Au moment de l’élection la profession de foi qui arrive dans les maisons quand la très grande majorité des électrices et des électeurs se sont déjà fait une opinion, apparait d’autant plus dérisoire qu’on a eu l’occasion d’entendre souvent les arguments défendus. Mais quarante ans après, il s’agit de documents d’histoire qui synthétisent le moment qu’elles évoquent. Ainsi, dans celle-ci, le FN n’évoque pas une fois les immigrés, la préférence nationale etc. Par contre tous les candidats sont passés en revue et hier comme aujourd’hui le FN est contre tout le monde. Pas tous cependant puisque le texte oublie René Dumont, Jean Claude Sebag, Emile Muller, Arlette Laguiller et Alain Krivine. C’est après cette élection que le nombre de parrainage d’élus passera de 100 à 500 pour réduire le nombre de candidatures, aussi en 1981 J-M Le Pen ne sera pas candidat. En 1974 le FN est totalement marginal et dix ans après il devient un poids lourd de la politique. Par quel mystère ? Nous avons tous notre petite idée que nous pouvons confronter avec son texte de 1974 quand Marine avait 5 ans ! Jean-Paul Damaggio
Election à la Présidence de la REPUBLIQUE 5 mai 1974
Jean-Marie LE PEN
CANDIDAT DE SALUT PUBLIC
PRESIDENT DU FRONT NATIONAL
Jean-Marie LE PEN, candidat de Salut Public, soutenu par la Droite sociale, populaire et nationale
Françaises et Français
L'important, c'est la France. En me présentant à vos suffrages, je mesure toute la gravité du débat national majeur qui s'ouvre devant vous. Je suis convaincu qu'il doit permettre de créer le grand courant national et populaire capable de faire face à une crise nationale et internationale qui motive l'inquiétude grandissante de notre peuple.
Cette crise, dans notre pays, trouve ses origines dans la décadence morale et civique qui mine notre société beaucoup plus que dans des circonstances économiques certes graves, mais que la France serait capable de surmonter si elle était gouvernée dans le sens de l'intérêt national.
SEIZE ANS DE RESPONSABILITE
La majorité au pouvoir porte depuis seize ans la responsabilité du destin de la patrie. Elle a disposé des moyens de gouvernement les plus puissants, la durée, la stabilité, l'autorité, l'adhésion d'une opinion leurrée par l'apparence.
Malgré ces possibilités, exceptionnelles en France depuis un siècle, la Cinquième République a été incapable de répondre au vœu des majorités qui l'ont plébiscitée depuis 1958. Les hommes qui l'ont dirigée n'ont eu d'autre objectif que de survivre à n'importe quel prix, se laissant aller dans tous les domaines à la pire des démagogies. Soutenus fidèlement par des majorités de droite, ils ont poursuivi une politique de gauche, favorable au collectivisme social, à l'étatisme économique, au communisme international.
Ces hommes doivent être dénoncés.
LES CANDIDATS DE LA MAJORITE
M. Jacques CHABAN-DELMAS nous promet une nouvelle société... Héraut des barons du régime, il oublie seulement qu'il porte depuis l'origine de la Ve République — et singulièrement pendant les années où il a dirigé la France en qualité de Premier Ministre — la lourde responsabilité des erreurs et des fautes qui pèsent sur la nation.
C'est à lui, notamment, qu'il faut attribuer l'intrusion dans les affaires publiques des fédérations syndicales politisées dont la dictature pèse ouvertement sur la vie nationale. Homme de la majorité, issu de la gauche radicale-socialiste, complaisant à l'égard de tous les désordres, de toutes les subversions, de toutes les surenchères démagogiques, rien ne le qualifie pour assumer le ressaisissement nécessaire.
M. Valéry GISCARD D'ESTAING se prétend libéral et ose dénoncer les dangers d'un système « bureaucratique » qu'il met lui-même en place depuis des années en qualité d'inamovible ministre des Finances. La fiscalité écrasante et inquisitoriale, c'est lui ; la toute-puissance du capitalisme anonyme, c'est lui ; l'écrasement des classes moyennes, producteurs, cadres, commerçants, artisans, cultivateurs, c'est lui ; le règne absolu des technocrates insensibles, c'est lui. Ploutocrate démagogue, il s'est attaché à concilier les intérêts financiers et l'étatisation d'une économie implacablement dirigée vers le collectivisme.
M. Jean ROYER, fidèle soutien de la majorité et ministre des gouvernements Messmer, se pare des meilleurs sentiments et des plus saines idées... Son combat est bien tardif. Que ne l'a t-il engagé contre les auteurs et les complices des maux qu'il dénonce aujourd'hui ?
Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard d'Estaing, Jean Royer, trois hommes du régime, trois hommes de la majorité qui essaient, une fois de plus, de capter la confiance des braves gens de France.
FRANÇOIS MITTERRAND
Quant à François MITTERRAND, son passé répond de son avenir. Serviteur du maréchal Pétain, titulaire de la francisque officielle, anticommuniste farouche aux débuts de sa carrière électorale, il est devenu le porte-clefs de la ruée marxiste en 1974.
Sans autres idées que son ambition frénétique, il a mis sa main dans celle du communiste Marchais, du cégétiste Séguy, du gauchiste Edmond Maire. Il s'attendrit sur la Liberté que ses alliés s'apprêtent à étrangler. Le sort a voulu qu'il ne soit pas du camp des hommes de la Ve République. Il était digne d'en être.
Tout cela devrait être dit : c'est fait, sans haine et sans crainte.
CRISE DE CIVILISATION ET CRISE SOCIO-ECONOMIQUE
L'agression économique dont les pays industrialisés viennent d'être l'objet de la part des Etats producteurs de pétrole pose de difficiles problèmes au monde libre. Elle démontre la fragilité d'un système fondé uniquement sur la recherche du profit.
En même temps que sa science et sa technologie permettaient à l'Occident un essor économique sans précédent, l'oubli des principes qui ont fondé sa prééminence l'amenait à une crise de civilisation plus redoutable que les difficultés matérielles. C'est cette crise que la France doit surmonter, bien au-delà des divergences d'intérêts et des querelles de personnes.
UN ETAT PLETHORIQUE ET IMPUISSANT
L'Etat pléthorique a perdu son autorité. La loi est bafouée. L'administration tyrannise les citoyens. Une partie du corps enseignant véhicule l'anarchie et l'inculture. Les travailleurs salariés sont caporalisés. Les travailleurs indépendants sont persécutés, malgré la prodigieuse faculté des Français de créer et d'entreprendre. Les moyens d'expression — presse, radio, édition — sont colonisés par les propagandistes de la subversion marxiste, de la pornographie aggressive, du mépris des valeurs morales et sociales traditionnelles.
Le désordre est partout dans la rue, dans l'entreprise, dans la famille, dans les esprits et dans les cœurs. L'Université et l'Eglise prêchent la révolution. Les grands intérêts capitalistes et les syndicats marxistes défient victorieusement la puissance publique. La sécurité des personnes et des biens n'est plus assurée. Le crime est à l'ordre du jour et l'escroquerie impunie monnaie courante.
CONTRE LA DÉCADENCE
Contre cette décadence dont l'opinion longtemps chloroformée commence à prendre conscience, un seul recours : la création d'une mystique de Salut public, avec des hommes nouveaux et des méthodes nouvelles.
La France doit procéder à une véritable mobilisation économique, sociale et morale.
Solidaire de ses alliés européens et occidentaux, notre pays doit d'abord trouver en lui-même les ressorts et les ressources de son redressement.
AVEC LA DROITE SOCIALE POPULAIRE ET NATIONALE
Le pouvoir actuel a fait faillite et se débat dans ses contradictions.
La coalition socialo-communiste n'apporte aux difficultés présentes que des solutions périmées et inhumaines dont l'inefficacité est démontrée quotidiennement dans les pays de l'Est européen, et partout où l'expérience en est tentée.
Depuis quinze ans l'opposition nationale maintient à l'égard du pouvoir une attitude claire, sans compromis ni compromissions. Ses vues sur les grands problèmes moraux, sociaux, économiques et politiques sont celles de la majorité du peuple français.
Le temps des habiletés et des facilités est passé. Celui de la franchise et de la rigueur est venu.
Homme de votre peuple, combattant de votre armée, je suis dans la vie un responsable, chef d'entreprise, père de famille, dirigeant politique.
Porte-parole de la Droite qui ose dire son nom, conscient de dire la vérité à mes compatriotes, je les appelle à se prononcer en faveur de ma candidature de Salut Public, celle de la sincérité, du patriotisme et du dévouement à l'intérêt général.
Jean-Marie LE PEN
ORIENTATIONS POLITIQUESET SOCIALES ESSENTIELLES
Ramener l'Etat à ses fonctions normales : technocratie et bureaucratie sont les deux mamelles de la Ve République : elles épuisent le pays où sont dès maintenant créées les conditions du socialisme. L'Etat doit réduire son train de vie, dénationaliser ce qui peut l'être, diminuer les effectifs pléthoriques du secteur public et semi-public. Ainsi, l'Etat pourra remplir ses fonctions normales : assurer l'ordre, la justice, l'obéissance aux lois et la défense du pays.
Imposer à tous le respect de la loi : l'autorité de l'Etat ne cesse de dépérir, face à la puissance exorbitante des féodalités. Des féodaux privilégiés — grands intérêts capitalistes, syndicalisme marxiste, parti communiste, gangs politico-économiques — conduisent la France à l'anarchie, au désordre, à la guerre civile. Le rétablissement de l’égalité devant la loi est la condition première du Salut Public.
Rétablir l'ordre, la sécurité et les valeurs morales : notre société est mortellement menacée par la subversion ouverte ou sournoise des mouvements révolutionnaires, par le développement de la criminalité, par la mise en cause des hiérarchies naturelles, par le déferlement de la pornographie et de l'immoralité. Les gouvernements de la Ve République se sont révélés impuissants à protéger les Français contre ces périls.
Restaurer les libertés fondamentales : ligotés par les contraintes de l'étatisme, les citoyens se voient progressivement privés de leurs libertés individuelles, familiales, communales, économiques, culturelles. La tyrannie bureaucratique, et notamment l'inquisition fiscale, conduisent les Français à l'esclavage.
Réglementer le droit de grève : il est inadmissible que l'Etat, responsable du bien commun, abdique devant des syndicats politisés qui perturbent la vie administrative et économique de la nation, au mépris de l'existence quotidienne de la population. La Constitution prévoit la règlementation du droit de grève, en particulier en ce qui concerne les services publics. Cette règlementation doit être, stricte et comporter l'interdiction des grèves catégorielles qui permettent à une minorité manipulée de paralyser une entreprise ou une profession.
Dépolitiser l'enseignement et reconstruire l'Université à tous les degrés : la « réforme » Edgar Faure, votée à l'unanimité par un Parlement sans courage, a anéanti les structures de l'enseignement public. La politique n'a sa place ni à l'école, ni au lycée, ni à la Faculté. Le corps enseignant a le devoir de respecter la neutralité philosophique et politique, fondement de la laïcité authentique. L'Université, à tous les degrés, a pour mission de former les jeunes Français au respect des règles sociales, au goût du travail, au sens du devoir.
Défendre la cellule familiale : il n'est pas de société libre et stable si la famille n'en assure la continuité. L'Etat a le devoir d'aider matériellement et moralement ceux et celles qui ont accepté les lourdes charges familiales. Dans l'immédiat, le criminel projet de loi en faveur de l'avortement doit être combattu et ses initiateurs — les membres du gouvernement encore en fonction — dénoncés sans faiblesse.
Garantir le droit à la vie des victimes de la crise économique : la hausse des prix et l'inflation frappent d'abord les familles modestes, les personnes âgées, les retraités, les rentiers. L'indexation automatique et rigoureuse des ressources des catégories défavorisées est une mesure de justice sociale élémentaire et urgente.
Assurer la paix et l'indépendance nationale par la fidélité à nos alliances européennes et atlantiques : la France, dans le monde actuel, est étroitement solidaire des nations libres. Face à l'impérialisme soviétique qui n'a pas renoncé à ses desseins de domination politique et idéologique, l'indépendance de notre pays est liée à celle de l'Europe et de l'Occident.
Réformer la Constitution : les institutions de la Ve République sont équivoques, à mi-chemin entre le régime présidentiel et le régime parlementaire au risque de mener le pays à des crises politiques insolubles. Le Président de la République, élu au suffrage universel, ainsi qu'un vice- président, assumerait clairement le pouvoir exécutif à la tête du gouvernement, l'équilibre étant assuré par une Assemblée nationale dotée de réelles possibilités de contrôle et élue à la représentation proportionnelle et par une Cour suprême, gardienne de la Légalité et arbitre sans appel.
Jean-Marie LE PEN est d'origine bretonne. Il a 45 ans et est marié à une landaise, Pierrette Lalanne. Ils ont 3 petites filles de 14, 10 et 5 ans, Marte- Caroline, Yann et Marine. Il est Pupille de la Nation. Son père, patron-pêcheur étant mort pour la France, c'est sa mère, couturière, qui l'a élevé. Il a fait ses études comme boursier au Collège St-François Xavier de Vannes et au lycée de Lorient Il est Président d'Honneur de l’Association des Etudiants en Droit de Paris et diplômé d'Etudes Supérieures de Sciences Politiques. Editeur de disques culturels, il a reçu le Grand Prix du disque.
Il a servi comme officier au 1er Régiment Etranger de Parachutistes en Indochine et en Algérie. Il est titulaire de la Croix de la Valeur Militaire.
Elu le plus jeune député de France à l'âge de 27 ans en 1956, il a été réélu en 1958. Il a été rapporteur du budget de l'armée. Il est Président du Front .National.