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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 21:07

Je présente Raoul Verfeuil le 18 mai, il serait tant que je me penche sur le sujet donc voici un poème de plus du jeune lycéen avant qu’il ne devienne potier à Paris. Après le poème en l’honneur du peuple déjà publié sur le blog, voici une ballade en l’honneur des gueux. JPD

 

BALLADE EN L'HONNEUR DES GUEUX

 

Ils s'en vont, les gueux, par le froid,

La neige et le vent, sur les routes ;

Ils cheminent, sans feu ni toit,

Magnifiques dans leur déroute.

Ils vont, sous la céleste voûte,

En partageant, eux, miséreux,

Leur nourriture, quelques croûtes :

C'est qu'ils sont généreux, les gueux !

 

Ils n'ont pas de maîtres, sans quoi,

Dans la vie, ils ne verraient goutte ;

Ils n'ont ni dieu, ni foi, ni loi :

La liberté, coûte que coûte !

Déesse Bonté, qu'on écoute,

Les pousse à devenir des preux,

Ils se sacrifient. C'est, sans doute,

Qu'ils sont tous des braves, les gueux !

 

Les Bastilles pleines d'effroi

Ils courent les détruire toutes ;

Ils ne veulent plus d'aucun roi ;

Ils vont à l'assaut des redoutes;

Enfin leur troupe au bonheur goûte ;

Ils vainquent ; ils sont radieux,

Et le sang des tyrans s'égoutte :

C'est qu'ils sont justiciers, les gueux !

Prince ! si leur masse, qui broute,

Humiliée, un pain hideux,

Hors des palais enfin te boute :

C’est qu’ils sont sublimes les gueux.

1906

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 16:16

 Il n’y a pas de nouvelle de Cladel plus autobiographique que celle-ci. Saint Carnus de l’Ursinade n’est autre que le village de Lunel où son père est enterré. Cette nouvelle a été publiée par la Brochure, dès 2007, dans le recueil : Emotions autobiographiques. JPD.

 

     Geignant sur son essieu, le char à bancs mis à ma disposition par un bibliophile de Moissac roulait tant bien que mal le long de la grande route poudreuse autrefois sillonnée en tous sens par les messageries et les malles-poste, à peu près déserte aujourd'hui que les trains circulent sur les lignes de chemins de fer du sud-ouest, et mes yeux examinaient, tantôt à gauche, tantôt a droite, les vieux saules évidés qui bordent cette chaussée recouvrant une ancienne voie romaine ; ils n'avaient presque pas changé, ces arbres séculaires qu'enfant encore j'avais connus et que je retrouvais aussi verts, aussi frais, aussi jeunes qu'au temps passé, moi quasi vieillard déjà.

- Saint-Carnus ! s'écria tout à coup le condisciple qui m'accompagnait ; Saint-Carnus de l'Ursinade !

Aussitôt, je descendis de la carriole qui s'était arrêtée ; un terrien entre deux âges assis sur un tas de graviers en face de l'église du hameau me reconnut en dépit de ma figure trop ravagée par les ans et, s'étant levé, m'accosta :

- Qu'il y a de jours, monsieur, qu'on ne vous avait vu par ici ! Vous y êtes venu sans doute à l'occasion des fêtes de Cahors et de Montauban ?

- Non, oh ! certes non ! Elles m'importent peu ; mais, naguère, là-bas, à Paris, j'éprouvai le besoin de saluer quelqu'un qui reste à deux pas de nous en ce coin, et me voici !

- Rien de plus naturel, exclama le paysan, qui cherchait en vain à me comprendre ; on part, on revient, on s'en retourne, et quand on est las de voyager, on finit par rentrer là d'où l'on est sorti ; c’est clair, pardienne ! on conçoit aisément tout ça.

Je lui serrai rapidement les mains et me dirigeai vers un clos raboteux, sorte de friche dont les ronces et les herbes moutonnaient pêle-mêle, agitées par la brise, au-dessus d'une foule de tertres de cinq à six pieds de long sur trois de large environ.

- Ne cours pas si vite ; il y a des fondrières !...

Sourd à la voix de mon ami, je marchai droit au grillage de fer rouillé qui défendait l’asile où dormait celui qui pendant sa vie n'avait pas goûté de repos. Envahie par les chardons et les orties, cette armature disparaissait presque entièrement sous des broussailles, et c'est à peine si parmi cette végétation parasitaire je parvins à découvrir une parcelle de ce sol glabre et rouge où quelques semaines avant notre éternelle séparation Montauban-Tu-Ne-Le-Sauras-Pas m'avait dit en le frappant de son bâton de houx : « Si tu n'obtiens pas l'autorisation de m'enterrer au milieu de notre prairie, entre les deux amandiers que j'y plantai, tu t'arrangeras pour qu'on me mette là ! ... Belle exposition au Midi ! chaque matin, à son lever, le soleil m'y frappera d'aplomb et ses rais m'y réchaufferont les os. » Il gisait à la place qu'il s'était choisie et de laquelle il ne sera point exhumé, ce sévère Compagnon du Devoir, car respectueux de sa suprême volonté, je ne prendrai jamais sur moi de réunir ses cendres à celles de ma mère et de ceux de mes enfants qui sommeillent avec elle sur les cimes du Père Lachaise, au fond du même tombeau. Debout et chapeau bas devant la fosse où se consume ce brave qui mourut sans peur et sans reproches, si je ne murmurai pas en ce lieu des prières quelconques, ni ne m'agenouillai point sur la terre en implorant le ciel non plus sensible qu'elle-même, au moins je laissai mon cœur saigner à son gré...

1806 - 1869

Et m'abîmant en je ne sais quelle obscure et cruelle rêverie, je parcourus de mes doigts ces deux dates presque invisibles dans le métal oxydé, marquant l’une le commencement et l'autre la fin de l’homme qui m'avait créé.

- Lui, soupirai-je à bout de forces et comme hypnotisé par le cher fantôme enfin apparu, c’est lui-même !

On m'entraîna. Je remontai sur-le-champ en voiture en priant le cocher de me conduire au-delà du coteau qui nous barrait l'horizon.

- A la Lande ?

- Oui !

Dix minutes ne s'étaient pas écoulées que nous avions atteint le sommet d’une pente très déclive, d'où mes prunelles ravies contemplèrent un panorama qui m'avait été familier ; et les battements irréguliers de mes artères répondirent bientôt au rythmique tic-tac de ce riant moulin où j'avais savouré de si douces heures entre mes proches. Enseveli sous des bouleaux et des charmes, il était toujours là, paisible, à califourchon sur les eaux candides du bief, où se réfléchissait tout l'azur, et juste au milieu de ce cirque de verdure où s'ajustent, d'une part, après avoir franchi le Tarn et l'Aveyron conjugués, les plaines fécondes du Languedoc, et s'échelonnent, de l'autre, les mamelons ligneux du Quercy, scindés par de profondes gorges au-delà desquelles se déroulent des perspectives sans fin. Ayant mis pied à terre et foulé le pont du Lemboux, je m'engageai dans cette étroite et longue allée domestique jadis les gars de Saint-Bartholomée Porte Glaive et de Saint-Guillaume le Tambourineur étaient venus m'offrir un bouquet de fleurs artificielles, composé de tulipes bleues d'outre-mer, de lis sang de bœuf et d'épis de sarrasin tricolores. Sous le rouvre qui trône à l'autre bord du ru, béait la grotte où le hasard m'avait souvent rendu témoin des amours primitives d'Inot et de Janille, aujourd'hui mariés et bien portants aussi, «grâces a Dieu ! ». Je considérais en marchant l'arbre et la crypte, lorsqu'une pastoure bise et chenue qui filait sa quenouille en paissant une truie et des biques, m'arrêta :

- Qu'y a-t-il pour votre service et qui demandez-vous ici ?

Cette brutale apostrophe me souffleta. Quel dur rappel à la réalité ! Je n'étais plus chez moi ; des étrangers possédaient le toit les miens et moi, côte à côte, nous avions vécu.

- La permission, répliqua mon ami, de visiter cette demeure ?

- Hé bien, suivez-moi tous les deux, dit après quelques minutes d'hésitation la méfiante gardienne, et, s'il vous plait, n'abîmez rien !

Nous nous introduisîmes silencieux, et comme en un sanctuaire, sous le hangar de la bâtisse les huis clos des étables étaient encore estampillés à l'encre de Chine des équerres et des compas symboliques de Maître Jacques, que le précédent propriétaire avait tant honoré. Dès que nous eûmes parcouru le rez-de-chaussée de l'usine les meules ronflaient en vironnant entourées d'un nuage tourbillonnant de farine, nous montâmes au premier étage, dans les quatre petites pièces duquel s'était usée la vie de ma laborieuse et solitaire famille. Attiré d'abord vers la chambre carrée, à l’un des angles de laquelle je couchais en une sorte de niche séparée par un paravent qui touchait au plafond de l'alcôve de ma mère, car la simple et digne femme ne voyant encore en moi, malgré la farouche barbe d’ermite dont ma figure était déjà couverte à vingt ans, que le marmot qu'elle avait conçu, nourri, torché, ne permettait pas, tant que je séjournais auprès d'elle, que je fusse un instant hors de la portée de ses mains secourables, j'en poussai la porte entrebâillée avec une émotion extraordinaire et qui s'accrut au point de me paralyser les jambes au moment où j'y pénétrai.

- Regardez, criai-je hors de moi, regardez ça !

- Quoi donc ?

- Ce blé, ce blé ! ...

Fille et sœur de campagnards presque indigents, épouse d'un maigre ouvrier de ville, elle avait toujours eu, la noble créature qui me berça dans son giron, ainsi qu'eux-mêmes et comme tous ceux qui gagnent leur pain à la sueur de leur front, une vénération instinctive pour cet aliment, à peu près le seul des humbles de sa race, et tremblait sans cesse d’en manquer.

Aussi, m'en souvient-il, avec quelle ferveur exhalait-elle chaque soir avant de se dévêtir ces paroles latines du PATER : Hodie da nobis panem quotidianum ! Et maintenant à l'endroit même je l'avais si souvent vue prier avec tant d'ardeur et de pitié Celui qu'elle tenait pour le souverain Arbitre et le Dispensateur universel «de lui fournir la pâture ainsi qu'il le fait aux petits oiseaux », s'élevait un monceau de grains assez abondant pour subvenir aux besoins de toute une tribu pendant au moins une année ; et moi, grison, non moins émerveillé qu'attendri, les orteils rivés au carreau, je ne savais que répéter encore et toujours encore le premier mot que, bambin, emmailloté de langes, j'avais balbutié :

- Maman ! oh ! maman !

Apres m'avoir arraché tout vibrant de ce parquet où mes talons s'étaient soudés, on essaya de m'emmener dehors ; mais, avant de descendre, je voulus revoir aussi la mansarde en laquelle le patron, tout hâlé, fruste comme un Romain et sobre comme un Spartiate, déjeunait seul d'une gousse d’ail et d'une fouace arrosées de quelques gouttes de piquette, en interrogeant par une lucarne le soleil qui se mirait dans les ondes soyeuses et limpides du ruisseau frôlant les plantains de ses deux berges inégales, et se délassait, ne dormant jamais que d'un œil, entre des draps écrus, sur un méchant châlit en fonte où, voici déjà, quinze ans, il s'éteignit entre mes bras, un soir d'automne, à la tombée de la nuit.

- Tâche d'ouvrir, toi, si cela t’est possible, dis-je étrangement intimidé sur le seuil du réduit, à mon camarade, que mes saintes angoisses avaient tout remué, je ne puis, moi !

J'entendis grincer un loquet, et sitôt après un grand bruit d’ailes... Enigmatique et magique spectacle dont je fus confondu ! Dans ce misérable galetas que l'agonie du chef de la maison avait splendifié, nuls meubles à présent, pas un : ni la table en bois blanc où jadis il s'asseyait pour «tuer le ver », ni le coffre vermoulu chargé de ferrures où soigneusement il serrait ses registres et son numéraire, ni ce trophée à nul autre pareil et formé de plusieurs cannes enrubannées de compagnonnage et d'armes : sabres, fusils et piques de mes aïeux, ceux-ci soldats de la République et de l'Empire, ceux-là révolutionnaires ainsi que leur successeur, ouvriers ambulants comme lui ; ni le grabat au chevet duquel je l'avais veillé pendant que son âme se déracinait de sa chair ; mais il y avait là plus de cent pigeons, et de toutes les espèces : des communs, des pattus, des huppés ; des ramiers, des colombes et des tourterelles qui s'abattaient sur moi, me couvrant le corps de pied en cap. Or, dès son berceau, le rude plébéien qui m'engendra s’était montré tendre à ces volatiles, et depuis ma première enfance, il en avait toujours eu. Ç’avait été son unique faiblesse ; il se la reprochait parfois en se traitant de sacré nigaud. Du froment, ici, chez celle qui n'avait guère songé qu'à s'en prémunir ; et chez celui qui ne s'était jamais apitoyé sur la condition des animaux, une foule de ceux-là seuls qu'il eût jamais choyés ! Et tandis que, me dévorant de caresses, ils m'étreignaient tous de leurs ailes et me baisaient de leurs becs, il me sembla que j'étais enveloppé de mystères et je frissonnais, en butte à je ne sais quelles transes religieuses, ébloui par ces vertigineuses métempsycoses ; enfin, ma poitrine, grosse de larmes, creva : je sanglotai.

- Qu'est-ce ? questionna la rustaude qui nous surveillait, il pleure, votre ami, pourquoi ?

- Chut, taisez-vous, ne bougez point, murmura mon compagnon de route ; son père mourut là.

- Té, celui-ci, s'écria-t-elle en me désignant, est donc le fils de cet ancien qui labourait autrefois les entours du trictrac, un monsieur devenu paysan, coiffé d'un chapeau de citadin et vêtu d'un frac à queue d'hirondelle, avec un tablier de basane autour des flancs ?

- Oui, répliquai-je en mon trouble persistant, et je suis un laboureur aussi, moi...

Puis, soutenu, comme poussé par des mains invisibles, je passai dans une salle voisine assez spacieuse, nous dînions tous ensemble autrefois, et là, c’estqu'aux lueurs parcimonieuses d'une lampette à pétrole, tandis qu'à la veillée, maman, noire comme une taupe, me tricotait des bas ou me ravaudait du linge, et que papa, roux comme les blés, se rappelant son vieux métier de bourrelier, raccommodait la barde de quelque mule ou la trézègue d'un joug à bœufs, moi, moi, leur fruit unique et bicolore, j'écrivis avec l'enthousiasme de la jeunesse et certaine confiance en moi que tous mes revers n'ont pas abattue ni même ébranlée, cette tragi-comédie : La Fête votive, et cette églogue : Le Bouscassié.

- Miens, chers miens, ô pauvres âmes, adieu ! ...

Les feux du couchant rasaient les myrtes d'alentour ; à ce moment une buandière qui fredonnait en s'accompagnant de son battoir, enfla sa voix qui retentit sous les fenêtres :

Sur la terre, en l’air et dans l'eau

Rien ne meurt, tout se renouvelle ;

Que mon amant devienne oiseau,

Je me muerai vite en oiselle ;

Et, si je renais plante ou fleur,

Moucheron, il boira mon cœur

De rose

Blanche ou rose,

Lui, lui,

M’ami !

 

Vieil orphelin en deuil je m’en allai, l'esprit hanté de radieuses images mystiques où, parmi tout un essaim de très belles petites têtes brunes, châtaines et blondes, semblables à celles si chères à mon cœur de père, revivaient, transfigurés, ceux que j'aime encore et toujours d'un amour filial.

Avril 1884 .Léon Cladel

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 13:45

II. SONNETS D'AMOUR

 

Comme tous les poètes, Cladel devait écrire des vers d'amour. Il en a écrit de forts beaux, qui mériteraient de figurer dans une anthologie. Sacrifiant d'abord au goût baudelairien, il a exalté la passion de l'homme fier d'aimer une femme déchue, malgré sa déchéance et malgré le mépris de cette foule, pour laquelle Baudelaire avait un aristocratique dédain. C'est bien dans la note baudelairienne que le sonnet suivant a été conçu.

LUI ET ELLE

A mon ami Paul Arène.

 

Plus vous la combattez, plus ma tendresse augmente;

Certes, vous avez beau me dire son passé,

Me répéter, méchants! que sa gorge est charmante,

Qu'on y trouve un satin que vos doigts ont froisse

 

Je reste où mon amour tranquille s'alimente;

Son corps impérial, vous l'avez encensé.

Mais qui donc, parmi vous, a fait d'elle une amante,

Et battre à l'unisson son cœur toujours glacé ?

 

Arrivé le dernier et bien tard dans sa vie,

Après avoir beaucoup aimé, beaucoup pleuré,

Sans crainte, sans efforts, muet, je l'ai suivie.

 

J'aime, comme un enfant, son sein déshonoré

Dites, si vous voulez, qu'elle est très belle, nue

Je vous répondrai « Moi seul, je l'ai connue! »

(Éclair, 29 décembre 1867.)

Plus tard, dans une note plus calme et dans une forme classique, Cladel écrivit des vers harmonieusement rythmées, pour lesquels sa plume de puissant ouvrier des lettres se fit délicate et tendre. N'est-ce pas sur un air tendrement musical que se déroule le poème suivant ?

 

L'AMIE

Tu peux subir l'injure des hivers

Et devenir aussi blanche que neige

Ta bonne bouche où je puisai mes vers

N'oubliera pas notre amoureux manège 1

 

Allons revoir - veux-tu ?- les buissons verts

Où j'accrochai ta robe de barège,

J'avais alors l'esprit tout de travers;

J'étais naïf et j'étais sacrilège.

 

Des fleurs d'antan s'il ne nous reste rien,

Les arbres, va, nous reconnaîtront bien

A nos baisers toujours pleins de jeunesse

 

Et moi, vieillard, qui n'ai point de bon sens,

Je chanterai dans l'herbe et dans l'encens

Les cheveux gris et doux de ma maîtresse.

(1868. Paru dans la Lauzeto (L’Alouette), 2° année 1878.)

 

Savourez maintenant ce médaillon. Cladel en l'écrivant se souvint qu'il avait des qualités de peintre et celle pour qui il fut écrit ne dut pas être médiocrement fière de l'avoir inspiré !

 

MEDAILLON

Brune, d'aspect oriental,

Elle tient haut et droit son buste;

Son œil si doux semble fatal

Et, gracieuse, elle est robuste.

 

Elle frémit comme un arbuste

L'air barbare et sacerdotal,

Elle est gentille, elle est auguste;

La voix sonne comme un métal.

 

Elle a des calmes léthargiques

Et des hérissements tragiques,

Sa lèvre veut, son geste dit.

 

Pareille aux femmes de la Bible,

Elle est la sœur belle et terrible

D'Hériodade et de Judith.

(Inédit.)

 

III Poèmes héroïques

 

Enfin, Cladel fut un ardent démocrate, qui sut traduire ses croyances politiques, non seulement dans son œuvre de prose, mais aussi dans ses vers. Les Montagnards nous l'ont prouvé. A la même inspiration se rattachent les deux pièces suivantes Garibaldi à ses Vélites et Stances héroïques.

 

GARIBALDI A SES VÉLITES

Impatient du joug et secouant le bât,

Toujours au feu, toujours au fort de la bataille,

Exaspéré, frappant d'estoc et de taille,

J'ai combattu trente ans et plus le bon combat.

 

« Amis, le clairon chante, amis, le tambour bat! »

On se ceignait les reins, on grandissait sa taille,

On offrait en riant sa poitrine à l'entaille

Du fer; on courait sus aux hommes de rabat.

 

A ces grands souvenirs où j'ai l'âme occupée,

Ma main cherche à mon flanc la garde d'une épée,

Et je vois l'étendard rouge sous le ciel bleu.

 

Hélas mon bras vaincu, parce que vieux, infirme

N'appuierait plus, enfants, ce que ma bouche affirme,

C'est à vous de brandir notre drapeau de feu.

(Le Gaulois, 3 décembre 1868.)

 

STANCES HÉROIQUES

1

Le sang coule à bouillons de ton flanc maternel,

Patrie 1 et tes enfants, frappés au cœur, expirent-

O jours d'angoisse, ô jours de deuil ! Deuil éternel !

Que d'hommes ne sont plus, que de femmes soupirent;

Un Tudesque, un Teuton écrase les Gaulois,

Et veut, roi féodal, asservir à ses lois

Ceux en qui de Danton vibrent les fortes fibres

Et dont tel est le vceu mourir ou vivre libres !

 

II

Jeunes et vieux, ils sont debout à tes remparts,

Sainte cité, tes fils indignés et farouches :

Les cœurs, à l'unisson, battent de toutes parts,

Le même cri pieux monte à toutes les bouches :

« Mère Patrie, ô France ! ô pays insulté !

Nous jurons de mourir, tous, pour la liberté ;

Viennent le roi Guillaume et son Bismarck oblique

Ce cri les recevra : Vive la République ! »

 

III

Liberté ! Liberté ! Dans ton Paris fumant.

Au-dessus de ses murs rougis du sang des braves,

Ouvre ton aile immense et montre à l'Allemand

Ton front sublime et pur, Méduse des esclaves ;

Inspire à l'étranger la haine des tyrans,

Et nous, ton peuple aimé, nous, les Français mourants,

Nous saluerons en toi, d'un long cri d'espérance

Ton règne, ô liberté, ton grand triomphe, ô France !

1870. (Inédit.)

 

Moi qui chante les bois, les prés,

Dans ma rugueuse et rouge prose

Où marchent les désespérés

Au regard farouche et morose.

 

C'est ainsi que Cladel définit son talent de prosateur dans un sonnet sur le tombeau de Théophile Gautier. La plume capable de nous donner cette rugueuse et rouge prose » si merveilleuse de coloris et de puissance est la même qui a su nous donner maints sonnets tendres et délicats.

Léon Cladel fut donc un délicieux poète, un poète curieux par la diversité de son talent mais il est bien certain que ses plus beaux poèmes sont encore ses poèmes en prose le Bouscassié ou cet Ompdrailles qui s'ouvre «comme un palais glorieux de son portail de marbre[i]  » sur une page du vieil Homère. Ed. Campagnac.



[i] Georges Normandy

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 13:42

Je voudrais donner quatre exemples vécus, d’un phénomène qui me paraît indispensable à appréhender pour réfléchir aux rapports que l’opinion publique française entretient avec son extrême-droite (ce qui ne signifie pas que nos frontières soient le seul espace de la dite réflexion).

 

Alexis Carrel cet inconnu ?

« Le Front national entama, avec les années 90, une campagne destinée à faire apparaître ce médecin français collaborateur Alexis Carrel, Prix Nobel en 1912 pour ses travaux de technique chirurgicale, et auteur en 1935 d’un manifeste en faveur de la solution eugéniste des problèmes sociaux, L’Homme, cet inconnu, comme un penseur digne de figurer au panthéon des savants humanistes en tant que « père de l’écologie » » écrira Patrick Tort en 1998 dans le Monde diplomatique.

L’article d’alors faisait suite au livre publié en 1992 les Editions Syllepse pour riposter au FN. J’avais croisé Patrick Tort une première fois quand il s’associa avec Henri Lefebvre pour publier en 1986 : Luckas 1955, Etre marxiste aujourd’hui. Quant à Lucien Bonnafé, l’autre auteur du livre, j’ai longtemps participé aux échanges épistolaires qu’il avait avec beaucoup d’amis. Voici le long titre du livre : L'Homme cet inconnu ? Alexis Carrel, Jean-Marie Le Pen et les Chambres à gaz. Après sa publication une vingtaine de villes ont débaptisé des rues Carrel.

J’ai eu du mal à saisir tout l’enjeu de cette riposte. Malgré ma passion pour l’histoire, ce retour sur le passé ne me paraissait pas urgent. Patrick Tort a continué ce combat, devenant un des plus grands défenseurs de Darwin, cet Anglais étant lui aussi embarqué dans une voie à contre-sens. La riposte contre le FN n’avait pas à être une riposte circonstancielle, et j’ai fini par admettre que les trous noirs de nos mémoires n’étaient pas innocents.

 

Henry Dorgères, cet inconnu ?

Seulement en 1996, le livre de l’Etasunien, Robert O. Paxton, Le temps des chemises vertes, Révoltes paysannes et fascisme rural 1929-1939, me permit de comprendre un autre volet de l’extrême-droite française. Cet élément était généralement renvoyé à un atavisme paysan, or je savais très bien que les paysans français, suivant les régions, avaient de tout temps participé à des révoltes sociales ancrées à gauche. Pourquoi et comment entre 1929 et 1939 le dorgérisme a-t-il pu s’implanter ? Dorgères lui-même était-il un paysan ? A lire cet ouvrage non seulement le phénomène s’éclaire, mais en même temps, on saisit les non-dits qui l’entourent. Difficile de percevoir l’évolution de Doriot, Déat et Bergery (traités par Philippe Burrin dans La dérive fasciste en 1986, puis édition de poche en 2003) mais le dernier chapitre du livre de Paxton nous projette à la fois dans cet univers global des années 1930, et dans une actualité faite pourtant d’une France presque sans paysan !

 

René Bousquet cet inconnu ?

A Montauban est né René Bouquet qui sortit de l’ombre grâce au travail minutieux de Pascale Froment (René Bousquet, Stock, 1994), après qu’on ait découvert le personnage aux côtés de François Mitterrand. Avec des amis nous avons décidé d’inviter à Montauban l’écrivaine, pour un débat public, aussi nous avons été confronté à cette réaction : « A quoi bon remuer cette histoire ancienne ? » Le passé de René Bousquet venait de le rattraper suite aux recherches d’une femme qui n’était pas exactement une historienne. Et sans faire d’amalgames ridicules entre les années 1930 et 1990, l’histoire de l’extrême-droite nous a semblé alors tenir à un fil solide. René Bousquet n’était pas un fasciste d’avant guerre, mais un radical ordinaire. Il a peut-être regardé alors avec scepticisme le virage du PCF décidant d’honorer Jeanne d’Arc ! Imaginez une telle opération de la gauche d’aujourd’hui : aussitôt, que de cris nous entendrions pour dire qu’il ne faut pas chasser sur les terres du FN ! A cette époque là, en juillet 1936, un socialiste qui deviendra un notable du département (Louis Delmas), publia un article virulent contre le PCF coupable d’honorer le drapeau tricolore et la Marseillaise : « Notre « Internationale » et notre drapeau rouge s’opposent, irréductiblement aux symboles de la bourgeoisie. »

René Bousquet est l’image même d’une extrême-droite se fondant dans les habits de la république d’où la surprise des millions de Français quand ils découvrirent le terrorisme de l’O.A.S. Le livre de Pascale Froment m’a définitivement marqué et je n’hésite pas à promener les amis visiteurs, jusque sur la tombe de Bousquet située à six kilomètres de chez moi. L’homme fut enterré avec les honneurs après avoir été assassiné par un malade.

 

Henry Lapauze (1967-1925) cet inconnu ?

A Montauban, le Musée Ingres, a bénéficié de beaucoup de dons d’Henry Lapauze défenseur par ailleurs du peintre (par exemple l’énorme grille d’entrée). Malgré un nom de rue, il reste plutôt un inconnu en ville. Cette situation contrastant fortement avec la notoriété de Dominique Ingres, j’ai voulu en savoir un peu plus, d’autant que j’avais croisé dès 1890 Henry Lapauze parmi les membres de l’extrême-gauche aux côtés de l’écrivain montalbanais Léon Cladel. J’ai publié le livre d’articles : « Ecrits sur l’art et sur la vie » aux Editions la Brochure, en 2007, où je reprenais des textes de son journal national et important « La Renaissance ». Ce fut un fiasco. L’homme est resté dans l’ombre où il était, pour avoir fini sa vie en publiant… de multiples éloges de Mussolini et Primo de Rivera. Dans un écrit intitulé les fascistes il indique le 4 novembre 1922 : « Les fascistes ont été les Mille du temps présent, et leur chemise noire évoque le souvenir de la chemise rouge des Garibaldiens qui firent l’unité d la Patrie. » Et il précise à l’attention des Français : « Prenons-y garde : si nous méconnaissons le rôle décisif des fascistes, le pourquoi de leur action déterminant la force active qui les anime, et la haute noblesse patriotique de leur foi ardente, nous risquerions de creuse, entre l’Italie de 1922 et la France d’aujourd’hui, un fossé profond. »

Vu ce que les fascistes sont devenus ensuite, Henry Lapauze s’est changé en fantôme. Suffit-il d’oublier pour apprendre ?

 

Conclusion

La gauche française n’a pas été la dernière à mettre un mouchoir sur les réalités de l’extrême-droite. L’invasion de la France par l’Allemagne a permis de parler de « collaborateurs » quand parfois les collaborateurs devançaient les désirs de l’occupant. Les collaborateurs ne sont pas nés en 1940 et ils n’ont pas été neutralisés en 1945. Cette tradition profonde de l’extrême-droite française qui, c’est vrai, a su s’alimenter de l’histoire italienne (voir la flamme) ou de celle d’Espagne, semble pourtant rompue aujourd’hui, car elle n’occupe plus les rues depuis les années 90, elle se montre peu, elle reste fondue dans le paysage. Les médias ne sont pas une caisse de résonance comme on le croit parfois : quand ils ne disent rien ou presque, entre 2002 et 2007, ils font malheureusement oublier le danger, et quand ils en parlent trop, ils ne feraient que le grossir. Ils ne sont pas la caisse de résonance en montrant l’invisible, par contre leur fonctionnement global (malgré les talents d’esprits courageux) est en résonance avec une démocratie qui traîne avec elle des plaies où nous devons remuer le couteau. Pour moi, ce n’est pas le score du FN qui me fait mal, mais l’arthrose de nos démocraties et c’est à ça que le front populaire s’est attaqué en 1935, non par des pleurs, mais par des reconstructions de l’histoire. Le terme « front populaire » a été lancé par Doumergue sous cette forme : « Front populaire contre les métèques et les salopards en casquettes » et au moment de la campagne des municipales, salle Bullier, en 1935, Thorez a répliqué : « La droite fasciste sort le mot : Front populaire contre les métèques et les salopards en casquettes. Nous, communistes, nous lançons le thème du Front Populaire du pain, de la paix et de la liberté. » Se battre pied à pied, ça suppose des remises en question…

2-05-2011 Jean-Paul Damaggio

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 13:40

LÉON CLADEL, Poète1[i]

 

Nos lecteurs ont pu apprécier les qualités de facture dont Cladel a su faire preuve dans son poème « Les Montagnards». Pour la plupart des lettrés pourtant, Cladel n'est qu'un prosateur, un puissant prosateur sans doute, mais non un écrivain en vers ; pour quelques-uns son bagage poétique se réduit à « Mon Ane », le magnifique sonnet où se retrouve son âme débordante d'amour et de pitié pour les bêtes.

Maurice Bouchor me disait récemment dans quel religieux silence Cladel était écouté, vers 1880, dans les réunions littéraires de l'époque, lorsque de sa voix harmonieuse de méridional, dominant l'assemblée de sa belle figure de Christ, il récitait

 

MON ANE

Il avait sur l'échine une croix pour blason

Poussif, galeux, arqué, chauve et la dent pourrie,

Squelette, on le traînait, hélas! à la voirie,

Je l'achetai cent sous; il loge en ma maison.

 

Sa langue avec amour épile ma prairie

Et son œil réfléchit les arbres, le gazon,

La broussaille et les feux sanglants de l'horizon

Sa croupe maintenant n'est plus endolorie.

 

A mon approche, il a des rires d'ouragans,

Il chante, il danse, il dit des mots extravagants

Et me tend ses naseaux imprégnés de lavande.

 

Mon âne, sois tranquille, erre et dors, mange et bois,

Et vis joyeux parmi mes prés, parmi mes bois;

Va, je te comblerai d'honneurs et de provende.

 

Moulin de la Lande en Quercy (avril 1865).

(Parnasse contemporain, 3e série 1876.)

 

Certes, la pièce est belle, mais Cladel n'est pas l'auteur de ce seul petit chef-d'œuvre. Il a ciselé bien d'autres joyaux et son nom brille dans les recueils du Parnasse Contemporain à côté de ces noms illustres Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme, Catulle Mendès, José-Maria de Hérédia, Léon Dierx.

Lié avec Louis-Xavier de Ricard, il fréquentait en effet le groupe réuni autour de l'éditeur Lemerre. Est-ce à dire qu'il faut le ranger parmi les Parnassiens ? – Si l'école parnassienne est avant tout celle de la beauté plastique et de l'impersonnalité poussée jusqu'à l'indifférence, l'épithète de Parnassien ne lui convient guère. A vrai dire, ce fut un poète, un poète original, qu'il est bien difficile de classer dans une école. Son talent est joliment nuancé, son vers, qui revêt ici le manteau classique, est là nerveusement coupé comme celui d'un symboliste. Toujours pénétré de sentiment, il déborde souvent de passion.

Pour permettre au lecteur de juger de la diversité de son talent, je vais citer quelques pièces poétiques de Léon Cladel. Quelques-unes sont rigoureusement inédites. Les autres ont paru, il y a très longtemps, dans des revues comme le Boulevard, la Jeune France, la Lauzeto, (l'Alouette), et sont fort peu connues.

 

 

I. POÈMES IMPIES

C'est surtout de 1858 à 1862 que Cladel écrivit ses vers (plus tard, il se consacrera à son œuvre de prose) et c'est précisément à cette époque qu'il recevait des leçons de style de Charles Baudelaire, ce magicien ès lettres, comme il se plaisait à l'appeler.

Aussi ne faut-il pas s'étonner, s'il a rimé quelquefois sur les thèmes familiers à son maître. Comme son maître, il a chanté les hommes, qui dans leur ardent désir de connaître veulent

Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?

Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

 

C'est surtout dans son beau poème des Carriers, qu'il a magnifié le défi de l'homme à la Divinité. Il serait trop long de publier ici cette pièce de 300 vers inédits, écrite en 1862 et dédiée à Jean Richepin, l'auteur des Blasphèmes, qui en possède le manuscrit ; mais nous pouvons citer trois sonnets inspirés par la même idée de révolte.

Lisez, voici de nouveaux Titans, qui veulent escalader le ciel :

L'ÉCHAFAUDAGE

Dôme ou tour, quel est donc l'éternel monument

Qu'ils veulent ériger, tous ces nains périssables?

Le front de leur machine atteint le firmament;

Elle pousse ses pieds au plus profond des sables.

 

Immense elle projette impétueusement

Ses bras, ses mains, ses doigts, ses nerfs inextricables

Elle a je ne sais quoi d'étrange, d'alarmant,

On n'ose interroger ces vis, ces pieux, ces câbles.

 

Cent mille, un million, un milliard suspendus,

Au grand échafaudage, ils montent éperdus.

L'un d'eux au ras du ciel « Des clous, des ais, des toiles,

 

Deux poutres, compagnons, et nous sommes rendus 1 »

« Ni bois, ni fer! » Alors, mordant ses poings tordus

Encore un peu, dit-il, nous touchions aux étoiles! »

(Paru dans le Boulevard, du 9 novembre 1862.)

Voici, par contraste, les hommes qui veulent sonder les mystères du sein de la terre.

LE PUITS

A J. Barbev d'Aurevilly.

Ténèbres. La nuit pleure. Il s'élève des ombres

Du gouffre un bruit qui porte au coeur; désespéré

Clapotement de mains fouillant des fanges sombres

Le puits sanglote; un homme y parle « Je vaincrai !

 

J'ai sondé l'insondable, enfin. Enfin – Mes nombres

Sont exacts, mon calcul, cette fois, bien tiré. »

Tout à coup retentit un choc de lourds décombres

On n'entend plus la voix en l'abîme foré.

 

Au ciel morne la Lune apparaît en tunique

De lumière et projette un regard ironique

Au fond du puits où meurt ce cri prodigieux

 

« Trois fois maudit soit Dieu! Je voyais le mystère

Des profondeurs; j'étais aux boyaux de la terre,

Ma lampe s'est éteinte. Allumez-vous, mes yeux! »

(Inédit.)

 

Mais triomphe! Si les hommes n'ont pu escalader le ciel ; s'ils n'ont pu sonder les mystères du sein de la terre, ils se sont du moins rendus maîtres des airs et c'est dans une vision prophétique que Cladel nous dit le rêve d'Icare réalisé, qu'il nous dépeint « l'Hippogriffe invincible », c'est-à-dire l'avion ou plutôt le dirigeable, sur lequel les humains pourront prendre « le ciel pour cible ».

 

 

LE MONSTRE

 

II arrive, il regarde, il fume, il crache, il passe,

II est passé le grand monstre admirable, issu

De l'homme, il est passé, l'avez-vous aperçu

Mordant le mors, hurlant la faim, mangeant l'espace?

 

Où va-t-il où va-t-il avec sa carapace

De fer, ses yeux de sang, le feu qu'il a reçu

De Prométhée? Il hurle, il tonne, il est rapace

Et veut dévorer Dieu qui ne l'a pas conçu.

 

Il le dévorera, vous verrez! Et la nue

S'ouvrant avec horreur à la bête inconnue,

Aura les flancs troués par ses sabots d'airain.

 

Il vole, il monte, il est son propre souverain,

L'hippogriffe acharné, l'hippogriffe invincible

Il vient de terre, il monte, il a le ciel pour cible.

(Paru dans la Jeune France.)

 

Ainsi Cladel nous montre l'homme victorieux dans sa révolte, tandis que Baudelaire, après avoir blasphémé, se met à genoux et s'écrie :

Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance.

 

Dans cette différence d'attitude éclate l'antagonisme de deux tempéraments, que la passion du beau devait pourtant lier l'un à l'autre d'une étroite amitié. (à suivre)



[i] 1. Voir la Nouvelle Revue du 15 novembre et 1er décembre 1919 pour deux autres articles que je vais reprendre sur le blog

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 21:07

Voici la fin de l'inédit de Cladel : lire les commentaires de Campagnac dans un autre article. JPD

 

ROBESPIERRE, SAINT-JUST, DANTON

DANTON

Que de la liberté fleurisse le grand arbre !

SAINT-JUST

Cette chaleur t'honore.

DANTON

Eh ! bien, l’homme de marbre,

Ressens-la comme moi ; sois-en purifié ;

Montre que tu n'as point un cœur pétrifié

SAINT-JUST

Tout homme qui médite avec peine s'enflamme.

Ton cœur bouillonne, et moi, je commande à mon âme.

DANTON

De ta froide vertu je crains l'inaction.

SAINT-JUST

Moi, ta mobilité, ta chaude passion.

DANTON

Je suis homme et je vibre ainsi que tous les hommes.

SAINT-JUST

On doit être impassible, étant ce que nous sommes.

DANTON

Impassible est Saint-Just, il est pareil aux dieux.

SAINT-JUST

Prends-garde, fier Danton, d'être trop radieux !

De ta flamme, ébloui, tu courras aux ténèbres.

DANTON

Ceci ressemble fort aux oraisons funèbres.

Prépares-tu la mienne ?

SAINT-JUST

Il se peut.

DANTON

Pauvre enfant !

SAINT-JUST

Ta voix a beau sonner ainsi qu'un olifant,

Elle se brise et meurt devant ce cœur de pierre.

DANTON

Allons, c'est le combat. En garde, Robespierre !

Car il est sûr de toi pour parler de ce ton

A l'exterminateur.

ROBESPIERRE

Apaise-toi, Danton.

DANTON

Si je donnais carrière à toute ma violence,

Saint-Just, déjà, serait anéanti.

ROBESPIERRE

Silence.

DANTON

Ne force point Danton à devenir hideux.

SAINT-JUST

Tu l'es !

DANTON

Représentants, écoutez-moi tous deux.

…………………………………………………

DANTON

Écoute………………………………………….

…………………………………………………….

…………………………………………………….

Et tous les rois courbés sous le peuple géant,

Danton pourra mourir et rentrer au néant.

……………………………………………………………………………

Saint-Just, ton vœu suprême, on doit l'entendre ici.

SAINT-JUST

Je n'ai qu'un mot à dire, et ce mot le voici

J'aimais la liberté, je la fis telle qu'elle;

La République expire et je meurs avec elle.

Dans l'avenir, un jour, nos fils nous jugeront;

Ce que les montagnards étaient, ils le diront.

Léon CLADEL.

 

Cette entrevue de Robespierre, Saint-Just, Danton, imaginée par Cladel, ne repose sur aucun récit historique; mais, par contre, des récits contradictoires, il est vrai ont été donnés d'une entrevue qui aurait eu lieu, vers la fin de ventôse an II, entre Robespierre et Danton. « Leur éloignement », écrit Louis Blanc, « était devenu tellement marqué que leurs amis communs en prirent alarme. Sur l'initiative de Daubigny, adjoint au ministère de la Guerre, on songea à les rapprocher, et Humbert, chef du bureau des fonds des relations étrangères, les invita l'un et l'autre à un diner où se trouvèrent, indépendamment de Daubigny, Panis, Legendre, le ministre Deforgues et Boursier, administrateur des subsistances militaires.(1)»

Edmond Campagnac.

1. LouisBLANC Histoire de la Révolution française,t. II, p. 458.

 

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 20:57

Voici en deux épisodes un inédit de Cladel qui publié par Edmond Campagnac dans la Nouvelle Revue en 1919. A suivre. JPD

 

ROBESPIERRE

Mais, à mes questions ils se sont toujours tu.

Nulle réponse. Eh! bien, Saint-Just, qu'en penses-tu?

SAINT-JUST

La République est pure, et qui la calomnie

Est allié du trône et de la tyrannie.

Ils ont dit, trahissant l'inflexible équité,

Que Robespierre était traître à la liberté.

Ce qu'ils ont dit de moi, permets-moi de le taire,

Maximilien, tu sais quel est mon caractère.

Occupé seulement des maux de la patrie,

Mes cruels ennemis sont ceux qui l'ont flétrie

Ou ceux qui l'ont voulu flétrir en t'insultant.

Ah! ceux-là, quels qu'ils soient, esclaves en démence,

Ou ci-devant impurs, pour eux, nulle clémence;

Qu'ils soient jugés, punis et frappés sans remord ;

Qui touche à l'œil du peuple a mérité la mort.

Guerre à l'aristocrate et vive Robespierre,

Tant qu'il opposera, ferme comme la pierre,

Un cœur impitoyable aux vœux des conjurés!

La République veut des hommes assurés.

…………………………………………………………………

Pour la servir, et nous, ses humbles serviteurs,

Soyons dignes du peuple, étant les dictateurs

Que le peuple a nommés, dans sa haute colère,

Pour que chacun ici reçoive le salaire

Qu'a mérité son crime ou valu sa vertu.

Malheur à nous, jamais, si le cœur abattu,

………………………………………………………………

Lâches, nous hésitons à faire ce qu'il faut.

C'est dresser de nos mains notre propre échafaud.

Robespierre, mourons, si nous ne savons vivre.

La nation est là, toute prête à nous suivre,

Si nous la dirigeons selon ses beaux instincts,

Ou bien, prête à punir ses guides incertains,

Si, marchant au hasard, craintifs, d'un pas oblique,

Ils laissent en leurs mains sombrer la République.

Ce que pense Saint-Just et ce qu'il pressent là,

Saint-Just l'a dit sans peur, Robespierre. Voilà.

ROBESPIERRE

Je m'attendais, Saint-Just, à tes fières paroles.

Elles te font honneur. Accomplissons nos rôles.

Notre sang appartient tout à la nation,

On m'entendra le dire à la Convention,

Et, par elle approuvés en ce que tu décides,

Robespierre et Saint-Just, toujours tyrannicides,

Sur les têtes des rois porteront le niveau.

Le peuple qui gouverne est un peuple nouveau;

Lui seul est souverain, lui seul arbitre et maître;

A ses décrets, on doit fléchir et se soumettre,

Et quiconque se croit au-dessus de sa loi

Sera par nous traité comme Capet, le roi.

Paris est aujourd'hui ce que jadis fut Rome;

Il a pour l'univers écrit les Droits de l'Homme,

Et ces droits-là, tyrans, il faut y obéir.

Incapable de vaincre, essayez de trahir,

Essayez de porter ici tous vos esclaves

Le peuple est! un volcan, et brûle de ses laves

Qui, d'une main profane attente aux libertés.

Persécuteurs, venez voir vos persécutés

Leur éducation est faite, ils vous connaissent;

Où l'esclave naissait, des hommes libres naissent.

…. tous vos soldats, vos bandits mercenaires

D'un vrai peuple entendront retentir les tonnerres

Votre vil ramassis d'Allemands, d'Autrichiens

Saura si les Français sont encore des chiens

Que l'on peut à son gré mener à là baguette.

Tyrans, chacun ici vous abhorre et vous guette.

Arrivez, apportant et la guerre el le deuil

Un égout de Paris sera votre cercueil.

Vous propagez ici la discorde intestine

Ce crime à Louis Capet valut la guillotine.

Ah ! malheur à qui louche à ces droits éternels

Que nous avons conquis, nous, Conventionnels.

……………………………………………

SAINT-JUST

Les tyrans sont vaincus et malgré l'Angleterre,

Malgré Pitt et Cobourg obligés à se taire.

Je crains peu les muets, je crains les orateurs.

Ceux que j'entendis hier nous traiter d'imposteurs.

ROBESPIERRE

Imposteurs, nous, qui donc a dit cette infamie ?

Qui donc a pu tromper ma justice endormie ?

SAINT-JUST

Robespierre, on t'attend ce soir aux Jacobins,

Viens-y. Je veillerai. J'ai des gardes urbains.

ROBESPIERRE

Veiller sur moi, Saint-Just! explique La pensée!

SAINT-JUST

On veut te perdre, on veut… ta vie est menacée.

ROBESPIERRE

Qui la menace?

SAINT-JUST

Un traître.

ROBESPIERRE

Et pourquoi?

SAINT-JUST

Ta vertu.

ROBESPIERRE

Ce traître, quel est-il, enfin? Le connais-tu?

SAINT-JUST

Je le connais.

ROBESPIERRE

Son nom ?

SAINT-JUST

Un homme bien redoutable.

ROBESPIERRE

Et l'homme?

SAINT-JUST

Encore plus. Il soupait à ta table

Dernièrement, et-toi, tu tremblais, disait-on,

En l'écoutant parler.

ROBESPIERRE

C’est D            anton ! c’est Danton !

SAINT-JUST

C'est lui-même, Danton, et peut-être Camille.

ROBESPIERRE

Danton seul est à craindre. Oh ! cet homme en vaut mille.

Il faut que je le voie et le verrai demain.

Il est bien fort, il a le peuple dans sa main.

SAINT-JUST

Nos mains valent la sienne, et, puisqu’il embrasse…

ROBESPIERRE

Y songes-tu? Danton?

SAINT-JUST

Est-il d’une autre race

Que nous tous, Robespierre, et crois-tu qu'il vaut mieux?

ROBESPIERRE

Ah c'est un homme!

SAINT-JUST

Un traître !

ROBESPIERRE

Un aigle !

SAINT-JUST

Un factieux !

ROBESPIERRE

Un lion qui rugit !

SAINT-JUST

Qu’il rugisse et s’explique !

ROBESPIERRE

Saint-Just, nul plus que lui n'aime la République.

Il se vante d'en être un des grands fondateurs

C'est vrai.

SAINT-JUST

 

Ce corrompu hante les corrupteurs.

Il nous faut le détruire.

 

ROBESPIERRE

Il est indestructible.

SAINT-JUST

Robespierre recule ! 0 toi l'Incorruptible,

Soutenir de tes mains pures ce corrompu !

Sois digne de ton nom et vois ce qu'il a pu !

Le peuple te proclame et te connaît austère.

Que de sa voix Danton fasse trembler la terre;

La tienne est plus puissante et plus puissant ton nom.

Danton est girondin, il a trop vécu.

ROBESPIERRE

NON

………………………………………………………………………

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 19:43

foures.jpg

 

Voici ma dernière internvention dans un colloque occitaniste. C'était en 1991 grâce à Christian Laux. Un colloque à la gloire de Fourès. Par hasard, j'y cite Cladel.... JPD 

 

 

1. Présentation

Comprendre un écrivain du XIXème siècle c'est le replacer dans le tissu d'amitiés où il évoluait. Ceci est peut-être encore plus vrai pour Fourès que pour d'autres. Je vais donc évoquer le poète par l'écrit d'un de ses amis, un montalbanais. Il pourrait s'agir de Léon Cladel. Fourès le connut peut-être par l'intermédiaire de Louis-Xavier de Ricard car Cladel participa, à Paris, au Parnasse et à la Commune. Un poème de Fourès daté de 1877 et ayant pour titre " A la droulheto de Léon Cladel " témoigne de cette amitié comme la publication dès les débuts de La Lauseto d'un poème de Cladel : " Le soldat ". S'il ne s'agit de Cladel s'agit-il du félibre Augustin Quercy qu'il connut peut-être par l'intermédiaire de Léon Cladel ? Cladel écrivit à Quercy en 1885 : " En Provence, Mistral et sa bande de félibres ont fait des lexiques et des grammaires. Pourquoi Fourès, du Lauragais, et vous, son très digne lieutenant du Quercy, n'en feriez-vous pas autant ? " Mais l'homme que je vais évoquer ne sera pas Augustin Quercy. Alors son ami Antonin Perbosc ? L'ami Passerat va l'évoquer ici donc j'indiquerai simplement qu'à Montauban par l'intermédiaire de la Tribune du Tarn et Garonne il manifesta son soutien constant à Fourès. Le 10 mai 1891, il publie une traduction de l' " Yeuse " de Fourès (publiée dans Les Cants) qui se termine ainsi : " Et l'Yeuse c'est toi, maître Léon Cladel !". Il présenta dès leur parution en 91 Les Cants del Soulelh sous la signature de Romanès. Il publia dès septembre 91 un poème en français sur la mort de Fourès qui commence ainsi :

Toi qui tant eus horreur de " l'immonde prétraille "

Que ta strophe souvent, âpre, fustige et raille,

Dors en paix maintenant droit en ton fier tombeau !

 

Dans ce même journal l'union des quatre hommes, Cladel, Fourès, Perbosc et Quercy, s'est manifestée par la publication de trois traductions en oc d'un poème de Cladel : " L'âne ". Avouez qu'il est original de pouvoir comparer, côte à côte, trois traductions dans la même langue !

 

2. Témoignage de Séméziès

La vision de Fourès que je vais vous présenter est celle d'un ami d'occasion du poète et il s'appelle Marcel Séméziès. Joseph Salvat évoque l'anecdote que je vais vous conter en ces termes :

" Comment l'avait-il obtenue (sa nouvelle maison) ? Peut-être par quelque membre de cette société des Mousquetaires qu'il avait fondée avec Maffre de Baugé (d'Artagnan), Marcel Séméziès (Aramis) et François Tresserre (Athos) ; lui-même était Porthos, " le premier mousquetaire gris ". L'histoire des Quatre Mousquetaires a été écrite par Marcel Séméziès, le dernier survivant. Elle abonde en récits pittoresques de réunions et de rencontres. "

C'est donc ces récits pittoresques que je vais évoquer. Nous étions en 1884 et Séméziès avait 26 ans.

Comment Séméziès rencontra-t-il Fourès et quand ? Tout ce que je vais vous raconter maintenant est la présentation que Séméziès fait de la rencontre dans ses mémoires manuscrites déposées à la bibliothèque de Montauban.

Il indique qu'en juillet 1884 un nommé François Tresserre passe le prendre à Montauban pour un voyage chez Achille Maffre de Baugé. Ce dernier décida de les conduire chez Fourès. Fourès connaissait déjà Maffre de Baugé et F. Tresserre à qui il dédia un poème en 1881. Voici ce qu'écrit Séméziès qui est le nouveau de l'équipe :

" Je connaissais de nom Auguste Fourès, poète français et occitan, grande figure du félibrige. Nous partîmes tous trois pour Castelnaudary où nous attendait à la gare le poète prévenu par dépêche. C'est un long garçon fort maigre, vêtu à la diable, coiffé d'un feutre mou immense. Sa figure fine, aux yeux brillants et doux, à grandes moustaches et barbiche était extrêmement sympathique. L'homme était charmant, poète et excellent dans les deux langues, ami sûr, bon, généreux, dévoué. Très original aussi. Fils d'un riche quincailler, il avait laissé péricliter son fonds, n'entendant rien au commerce, abandonnant la marchandise au prix qu'on voulait et il avait fini par ne plus tenir dans sa boutique que deux articles, des épées et des chaînes de fer qu'il jugeait marchandises nobles. On devine ce qu'il devait en vendre à Castelnaudary. Il nous amena à une grande auberge où une table nous attendait en pleine cour, dans un coin d'ombre. Fourès n'était pas pour les salles à manger et vivait le plus possible toujours au grand air. Sur cette table on ne nous servit qu'un seul plat, mais quel plat ! Le cassoulet. Ceux qui ont goûté au cassoulet, par curiosité du nom, dans de grands restaurants ou de grands hôtels, ne connaissent pas ce mets des dieux, fait pour de gigantesques mangeurs, des héros d'Homère. Il faut l'avoir mangé comme nous ce jour-là, dans une auberge locale. Pas un plat correct, mais une énorme terrine vernie grande comme un fond de barrique, servie à même la table... "

Là j'interromps la citation, qui concernerait plutôt un colloque gastronomique — ce qui n'est pas cependant incompatible avec le sujet d'aujourd'hui — en la reprenant plus loin :

" Pour digérer cet énorme mets nous frétâmes une carriole de l'auberge, conduite par Fourès, et partîmes au hasard dans les hautes collines qui relient la Montagne Noire à la chaîne des Corbières. La chaleur était ardente mais, ivres de cassoulet, de vin blanc et de poésie, nous ne la sentions pas. Un chemin vague nous conduisit au pied du château en ruines que Fourès nous nomma : Cessac. "...

Là ils font des projets d'achat du château puis ils vont à Toulouse. " Nous y arrivâmes vers minuit et descendîmes à l'Hôtel des Bains où nous signâmes " Les quatre messieurs de Cessac, puis nous allâmes souper au Sion, où François trouva tout de suite quatre gentilles " Mesdames de Cessac " pour compléter la famille. Nous restâmes plusieurs jours à Toulouse, y menant une vie orientale, de plaisirs le soir et la nuit, de sommeil le jour.

Puis nous arrivons à des choses plus " sérieuses ". Ils décident de se donner le nom des quatre mousquetaires:

" Baugé fut D'Artagnan, Tresserre Athos, Fourès Porthos et moi Aramis. Cela posé nous songeâmes à étendre le cercle et à former un groupe qui s'appellerait Les Mousquetaires Gris où tous seraient frères comme nous l'étions mettant en commun argent, influences, relations, plaisirs, idées, une association de gens en révolte contre les platitudes, les conventions, les mornes usages de cette fin du XIXème siècle, une bande de joyeux, généreux, libres et romanesques rebelles qui ne comprendraient que des écrivains, des officiers ou des gentilshommes. "

Et Séméziès rime l'hymne sacré de cette compagnie et donne, après le règlement fixé par Maffre de Baugé, la liste des membres de cette compagnie. Mais nos farceurs ne s'arrêtent pas là.

"Et, les mousquetaires fondés, il leur fallait une gazette, un lien permanent entre eux et ce fut Le Passant, gazette de Messieurs les Mousquetaires Gris. Nous fondâmes cela à six : Baugé, Fourès, Tresserre, moi et Souëf qui marcha tout de suite à fond avec nous, et Amédée Reynès à Perpignan, pour la partie matérielle à laquelle nous autres, les cinq poètes, nous n'entendions rien. Nous mîmes chacun 500 F dans l'affaire et cette première mise de 3000 F, aidée de quelques souscriptions à 100 F de nos meilleurs amis et des abonnements, suffit à faire vivre la Revue près de quatre ans. Elle survécut même à la Compagnie et connut à Paris quelques mois de vraie notoriété. Un imprimeur de Perpignan, Larobe, ami de Reynès, nous fournit à bas prix le papier et l'impression et sur la demande d'Aimé Giron, du Figaro, un des romanciers de la maison, l'éditeur parisien Paul Ollendorf, voulut bien donner sa marque. Imprimé à Perpignan, Le Passant fut donc édité et lancé à Paris. Les premiers numéros furent à peu près entièrement rédigés par Baugé, Fourès, Tresserre, Souëf et moi, en multipliant chacun nos signatures. "

Il n'en mentionne aucune au sujet de Fourès. Parmi les autres noms qui participèrent à la revue on a la surprise d'y retrouver aussi bien Paul Verlaine que Frédéric Mistral, Verdaguer que Pierre Loti. Ce fut vraiment une note à part dans le mouvement littéraire de cette époque.

Je n'ai pu consulter que quelques numéros de cette revue. Les n° 49, 50 et 51. Le numéro 49 est daté du 20 juin 1885, ce qui suppose un numéro 1 en juin 1883 à moins qu'au départ elle ait été hebdomadaire. Le rédacteur en chef est bien Maffre de Baugé et Séméziès fait figure de secrétaire de rédaction. On trouve dans le numéro 50 un article de Maffre de Baugé où il écrit :

" Fourès de temps en temps fait parvenir jusqu'à moi son rugissement d'indompté : bien, rugis, lion ! Et dans les courtes épîtres qu'il m'envoie, je hume une verrée de vaillance. "

Dans ce même numéro il y a une publicité pour le lancement de l'almanach de La Lauseto avec l'adresse de Xavier de Ricard au Paraguay et celle de Fourès à Castres où il se trouvait chez un oncle paternel (il dit " y voir tous les jours les paysans vrais plus superbes encore que ceux de Cladel ") mais où il resta peu puisqu'en 1886 on le retrouve à Toulouse. Notons aussi en passant que si Fourès a donné les 500 F on doit mesurer sa générosité quand on sait qu'il était très endetté, à ce moment-là comme souvent, réussissant d'après Salvat à vendre la quincaillerie, avec l'accord de sa mère, fin 1884. La vie de pacha à Toulouse ne devait pas non plus être un bon plan pour sa bourse plate.

Le Passant paraissait deux fois par mois en 20 pages techniquement soignées. En quatre ans on peut considérer que cette revue publia 2000 pages ce qui n'est pas mal quand on a vu dans quelles conditions elle a été lancée. Marcel Séméziès à l'occasion de cette aventure fera paraître : l'Album des Mousquetaires qui est un recueil de poèmes où chaque petit texte présente un membre de la Compagnie. Indiquons ce qu'il y dit de Porthos-Fourès. :

" Voici venir Porthos. Paysans, jacquerie,

Bandits de grands chemins, reîtres, aventuriers,

Debout ! - Porthos pourtant parmi les chevaliers

Tiendrait haut rang ayant son droit de seigneurie.

 

Sur son pourpoint de drap pas une broderie,

Pas de plume à son feutre, et ses lourds baudriers

Sont de cuir comme ceux des simples cavaliers :

Porthos a deux amours : le peuple et la patrie.

 

Festins, danses, baisers, parures, colliers d'or,

Dentelles et velours, un sourire de femme,

Porthos trouve la chose indigne de son âme.

 

Il veut le pays grand et le peuple très fort.

Le grand amour de l'humble est dans son cœur antique,

- Féodal à la fois et très démocratique. "

 

Ce portrait ne me semble pas trop mauvais venant d'un homme qui n'avait rien à voir avec Fourès. Séméziès se présente ainsi :

" Je fus et je suis l'homme qui mécontent de son époque, inadapté et inadaptable à elle, ne songe qu'à s'en évader. Mon âme fut toujours orientale et antique, loin dans le passé, loin dans l'espace. "

D'où son amitié pour Loti. Il fut écrivain sans se préoccuper de langue d'oc et pour marquer la différence entre les deux hommes, retenons aussi cette confidence de Séméziès :

« Dans le cabinet de lecture je n'y lisais, non pas les journaux que je n'ai jamais lus et que je méprise, mais deux ou trois grandes revues puis des livres sans fin. »

Quand on connait la passion de Fourès pour les journaux, d'où le bon choix de finir ce colloque par une intervention sur l'actualité de Fourès, on mesure l'écart entre les deux écrivains, écart auquel il faut ajouter des divergences politiques considérables.

 

3. Observations

En conclusion voici quelques observations. Qu'est-ce qui pouvait regrouper ces hommes si divers ? Voici les premiers mots d'une lettre de Mistral à Lafagette publiée dans le numéro du 10 juillet 1886 du Petit Toulousain :

" Vos Pics et Vallées sont l'œuvre d'un exalté de la poésie. "

Le premier drapeau des mousquetaires comme de beaucoup des écrivains de l'époque avait un nom simple : La POESIE. La poésie donc la langue et non pas la langue donc la poésie. Et dans la conclusion de sa lettre Mistral écrit : " Et maintenant, cher confrère, quelles que soient nos divergences, embrassons-nous en art, en poésie et en patrie. "

Il confirme cette prédominance de la poésie devancée cependant par la parole magique : l'art.

 

D'où venait cette passion de créer des journaux ou revues car il est étonnant qu'une rencontre comme celle que je viens d'évoquer puisse déboucher sur une revue. En la matière on peut dire qu'en 1884 Fourès était un expérimenté et qu'il n'allait pas cesser de pousser à la création de journaux ou d'écrire pour des journaux. Ces journaux sont les enfants d'une loi de 1881 sur la liberté de la presse. Dans toute la France les rotatives vont se mettre à tourner à un rythme complètement fou. Mais dès la fin des années 1880 l'esprit frondeur aura les ailes coupées. Cette histoire me rappelle celle de la mise en place de nos radios dites libres au début des années 1980 et leur mise au pas au fil des ans par les grosses maisons commerciales d'où le mérite actuel de radios occitanistes qui existent encore. Concernant les journaux des années 80 prenons un exemple. Dans la foulée de la création du Passant Fourès crée Le Petit Toulousain (un peu avant, Augustin Quercy crée à Montauban Le Petit Montalbanais). En 1889 un certain Marcel relance Le Petit Toulousain. Il rend hommage à Fourès qui est présenté ainsi : " Fourès, volontairement retiré des affaires, les pieds sur les chenets de l'âtre, ayant à portée de la main les volumes amis " et ce Marcel fait croire qu'il va continuer le travail de Fourès, mais sur la page de droite on trouve un article de Francisque Sarcey qui était le contraire des valeurs de Fourès. Francisque Sarcey était la bête noire de Cladel qui lui consacra une nouvelle pas triste.

Et enfin, observation, rapport à la politique. Encore une fois comme son ami montalbanais Quercy, Fourès fut conseiller municipal et comme Quercy, cela le "tua" non physiquement mais moralement. Le premier point du règlement de la Compagnie des Mousquetaires est clair : " Mépris absolu de la politique et autres supercheries, escobarderies et filouteries contemporaines. " Ce mépris était déjà à double sens : le mépris de celui que la république désenchanta, nous dirons les désespérés de la gauche, et le mépris de celui venant de l'extrême-droite et qui crache sur la démocratie. C'est dans cette deuxième catégorie que se classe Séméziès. Si on compare les collaborateurs du Passant et ceux du Petit Toulousain créé peu après, on trouve quelques noms identiques comme Georges Beaume, Léo Rouanet, F. Tresserre mais des absents, Séméziès, et des nouveaux qui auraient pu se retrouver dans Le Passant : Cladel, Lugol, Nancy Mary-Lafon, Perbosc et Pouvillon. La politique mise à la porte dans Le Passant, une revue, rentre par la fenêtre dans un journal Le Petit Toulousain, d'autant que les journaux étaient souvent des machines de guerre électorales.

Si cette anecdote confirme que la devise générale d'une bonne part des hommes de lettres de l'époque est aussi le P.L.M. de tous les félibriges, Poésie, Langue, Mère-patrie, les événements actuels tendent à prouver qu'on n'a pas fini d'en chercher les raisons !

 Jean-Paul Damaggio

NOTES

Mémoires, Marcel Séméziès, manuscrit, B.M. de Montauban.

Le poète Fourès, Joseph Salvat, Collège d'Occitanie, 1974. L'Album des Mousquetaires, 1885.

Le Petit Toulousain, quelques exemplaires à La B.M. de Toulouse.

Le Petit Montalbanais 1884-1889, Montauban, Archives.

Le Passant, 3 numéros à la B.M. de Montauban.

Sur Marcel Séméziès : dans Dix siècles de Vie littéraire en Tarn et Garonne, B.C.P. de Tarn et Garonne.

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 13:55

L’occitanisme étant né juste après la mort de Cladel en 1892, mon titre peut paraître un anachronisme sauf à lire le très long article de Georges Passerat Léon Cladel et l’occitanisme publié par les Presses Universitaires du Mirail, en 2003 dans Léon Cladel. Léon Cladel fut l’ami de Xavier de Ricard fondateur du félibrige rouge, de Fourès, et le maître d’Antonin Perbosc à l’origine de la naissance de l’occitanisme, en réaction avec le félibrige.

Dire que cet écrivain de langue française était un occitaniste a de quoi scandaliser quelques occitanistes pourtant les faits sont clairs.

Je retiens cette lettre datant de mars 1882 et que Cladel envoya à Fourès :

« Ah, si nous parlions tous patois, ce serait parfait. Hélas ! la langue romane n’est et ne sera plus qu’un souvenir, une mine si vous le voulez, où nous puiserons, mais, à moins cependant d’une fédération, d’une ligue triomphante, à bref délai, comment revivrait-elle ? Ce que je vous dis là me fait souffrir, et cependant je dois le dire. Enfant des gaules et comme conquis par Rome d’abord, et les francs ensuite, je ne puis parler que la langue de la nation dont je fais partie. Avez-vous l’espoir sérieusement de reconstituer le pays latin ? En ce cas, si je pouvais partager cette espérance, je serais des vôtres. Si les bretons, les derniers celtes qui parlent encore aujourd’hui la langue que nos pères parlaient, venaient vous dire : « A bas l’idiome de nos conquérants et vive celui de nos ancêtres ! »Faudrait-il alors apprendre un lexique entièrement ignorée de nous tous ? S’il n’y avait pas en vous un poète français, je m’exprimerais avec plus de ménagement, mais vous pouvez, vous, prendre place au milieu de ceux que la France et l’univers comprennent à merveille, vous, mon cher Fourès. »

 

« La langue n’est ne sera plus qu’un souvenir »

Un siècle après, en 1982, l’Education nationale commençait à reconnaître l’occitan comme les autres langues régionales. Cladel a-t-il eu tord ? Certains diront qu’en n’utilisant l’occitan que pour quelques lettres à Fourès, que pour quelques passages de son œuvre littéraire, Cladel avait beau jeu ensuite de parler de la mort du « patois ». Il auto-justifiait sa défection. Ceux-là ne comprennent pas que sans Cladel, il n’y aurait pas eu Perbosc, Estieu, Fourès et les autres et qu’ayant baissé les bras sur la langue, son horizon restait la lutte. Après la mort de Fourès, Georges Passerat évoque la première assemblée générale du Gril le 14 aôut 1894 : « Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir ensuite une liste de « félibres » présents où figurent en grande majorité tous les montalbanais érudits, artistes ou écrivains… » Que des amis de Cladel sont au bureau, et beaucoup de membres sont aussi de la « famille » grâce en particulier à ce personnage haut en couleur : Augustin Quercy ! Cladel était mort mais pas son combat, et le fait dura longtemps du moins à Montauban. Lapauze puis Perbosc reprenant le flambeau, travaillèrent sans cesse pour rassembler les poésies de Cladel, activité reprise voici peu par Fabrice Michaux.

 

La lutte occitaniste c’est quoi ?

C’est ici qu’il faut se comprendre. Je soutiens ceux qui se battent pour la langue, dans l’Education nationale (écoles bilingues, cours d’occitan) ou à l’extérieur, mais c’est une partie seulement de la lutte occitaniste car malgré ce combat, je maintiens avec Cladel que la langue occitane n’aura d’avenir que si on pense à sa mort. Comme lui, je souffre à l’écrire et je souffre d’autant plus qu’il y a peu de « Fourès » pour l’entendre en 2011.

Quand j’ai écrit, Qui a tué Léon Cladel ?, par hasard j’ai commencé à évoquer les félibres des années 1880 de Daudet à Zola, de Jules Lemaître à Arène, j’ai évoqué ce combat de Cladel pour un mot JUMAR. A ce moment là j’étais un membre du Conseil d’Administration de l’IEO (Institut d’Etudes Occitanes ; Institut d’Estudis Occitans) pour des raisons marginales : ma capacité à utiliser l’ordinateur. La seule question en débat tournait autour de la défense de la langue. Je me suis éloigné de ce mouvement tout en y participant localement, puis avec René merle nous avons fondé TR’OC (Tribune Occitaniste). Là j’ai découvert un autre occitanisme et compris que la guerre classique dans ce mouvement entre les défenseurs de Félix Castan et ceux de Robert Lafont était un arbre cachant la forêt. Les deux hommes partaient du même constat, la lutte occitaniste était axée sur une POSITION occitaniste usant ou n’usant pas la langue d’oc. Castan, après une présentation de l’autonomie du culturel, faisait de cette position une lutte en faveur de la décentralisation culturelle de la France. Lafont, plus porté sur la centralité de l’économie, faisait de cette position une lutte qui a été portée par certains jusqu’à « la décolonisation » de l’Occitanie comme certains luttaient pour décoloniser l’Algérie. Deux formes de réintroduction du politique dans le combat occitaniste, ce que l’équipe Cladel-Fourès-Perbosc a toujours eu en tête. Pour Cladel, voir l’usage de la langue faite par Mistral c’était aussi une façon de voir mourir la langue….

 

Ouvrir les portes du monde

Je suis redevable à René Merle d’avoir pu m’aider à vérifier que l’occitanisme n’ouvrait pas les portes du monde catalan mais de l’Espagne toute entière, n’ouvrait pas les portes des vallées occitanes d’Italie mais de l’Italie toute entière. Et ces portes là sont uniques, elles permettent d’en compléter bien d’autres, mais elles sont uniques. Tout en défendant les vestiges de la langue, la défense de telles portes permet seule de porter plus loin l’occitanisme. Castan a voulu porter plus loin cette lutte en proposant une révolution culturelle en France. Il n’avait pas tord mais Lafont par sa vie et son activité, ouvert au chantier européen, avait aussi ses raisons. Je ne plaide pas pour une réconciliation posthume mais pour un occitanisme cladélien, celui de la révolution populaire de la société. Il se trouve que l’occitanisme qui, par sa nature, aurait dû être profondément lié au peuple, s’est éloigné, au nom d’une vision « française » de la grandeur de la culture occitane ! On dira que Cladel a eu le même parcours, son art traitant du peuple mais en un langage par toujours accessible au peuple. La différence c’est que Cladel avait une démarche artistique quand l’occitanisme est un acte citoyen. Non que citoyen soit coupé de l’artiste, mais le citoyen œuvre collectivement quand l’artiste défend une individualité. Georges Passerat termine ainsi son article fortement argumenté à partir des archives qu’il connaît très bien du Collège d’Occitanie : « Ainsi Léon Cladel a bien joué un rôle capital dans la naissance de l’occitanisme. » Puis-je espérer qu’une lecture aujourd’hui de Cladel, permette à cet ouvrier de la plume de jouer un rôle capital dans la transformation de l’occitanisme ? Sur ce blog un des premiers articles publiés est la lettre de Cladel à Estieu sur ce thème de l’Occitanie…

30-04-2011 Jean-Paul Damaggio

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 13:54

 L’article de Sud-Ouest puis la réponse des organisations anti LGV dans le même journal m’incitent à revenir sur un terme qui fait fureur « les compensations ». Ce terme est une hérésie. Si compensation il y avait, il suffirait que le Conseil général fasse les actions de sa responsabilité et laisse l’Etat se débrouiller pour le reste. En fait, on l’a vu avec la Région Centre, l’Etat est prêt à payer l’équivalent de ce que donne la région… car ce n’est pas un équivalent ! Signer la convention de financement, c’est monter dans un bateau dont on n’a aucune maîtrise sur le gouvernail ! Réaliser Pau-Oléron c’est une opération claire et nette, ce n’est pas une aventure sur 50 ans. Même si demain Pau-Oloron est un PPP (choix qu’il faudrait condamner) ce sera sous la responsabilité d’une collectivité territoriale. Avec Bordeaux-Tours voilà qu’on découvre que le contrat signé en mars 2010 devait être mis en œuvre avant le 28 février 2011, cette date étant passée sans que le dossier soit bouclé, Vinci peut demander une rallonge ! Qu’elle sera la note finale ? A suivre donc. JPD

 

Article de Sud-Ouest

Le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques accepte, finalement, de mettre 79,8 millions d'euros dans la construction du tronçon Tours-Bordeaux de la future ligne à grande vitesse Sud-Europe Atlantique. La décision est tombée hier soir, peu avant 21 heures.

La délibération qui autorise le président, le socialiste Georges Labazée (Thèze), à signer enfin le protocole financier que lui propose l'État est passée avec 32 voix « pour », 3 voix « contre » et 2 abstentions. Mais 15 conseillers généraux ont tout simplement refusé de participer au vote…

Après 3 h 30 d'un débat intense et riche, où les différences d'appréciation ont surtout émergé au sein des groupes UMP et Forces 64, l'assemblée départementale a mis fin à pratiquement cinq ans de réflexions, discussions et polémiques - y compris lors de la dernière campagne des cantonales - sur un dossier d'infrastructures de transport jugé important, à moyen terme, pour le désenclavement des Pyrénées-Atlantiques et singulièrement du Béarn.

Un dossier compliqué dont la majorité de gauche a tenté, hier, en réunion plénière d'assemblée départementale, de mettre au jour toutes les facettes. Non sans difficulté. Comment est-on passé, ainsi, d'une délibération de novembre 2008 mentionnant une participation de 53 millions d'euros aux 80 millions d'aujourd'hui ? Barthélémy Aguerre (Forces 64, Saint-Palais) qui a successivement travaillé avec Jean-Jacques Lasserre (Modem, Bidache) et Jean Castaings (UMP, La Bastide-Clairence) sur le projet a son explication. 53 millions, c'était en effet calculé sur la base des euros de 2006. À la fin des travaux et des paiements, vers 2018, la facture réactualisée devraient alors atteindre les 76 millions. Comme les 79,85 millions (valeur 2009) votés hier devraient aboutir à près de 100 millions une fois «l'ardoise » départementale purgée…

 

Déjà la Pau-Oloron…

Alors, bien sûr, s'y greffe la question des contreparties que le Conseil général, comme d'autres collectivités, a tenté d'obtenir ou obtenu de l'État. Le « marchandage », rude, a porté sur différents projets. Avec des crédits nouveaux d'un côté, en moins de l'autre… Qui en sort véritablement gagnant ? Difficile à dire. En tout cas, l'État a fini par accepter de mettre 60 millions d'euros dans la balance pour la réalisation de la future route Pau-Oloron. Il s'engage aussi à lancer le débat public sur la desserte de Pau et du Béarn en 2012 ou 2013. Mais pas pour le reste (gratuité du péage autoroutier de Saint-Jean-de-Luz…), les garanties sont bien moindres.

L'opposition, par l'UMP Max Brisson et Juliette Séguéla (Modem- Biarritz-Est), a jugé que le compte n'y était pas, qu'il fallait négocier encore. Mais pour le président Labazée, certain qu'il n'y a plus rien à espérer, il est temps de « prendre nos responsabilités » en votant. Malgré les incertitudes qui demeurent, les élus ont donné mandat à leur président de signer le protocole financier. Une page se tourne. Mais on n'est pas au bout des débats enflammés. La question de la desserte - encore hypothétique - de Pau via Orthez ou non reste en effet en suspens. Et celle du Pays basque bien problématique. Et par leur vote, hier soir, les élus ont également fait un pas important dans le projet d'une nouvelle route entre Pau et Oloron qui, lui aussi, fait déchaîne les passions…

 

Réponse publiée par Sud-Ouest

Déclaration du CADE du Pays Basque

Par 32 pour, 3 contre et 2 abstentions (non vote : 15), le Conseil général des PA vote 79 millions en faveur de la LGV Tours-Bordeaux.

Hors de ses compétences territoriales, en soutien au privé Vinci, la majorité PS du Conseil général a voté sans avoir tous les documents en main, notamment la convention de concession. Ce vote est donc un chèque en blanc tant il sera difficile de ne pas voter la suite (Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne). Une partie de la droite s’est jointe au PS.

Et pourtant ils ne pouvaient ignorer que la région Poitou-Charentes de Ségolène Royal n’a pas voté, qu’Emmanuelli lui-même soupçonne RFF de se constituer uns cagnotte de 1,2 milliards sur le dos des collectivités publiques

Non seulement les conseillers généraux PS n’avaient pas toutes les pièces en main mais en plus ils ignorent totalement à quelle sauce ils seront mangés. Y aura-t-il une desserte Béarn ? Peut être. Combien de TGV s’arrêteront à Bayonne, à Biarritz, à St Jean de Luz, à Hendaye ? On ne sait pas répondre à la question mais on vote les yeux fermés… avec l’argent des contribuables.

Mieux, après avoir doctement expliqué que la LGV est destinée à concurrencer la route on demande en contre partie du vote aveugle, des crédits pour la liaison routière Pau-Oloron. Quelle cohérence !

Certains d’entre eux ont eu le culot de s’exhiber dans les manifs antiLGV (Ecenarro) et de voter le contraire à Pau. D’autres nous ont écrit pour nous assurer qu’avec « conviction » ils défendraient l’idée de l’utilisation des voies existantes pour aujourd’hui, « avec conviction » voter le contraire.

Pour les associations opposées à la LGV, le vote de crédits pour la Tours-Bordeaux imminent depuis deux ans, n’est pas terminé, l’opposition au projet démentiel de LGV inutile et coûteuse continue.

Et ils savent bien, ceux qui aujourd’hui nous trahissent, que nous n’avons pas la mémoire courte.

 

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