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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 13:54

Grousset communard

 

 

Au cours du colloque de Grisolles, il est revenu à Michel Cordillot de nous présenter la facette « communard » de Paschal Grousset. Avec cet historien, j’ai un modeste point commun : il est présent lui aussi sur le site « 1851 » car, pour le cas de l’Yonne, il lui arriva d’étudier les révoltes populaires contre le Coup d’Etat de Décembre 1851 (1). D’ailleurs cet événement revient dans la bouche de l’orateur quand il présente les débuts de la Commune, le 18 mars 1871, comme une sensation populaire de retour de décembre 1851, avec l’armée désireuse de s’emparer des armes pour prendre le contrôle de la ville.

Comment Grousset est devenu communard ? Il mentionne plusieurs années charnières : 1861 quand le jeune provincial découvre au Lycée Charlemagne à Paris qu’il est plutôt méprisé ; 1868 quand son travail de journaliste le place en première ligne, et enfin au début 1871 quand, par patriotisme, républicanisme et souci de défendre la cause sociale, il se démarque d’une nouvelle république jugée timorée.

Grousset cultive en permanence sa différence, il se démarque de tous les partis et de tous les clans, ce qui explique peut-être en retour son manque de notoriété aujourd’hui. A force de cultiver l’isolement, il est resté en dehors des grands courants. Aux législatives de 1906, il préféra rester un candidat socialiste indépendant plutôt que d’adhérer au tout nouveau Parti socialiste.

Cette originalité s’appuie sur trois traits du personnage : une référence à ses origines corses par sa mère (un Corse contre les Bonapartistes !), une façon de jouer le dandy et pendant la Commune une radicalité extrême surtout verbale.

Michel Cordillot n’hésite pas à pointer son aveuglement : « Il vit dans un monde irréel sans voir le changement du rapport de forces ». Il oppose peut-être trop schématiquement la ville et la campagne. Ceci étant, il se lance à corps perdu dans l’action politique après son élection à la Commune qui en fait l’équivalent d’un ministre des affaires étrangères.

Cependant, à partir du 22 mai, il disparaît, il se cache et il est arrêté après la Semaine Sanglante, le 2 juin 1871, découvert dans un placard à habits. Condamné à la Nouvelle-Calédonie, il s’en évade, moment spectaculaire, après cet autre moment spectaculaire d’avant la Commune, lié à l’assassinat de Victor Noir (le témoin de Grousset) par le cousin de l’Empereur, Pierre Napoléon ce qui lui vaudra quelques mois de prison et un procès où il fera preuve d’audace.

Ce passage par la Commune de Paris, constitue pour Michel Cordillot le ciment qui crée l’unité d’un personnage aux multiples facettes. Par la suite il défendra les mêmes idéaux par le journalisme, la littérature, l’action en faveur de l’éducation physique et l’intervention à la chambre des députés.

Xavier Noël avait mentionné un autre élément de cette fidélité à la Commune : par solidarité, il décida de démissionner de la Société des Gens de Lettres quand il apprit, alors qu’il était en exil à Londres, que Raouza en était exclu. Razoua était un natif de Beaumont de Lomagne qui, Communard lui aussi, avait réussi à fuir en Suisse, son histoire étant évoquée sur ce site grâce à son ami Léon Cladel.

12-03-2009 Jean-Paul Damaggio

(1) Christophe Voilliot, « Michel Cordillot [dir.], Le Coup d’État du 2 décembre 1851 dans l’Yonne. Résistance et répression. Actes du colloque du 17 novembre 2001 organisé par ADIAMOS-89, Auxerre, Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 2002, 177 p. », Revue d'histoire du XIXe siècle, 28 | 2004, [En ligne], mis en ligne le 21 juin 2005. URL : http://rh19.revues.org/index633.html. Consulté le 11 avril 2009.

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 13:53

 

Plaidoyer d’Olympe de Gouges, rédigé avant sa comparution devant le Tribunal révolutionnaire.

TRIBUNAL redoutable, devant lequel frémit le crime et l’innocence même, j’invoque ta rigueur,si je suis coupable ; mais écoute la vérité :

L’ignorance et la mauvaise foi sont enfin parvenues à me traduire devant toi : je ne cherchais pas cet éclat. Contente d’avoir servi; dans l’obscurité, la cause du peuple, j’attendais avec modestie et fierté une couronne distinguée que la postérité seule peut donner, à juste titre, à ceux qui ont bien mérité de la patrie. Pour obtenir cette couronne éclatante, il me fallait sans doute être en butte à la plus noire des persécutions ; il fallait encore plus : il me fallait combattre la calomnie, l’envie, et triompher de l’ingratitude. Une conscience pure et imperturbable, voilà mon défenseur.

Pâlissez ,vils délateurs ; votre règne passe comme celui des Tyrans. Apôtres de l’anarchie et des massacres, je vous ai dénoncés depuis longtemps à l’humanité : voilà ce que vous n’avez pu me pardonner.

Vieux esclaves des préjugés de l’ancien régime, valets gagés de la cour, républicains de quatre jours, il vous sied bien d’inculper une femme née avec un grand caractère et une âme vraiment républicaine ; vous me forcez à tirer vanité de ces avantages, dons précieux de la nature, de ma vie privée et de mes travaux patriotiques.

 

Les taches que vous avez imprimées à la nation française ne peuvent être lavées que par votre sang que la loi fera bientôt couler sur l’échafaud. En me précipitant dans les cachots, vous avez prétendu vous défaire d’une surveillante, nuisible à vos complots. Frémissez, Tyrans modernes ! ma voix se fera entendre du fond de mon sépulcre. Mon audace vous met à pis faire ; c’est avec le courage et les armes de la probité que je vous demande compte de la tyrannie que vous exercez sur les vrais soutiens de la patrie.

 

Et vous, Magistrats qui allez me juger apprenez à me connaître ! Ennemie de l’intrigue, loin des systèmes, des partis qui ont divisé la France au milieu du choc des passions, je me suis frayé une route nouvelle ; je n’ai vu que d’après mes yeux ; je n’ai servi mon pays que d’après mon âme ; j’ai bravé les sots, j’ai frondé les méchants et j’ai sacrifié ma fortune entière à là révolution.

 

Quel est le mobile qui a dirigé les hommes qui m’ont impliquée dans une affaire criminelle ? La haine et l’imposture.

 

Robespierre m’a toujours paru un ambitieux, sans génie, sans âme. Je l’ai vu toujours prêt a sacrifier la nation entière pour parvenir à la dictature ; je n’ai pu supporter cette ambition folle et sanguinaire, et je l’ai poursuivi comme j’ai poursuivi les tyrans. La haine de ce lâche ennemi s’est cachée longtemps sous la cendre, et depuis, lui et ses adhérents attendaient avec avidité le moment favorable de me sacrifier à sa vengeance.

 

Les Français, sans doute, n’ont pas oublié ce que j’ai fait de grand et d’utile pour la patrie ; j’ai vu depuis longtemps le péril imminent qui la menace, et j’ai voulu par un nouvel effort la servir. Le projet des trois urnes développé dans un placard, m’a paru le seul moyen de la sauver, et ce projet est le prétexte de ma détention.

 

Les lois républicaines nous promettaient qu’aucune autorité illégale ne frapperait les citoyens ; cependant un acte arbitraire, tel que les inquisiteurs, même de l’ancien régime, auraient rougi d’exercer sur les productions de l’esprit humain, vient de me ravir ma liberté, au milieu d’un peuple libre.

 

À l’art 7 de la Constitution, la liberté des opinions et de la presse n’est-elle pas consacrée comme le plus précieux patrimoine de l’homme ? Ces droits, ce patrimoine, la Constitution même, ne seraient-ils que des phrases vagues, et ne présenteraient-ils que des sens illusoires ? hélas ! j’en fais la triste expérience ; républicains, écoutez-moi jusqu’au bout, avec attention.

 

Depuis un mois, je suis aux fers ; j’étais déjà jugée, avant d’être envoyée au Tribunal révolutionnaire par le sanhédrin de Robespierre, qui avait décidé que dans huit jours je serais guillotinée. Mon innocence, mon énergie, et l’atrocité de ma détention ont fait faire sans doute à ce conciliabule de sang, de nouvelles réflexions ; il a senti qu’il n’était pas aisé d’inculper un être tel que moi, et qu’il lui serait difficile de se laver d’un semblable attentat ; il a trouvé plus naturel de me faire passer pour folle. Folle ou raisonnable, je n’ai jamais cessé de faire le bien de mon pays ; vous n’effacerez jamais ce bien et malgré vous, votre tyrannie même le transmettra en caractères ineffaçables chez les peuples les plus reculés ; mais ce sont vos actes arbitraires et vos cyniques atrocités qu’il faut dénoncer à humanité et à la postérité. Votre modification à mon arrêt de mort me produira un jour un sujet de drame bien intéressant ; mais je continue de te poursuivre caverne infernale ; où les furies vomissent à grands flots le poison de la discorde que ces énergumènes vont semer dans toute la république, et produire la dissolution entière de la France, si les vrais républicains ne se rallient pas autour de la statue de la liberté. Rome aux fers n’eût qu’un Néron, et la Francs libre en a cent.

 

Citoyens, ouvrez les yeux, il est temps, et ne perdez pas de vue ce qui suit :

 

J’apporte moi-même mon placard chez l’afficheur de la commune qui en demanda la lecture ; sa femme, que je comparais dans ce moment à la servante de Molière, souriait et faisait des signes d’approbation pendant le cours de cette lecture ; il est bon, dit-elle, je l’afficherai demain matin.

 

Quelle fut ma surprise le lendemain  ? je ne vis pas mon affiche ; je fus chez cette femme lui demander le motif de ce contretemps. Son ton et sa réponse grotesques m’étonnèrent bien davantage : elle me dit que je l’avais trompée, et que mon affiche gazouillait bien différemment hier qu’elle ne gazouille aujourd’hui.

 

C’est ainsi, me disais-je, que les méchants, parviennent à corrompre le jugement sain de la nature ; mais, ne désirant que le bien de mon pays, je me portai à dire à cette femme que je ferais un autodafé de mon affiche, si quelque personne capable d’en juger, lui eût dit qu’elle pouvait nuire a la chose publique. Cet évènement m’ayant fait faire quelques réflexions sur la circonstance heureuse qui paraissait ramener les départements m’empêcha de publier cette affiche. Je la fis passer au comité de salut public, et je lui demandai son avis, que j’attendais sa réponse pour en disposer.

 

Deux jours après je me vis arrêtée et traînée à la mairie, où je trouvais le sage, le républicain, l’impassible magistrat Marino. Toutes ces rares qualités, vertus indispensables de l’homme en place, disparurent à mon aspect. Je ne vis plus qu’un lion rugissant, un tigre déchaîné, un forcené sur lequel un raisonnement philosophique n’avait fait qu’irriter les passions ; après voir attendu 3 heures en public son arrêt, il dit en inquisiteur à ses sbires : conduisez madame au secret, et que personne au monde ne puisse lui parler.

 

La veille de mon arrestation j’avais fait une chute, je m’étais blessée à la jambe gauche ; j’avais la fièvre et mon indignation ne contribua pas peu à me rendre la plus infortunée des victimes. Je fus renfermée dams une mansarde de 6 pieds de long, sur 4 de large, où se trouvait placé un lit ; un gendarme qui me quittait pas d’une minute jour et suit, indécence dont la bastille et les cachots de l’inquisition n’offrent point d’exemples. Ces excès sont une preuve que l’esprit public est tout à fait dégénéré et que les Français touchent au moment de leur fin cruelle, si la Convention n’expulse pas ces hommes qui renversent les décrets et paralysent entièrement la loi.

 

Je n’ai cependant qu’à me louer de l’honnêteté et du respect des Gendarmes ; j’ajouterai même que ma douloureuse situation leur arracha plus d’une fois des larmes. La fièvre que j’avais toutes les nuits, un amas qui se formait dans ma jambe, tout appelait vers moi, quand même j’aurais été criminelle, les secours bienfaisants de la sainte humanité. Ah ! Français, je ne peux me rappeler ce traitement sans verser des larmes. Vous aurez de la peine à croire que des hommes, des magistrats ,soi-disant populaires, aient poussé la férocité jusqu’à me refuser pendant sept jours de faire appeler un médecin et de me faire apporter du linge. Vingt fois la même chemise que j’avais trempée de mes sueurs se resécha sur mon corps. Une cuisinière du maire de Paris, touchée de mon état, vint m’apporter une de ses chemises Son bienfait fut découvert et j’appris que cette pauvre fille avait reçu les reproches les plus amers de son humanité.

 

Quelques honnêtes administrateurs furent si indignés de ce traitement qu’ils déterminèrent l’époque de mes interrogatoires Il est aisé de reconnaître dans ces incroyables interrogatoires la mauvaise foi et la partialité du juge qui m’interrogeait : « Vous n’aimez pas les Jacobins, me dit-il, et ils n’ont pas le droit de vous aimer non plus ! ». « J’aime, Monsieur, lui répondis-je avec la fierté de l’innocence, les bons citoyens qui composent cette société mais je n’en aime pas les intrigants. »

 

Il fallait, je le savais d’avance, flatter ces tigres, qui ne méritent pas de porter le nom d’hommes, pour être absous ; mais celui qui n’a rien à se reprocher, n’a rien à craindre. Je les défiais ; ils me menacèrent du tribunal révolutionnaire. C’est là où je vous attends, leur dis-je. Il fallut mettre les scellés sur mes papiers. Le neuvième jour, je fus conduite chez moi par cinq Commissaires. Chaque papier qui tombait entre leurs mains était de nouvelles preuves de mon patriotisme et de mon amour pour la plus belle de toutes les causes. Ces Commissaires, mal prévenus d’abord, et surpris de trouver tout à ma décharge, n’eurent point le courage d’apposer les scellés ; ils ne purent s’empêcher de convenir, dans leur procès-verbal, que tous mes papiers manuscrits et imprimés ne respiraient que patriotisme et républicanisme. Il fallait me délivrer.

 

C’est ici que mes juges s’embarrassent ; revenir sur leurs pas, réparer une grande injustice en me priant d’oublier cet odieux traitement, un tel procédé n’est pas fait pour des âmes abjectes ; ils trouvèrent plus agréable de me transférer à l’abbaye, où je suis depuis trois semaines, placée dans une de ces chambres où l’on voit le sang des victimes du 2 septembre imprimé sur les murs. Quel spectacle douloureux pour ma sensibilité ; en vain je détourne mes yeux, mon âme est déchirée ; je péris à chaque minute du jour sans terminer ma déplorable vie.

 

Ce récit fidèle, bien au-dessous du traitement odieux que j’ai reçu, va fixer le Tribunal révolutionnaire sur ma cause, et mettre fin à mes tourments. Quelle sera sa surprise, et celle de la masse entière des Français, quand ils apprendront, malheureusement trop tard, que mon projet des Trois Urnes pouvait sauver la France du joug honteux dont elle est menacée ; quand enfin, par une de ces grandes mesures que la providence inspire aux belles âmes, je réveillais l’honneur de la nation, et je la forçais à se lever toute entière pour détruire les rebelles et repousser l’étranger. Cette affiche et mon mémoire qui ne peut se placarder par l’étendue de la matière vont, par le moyen de la distribution à la main, éclairer le public ; oui, mes concitoyens, ce comble d’indignité va servir mon pays. A ce prix, je ne me plains plus : et je rends grâce à la malveillance de m’avoir fourni encore cette occasion.

 

Et toi, mon fils, de qui j’ignore la destinée, viens en vrai Républicain te joindre à une mère qui t’honore, frémis du traitement inique qu’on lui fait éprouver ; crains que mes ennemis ne fassent rejaillir sur toi les effets de leurs calomnies. On voit dans le journal de l’Observateur de l’Europe, où l’Écho de la liberté, à la feuille du 3 août, une lettre d’un dénonciateur gagé, datée de Tours, qui dit : « Nous avons ici le fils d’Olympe de Gouges pour général. C’est un ancien serviteur du château de Versailles ». Il est facile de démentir un mensonge aussi grossier ; mais les machinateurs ne cherchent pas à prouver ; il leur suffit seulement de jeter de la défaveur sur la réputation d’un bon militaire. Si tu n’es pas tombé sous les coups de l’ennemi, si le sort te conserve pour essuyer mes larmes, abandonne ton rang à ceux qui n’ont d’autre talent que le calcul, que de déplacer-les hommes utiles à la chose publique ; viens en vrai Républicain demander la loi du Talion conte les persécuteurs de ta mère.

Signé : OLIMPE DE GOUGES

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 13:51

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

Préambule

Les mères, les filles, les soeurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes moeurs, et au bonheur de tous. En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

Article I

La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article II

Le but de toute association politique est la imprescriptible de la Femme et de l’Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression.

Article III

Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Article IV

La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Article V

Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société : tout ce qui n’est pas défendu pas ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas.

Article VI

La Loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Article VII

Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la Loi. Les femmes obéissent comme les hommes à cette Loi rigoureuse.

Article VIII

La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.

Article IX

Toute femme étant déclarée coupable ; toute rigueur est exercée par la Loi.

Article X

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi.

Article XI

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article XII

La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée.

Article XIII

Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie.

Article XIV

Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’administration publique, et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de l’impôts.

Article XV

La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.

Article XVI

Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n’a pas coopéré à sa rédaction.

Article XVII

Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés ; elles ont pour chacun un droit lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Postambule

Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. O femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez vous à répondre. S’ils s’obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir. Passons maintenant à l’effroyable tableau de ce que vous avez été dans la société ; et puisqu’il est question, en ce moment, d’une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l’éducation des femmes.

Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l’administration nocturne des femmes ; le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat ; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l’ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 13:50

Pour clore ma vie d’instit en 2006, il m’arriva d’écrire un livre où chaque année était consacrée à la présentation par un dialogue entre Luis l’actuel et Louis l’ancien, d’un enseignant qui marqua agréablement ma vie. A chaque fois je les ai fait précéder de mots d’enfants. Je vais en donner quelques-unes puisque la vie vient de m’inciter à revenir sur le sujet. Celle-ci mêle à la fois l’année 1968 et l’année 2005. J-P D.

 

 Le remplaçant entre en classe et demande :

— Comment fait-on pour les tickets de cantine ?

— Maintenant, c’est le maître qui nous demande ce qu’il doit faire ! s’exclame une petite fille.

— C’est normal, il est en classe en classe, répond son voisin. (comprenne qui pourra).

(enfant de 7 ans, Monbéqui)

 

1968

 

« A la rentrée de 1968, par hasard, Louis se retrouve à l’Ecole Normale. Par hasard car, quand son prof de français de Seconde lui apprit qu’il l’avait vu sur la liste des reçus à l’écrit, il lui déclara : « Ne me dites pas que c’est vous qui avez tenté le concours de l’E.N. et qui êtes sur la liste des reçus ? ». C’était lui et, ayant passé avec succès l’oral, il fut sur la liste des futurs instits. »

 

Comme en classe de Quatrième, quand on lui demanda de choisir son orientation, Louis préféra l’hypothèse basse. Il peut, soit passer en Première (ses résultats le lui permettaient), soit redoubler la Seconde. Il opte pour une nouvelle Seconde. Voilà comment, à refaire le même programme de maths, avec un autre professeur plus brouillon que le précédent, car trop emporté par l’enthousiasme, il mesure mieux la rigueur pédagogique de Monsieur Lachaud. Mais laissons les maths pour le prof d’histoire.

 

Comme pour le CEG se transformant en CES, ou le lycée se transformant en collège, l’Ecole normale vivait alors un carrefour de son histoire. Avec l’arrivée de la mixité. Avec le départ à la retraite de toute une série de profs historiques dans la maison, avec ensuite la création de la deuxième année de formation professionnelle.

Le prof d’histoire était un des historiques marquant de Montauban qui avait comme surnom affectueux « Le Toine » (à l’Ecole Normale tous les profs avaient un surnom). Il transforme, chez Louis, sa passion pour l’histoire, en passion pour l’écriture de l’histoire. Ce prof, assis tranquillement à sa place, met les élèves devant des DOCUMENTS (reproduits ou réels). Ainsi, le savoir historique cesse d’être un discours pour devenir une recherche vivante. Comme Monsieur Lachaud, Monsieur Ombret a non seulement la passion de sa discipline mais aussi celle de la faire vivre à l’école primaire. Avec les Archives départementales, il lance (une fois à la retraite) une série de reproduction de documents d’histoire locale publiée modestement avec une ronéo. L’approche locale peut conduire au localisme ou à l’émiettement mais pas avec le Toine qui construit sa toile globale comme un monde généreux. C’est vrai, ce monde s’arrête aux limites de la France puisque tel est le programme. Monsieur Ombret fort d’une vision politique et humaine de l’histoire cherche le nom des gloires locales pour donner de la chair à l’histoire nationale. Son équilibre entre toutes les données des problèmes était parfait, une perfection qui s’explique, à la fois par sa grande connaissance de sa discipline, et par le souci pédagogique qui l’animait en permanence y compris devant les enfants.

 

« L’envoi des recueils de documents d’histoire locale dans les écoles a cessé depuis longtemps. Or avec les moyens modernes de production d’écrits, ils pourraient devenir plus agréables à la lecture. Pourquoi cette lecture fondamentale a disparu malgré le maintien du service éducatif ? L’histoire a besoin de documents pour exister et nous les croiserons autrement.»

 

De cette année d’E.N., Louis garde donc un vague souvenir de cet événement important : sa première entrée aux Archives départementales de Montauban. Il a la vision de la salle dans la tête mais impossible de retrouver un seul élément de l’activité. S’agissait-il de documents sur la Révolution française ? Pourquoi faire de ce jour-là un jour marquant ? On ne sait pas exactement comment on apprend et ce qu’on retient. Par quels chemins passent nos pensées ? Simplement, à un moment, un élément de l’apprentissage concentre tant de phénomènes qu’il devient inoubliable.

 

« Louis ne reviendra dans les Archives que dix ans après, avec, entre les mains, le travail de Monsieur Ombret présentant des documents sur le coup d’Etat de 1851, un travail qui ne l’a jamais quitté. De fil en aiguille, il a travaillé à l’histoire locale et moins locale. Pour le service éducatif qui existe toujours il a eu l’occasion de le fréquenter avec des élèves en 2005. Ce qui lui donne l’occasion d’un portrait d’enfant, un petit garçon noir avait quelques compétences en matière d’humour. En partant, il ne cacha pas sa mauvaise humeur : « aller voir des papiers de vieux, beurk, c’est nul ». « Reste à l’école dans une autre classe » lui dit Louis ; mais, à tout prendre, il y avait au moins la promenade à pied. Puis, au cours de la visite, dans une allée de livres, il avoua à un copain : « t’as vu, c’est incroyable, moi si je pouvais rester là, je passerais la journée à lire ». En repartant, de tous, il était le plus heureux de cette visite racontée dans le numéro 4 du journal de classe, Le Buissonnier. Voici ce texte tout comme celui qu’il rédigea dans le numéro 1 pour raconter le voyage qu’il venait de faire en Afrique. Son père l’avait enlevé à sa mère pour l’amener en France sans pouvoir ensuite en assurer l’éducation. Placé dans une famille d’accueil, et très fort en matière de rugby, il arrivait de ce premier retour dans sa famille maternelle, au moment où Louis entrait dans sa vie.

 

Visite aux archives départementales du Tarn-et-Garonne

Pour aller aux Archives situées au Cours Foucault à Montauban, on a marché. On a traversé le Pont vieux, le pont le plus ancien de Montauban. Ça fait trop haut ! Puis on a été accueilli par une dame. De la cassette vidéo visionnée au sujet du travail aux Archives, il fallait retenir quatre verbes importants : collecter, classer, restaurer, communiquer. Vingt-cinq personnes font fonctionner les archives. On a vu le document le plus ancien qui remonte à 9 siècles, un original écrit en latin. Il est fait en parchemin c’est-à-dire avec de la peau d’animaux : chèvres ou moutons.

 

On a visité toutes les pièces et même où c’est interdit au public. Le premier groupe est parti, ensuite nous, on est rentré dans la salle interdite, mais bon, c’était exceptionnel, et le monsieur nous a dit que les rangées des livres mises bout à bout, ça faisait 12 kilomètres, peu par rapport à celles des Archives nationales à Paris qui font 200 kilomètres.

Ensuite on a fait deux choses différentes : voir l’atelier de photographie, la dame nous a expliqué comment la machine marche avec une bobine pour faire des micro-films.

Puis, au deuxième étage, une autre dame nous a expliqué comment elle restaurait des livres. Ils ont dit qu’il ne faut pas scootcher alors j’ai demandé pourquoi. Le monsieur a répondu : « Parce que ça abîme le livre pour toujours ».

Avec la dame, un monsieur travaillait à la numérisation avec un ordinateur et un scanner : des photographies mises sur un CD-Rom pour ceux qui veulent les photocopier ou consulter sur Internet. Dans les allées, le monsieur nous a montré plein de cartes, au moins 200 à 300 cartes, dans un seul livre. Ça m’a vraiment étonné ce grand livre de cartes. C’était un peu comme un atlas. La dame a montré une ancienne collection de La Dépêche.

 

On est redescendu et nous avons consulté des livres très vieux avec un questionnaire au sujet du livre : nom de l’auteur, la date, et autres renseignements le concernant (sa côte écrite sur le côté pour le classer). L’exercice c’était de dire ce que les livres donnent comme renseignements. Il y avait surtout des registres de l’Etat civil qui donnent les actes de naissance. Parmi les vieilles écritures il y en avait de belles. Beaucoup de gens utilisent ces registres pour la généalogie.

Les Archives départementales, j’ai trouvé que c’était super. C’était trop bien. Moi, je me suis vraiment ennuyé mais sinon j’ai appris beaucoup de choses. Tandis que moi, je trouve que c’était très intéressant, en plus c’était super bien organisé. La visite guidée était utile car on a vu plusieurs ateliers et beaucoup de livres : en tout 12 kilomètres. Pour moi, j’ai adoré cette journée, c’était trop cool. On a appris beaucoup de choses.

Nous ne sommes pas repartis sans rien. A la fin, on a nous a donné des marque - pages, une feuille d’explication pour relier des livres avec des échantillons de pages et le sceau en plâtre de la République. On a appris qu’on pouvait venir faire des recherches dans une salle de lecture.  Extraits des textes des enfants de la classe.

 

Mon histoire en Afrique.

 

J’ai pris l’avion à Toulouse-Blagnac pour aller à Paris. De là, je suis parti jusqu’à Djamena et à Djamena, direction Bangui parce que j’étais parti pour voir ma maman à Bangui. Dans le quartier de Bangui, j’habite à Fatima. La première fois que je suis descendu de l’avion, à Bangui, j’ai commencé à transpirer parce que, comme à Toulouse il faisait froid, et comme j’avais porté des habits exprès pour l’hiver, j’étais trop couvert. En plus, mon père m’avait mis des choses dans mes poches, alors à chaque fois, mon pantalon me lâchait, tout le temps je devais le remonter.

 

C’est beau la vue d’avion : quand tu vois la ville de Paris avec la Tour Eiffel, c’est beau, et après, quand tu vois Bangui, ça change beaucoup parce qu’à Paris, il y a plein de lumières. A Bangui, il n’y a que des champs et tout plein de choses. Quand je suis descendu, deux militaires m’accompagnèrent jusqu’au hall de l’aéroport. Mon grand-père, qui m’attendait, me dit de me retourner. Il m’a dit de me retourner et là je n’ai pas reconnu ma maman car elle a beaucoup changé. Quand mon grand-père m’a dit que c’était ma maman, je suis allé la serrer dans mes bras. Après, j’ai dû aller reconnaître mes bagages. Quand je les ai récupérés, nous sommes sortis avec ma mère, mon grand-père et ma tante. Dehors j’ai vu mon tonton qui avait beaucoup changé.

 

On a attendu 5 minutes la voiture de mon grand-père. Ensuite, on est parti dans une maison où on a remis des chaussures à un ami de mon père. On est parti chez ma mère. En chemin, j’ai vu le marché, les ordures sur la route, et tout plein de choses. On est arrivé à la maison que je ne connaissais pas. Quand j’avais cinq ans, elle était plus grande, mais la guerre a tout changé. Tout le monde était fier de me voir. Ma mère avait un bébé de trois mois qui s’appelle Rubeine, il était trop beau et trop mignon. Je l’ai pris dans mes bras, et aussi, il y avait ma sœur que je connaissais déjà et qui avait changé.

                                 Un enfant de la classe

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 13:49

« — Je suis fatigué papa. Je crois que demain je vais demander 8 jours à la maîtresse.»

(enfant de 4 ans, Réalville)

 

 1970


 

« Encore aujourd’hui, je ne suis pas sûr de percevoir l’art, se plaint Luis, en conséquence hier c’était encore plus difficile, et je repense alors au prof qui, le premier, fit toucher du doigt les arts plastiques à Louis. Le hasard voulut qu’il puisse le croiser quatre fois dans sa vie, quatre fois qui furent quatre bonheurs. Et Luis de demander à Louis de revenir en 1970.»

 

A l’Ecole normale, Yves Larroque succède à une sommité de l’art, Monsieur Dautry, le génial adepte du crayon. Monsieur Larroque surprend définitivement Louis quand, au cours d’une de ses colères homériques, il s’écrie : « Une salle d’art plastiques sans accès à un lavabo, qui peut le croire ? » Après deux années de travail au crayon qui pouvait deviner le besoin de l’eau ? En fait, la salle d’arts plastique va totalement doubler de volume car c’est toutes les variétés de la matière que le nouveau prof voulait y faire entrer.

Passer de la récitation à la poésie c’est comme passer du dessin aux arts plastiques. Louis sent des barrières s’effondrer et dans le nouvel univers il croit entrevoir une place pour lui.

 

« Ce prof était un artiste fabuleux mais trop timide pour montrer ses talents. Louis en eu la preuve dans une fête communiste de 1971 à Montauban. Sur demande, il réalisait un dessin multicolore au profit me semble-t-il du Mouvement de la Paix qui luttait contre la guerre du Vietnam. Son épouse était à côté de lui et craignait qu’il ne s’épuise. Mais dans sa fureur il ne se reposait pas un instant. Au cours des années 80, il réalisa plusieurs affiches pour annoncer cette fête communiste.  »

 

En classe ses colères faisaient la joie de ses élèves. Son document pédagogique aux mille techniques pouvait faire la joie des enfants. Il était le contraire du seul prof de philosophie de Louis. Pas en terme de culture car elle était immense chez les deux hommes Mais en terme de tempérament et de rapport à l’éducation. Pour Monsieur Larroque, il fallait que l’art arrive aux enfants comme un torrent. Pour Monsieur Ligou, la philosophie devenait une visite très paisible à des entreprises. Louis découvre ainsi le premier ordinateur du Crédit Agricole, Hugues Panassié dans sa maison, ou les problèmes d’une industrie alimentaire. Louis aura comme note 2 au Bac de philo mais par chance, à l’oral, un autre genre de professeur le questionne. Le sujet est tiré au sort et porte sur « l’analyse du capitalisme monopoliste d’Etat ». Louis essaie tant bien que mal de répondre aux questions en faisant appel plus à ses connaissances politiques que philosophiques. Au bout d’un moment, le prof lui demande : « Marx, vous connaissez ? ». « Politiquement, oui mais très peu en termes philosophiques ». A voir la tête de Louis, le prof précise sa question : « L’équation du capital, vous l’avez apprise ? » Là il répond sincèrement : non, jamais. Alors le prof entre dans une explication claire comme de l’eau de roche qui transforme la philosophie en mathématiques. Le capital investi, plus le travail des hommes, ça donne de la valeur d’où est extraite la plus-value extorquée aux ouvriers. Il pose ensuite sa dernière question : « Vous avez eu combien à l’écrit ? ». La réponse l’inspire pour donner la sienne : « Avec 18 à l’oral, ça vous fait la moyenne ! ».

 

« Pour revenir à Monsieur Larroque, Louis peut se souvenir de son fils qu’il a eu en classe une semaine à l’école du Petit Versailles. Le portrait de son père mais en plus calme. L’esprit dans la lune. Un jour Louis accepta de passer chez Monsieur Larroque pour aider son ami Victor Salvador abonneur au journal Révolution. Il découvrit une salle à manger à l’image de l’artiste : des papiers en désordre sur la table et un outil de dessin géométrique.  »

 

Pour le besoin d’une note en arts plastiques, Louis en arriva à produire un travail géométrique. C’est en combinant les maths et les arts, qu’il acquit l’envie de créer. Quant à la note, peu importe. Un jour, délégué de sa classe au Conseil de classe, Louis se souvient d’un échange entre le directeur et M. Larroque :

— Monsieur Larroque, cet élève n’a pas de note en arts plastiques ?

— Pas de problème, mettez lui 18 !

— Vous êtes sûr ?

— Oui, oui, c’est ça, 18.

 

Un seul instant, la joie ne dure qu’un seul instant. Face à la tristesse qui s’incruste, la joie est un éclair. Il faut donc la saisir sans faute à chaque occasion.

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 13:46

« La poésie, c’est pour faire rêver et les rêves, ça donne des conseils. »

(enfant de 9 ans, Monclar de Quercy)

 

1969

 

« Cet homme est présent dans ces souvenirs, car, en 1984, Luis découvrit sur un livre, cette dédicace : A memória de Joan-Glaudi Dinguirard. Pour la première fois, il fut prit d’une immense nostalgie. Pour la première fois il eut envie de dire à Louis : peut-être es-tu passé à côté d’un homme sans le voir ? Pour la première fois il apprenait le décès d’un de ses profs. Que faisait donc cet homme sur ce livre que Philippe Gardy avait consacré à Pèire Godolin ? Ce livre d’un occitaniste honorant un prof de français ! »

 

En 1969, Louis ne peut même pas imaginer l’existence d’occitaniste, ni un tel engagement chez l’homme paisible qu’il a en cours, devant lui. Il constate seulement après la sobriété de Monsieur Lachaud, l’écoute des élèves chère à Madame Cifuentes, que sans avoir le sérieux de Monsieur Ombret, Monsieur Dinguirard en avait le goût des nuances. Sa nonchalance produisait-elle une pédagogie efficace ? Louis retient seulement, comme pour les autres profs, un instant précis, la grande attention portée à une de ses rédactions. Généralement, comme avec Madame Cifuentes, les textes de Louis étaient d’une nullité assez classique sauf le jour où Monsieur Dinguirard demanda aux élèves de s’exprimer sur les femmes.

 

En rendant les copies, Monsieur Dinguirard s’arrête tout d’un coup. Il tient celle de Louis qui se demande ce qui va bien pouvoir lui arriver. Le prof abandonne un instant son air blasé pour féliciter l’élève car il trouve la copie particulièrement féministe, d’un féminisme d’autant plus étonnant, vu ses idées. Tout le monde connaissait déjà les idées communistes de Louis (sans qu’il soit engagé) qui s’offusqua presque de la coupure imaginée entre féminisme et communisme. Résultat du commentaire du prof : des éléments féminins de la classe lui demande de pouvoir la lire !

 

En lisant la référence à son prof sur le livre occitaniste, Luis regrette de n’avoir pas conservé ce texte, le premier à avoir été « socialisé ». Il n’avait jamais écrit à personne sauf pour les profs. Il entamait sur les conseils de Monsieur Dinguirard une carrière de gratte-papier qui le ferait devenir … occitaniste (pour une pièce de théâtre d’André Benedetto, il commença à chercher ses mots) et auteur de ce livre. Au bac de français, qui acheva son année de première, il obtint une note particulièrement ridicule (2 ou 3, difficile de se souvenir du détail).

 

Le passage éclair de Monsieur Dinguirard à l’Ecole Normale de Montauban n’a pas été effacé par les profs suivants. Sa bonhomie, son sens de la paresse – il rendait les copies avec un retard amusant – tout en faisait un cas et Louis garde ainsi quelques joies de plus qu’il ajoute à sa liste.

 

« Joies qu’il peut compléter par la lecture de quelques livres qu’il publia avant de mourir si jeune, indique Luis. En effet, il existe un commentaire d’Ubu Roi d’Alfred Jarry, un cours d’ancien français et une édition de vers gascons le tout publié par l’Université de Toulouse Le Mirail. Trois livres qui résument à merveille le grand humour et «l’archaïsme» de ce personnage ».

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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 09:04

Commencer un article par "J'avoue que je comprends mal..." c'est du Jaurès !


7 décembre 1906

Solutions provisoires

Jean Jaurès

 

J’avoue que je comprends mal la politique de l’Eglise dans la question de la séparation. On pouvait croire que l’Encyclique avait pour objet de donner une grande secousse à l’opinion. Le pape signifiait aux catholiques que la loi française leur faisait une situation intolérable. C’était absurde : car -jamais, loi ne fut plus libérale que celle qui était rejetée par la papauté. Mais c'était comme un appel à la passion religieuse : l'Eglise a assez et trop cédé. Il faut qu'elle se réveille et qu'elle résiste. Et plutôt que de consentir au régime nouveau elle affrontera toutes les persécutions. Au besoin elle suspendra l’exercice public du culte, pour avertir les fidèles négligents ou aveugles de la gravité de la crise traversée par la religion et pour ranimer dans l’épreuve les énergies défaillantes. Or que fait le pape ? Il accepte, il demande que le culte public continue, après le 11 décembre, sous le régime de la loi de 1881 sur les réunions publiques qui offre à l’Eglise infiniment moins d'avantages et de garanties que la loi de 1905.

Le pape et le ministre des cultes aboutissent à la même solution qui est raisonnable en soi, au moins pour un temps, mais qui n’est qu'un compromis passager et un expédient. Les cérémonies religieuses seront assimilées à des réunions publiques. Le culte sera assuré, non par une association de fidèles constituée d'accord avec l’Eglise, mais par la seule initiative du prêtre convoquant les fidèles. Le ministre, il est vrai, dispense ces sortes de réunions de toutes les formalités gênantes. Et puisque c'est par le droit commun de la loi de réunion qu'il veut parer aux difficultés créées par l’intransigeance pontificale, il a raison d'entendre la loi très largement. Donc le prêtre ne sera pas tenu de faire une déclaration pour chacune des assemblées religieuses, une seule déclaration suffira tant que le prêtre restera dans la paroisse et assumera la responsabilité de cette série de réunions. Il n'y aura pas nécessairement un bureau : c'est le prêtre et les deux fidèles qui auront fait avec lui la déclaration qui seront responsables de l'ordre. Les Edifices religieux resteront affectés au culte tant qu’une loi ou un décret n'en aura pas décidé la désaffectation. Ainsi il ne dépendra pas des maires, dans les communes, de suspendre le culte en affectant l’église à un autre usage.

Voilà le régime sous lequel, à, partir du 11 décembre, le culte fonctionnera. A vrai dire, le pape ne pouvait guère condamner ce régime, après avoir condamné les cultuelles sans prendre la responsabilité directe et terrible de la suspension du culte. Il n'a pas osé, quoique la logique de l’Encyclique dût le porter jusque-là. Mais par ce mélange de violence intransigeante et de timidité, il se retire le bénéfice de la résistance et le bénéfice de l’acceptation. Il ne pourra pas inquiéter et soulever les consciences car à partir du 11 décembre, si le culte public est pratiqué dans les conditions prévues par la récente circulaire ministérielle et à laquelle il semble que la papauté se résigne, -il n'y aura pour les catholiques aucun changement visible, sensible, qui les avertisse du passage à un régime nouveau. Le pays aura franchi cette ligne sans même s'en apercevoir. Les églises seront ouvertes comme la veille. Le prêtre, comme la veille, montera à l’autel, et prononcera à la même heure les mêmes paroles liturgiques. Ainsi il n'y aura aucune secousse, aucune commotion profonde ; aucune trompette sacrée ne déchirera les oreilles et les cœurs pour annoncer des catastrophes. Et si la papauté redoute que le catholicisme français se perde dans l’indifférence, elle n'aura rien fait pour l’exciter et le sauver, puisque le coup d’éclat de l’Encyclique ira s’amortissant et s’évanouissant dans la mollesse d’un compromis

Mais comme ce régime même, qui n’aura rien d’excitant pour les énergies, sera précaire ! Le prêtre ne pourra faire dans l’édifice religieux aucun acte de disposition. Il n’en sera ni le propriétaire ni le locataire. Il n’aura ni les droits de l’un ni les droits de l’autre. Avec le régime des associations cultuelles, les catholiques devenaient gratuitement et indéfiniment les locataires de l’église. Demain grâce à la sotte obstination et au parti pris puéril de la papauté, ils continueront bien à aller à l’église, ils la trouveront toujours ouverte, mais ils n’y auront pas plus de droit que les habitués des réunions publiques n’en ont sur les salles où ils se rassemblent. Et pour l’entretien de l’église, pour les réparations que feront les prêtres ? Ils ne pourront pas y procéder sans l’autorisation de la commune. Vont-ils s’adresser à elle et discuter avec elle ? Ils reconnaîtront par là même son droit supérieur de propriété, et toute la protestation superbe de l’Encyclique tombe à plat. La commune ne pourra pas prendre à sa charge les dépenses d'entretien et de réparations. Avec quoi les prêtres y feront-ils face ? Ayant constitué des associations cultuelles, ils auraient pu réunir des ressources permanentes, des réserves permettant de supporter les dépenses ordinaires et extraordinaires du culte. Les voilà maintenant réduits par le pape à n’avoir d’autres ressources avouées et légales que les quêtes faites au jour le jour. Combien de temps le paysan consentira-t-il à donner son argent sans contrôle ? L’Eglise déclare les fidèles indignes et incapables de la seconder dans des associations du culte Elle ne veut pas, comme elle dit, se mettre à la merci des laïques. Croit-elle donc que cette défiance est le meilleur moyen d’exciter le zèle ? Peu à peu, ou les prêtres perdront dans cet isolement orgueilleux et stérile toute influence, tout crédit, toute force d'action, ou ils seront amenés à constituer en fait des associations. Déjà la fameuse diocésaine du cardinal Lecot est une tentative en ce sens. Le pape, qui a bien vu que cette semence allait multiplier et couvrir d'associations toute la terre de France, a fait entendre à demi voix qu'il n'approuvait que médiocrement cette initiative. Il n'a pas osé la condamner tout haut, par ménagement pour le cardinal et sans doute aussi parce qu’il a le sentiment que même la papauté ne peut pas lutter contre la force des choses, qui fait aujourd'hui de l’association la condition même de toute action. Peu à peu, sous des formes diverses et plus ou moins consistantes, la diocésaine du cardinal se propagera. Voici que d’autres évêques invitent les conseils de fabrique légalement dissous le 11 décembre à se survivre officieusement et à prêter au clergé le concours de leur dévouement fidèle. Mais que sera-ce encore sinon une forme d’association ? Ainsi il apparaîtra bientôt aux catholiques que le recours au droit commun d’association est pour eux le seul moyen d’organisation et de salut. Avec ses associations enfin constituées, les communes pourront conclure des baux à long terme pour la location des édifices religieux. Et là sera la solution définitive du problème. Nous n’en sommes encore qu’aux compromis et aux expédients. L’essentiel est que, malgré tout, l’idée de la séparation entre dans les faits sans trouble grave, sans résistance sérieuse. Que la république mette à profit cette période de calme pour réaliser de grandes réformes fiscales et sociales, pour refondre le système des impôts, pour dégrever les paysans, pour instituer les retraites ouvrières et préparer l’assurance générale contre tous les risques.

JEAN JAURES

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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 09:02

Taslima Nasreen toujours debout

 

Echarpe autour du cou, voix posée, Taslima Nasreen déroule le sombre tapis de son histoire dans un anglais au débit calme, la traductrice prenant par écrit les propos de l’écrivaine et journaliste bangalaise pour les restituer à la fin de son intervention d’un quart d’heure.

Nous sommes à la Bourse du Travail de Saint-Denis, face au stade de France, au cours des deuxièmes rencontres laïques internationales et tout au long des propos de Taslima nous comprendrons mieux ses premiers mots de remerciements adressés aux organisateurs.

L’histoire de cette femme médecin et poète est assez connue : d’origine musulmane elle s’orienta très vite, par le journalisme, vers la critique de cette religion, qu’elle accompagna ensuite d’une critique du christianisme, du boudhisme ou de l’hindouisme. De tous les religieux, seuls les maîtres de la religion musulmane la condamnèrent à mort. Quels furent alors ses soutiens ? Les intégristes chrétiens ou hindous appuyèrent ses critiques de l’islam dans le cadre d’une manipulation classique : ils se sont servis de ce qui les arrangeait en oubliant ce qui les dérangeait. Au nom de la liberté d’expression que les forces de gauche firent avancer dans le monde, elle pensa bénéficier du soutien de ce courant d’opinion mais, après avoir quitter son pays le Bangladesh, dans les différentes régions de l’Inde où elle se réfugia, elle constata envers elle la même méfiance de la gauche : pire, alors qu’elle pensait être soutenu, elle se retrouvait l’accusée ! Par ses propos outranciers, lui disait-on, elle ne devrait pas susciter la colère des autorités musulmanes, si prompte à exploser !

Taslima découvre que toutes les religions veulent garder les femmes en esclavage, et il faudrait se taire pour ne pas heurter les susceptibilités ? « Les groupes de gauche préfèrent soutenir les fondamentalistes de l’islam or il n’y aura pas de progrès sociaux notables sans une critique de l’islam ». Elle a dû quitter l’Inde après les diverses menaces de mort, et se demande où elle va pouvoir s’installer.

L’écrivaine était donc très heureuse de pouvoir s’exprimer librement dans une réunion organisée par des forces de gauche et notamment l’UFAL dont le point de vue est cependant différent. Dans un débat précédent, à un intervenant parlant de l’islam, une responsable répondit aussitôt qu’il était regrettable que la distinction bien connue pour les catholiques entre Opus Dei et Théologie de la libération, ne soit pas également appliquée à l’islam. S’il ne faut pas confondre la minorité intégriste et la masse des croyants, la liberté d’expression c’est avoir le droit de dire aussi, que la religion en tant que telle (catholique ou autre) conduit parfois logiquement à la guerre. « Les religions ne sont pas compatibles avec l’humanisme ». Tel est le constat de Taslima Nasreen. Invitée par le parti socialiste européen, elle a pu discuter de plusieurs sujets, mais quand elle a voulu aborder la critique de l’islam, silence ! Ce point est devenu un tabou à gauche, ce qui fait le jeu des droites classiques qui peuvent ainsi se saisir plus facilement de cette critique pour la promotion de leurs propres intégrismes !

 

Le combat de Taslima Nasreen est un combat pour l’égalité de tous et son courage, face au développement du capitalisme clérical, est un point de repère réjouissant pour ceux qui refusent de céder aux divers dictats qui savent à présent appeler « liberté » la soumission. La théorie économique de la liberté (libre-échange) a aujourd’hui envahi toute la sphère sociale pour qu partout nous ayons des loups « libres » dans le poulailler. Et gare à ceux qui veulent museler le loup ! Nous pouvons tous les jours vérifier les leçons d’Eduardo Galeano dans son livre : Sens dessus dessous, l’école du monde à l’envers ». Mais pour aujourd’hui reportons nous aux livres de Taslima. En français sept sont disponibles et douze épuisés ! Son succès de librairie est réjouissant. On peut encore acheter son livre de 1994 publié aux Editions des Femmes : «Femmes manifestez-vous ! ». Et en 2008 nous avons trois livres d’elle qui ont été publiés : «Enfance au féminin » et «De ma prison » qui comme beaucoup de ses récits sont auto-biographique mais aussi une historie autre : « Laffa ».

09-03-2009 Jean-Paul Damaggio

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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 09:01

Peuple, Amériques et lutte des classes

 

A relire, sur ce site, mes informations sur l’actualité américaines (au sens large) et les réactions suscitées, je constate qu’il y a souvent des références au peuple qui peuvent paraître contradictoires au fil des jours. Sans entrer dans une théorisation approfondie qui serait utile, je voudrais m’expliquer sur ce point. La succession de victoires électorales de la gauche tendrait à démontrer à beaucoup de personne, et y compris des Français qui ne cessent de se défier des élections, que là-bas au moins, la conscience du peuple est telle que les gauches peuvent enfin gagner, après s’être égarées pour quelques-unes dans de vaines luttes armées (sans rien lire d’ailleurs de très clair sur l’analyse de cette période).

En France, parfois les mêmes personnes passent du jour au lendemain du mépris envers le peuple (abruti par le sport par exemple) à son idéalisation (quand il est loin surtout), en conséquence il est parfois difficile de savoir ce que chacun met derrière le mot.

Quand je parle du peuple cubain sous contrôle du pouvoir actuel, je ne répète pas l’erreur de ceux qui parlaient hier du peuple russe sous contrôle des staliniens. Le peuple cubain a une histoire révolutionnaire antérieure à Fidel Castro, qui lui a permis d’obtenir, avant la France, le droit de vote pour les femmes puis il a fait la révolution castriste. Aujourd’hui, les évolutions du système en place peuvent-elles lui éviter les sirènes de la société capitaliste, comme ce fut le cas dans le bloc de l’est ?

Quand je parle du peuple du Salvador qui fait la fête, là aussi j’établis une distance entre lui et son représentant élu. Suis je victime d’un autre lieu commun : le bon peuple face aux mauvais dirigeants ?

A Paco Ignacio Taibo II le Mexicain, que j’écoutais dernièrement à Toulouse (compte-rendu sur le site des éditions la brochure), et qui vient d’écrire un livre sur un héros populaire, Pancho Vila, quelqu’un lui demanda : « quand un peuple pourra-t-il prendre son destin en main directement, sans en passer par des héros ? » Il répondit ce que je réponds moi-même depuis longtemps : la question n’est pas celle du représentant ou pas, du peuple, car celui-ci est indispensable à l’unité et l’action populaire, mais celle de sa fonction. Pancho Vila est une figure du passé qui symbolise un courage et une détermination qu’avec d’autres, il nous faudrait retrouver, et non celle d’un Dieu qu’il faudrait invoquer. Je suis d’accord avec Serge Gomond, dans un de ses articles, où il condamne la verticalité des forces de gauche, mais je précise que toute représentation n’induit pas la verticalité (Jaurès est un exemple).

Bref, le peuple sous ma plume est le peuple qui lutte, qui se donne des dirigeants pour imposer ses revendications, mais il lutte contre qui ? Plus que contre les capitalistes, contre cette part du peuple sociologique soumise aux logiques de l’idéologie dominante et qui vole au secours de ses oppresseurs. En conséquence, le peuple en lutte doit gagner la conscience du peuple sociologique et pour ce faire, les élections peuvent lui servir de caisse de résonance, de baromètre du rapport des forces, et l’analyse des dites élections peut éclairer la suite des luttes.

 

Si le terme de capitalisme est revenu en force dans les médias ainsi que la présence ouvrière au rythme des fermetures d’usines, il n’en est pas de même de celui de lutte des classes, ce qui ne me surprend pas. Aux Amériques les victoires électorales sont souvent, vues de France, des victoires biaisées car on donne le nom du président mais rarement celui du rapport des forces au sein de l’assemblée législative. La victoire d’Allende, de par le système électoral, fut une victoire par défaut qui s’est consolidée pendant son mandat, mais qui n’était pas majoritaire. La victoire de Lula fut du même ordre, réalité que Lula utilise pour justifier sa politique modérée, nécessitant l’alliance avec le centre.

Nous pourrions donc en déduire qu’aujourd’hui, le peuple en lutte trouve plus facilement un « chef » national pour le représenter, que des chefs locaux. Tout comme il fallait analyser hier les mérites ou non de la lutte armée, il faudrait analyser aujourd’hui ce décalage qui n’est pas anodin. Il correspond à une médiatisation et une désorganisation de nos sociétés, deux phénomènes qui vont ensemble : l’absence d’organisations globales réelles, solides (syndicales, politiques), qui conduisent à l’émiettement des associations (regroupées trop vite sous le terme global de mouvement social ou pire de société civile), permet aux médias de jouer un rôle fédérateur tout en laissant chacun isolé devant son écran télé ou d’ordinateur. Les victoires présidentielles de « la gauche » deviennent donc aussi des manifestations d’une forme de soumission nouvelle aux forces dominantes quand la dite « gauche » ne sait se trouver qu’une personnalité nationale fédératrice ! Soumission, surtout si les élus de la dite gauche n’entreprennent rien pour changer la forme du paysage médiatique ! Merci de ne pas me faire dire ce que je n’ai pas dit : peu friand de la politique du pire jugée par certains plus pédagogique pour le peuple, je préfère les victoires de la « gauche » à celles de la droite (celle d’Obama à celle de Mac Cain) mais je ne m’arrête pas pour autant aux lustres médiatiques de tels succès tompeurs.

Le hasard me fait travailler pour le moment sur la notoriété d’Olympe de Gouges aux Amériques. A ma grande surprise, je découvre articles, livres, peintures, pièces de théâtre d’un mouvement féministe que je savais pourtant vigoureux. Autant de documents qui ont leurs limites mais aussi leurs mérites : les femmes font-elles partie du peuple aux yeux de nos amoureux français de l’Amérique latine de gauche ? Je pourrais aisément démontrer que ce n’est pas le cas !

Olympe de Gouges, dans les 500 pages de ses écrits politiques qui commencent par une « Lettre au peuple » (1), se pose donc la question du peuple, et bien sûr celle des femmes dans le peuple. Elle n’idéalise ni l’un ni les autres : elle écrit pour éclairer le peuple dont elle sait qu’une partie est soumise, et elle s’étonne que les femmes fassent si peu. Quand elle rêve à des rues de Paris propres, elle, avec d’autres à travers l’histoire de l’hygiène, affrontent autant le peuple que le système ambiant ! Elle constate simplement que la révolution, sous prétexte d’avoir déjà un lourd travail à accomplir en matière politique et sociale, renvoie à plus tard les revendications des femmes pourtant en pointe dans la lutte, surtout en octobre 1789, et elle se pose donc la question : si les pouvoirs des hommes avancent sans ceux des femmes, la révolution n’est-elle pas trahie ?

Aux Amériques, dans la lutte des classes actuelle, les forces de gauche préfèrent combattre le grand Satan US que de mener au sein du peuple sociologique la bataille pour les droits de tous et toutes. Ne me faites pas écrire ce que je n’ai pas écrit : le poids des USA est immense et désastreux sur des pays pillés, mais ce n’est pas lui qui empêche la révolution féministe. Dans cette trilogie, peuple, luttes des classes, Amériques, cherchez les droits des femmes et vous verrez jusqu’à quel point l’idéologie dominante recule au sein du peuple ! La postérité d’Olympe de Gouges, c’est pour aider les féministes à éviter les pièges de cette historie classique.  J’ajoute un seul exemple : en Bolivie après la stratégie du « capitalisme andin » chère au vice-président, voilà que revient celle du «socialisme andin millénaire» qui, comme chacun sait, ouvrit aux femmes les chemins de leur libération…

09-03-2009 Jean-Paul Damaggio

Note

1 ) http://www.rene-merle.com/article.php3?id_article=566 et le livre est évoqué à la catégorie olympe de gouges sur le site http://la-brochure.over-blog.com

 

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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 08:57

Voici un chapitre du travail sur les usines à fer de Bruniquel que je termine après plusieurs tentatives d’écriture sur le sujet. Qui dit « usine » dit voies de communication d’où ce détour par un problème de route.

 

Une rocade à Bruniquel en 1820

 

Le feuilleton dura deux décennies à Bruniquel : pour améliorer le transport des bois de la forêt de la Grésigne à Montauban, il a été décidé en 1807 d’améliorer la départementale n°1 et en particulier dans la traversée du village de Bruniquel, suivant le plan ci-contre (en rouge la nouvelle route).

 

Pour ce faire, il a fallu procéder à des expropriations qui sont très instructives sur la vie de l’époque quand on en découvre la liste. Premier élément, la multiplicité de personnes concernées confirme ce que tout cadastre fait apparaître : la multitude de petits champs appartenant aux personnes les plus variées. Du seigneur toujours présent (Monsieur d’Ouvrié aîné habitant Villegly), au propriétaire des forges en passant par la grande variété d’artisans, on a l’impression que toute une société défile devant l’Etat qui exproprie. La boulangère, le cordonnier, le charpentier, le marchand, le forgeron, l’ex-huissier, le presseur d’huile, le paysan, le notaire, le faiseur de sangles, le maçon, le tisserand, le peigneur de laine, toute une population qui habite au village mais qui a aussi un pied à la campagne. Et pour y cultiver quoi ? Le nombre de pièces de vigne est effarant mais on trouve aussi les cultivateurs de chanvre, culture dont les champs s’appellent « chenevierre », ou la sainfoin. Autre observation importante : beaucoup de veuves sont propriétaires ce qui laisse penser à une place des femmes dans la société plus importante qu’on ne le pense généralement.

On découvre en même temps l’existence persistance des « patures » municipales, ces terres qui servent à tout le monde.

Dernier point très utile, l’expropriation d’une maison. Il s’agit de celle d’un peigneur de laine dont le prix est estimé à 970 francs ce qui doit représenter environ quatre ans de travail de cet artisan. Il s’agit cependant d’une maison en dur même s’il apparaît évident que tout n’est pas en pierre puisque ce matériau est seulement mentionné pour les encadrements de porte et de fenêtre. La toiture est en tuiles canals. La porte d’entrée ferme à clef.

Nous ne savons pas combien de personnes habitent dans cette maison consacrée à l’habitation avec seulement une pièce « agricole » l’écurie pour les cochons, mais se situant tout en bas du faubourg elle dénote pour l’époque, un confort relatif des gens du peuple.

 

Extrait du document

Elargissement de la départementale n°1 sur Bruniquel : voici quelques expropriés.

Dame Lacombe St Michel veuve Martin, une pièce labourable, Pierre Rey qui doit céder des pièces de terre qui sont des bois, les héritiers du sieur Deymié de Montauban, Teulières Antoine, une pièce de terre, Poux Joséphine boulangère veuve Gasc une vigne , Pierre Littre une vigne, Huc Marthe veuve Gandil doit céder une vigne, Gasc Raymond cordonnier doit céder une vigne, D’ouvrié Auguste de Bruniquel doit céder une vigne, Gau Magdelaine veuve Plantade dit Lestrille doit céder une vigne, Cazottes Louis de Moissac, commune de Bruniquel doit céder une vigne, Cordier Pierre de la Cavalerie une pièce de terre, Vales Pierre une pièce de terre, Descazals Guillaume de Notre-Dame Bruniquel, une pièce de vigne(idem pour sa sœur), Ferrières Jean doit céder une vigne, Rousselières Anne veuve de Bruniquel doit céder une vigne, la pature communale doit céder une partie, la commune doit céder une autre pature. Puis plusieurs sont dans le même cas : Rejaud Mathieu charpentier, Baillo Lamothe, Coursières Jean-Pierre tisserand, Bories Antoine marchand, Rejaud Jean charpentier doivent céder une pièce de terre en chenevierre (chanvre), Biau le forgeron une vigne, Rey André ex-huissier doit céder une vigne, Maffre Bertrand presseur d’huile doit céder une pièce de terre labourable, Monsieur Arbus Lapalme Jacques une pièce de vigne, Conte Pierre tailleur d’habit doit céder une pièce de vigne, Monsieur d’Ouvrié aîné habitant Villegly, arrondissement de Carcasonne doit céder une pièce de terre de sainfoin, Daumon maçon doit céder une pièce de terre, Sicre Jean boulanger doit céder une pièce de terre, Lapisse François boucher doit céder une vigne, le sieur Laurens maître chirurgien doit céder une vigne, Albenque Arnaud notaunier, Arbus Lapalme victor, Deltorn Jean dit Guillaument de Caussanus plusieurs pièces de terre 1111 francs, Nichil Jean dit Bô faiseur de sangles doit céder une vigne, Belaygue Bernard doit céder une pièce de terre, Plantade François tisserand doit céder une pièce de terre, le propriétaire de la forge de Bruniquel doit céder une pièce de terre (la bâtisse a été démolie).

En arrivant dans le village de Bruniquel trois personnes doivent céder une grande partie de la surface de leur maison : Doubac Pierre dit Pape peigneur de laine, Gandil Jean dit Bleu et Gaillard Jean. Celle de Doubac est estimée à 970 francs : maison en pierre couverte de tuiles canal pas vétuste rez-de-chaussée avec deux chambres, une écurie à cochon et la porte en pierre de taille avec porte qui ferme à clef. Premier étage deux chambres avec cheminée chacune, galetas par-dessus.

09-03-2009 Jean-Paul Damaggio

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