aratro. Le sabre et la charrue ! Parfait. Mais n'oublions pas le fouet du planteur et le litre d'alcool. Avec ces quatre attributs, les armes parlantes de la colonie seront complètes.

Et, plus loin, le même Bonnel :

— La question indigène n'est pas une question de races ni de couleurs. Encore moins de religion, car il n'y a en Afrique du Nord qu'une religion, la musulmane ; le catholicisme, en tant que foi, peut y être négligé. (Je dis: en tant que foi, et non pas: en tant que culte). La question indigène est la question des gros et des petits. Les gros sont aussi bien indigènes que Français. Tout de suite les gros indigènes et les gros Français se reconnaissent entre eux, s'acoquinent, et s'unissent pour exploiter le prolétaire indigène. — Je n'avais jamais envisagé la question indigène sous cet aspect. — Il est le seul qui corresponde à la réalité. Et l'amélioration du sort de l'indigène se fera par le front unique du prolétariat, tant européen qu'indigène, contre les oppresseurs.

Bonnel est dans une certaine mesure pour l'auteur l'avocat du diable. Mais dans le fragment que publie M. de Montherlant, Auligny, cet officier qui a « une horreur physique de la révolution » et qui « veut qu'on améliore le sort des indigènes tellement que la révolution n'ait plus de raison d'être », est presque entièrement convaincu par les arguments de ce Bonnel.

Il faut cependant remarquer que Bonnel, après avoir réduit la question indigène à la lutte de classes, voit la solution des problèmes coloniaux dans un vague enseignement du respect dû aux indigènes... Autant qu'on puisse juger de La Rose de Sable, d'après ce court extrait, il semble que dans la mesure où M. de Montherlant est un écrivain consciencieux, soucieux des réalités, probe, il se rapproche des vues révolutionnaires. Souhaitons que cette probité lui fasse publier rapidement cette Rose de Sable, si préjudiciable qu'elle puisse être aux intérêts de l'impérialisme français, représentés au Maroc par

..Je sous-off — ou même, hélas, l'officier — qui a donné un coup de genou dans les c... d'un de ses hommes indigènes, le patron qui refuse de payer ce qu'il doit à son employé indigène, le colon qui tue à bout portant le vieil Arabe qui lui volait une figue. ..

GEORGESSADOUL.4 ème de couverture

 

Dos de couverture du livre de Mauviel paru chez L'Harmattan :

Montherlant et Camus anticolonialistes.

 Montherlant « a régné sur ma jeunesse » confiait Camus à un journaliste en 1951. Montherlant et Camus ! Le rapprochement peut surprendre, pourtant ils étaient liés par une admiration réciproque : en rapprochant leurs textes sur l’Algérie, on s’aperçoit que l’on pourrait même confondre les deux auteurs, lorsqu’ils évoquent leur solitude d’anticolonialistes précurseurs.

 L’anticolonialisme hante toute l’oeuvre de Montherlant, de ses premiers écrits sur la colonisation française au Maroc en 1927, jusqu’à son dernier roman, Un assassin est mon maître (1971).

 L’engagement d’Albert Camus est largement reconnu aujourd’hui ; il n’en a pas toujours été ainsi. L’ensemble de ses écrits, Misère en Kabylie, L’Exil et le Royaume, Le Premier Homme… manifeste la constance et la fermeté de ses convictions. Camus dénonce l’injustice, la pauvreté et le mépris dont sont victimes les Arabes et, dans son ultime ouvrage inachevé, il prend la décision d’arracher à l’oubli les muets, les bâillonnés, Algériens et Européens, sans-terre, méprisés, proscrits, exilés… La mort l’empêchera d’accomplir ce grand projet.

 L’auteur, puisant dans des archives et des ouvrages et périodiques français ou étrangers négligés, s’est efforcé de donner un nom et un visage à quelques-uns de ces muets de l’histoire dont Albert Camus disait : « Ils sont plus grands que moi ».

 La longue durée peut-elle apaiser les obsessions postcoloniales de part et d’autre de la Méditerranée ? L’auteur de cet essai, qui a longtemps vécu en Algérie, en est convaincu.

 Maurice Mauviel a été membre associé des laboratoires de psychologie interculturelle puis d’ethnologie de l’université René Descartes, et responsable de la formation des immigrés au rectorat de Paris. Il a principalement travaillé sur l’acculturation, les rapports des Français à la diversité (en privilégiant les « idéologues »), l’histoire de l’idée de culture. Il a publié au cours des dernières années des livres et des articles ayant trait à la culture refoulée de langue italienne de l’ancien comté de Nice. Son dernier ouvrage est L’histoire du concept de culture, le destin d’un mot et d’une idée

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12 novembre 2013 2 12 /11 /novembre /2013 11:54

L'ami René Merle vient de me présenter un blog algérien passionnant sur lequel vous pouvez aller en cliquant sur le titre de cet article qui reprend un texte d'El Watan.

Pas plus que je ne crois à la notion  d'"occident" je ne crois à celle de monde "arabo-musulman". Et sur ce point je rejoins la critique de Yassin Temlali. Tout comme je ne crois pas à la notion d'intellectuel. Ceci étant, quand on lit l'entretien et sa critique il est aisé de constater que la critique pêche par un sous-entendu : Boualem Sansal se rangerait du côté des pouvoirs occidentaux et contre les pays arabo-musulmans. Or son propos n'évoque pas Hollande ou Sarkozy pour les féliciter et la classe politique européenne pour l'encourager. Par contre il y a la question des médias occidentaux où Boualem Sansal est devenu en effet une figure majeure comme l'Egyptien Al Aswany mais là aussi évitons les généralisations. Il n'est pas interrogé comme s'il était le plus grand politologue de la terre mais le simple auteur d'un livre. Boualem a-t-il changé son fusil d'épaule comme dans les médias qui l'interrogent ? Il me semble normal, vu l'évolution, que les références changent et jusqu'à preuve du contraire Boualem Sansal vit encore en Algérie. N'ayant que feuilleté son essai, je ne puis aller plus loin dans le commentaire mais, si le débat pouvait se poursuivre, je pense qu'il serait bénéfique des deux côtés de la Méditerranée car j'en conviens, il y a des arguments justes dans le texte de Temlali, sauf le reproche sous-entendu, qu'on ne peut discuter, et créer même, une association avec des Israliens. JPD

 BOUALEM SANSAL ET LE « PRINTEMPS ARABE » : L’HISTOIRE D’UN DÉSAMOUR

 BOUALEM SANSAL ET LE « PRINTEMPS ARABE » : L’HISTOIRE D’UN DÉSAMOUR

samedi 9 novembre 2013 Yassin Temlali El Watan le 9 novembre 2013

"Je ne crois pas à la démocratie dans le monde arabo-musulman", a déclaré l’écrivain algérien Boualem Sansal à un hebdomadaire belge (Le Vif, 28 octobre 2013), qui l’a interrogé sur les Arabes, les musulmans et l’islamisme, entre autres sujets, comme s’il était le plus grand politologue que la Terre ait jamais porté. Et pourquoi n’y croit-il donc pas ? « (La démocratie) ne verra le jour que lorsque les intellectuels se mobiliseront massivement ou travailleront ensemble pour transformer la société et les partis politiques. » Rien que cela !

Pourtant, dans les « pays démocratiques », les intellectuels se sont rarement « mobilisés massivement » ou « travaillé ensemble pour transformer la société et les partis ». L’instauration de la démocratie n’a jamais dépendu, ou si peu, des prises de positions des intellectuels, aussi infatués soient-ils de la noblesse de leur mission au service de l’humanité. Elle a toujours été davantage le fruit de mouvements sociaux et politiques complexes et de processus économiques profonds. En plus, l’« intelligentsia » ne constitue une caste homogène qui a une responsabilité sociale collective que dans des conceptions archaïques portant la marque de temps révolus, où une poignée d’« instruits » était censée exprimer la parole muette de millions d’illettrés. Il y a des intellectuels qui vivent de leurs œuvres et d’autres qui perçoivent un salaire du gouvernement. Il y a des humanistes et des colonialistes, des démocrates et des défenseurs du despotisme et, enfin, des fougueux militants et des grands circonspects (à l’image de Boualem Sansal à l’époque où, haut fonctionnaire, il n’avait pas encore découvert que « le propre de l’intellectuel est de dépasser la crainte » s’il ne veut pas « devenir soldat » (interview, 28 octobre 2013).

 Le Printemps arabe : « vent salutaire » ou « colère spontanée » ?

Ce discours sur la vanité de la lutte pour la démocratie dans le « monde arabo-musulman » ne serait que l’expression d’une pensée désabusée et sommaire s’il n’était en flagrante contradiction avec ce que Boualem Sansal lui-même soutenait il y a peu de temps, lorsque l’exaltation du potentiel émancipateur du Printemps arabe était dans l’air du temps en France et en Europe. Ainsi, affirmait-il le 16 octobre 2011, en recevant le Prix de la Paix décerné par les libraires et les éditeurs allemands : « (Cette distinction, Ndlr) prend un relief particulier pour moi en ce moment où, dans nos pays arabes, souffle un vent salutaire, porteur de ces valeurs humanistes, toutes nées de la liberté, et donc universelles, qui fondent mon engagement. » Et d’ajouter : « Ce qui se passe (…) n’est pas seulement la chasse aux vieux dictateurs obtus et sourds (…), c’est un changement mondial qui s’amorce, une révolution copernicienne. »

 Par quel miracle ce « vent salutaire » annonçant une tempête planétaire s’est-il réduit à une « colère spontanée aussitôt récupérée par les islamistes » (Le Vif, 28 octobre 2013) ? Par la magie d’une introspection autocritique ? Non, c’est la panne des processus de changement en Egypte, en Tunisie, etc. qui a sonné l’alarme dans l’esprit « pratique », pour ainsi dire, du célébrissime auteur. « Le Printemps arabe n’est plus à la mode, laissez tomber », lui a soufflé une puissante voix intérieure. Ce n’est pas une coïncidence si cette volte-face a lieu au moment où, en France, et, plus généralement en Europe, les critiques défaitistes des soulèvements arabes se font plus audibles, propagées par les élites politiques plus soucieuses de la survie de régimes « amis » menacés que de la dignité de dizaines de millions d’être humains.

 Depuis ce changement de conjoncture régional, le « Printemps arabe qui nous (donnait) tant à rêver » (discours du 16 octobre 2011) n’est plus, pour Boualem Sansal, qu’une explosion vaine et fugace (point de vue qui, du reste, s’identifie sensiblement à celui du gouvernement algérien). Quant aux « intellectuels et artistes arabes », dont certains, assurait-il en octobre 2011, avaient « atteint des sommets » si bien que « leurs seuls noms font lever des foules », ils ne sont plus qu’une bande poltronne aux ordres d’ignobles dictateurs.

 À l’ingénue journaliste de l’hebdomadaire belge qui l’a prié d’expliquer leur « silence », il a répondu, catégorique : « Ce (…) silence a existé de tout temps (…). C’est lié à la structure même de la société arabo-musulmane, dictatoriale ou féodale. Au mieux, les intellos sont des troubadours répétant le discours officiel. » N’étaient-ils pas, il y a deux ans, « infiniment plus méritants que moi » ces vulgaires troubadours ? Si, mais les temps ont changé, comprenez-vous, foin désormais de tous ces écrivains qui ont passé de longues années de leur vie en prison, sont encore condamnés à perpétuité pour un poème, pourchassés et assassinés par les dictatures qui gouvernent leurs pays comme par les islamistes.

 Quand le romancier se bombarde politologue

La charge violente de Boualem Sansal contre ceux-là mêmes qu’il encensait il y a deux ans n’est pas le fruit d’une réflexion (auto)critique sur les limites — réelles — des soulèvements du « Printemps arabe ». Elle est le signe d’une adaptation rapide au nouveau regard porté sur ces mouvements en Europe. Et derrière les généralités ronflantes transparaît une méconnaissance abyssale du monde arabe, de ses intelligentsias et des courants qui les traversent, dont beaucoup, contrairement à ce qu’il prétend, sont démocrates et radicalement laïcs. On a du mal à qualifier autrement que de « méconnaissance » cette sentence sans attendus qui assimile à des caisses de résonance des régimes tant d’écrivains qui se sont battus pour la démocratie et les libertés (Abdelatif Laâbi, Kateb Yacine, Sonaallah Ibrahim, Latifa Al Zayyat, etc.) et à des pleutres qui « redoutent d’être excommuniés ou assassinés » tant d’autres qui ont courageusement posé le problème de la sécularisation (Mohamed Abed El Jaberi, Fatima Mernissi, Abdelmadjid Charfi, Nasr Hamed Abou Zeid, Nawal Saâdaoui, Farag Fouda, Sadek Jalal Al Adm, Hussein Mroué, etc.) et dont certains, faudrait-il le rappeler, ont été « excommuniés » et « assassinés ».

 Pas plus qu’il ne l’était dans le rôle de thuriféraire du « Printemps arabe », Boualem Sansal n’est convaincant dans celui de « dé-constructeur » de ce qui n’est plus, pour lui, qu’une une auto-intoxication des « observateurs européens » (interview, 28 octobre 2013). Il semble croire que son talent de romancier — et quelques idées reçues puisées dans des lectures « orientées » — suffisent pour comprendre le « monde arabo-musulman ».

 N’est-ce pas, d’ailleurs, une preuve de culture politique et historique approximative que de rassembler des dizaines de pays, si différents par leur histoire, leurs cultures et leurs langues, sous une telle étiquette nébuleuse ? Et penser, sans la moindre nuance, que la « structure même de la société arabo-musulmane » est « dictatoriale ou féodale » n’est-ce pas une maladroite mise au goût du jour des stéréotypes par lesquels les colonialistes justifiaient l’asservissement des peuples colonisés ? Les industrieux indonésiens, malais et autres turcs seraient stupéfaits d’apprendre de Boualem Sansal qu’ils ne constituent pas des nations à part entières, mais des hordes de serfs qui s’ignorent et que leurs pays, « étriqués (…), n’ont point accès à la modernité » (interview, 28 octobre 2013).

 Un dernier mot pour conclure. Si Boualem Sansal s’est mué, comme par enchantement, en politologue, historien et islamologue, c’est principalement grâce à la complaisance de certains médias français de grande diffusion. Sans leur étonnante indulgence, il ne se serait pas bombardé spécialiste d’une région aussi vaste que ce brumeux « monde arabo-musulman », dont il ne parle probablement aucune des langues (à part l’arabe algérien) et qu’il n’a jamais (ou presque) visité sinon pour prêcher la « paix israélo-palestinienne » depuis une ville occupée, Jérusalem.

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