270 pages, format A5, 20 euros
Le livre de Jean-Pierre Frutos
Ce livre, comme l’indique le sous-titre est un journal écrit presque au jour le jour qui évoque surtout sa vie professionnelle avec quelques clins d’œil à l’actualité. Le risque du journal c’est de se perdre dans un détail que le temps va effacer. L’avantage c’est la spontanéité de ce temps arrêté.
Jean-Pierre Frutos a accepté de jouer le jeu de la sincérité et même si, comme chacun le sait, on ne peut pas tout écrire, le portrait qu’il nous trace de la vie scolaire dans son école est d’une grande importance.
Je viens d’apprendre que dans la cantine de mon petit-fils la surveillance vient d’être assurée par un policier municipal. Je n’en suis pas étonné en lisant le livre de Jean-Pierre. Les autorités laissent pourrir les situations et quand il est trop tard on fait appel à la police dont la peur de l’uniforme ne jouera qu’un temps.
Il me semble qu’à travers la question de l’école il serait tant, pour chercher des solutions, de faire face aux évolutions qui vont de l’effet télévision, à l’effet crise sociale, de l’effet angoisses personnelles à l’effet angoisses générales.
Voici ma postface au livre :
Jean-Pierre Frutos a déjà travaillé tant de formes d’écriture qu’il sait parfaitement que même un « journal » c’est une part de fiction. Pourtant, si l’école qu’il nous présente est surtout la sienne (dans le même contexte j’aurais écrit un tout autre livre), elle nous dit plus que son face à face personnel avec le métier d’enseigner.
Son témoignage sortant des sentiers battus, des propos convenus, des dogmes en place à droite ou à gauche, a une valeur générale, humaine, exceptionnelle même.
Fait de sincérité, il oscille entre une école rêvée et une école réelle, et la distance est de plus en plus immense de la coupe aux lèvres.
Mon métier d’instit m’a conduit dans des dizaines et des dizaines d’écoles, me révélant chaque fois davantage, que l’école « centralisée » française, n’est qu’un mythe commode. Dans cette diversité qui tient à la vie de chacun (enfants, école, village etc.), attention aux classifications sociologiques entre école rurale et école urbaine, entre école en milieu difficile et école de quartier plus riche. Dans une maternelle de Montauban, depuis des décennies, quand les enfants sont au bac à sable (y sont-ils encore ?) ils passent du sable, et c’est du « fin-doux ». Le terme passe, des uns aux autres et ça constitue une tradition.
J’ai beaucoup aimé un instit, Jean Pralong qui avait une classe de CM1-CM2, car ainsi, à la rentrée de septembre, il n’avait pas besoin d’expliquer aux nouveaux sa façon de travailler, les élèves de l’année d’avant s’en chargeant au quotidien. Pour dire qu’une école c’est une histoire authentique… mais, à lire ce journal, j’ai l’impression que j’arrive sur une autre planète.
Et sur cette planète, l’école est le meilleur des sismographes pour comprendre le monde, surtout que le journal n’est pas « scolaire » mais mêle (inévitablement pour tout enseignant ayant à cœur son métier) vie sociale, locale, nationale et même internationale. Si l’école primaire marque le récit de son empreinte, à chaque page nous sentons poindre une société portée par la douleur, en quête de solutions, et partant parfois à la dérive. Que le ministre lise ce livre et peut-être, saisi par la modestie, conviendra-t-il qu’il est temps de quitter les grandes déclarations…
Pour corser l’aventure, il a fallu que l’école soit proche d’une tuerie sans nom, qui a marqué l’actualité nationale. Cette proximité avec une caserne fait le quotidien des enseignants de cette école construite autrefois en école annexe de l’Ecole normale, mais là un beau matin, ce fut l’exceptionnel. Alors la vie dans tout ça…
Pour calmer l’émotion du lecteur, il y a, dans le texte, des pauses, avec le temps des évaluations - autrefois on disait, compositions - mais l’emprise étasunienne est là aussi telle, que le projet d’école vient effacer l’école comme projet social. Jean-Paul Damaggio