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23 mai 2014 5 23 /05 /mai /2014 20:21

 

 clovis hugues

J'ai déjà publié des extraits de la préface que Clovis Hugues a écrite pour Cladel. A présent je peux la proposer en entier.

Les deux hommes ne formaient qu'un !

J'aime ce texte. Jean-Paul Damaggio

 

Clovis Hugues et Léon Cladel

Clovis Hugues et le peuple

Extrait de la préface de Clovis Hugues

 

Clovis Hugues par René Lacôte

 

Clovis Hugues

 PRÉFACE à Kerkadec garde-barrière de Léon Cladel

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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 14:23

Je travaille sur un livre concernant la création de la voie ferrée Castelsarrasin-Beaumont et juste au moment où je me préparais à placer en conclusion ce poème de Cladel, le téléphone sonne : la librairie Appel du Livre me demande s'il me reste toujours des actes du Colloque Cladel !

 

Le Monstre

Il arrive, il regarde, il fume, il souffle, il passe.

Il est passé, le grand Monstre admirable issu

De l'homme ; il est passé : l'avez-vous aperçu

Mordant le mors, hurlant la faim, mangeant l'espace ?

 

Où va-t-il ? où va-t-il, avec le feu reçu

De Prométhée, avec son cri, sa carapace,

Ses yeux de sang, ses pieds de fer, son air rapace ?

Va-t-il dévorer Dieu, qui ne l'a pas conçu ?...

 

II le dévorera, vous verrez, et la nue,

S'ouvrant avec horreur à la bête inconnue,

Aura les flancs troués par ses sabots d'airain.

 

Il vole, il plane, il est son propre souverain ;

Il vient de terre, il monte : il a le ciel pour cible,

L'hippogriffe acharné, l'hippogriffe invincible !

1886.  Léon Cladel

 

Perbosc voulait voir dans ce poème une préfiguration de l’avion.

Fabrice Michaux dans ses notes des Poésies de Cladel (publiées chez Arelire) indique : « Il est sans doute aussi, dans l’esprit de Cladel, le train… »

Je reconnais en effet le train, dont Cladel fera un de ses plus beaux romans Kerkadec garde-barrière quand Zola préfèrera titrer à propos de la même nouveauté, sur la machine, La Bête humaine.

Même si la machine est l’objet central du poème, Cladel nous rappelle tout d’abord que cette machine est issue de l’homme. JPD

 

 

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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 17:09

centaure.jpg

 

Dans un article récent sur les Bonnets rouges[1], l'ami René Merle reprend cette citation de Gramsci :

"Autre point à définir et à développer : celui de la « double perspective » dans l'action politique et la vie de l'État. Différents niveaux où peut se présenter la double perspective, des plus élémentaires aux plus complexes, mais qui peuvent se réduire théoriquement à deux stades fondamentaux correspondant à la double nature du Centaure de Machiavel, la bête sauvage et l'homme, la force et le consentement, l'autorité et l'hégémonie, la violence et la civilisation, le moment individuel et le moment universel (l'« Église » et l'« État ») l'agitation et la propagande, la tactique et la stratégie, etc. "

 

Gramsci, Notes sur Machiavel, sur la politique et sur le Prince moderne (1931-1933) 

 

 Habité que je suis en ce moment par Bourdelle, j'ai repensé au Centaure qu'il a sculpté et qui est un Centaure mourant.

 

J'avoue que je suis encore intrigué par cette sculpture (une des neuf qui sont dans les rues de Montauban et qui devraient être dix). Pourquoi le centaure et pourquoi mourant ? Sapho, Pénélope sont plus immédiatement compréhensibles.

Dans le Centaure c'est l'homme qui meurt comme si la bête avait gagné. Et sur la sculpture il est même écrit : "La Mort du dernier Centaure".

Le hasard de l'actualité fait que la sculpture est révélée en juin 1914 avant la naissance de la Grande Boucherie. Je ne pense pas Bourdelle comme étant un obsédé de l'actualité mais en même temps cette conviction de la mort de la civilisation sera à la base de son amitié, aussi surprenante que son Centaure, avec l'écrivain André Suarès qui lui, par contre, annonça sans hésiter, dès 1936, la Grande Boucherie plus moderne de 1939.

 

Dans le Centaure de Machiavel je note avec intérêt que le moment individuel est celui de la bête sauvage et le moment collectif est celui de la civilisation.

 

 

Voici quelques approches du Centaure de Bourdelle.

 1 ) Jérôme Godeau auteur de la notice du Musée Bourdelle écrit :

"Le choix se porte sur La Mort du Centaure, cette fresque aux accents élégiaques exécutée par Bourdelle pour l'atrium du théâtre des Champs-Elysées. Le Centaure mourant en est la transposition en ronde-bosse. La première étude date de 1911, le modèle intermédiaire de 1914, en juin de la même année, Bourdelle met la dernière main au modèle en terre à grandeur définitive et à son moulage.

 

L'homme-cheval nourri de chasses et de festins de chair crue, caracole du plus profond des temps fabuleux. Mais Bourdelle interprète le mythe qu'il rattache à la lignée des "centaures spirituels" comme Chiron le pédagogue, l'initiateur d'Apollon à l'art de la musique - les sabots et la lyre...Si les frisons de la robe, l'ondulation des flancs sont d'un modelé sensuel, l'allongement de la taille, l'évasement du torse, l'étirement de la ligne du bras et du cou s'inscrivent dans la perfection d'une figure géométrique. Où "la matière et l'esprit s'entraidant font de l'homme un dessin surhumain". (Bourdelle)

 

2 ) Un visiteur de Montauban inscrit sur son site :

 

"La mort du dernier centaure est une sculpture en bronze de Bourdelle faite en 1914. Elle est situé à Montauban, ville natale de l'artiste que je visite actuellement. Ici l'artiste représente le centaure Chiron mortellement touché par Héraclès. Il meurt en pleine lutte, avec dans ses mains la lyre par laquelle il avait espéré s'élever vers l'idéal.

 

Lorsqu'on demanda à Bourdelle pourquoi il avait choisi de le représenter mourant, il répondait : "il meurt comme tous les dieux parce qu'on ne croit plus en lui".

 

Il cite aussi François-Henri Soulié (écrivain) parlant au nom de Chiron :

 

"Petits mortels qui m'écoutez, apprenez mon tourment : mon seul ennemi est moi-même et ma double nature. Inapte à la bestialité sans remords et à jamais exilé de l'humain accompli. Ma croupe animale me tient rivé à cette terre, tandis que mon torse n'en peut plus de tendre vers l'azur. Au bout de mes doigts gourds, ma lyre mélodieuse s'est endormie. Mes sabots trépignent, mes reins frissonnent en proie à la fureur de tous les désirs terrestres. Que mon exemple vous fasse horreur et pitié de vous-même. Car nous sommes de la même race : nous aspirons au sublime et nous pataugeons dans la banalité. Je suis l'image de cette dualité qui vous hante. Tant que vous troquerez l'harmonie contre la barbarie, la compassion contre la violence, les centaures peupleront le monde. Et tant que vous ferez semblant de vivre, les centaures feront semblant de mourir. "

 

3 ) Guy Chastel dans son livre sur Beethoven et Bourdelle écrit de son côté :

 

"Pénélope, Sapho, le Centaure, Héraclès sont créés et exécutés dans l'ordre universel. Un divin souffle s'échappe comme des Symphonies, de leur âme de bronze ou de pierre. Ces puissantes entités ont l'air, à première vue, de dépasser notre capacité moyenne, elles ne font qu'exprimer une surhumaine et possible élévation des âmes.

 

Elles ne font que raconter Bourdelle comme les Symphonies ne font que raconter Beethoven, mais, en le racontant, elles nous racontent aussi, et c'est ce qui leur fait une vie amplifiée, cette vie intégrale, qui est la sienne, la nôtre et celle de tous les êtres. C'est aussi dans le même sens que les personnages de Racine, princes et princesses de son temps, sont pourtant nos contemporains, et, s'exprimant pour eux, nous révèlent à nous-mêmes.

 

A mesure qu'il avance dans la vie, Bourdelle charge ses héros de son expérience, mais, à mesure aussi, il se rapproche de Beethoven. Il leur confie comme à Fidelio, comme à Coriolan, comme à l'inspirateur de l'Héroïque ses préférences et ses raisons d'être. Et, comme vivre, ce n'est jamais que passer de la lutte à l'extase, il va lui-même de l'un à l'autre pôle. Héraclès c'est l'effort et Sapho l'enchantement ; Pénélope la patience et la fidélité ; le Centaure, le devoir et l'honneur de mourir debout.

 

Parvenus à cet état de symboles et à cette vertu d'expression, ce ne sont plus là des êtres fictifs créés aux mirages du cerveau, ce sont des individualités fraternelles; leur densité leur vient des puissances internes qui les ont enfantées. Elles doivent à l'âme leur don de vie, de vie supérieure. N'est-ce pas là pour Beethoven et pour Bourdelle, le vrai point de rencontre ?

 

Conclusion

 

Le centaure symbolisant le devoir et l'honneur de mourir debout ? Mais une fois encore : qui meurt ? Un dieu, car on ne croit plus en lui ? Si le dieu meurt totalement pourquoi un cheval qui se tient fièrement debout ? Car le centaure veut mourir debout ?

 

Dans la tactique et la stratégie qui peut mourir ? Les deux sont solidaires mais la mort peut provenir d'une tactique incapable de stratégie, ou d'une stratégie incapable de tactique. Pour se relever, les deux chemins n'ont pas les mêmes conséquences. Car de toute façon il faut bien se relever, les dieux n'ayant jamais dit leur dernier mot et les hommes non plus ! JP Damaggio

 


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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 17:32

Monument-Appilly-Oise.jpg

 

Cette autre statue de Marius Cladel est plus originale que celle de Negreplisse. Installée dans une commune de l'Oise on y voir une veuve et une orpheline devant la tombe du soldat absent. Elle entre donc dans la petite liste de statues au féminin pour les monuments aux morts. Il est évident que les sculpteurs étaient tenus à respecter les désirs des autorités. JPD

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 17:16

le-monument-negrepelisse.jpg

Ce n'est qu'au détour d'une phrase d'une longue et utile présentation sur le site de la mairie que nous apprenons que le scultpteur est Marius Cladel, le fils de Léon Cladel. http://www.ville-negrepelisse.fr/fr/accueil/tourisme/patrimoine-historique/le-monument-aux-morts.html

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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 13:37

                                                   monument-aux-morts-saint-ouen.jpg

A l'approche du centenaire du début de la guerre 14-18 les discours sur l'union sacrée ne vont pas manquer considérant, une fois de plus, les pacifistes comme nuls et non avenus, même si on tend à évoquer les fusillés contestataires. Je ne sais s'il existe un livre sur les monuments aux morts pacifistes prônés par les communistes mais je note celui-ci évoqué par L'Humanité en 1922 et célébré par Bourdelle. Ce dernier savait à la fois, ce qu'il devait à la commande publique de la ville de Montauban pour le monument aux morts de la guerre de 1870, et les critiques qui s'en suivirent pour ne pas être dans les normes. Pas étonnant par exemple si celui-ci représente une femme qui pleure ses enfants. JPD

L'Humanité 9 décembre 1922

Inauguration à Saint Ouen d'un monument aux morts

Un peu partout sur notre territoire s'élèvent des monuments aux morts. Et quels monuments ! Poilus casqués, coqs battant des ailes ! Hélas, ni l'art ni les morts n'en sont honorés. Dimanche prochain la municipalité de Saint Ouen procèdera à l'inauguration d'un monument aux morts et ce sera l'occasion d'une manifestation grandiose en hommage aux victimes de la guerre.

Contre la guerre

Nos amis de Saint-Ouen en effet ont voulu donner au monument et à la manifestation leur véritable caractère. Ils ont eu à lutter contre l'hostilité des patriotards blocnationalistes de Saint Ouen. Ils en ont triomphé. Toutes les manoeuvres des adversaires ont échoué contre la volonté tenace de nos camarades, qui ont agi en complète communion d'idées et de sentiments avec la population ouvrière de Saint-Ouen. Nous avons vu aujourd'hui notre ami Cordon, maire de Saint-Ouen, qui nous a entretenu de la manifestation de dimanche.

Le monument

Avec lui nous avons été jeter un coup d'oeil sur le chef d'oeuvre qui, dimanche prochain sera dévoilé à l'admiration de tous. Ce monument, oeuvre remarquable du sculpteur Déjean est placé face à la mairie au milieu du square. Il fut retenu par un jury composé de Frantz Jourdain, Antoine Bourdelle, George Pioch, Cordon et Bachelet.

 

Le maître Antoine Bourdelle en a exprimé toute la valeur, à la fois artistique et sociale, dans une lettre que nous voudrions pouvoir donner ici et qui constitue le plus bel éloge qui puisse être fait de ce chef d'oeuvre qui exprime d'une façon vraiment émouvante l'épouvante et l'horreur de la guerre.

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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 12:13

Le 26 novembre 1936 une superbe exposition Rodin s'ouvre à Paris. Voici comment L'Humanité en rend compte sous une photo des "Bourgeois de Calais, une des œuvres maîtresses d'Auguste RODIN". Le fait que Judith Cladel soit citée n'est pas sans rapport avec la reprise de cet article quand à la mention de Bourdelle... (nous y reviendrons). JPD

  Auguste Rodin

Si une exposition d'oeuvres de Rodin (93, avenue des Champs-Elysées), n'apporte plus de révélations capitales, elle fournit l'occasion de rappeler la puissance expressive du sculpteur et l'hostilité dont furent victimes ses principaux chefs- d'œuvre l'Age d'airain accusé, par les manœuvres du Salon, d'avoir été moulé sur nature; les Bourgeois, discutés par la municipalité de Calais ; les bustes de Clémenceau et de Benoît XV, réprouvés par leurs modèles ; le Monument au Travail, destiné à exalter le peuple dans son effort, abandonné faute des concours promis ; le Balzac enfin, « cette course en sac », disait Rochefort livré aux bêtes de la Société des gens de lettres, de 1896 à 1898. Plusieurs de ces œuvres, avec l'Homme qui marche, l'Eve, le Baiser, la Douleur, la Défense, des bustes, etc. figurent à cette exposition. C'est assez pour résumer une production de 55 ans et évoquer à travers elle, les tourments d'une vie prodigieuse et lamentable que Judith Cladel vient de conter, en un livre vengeur.

Modeleur appliqué aux subtiles modulations de l'Age d'airain, ou grand lyrique et visionnaire (la Défense, Balzac), ou sensuel passionné, arrachant Adam et Eve à la glaise pour les livrer à tous les drames du désir ou de la luxure avec une exaspération parfois morbide, Rodin apportait quelque coquetterie à se dire du peuple. D'origine très modeste, il fut, pendant plus de quinze ans (186O - 1875) un ouvrier anonyme au service de sous- traitants ou d'entrepreneurs officiels. Et ouvrier manuel, il le resta, à vrai dire, toute sa vie, malgré les honneurs et les louanges auxquels il était loin d'être insensible, et même quand on voulut faire de lui un écrivain et un penseur comme un vulgaire Bourdelle.

Cette exposition est d'actualité. Elle a le caractère d'une réparation à l'approche du centenaire de la Comédie Humaine. Quelques hommes, Georges Lecomte, Mathias Morhardt, etc. qui luttaient il y a 40 ans déjà, pour faire comprendre le monument Balzac à ceux qui l'avaient commandé, sont à la veille d'imposer à la ville de Paris, qui n'a de complaisance que pour Real del Sarte, la formidable «figure d'un élément», ce Balzac désormais aussi inséparable de son auteur que Voltaire de Houdon, ou la Marseillaise de Rude.-

Antral (Galerie Schœller 13, r. Téhéran), est de la classe des peintres qui, arrivés à la notoriété par leurs seuls dons, ne risquent pas la désaffection de ceux qui aiment la peinture ou essaient de classer les valeurs picturales d'une époque. Antral a toujours été, cité immédiatement après les artistes vivants, aimés comme des maîtres ou tout au moins comme des novateurs. Peintre de la mer, il connaît exactement les ports, les caprices de l'eau et le rôle du vent dans les fumées et les nuages, et sa science incomparable des gris, sa décision, l'exactitude de ses valeurs sont, entre autres, les signes de son autorité.

 

George BESSON.

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 22:31

Guy Chastel, Beethoven et Bourdelle, Editions Alsatia, Paris 1939

Premier chapitre

 

Bourdelle a pratiqué Beethoven toute sa vie.

Hanté dès sa jeunesse par le visage tourmenté du musicien, il touchait à la tombe qu'il essayait encore de l'immatérialiser dans le bronze. Et pendant l'entre-deux de ces périodes extrêmes, il a, si souvent, jeté sur le papier des allégories imprécises, violentes ou délicates au gré de l'inspiration ; il a peint ; il a, en si grand nombre, fait surgir de la matière des images symboliques ou des portraits de Beethoven que cette insistance témoigne d'une obsession qui ne l'a jamais quitté.

Une commune gravité apparente l'une à l'autre des œuvres si diverses.

Le jour où, pour la première fois, un matin de printemps, nous les avons vues rangées en demi-cercle chez le maître-fondeur François Rudier, il nous est souvenu de ces deux cantatrices, deux fidèles de Beethoven, Henriette Sontag et Caroline Unger, qui s'avançaient chez lui comme on entre à l'église.

Nous même, pénétré de respect et pour Beethoven et pour Bourdelle, nous pensions, à l'égard de ce dernier, que l'admiration ne va pas sans un amour qui aime à garder ses secrets.

Ce sont eux cependant que nous voudrions connaître.

Ces Beethoven que Bourdelle a esquissés ou achevés ; ces Beethoven, amis de son évolution ; ces Beethoven, échappés de rêves méditatifs, ne pourrions-nous, comme aux Symphonies, leur demander des confidences ?

Déjà, nous sommes enclins à voir dans le rapprochement des deux artistes une fraternité de l'esprit.

Déjà, la persistance du sculpteur à presser le front du musicien révèle un état d'âme qui dépasse de beaucoup le stade admiratif. Il n'est pas possible que Bourdelle ait, tant de fois, remis sur la stèle l'auteur de la Pathétique, sans que ces recommencements aient un sens que des affinités de tête et de cœur ne suffisent pas à nous expliquer.

Prises à leur début et continuées dans le temps, ces tentatives furent toujours spontanées. L'appel de Beethoven à Bourdelle fut direct et l'œuvre toujours entreprise ne l'a jamais été que pour l'honneur de Beethoven. Nulle commande officielle ou privée, nul monument à ériger, rien de « marchand » n'a fait l'un de ces deux hommes l'interprète de l'autre. De la puissance souveraine qui commande au dedans l'ordre est venu de commencer et de recommencer.

Bourdelle n'a pas cédé non plus à l'un de ces engouements qui, dans les grandes survies, compensent les années d'abandon. Beethoven lui-même, qui est de tous les temps, n'échappe pas à cette alternance. La religion à son endroit est tour à tour tiède et fervente. De jeunes écoles le tiennent pour un auteur bien éloquent, voire encombrant ; des écoles plus jeunes retourneront à l'enthousiasme et à la prosopopée, en attendant que la mode s'empare de Bach ou de Mozart. Suivant les aspirations de l'esprit qui ne cesse de tendre au renouvellement et le va-et-vient d'une opinion qui tantôt se porte à droite et tantôt se porte à gauche.

Bourdelle n'appartient pas davantage au groupe de ces artistes qui, à un certain moment, ont rivalisé presque à l'envi pour implanter chez nous le personnage du musicien. Faut-il citer Balestrieri, Ringel, de Groux, José de Charmoy, Max Klinger, Jean-Paul Laurens et un admirable Naudin ? Episodiques ou non, tous ces Beethoven représentent dans la vie artistique de ceux qui les ont créés un moment, peut-être même un accident. La préoccupation de Bourdelle à l'égard de Beethoven reste continue. Aussi veut-il aller plus loin que les apparences, jusqu'au centre de l'être. Et Beethoven n'est pas seulement dans cette longue série d'approches vers la vérité une forme prolongée de cette inquiétude intellectuelle qu'il traduira par ces mots : « Pour devenir un véritable artiste, il faut se battre », il se penche sur lui comme s'il se penchait sur son problème intérieur.

Tous les artistes qui ont voulu symboliser et synthétiser la musique ont pensé à Beethoven, mais Bourdelle aime la Musique pour elle-même.

Le méridional aime le son, il chante pour entendre sa voix, il chérit Guillaume Tell, les Huguenots, la Juive, pour le contre-ut, la note haute où il attend le ténor.

Héritier de ses « lointains ancêtres qui gardaient leurs troupeaux en soufflant dans des flûtes de buis », Bourdelle sentait la musique comme un homme de la nature. L'air, le feuillage et l'eau ont des voix qui parlaient à son enfance et qu'il ne cessa jamais d'entendre. Sa voix, à lui, était très juste. Il chantait des airs de son pays, d'anciennes chansons patoises qui flottent dans la mémoire ; des chansons populaires de la Grèce. Avenue du Maine, il se mettait au piano et improvisait des airs de son invention. Il gardait même, dans la soupente de l'un de ses ateliers, un harmonium, un petit instrument en acajou, de quelques intervalles et de quatre jeux ; d'une main distraite, il allait s'y délasser.

De bonne heure aussi, il avait fait de la Musique un thème de son inspiration. Une de ses œuvres d'autrefois représente un groupe de musiciens ; on peut le voir encore dans une glaise rongée et croulante ; on y distingue un joueur d'orgue qui ressemble à Bourdelle comme un frère.

Plus tard, il imagina une femme enveloppée de voiles, qui appuie son instrument sur la terre et joue pour les morts.

Sur la tête méditative de Sapho il élève une lyre gracieuse.

Faut-il rappeler la métope de la Musique au Théâtre des Champs-Elysées?

Il aime Mozart, et, ignorant de sa vie, il ne voit d'abord à travers ses compositions qu'un artiste heureux. Jusqu'au jour où il rencontre et prend la peine d'illustrer un article qui lui révèle son erreur.

Lui-même, enfin, constructeur toujours ému, fut-il autre chose qu'un porte-lyre ? Bien avant qu'il n'eût rencontré Beethoven, une ferveur naturelle rapprochait leurs deux âmes et celle du sculpteur était apte à recevoir tous les enrichissements qui pouvaient lui venir d'un autre art.

Sous un dossier qu'il consultait souvent, Bourdelle avait réuni un certain nombre de portraits, de reproductions et d'articles. La couverture portait en lettres capitales un nom : BEETHOVEN, et une Muse immense dessinée de sa main. Cette inspiratrice au front ceint de lauriers soutient une lyre drapée et développe une aile droite dont les fortes rémiges descendent jusqu'à terre. A l'ombre de cette aile se tient un Beethoven assez fier, un Beethoven en redingote et chapeau de soie, mais petit, difforme un peu, rétif, semble-t-il, aux sages suggestions d'une conseillère auguste et toute belle. Ces contrastes sont révélateurs, chez Bourdelle, d'un premier concept dont il abandonnera difficilement la suggestion.

Dès le début, on le sent en proie à cette antinomie de principe qui oppose la Musique à la Sculpture.

La Musique délivre la pensée, la matière l'emprisonne. La Musique, douée d'innombrables antennes, a ceci de supérieur aux autres arts que, pour aller à son but, elle dispose d'un intermédiaire direct et presque immatériel, le son. Et quand on parle de but, c'est par trop limiter le champ de ses incidences. Son but, ou plutôt ses buts, elle les ignore. Elle s'élance vers le ciel avec un destin défini, mais comme la flèche qui fend l'air et disparaît aux yeux du tireur : nul ne peut prévoir son point de chute. Au cœur seul de celui qu'il frappe, le thème musical prendra sens et portée. C'est elle, cette faculté d'atteinte secrète et de transposition subjective qui livre, pour ainsi dire, à la Musique, la clef mystérieuse des âmes. Il y a telles activités cérébrales que, seule, elle peut mettre en œuvre. Mais, depuis l'ouvrier du carrefour qui écoute, plein de songes, jusqu'à l'artiste raffiné qui distingue au passage les merveilles de la polyphonie, c'est la même puissance qui, à des degrés divers, prend possession de l'être intérieur. Au regard de l'un comme de l'autre elle donne une atonie qui est signe de départ et de détachement. A ce moment, plus que le sommeil, elle ouvre le royaume du rêve. Mieux, elle « agit », dit Tolstoï, parlant précisément de la musique de Beethoven. Elle est, « au-dessus des sens », de ces choses « qui font partie de Dieu », disait encore à Goethe Bettina Brentano, inspirée par Beethoven. Les Chinois ne permettaient qu'une certaine musique, celle du Prince.

La Sculpture ne saurait prétendre ni à ces voies subtiles, ni à tant de magie.

La Sculpture ne saurait prétendre à projeter sur les fonds obscurs de l'individu ces faisceaux éclairants. Il y a même dans la Sculpture une statique qui, non seulement s'oppose à l'articulation du thème orchestré, mais se refuse à en capter les effluves secrets. Comment alors imaginer qu'une sculpture puisse utiliser les traits du musicien pour exprimer visuellement sa musique ? Retenir dans l'épaisseur des volumes le vol d'une pensée musicale qui se meut sans limites dans l'espace et le temps; réaliser cette synthèse en relief; la faire jaillir des abimes pétrifiés OÙ dort l'image riante et le songe douloureux, à première vue, c'est vouloir soutenir une gageure insoutenable.

Ces deux arts sont à ce point contradictoires que, plus ils tentent de se rapprocher, plus ils s'éloignent de leurs fins. «Le vrai caractère de l'art musical, dit Wagner, est incompris aussi longtemps qu'on exige de lui une action analogue à celle des œuvres plastiques». Inversement, l'œuvre plastique qui voudrait s'élever à une certaine expression musicale devrait bientôt connaître ses limites. L'une est aussi affranchie de toutes entraves que l'autre est serve.

Et cependant, la transposition concrète du son pourrait ouvrir à l'âme un domaine inconnu.

Il y a une interpénétration des arts : « Si Michel-Ange eût fait un poème, écrit Stendhal, il eût créé le comte Ugolin, comme si le Dante eût été sculpteur, il eût fait le Moïse ».

Il y a des peintures qui chantent et des sons qui évoquent les couleurs. Chopin voyait le sol en bleu. Odilon Redon, Gustave Moreau, Carrière se sont approchés de ce mystère des analogies ; ils nous le font pressentir, mais à l'état diffus. Les musicalistes ne sont pas forcément musiciens ; ils représentent un groupe d'artistes qui, en peinture, en sculpture, en littérature, travaillent dans l'esprit de la musique. Nous sommes encore en pleine confusion. Avec la sculpture la difficulté ne peut qu'augmenter : sa solidité fait loi. On conçoit encore le passage des ondes musicales aux ondes colorées, mais il s'agit ici d'obtenir une transposition figurative du son et l'on ne voit pas encore quelle matière consentirait à s'y prêter.

Musique, sculpture, on rêve d'elles, pourtant, comme de sœurs jumelles. Le mot rythme n'est-il pas commun aux deux arts ? Ne dit-on pas que la couleur a un accent ? N'y a-t-il pas dans les lignes une modulation ? N'y a-t-il pas un corps des masses orchestrées ? Il faudrait qu'au lieu d'être de la musique entendue, la sculpture fut de la musique vue. Il faudrait ajouter au vers de Baudelaire :

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il faudrait réaliser ce que Rimbaud appelle « un art perceptible à la fois par tous les sens ».

Les poètes, plus que les autres artistes, sont hantés de ces problèmes parce que la Poésie fait passer des images devant l'œil intérieur, en même temps que l'oreille est touchée de sons qui l'enchantent ; parce que, joie totale, elle met en accord le cœur et l'esprit, elle satisfait tous les organes de perception ; parce qu'un beau vers est un miracle et que les éléments de sa volupté secrète sont un mystère inexplicable.

Bourdelle s'en était lui-même ouvert à ses élèves de la Grande Chaumière.

Il leur disait : « Tous les arts se rencontrent ; ils s'interprètent l'un l'autre. En écoutant tout récemment un trio admirable de Beethoven, il me semblait qu'au lieu de la voir, pour la première fois, j'entendais de la sculpture.

Le piano martelait tous les moindres plans, tous les accents de l'œuvre. Le violon glissait ses lignes vives, ses profils, de sur un plan à l'autre plan, donnait les contours prolongés des élans — et le violoncelle à voix pathétique, le violoncelle plus ample et plus lent semblait d'un appel grave appeler tous les élans en lui ; on eut dit l'unité de trois parfums.

« Comme le trio de Beethoven, comme les trois voix amicales parlant sous la loi de son génie, menez, sculpteurs, menez de front les trois synthèses. Menez à la fois les plans, les profils et les rassemblements des masses dans le tout ».

Il disait aussi: «Beethoven m'avait encore une fois réuni. Par lui, l'homme qui est en moi ne sentait que l'âme et que l'esprit. La deuxième partie du trio était finie, et moi, — tout recueilli, je l'écoutais — je l'entendais encore. Oui, certes, je l'entendais, car, lorsque j'assemble les lois de mon art, je l'entends toujours. Symphonie musicale, harmonie sculpturale, rythme architectural, tout l'esprit, tout est un.  Le divin, c'est ceci ».

Bourdelle a donc eu la perception très nette de ces rapports connexes. Il n'est pas le seul et il n'est pas le premier. Cependant, jusqu'à ce jour, les essais qu'on a pu faire de ces rapprochements sur le personnage même de Beethoven comportent une grande désespérance. Ses admirateurs s'en détournent pour s'attacher de préférence à son masque muet, soit celui de Klein, de 1812, soit celui de Danhauser, qui est du jour de sa mort, 28 mars1827. Plus qu'une face animée, cette image d'une nuit des sons leur exprime le murmure intérieur des rythmes.

Bourdelle est-il allé plus avant ?

Il nous a paru intéressant de le rechercher.

« Dans la vie des sculptures, a-t-il dit, les plans superficiels, ce sont des incidences ; mais les plans profonds, constructifs, ce sont des destinées ».

Bourdelle, assemblant les lois de son art pour celui qu'il entendait toujours, a tâché ici de faire remplir à la sculpture l'infini de son rôle, de réaliser en des formes plastiques la multiplicité des instants et des états d'âme, « la somme des profils », de ne pas donner seulement l'apparence de la vie, mais le sentiment d'une présence musicale.

Ce but d'un ordre supérieur et cette audace réitérée, ont pour le moins, la valeur d'une expérience, et avec personne l'expérience ne pouvait être plus redoutable qu'avec celui qui échappe à l'étreinte, l'insaisissable Beethoven.

On aimerait connaître l'engendrement de ces œuvres et accompagner Bourdelle dans la poursuite de Beethoven. Certaines phases ont dû en être passionnantes comme des luttes. On aimerait... Il faut y renoncer. Mais, si nous sommes trop près de ces créations pour les embrasser dans leur ensemble et leur répercussion l'une sur l'autre, nous avons des éléments qui nous permettent de rassembler autour de Beethoven les pensées de Bourdelle de surprendre quelque chose de ce tête-à-tête à peu près quotidien et de l'influence que le Sculpteur en a reçu dans sa propre esthétique. Notre intention n'est pas d'établir un parallélisme, de tirer parti des rapprochements, de forcer les analogies, mais, en les constatant, d'étudier un cas, avec toute la curiosité que peut nous donner la persistance d'un colloque ébauché dans l'adolescence, poursuivi dans l'âge mûr, inachevé dans la mort, et, en dépit de toute entreprise, toujours sujet à des retours et des rendez-vous plus intimes

 

Guy Chastel

1883-1962

  Nous avons appris avec la plus vive peine le décès de notre ami et collaborateur, Guy Chastel, enlevé à l’affection des siens et de ses nombreux amis, le 9 juillet 1962, à la suite d’une longue maladie. Il était des nôtres depuis 1928, ainsi qu’en témoigne le premier de nos bulletins. Sa connaissance de Huysmans était déjà grande, et il en donna la preuve dans le Bulletin n° 10, par un texte savoureux où il relate les détails d’une rencontre, dès 1921, à l’issue d’une messe célébrée par l’abbé Mugnier, avec Girard, Jouas et Landry. L’on n’a pas oublié le grand succès de son livre sur J.-K. Huysmans et ses Amis (Grasset, 1957), qui fut le livre du cinquantenaire, et celui, a-t-on dit, de sa « fidélité à Huysmans ». Outre cet ouvrage important pour les études huysmansiennes, Guy Chastel laisse une œuvre considérable en prose comme en poésie, œuvre qui décèle par sa diversité une grande culture. La Société des Gens de Lettres le fit Grand Prix, en 1954, et l’Académie Française couronna de nombreux ouvrages, et notamment celui qu’il consacra à la Sainte-Baume. Guy Chastel avait collaboré avec Charles Grolleau, un des fondateurs de notre Société, à un ouvrage sur la Trappe. Il avait été fait, l’an dernier, Commandeur de la Légion d’Honneur. 

Témoignage de Gabriel-Ursin Langé

Bulletin de la Société J.-K. Huysmans, n° 44, 1962

 

 

 

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 13:13

 

Pour ma cinquième visite du Musée Bourdelle à Paris, j’ai eu la chance de bénéficier d’une visite guidée par Colin Lemoine, conservateur du Musée, qui nous a rappelé quelques éléments techniques de la sculpture de l’époque (la terre, le plâtre, le bronze) et clairement montré comment Bourdelle s’inscrit dans l’histoire de son temps. Il se trouve que chez Gallimard  il vient de publier la correspondance entre Rodin et Bourdelle qui nous sort des clichés. J’offre ici une lettre concernant Judith Cladel dont Bourdelle vante un de ses articles dans la Fronde qui, je le rappelle, est le premier quotidien français a avoir été réalisé uniquement par des femmes car s’il y avait eu un seul homme il aurait demandé d’être rédacteur en chef. Un jour peut-être je reviendrai sur le sujet surtout si ce journal est lis sur Gallica. J-P Damaggio

 autres articles sur le sujet :

Judith Cladel Bourdelle

 

Bourdelle à Cladel

 

Judith face à Rodin

 

 

8 mai [ou 8 juin 1898] (1)

Cher Grand patron

Ci joint Mr Koopmann (2) peintre Américain a la peinture audacieuse puissante il a de la fougue et du talent plus qu'un tas de gros placés. Il désirerait être proposé associé peintre (3) Ne pourriez vous l’y aider. Avez-vous lu L'article sur vous de Judith Cladel (4) dans la Fronde. Il est très beau La quotidienne de Hepp m'a fait plaisir je trouve que le rapprochement des deux salons a été terrible pour les mouleurs d'a coté. Mes yeux se sont ouverts a la sculpture grâce à vous et vous dominez quoi qu'on en pense et en dise toute cette époque. bien a vous.

E Bourdelle

 

Datée grâce à la mention de l'article de Judith Cladel.

Augustus B. Koopman (1869-1914), peintre et graveur américain. Bourdelle fréquenta longtemps Koopman, en témoignent les deux lettres que le second adressa au premier en 1910 (AMB). Difficile de savoir si Rodin se décida à intervenir en sa faveur en 1898 comme le suggère ici Bourdelle. Le musée Rodin ne conserve de lui que des témoignages tardifs, deux lettres de 1910, à l'occasion de son élévation au grade de grand officier de la Légion d'honneur et dont l'une nous apprend qu'il réalisa sur le vif le portrait du sculpteur destiné à la mise en place d'une toile dont nous ignorons si cette dernière fut finalement réalisée. Le fusain rehaussé à la craie figurant un Portrait de Rodin d'après nature fut acquis par le musée Rodin en 1984 (Inv. D.7640).

Membre associé de la Société nationale des beaux-arts, fondée et présidée par Rodin. Cf. lettre 4, note 2.

 

Judith Cladel (1873-1958), femme de lettres et journaliste. Fille de Léon Cladel (1835-1892), elle fréquenta assidûment Bourdelle, ce dernier ayant tôt réalisé un buste de l'écrivain (1894). Amie de Rodin, elle demeure essentiellement connue comme biographe du sculpteur. Elle contribua activement à la promotion de l'artiste.

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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 21:19

Ce dictionnaire ne sait pas dire qu'Hector France a été communard. Il faut donc ligne entre les lignes la vie de cet homme incroyable. JPD

 

Dictionnaire des écrivains, artistes et membres des sociétés savantes

Hector France né à Mirecourt Vosges, le 5 juillet 1837, ancien officier, ancien professeur à l'Académie militaire de Woolwich, écrivain, folkloriste, critique et membre de plusieurs sociétés littéraires et savantes.

Du côté paternel et maternel Hector France est issu d'une famille militaire. Après de bonnes études au Prytanée militaire de la Flèche, il s'engagea à 19 ans au 3ème régiment de spahis. Envoyé à l'Ecole de cavalerie de Saumur, il en sortit avec le grade de maréchal des logis. Durant dix années, il guerroya en Kabylie, dans le Sud algérien et sur la frontière tunisienne. Démissionnaire à la suite de passe-droits, il obtint un emploi dans l'administration des Contributions directes, qu'il quitta bientôt pour une situation supérieure dans une grande administration financière à Paris.

La guerre de 1870-71 survint. Hector France reprit du service en qualité de lieutenant aux mobiles de l'Oise. Il fut bientôt promu capitaine. Après la déroute de Buchy, il fit partie avec son bataillon du corps d'armée de la défense du Havre.

Le général Loysel, manquants de cavalerie le chargea de la formation de deux escadrons que le jeune officier avec une activité extraordinaire arma, équipa et monta en quinze jours et qui furent annexés au 4e chasseurs. M. France fut alors nommé capitaine-commandant d'un des escadrons et proposé avec le n°1 pour la Croix de la Légion d'honneur.

Licencié avec son corps, il arriva à Paris le 18 mars. Indigné de la signature d'une paix honteuse, il offrit son épée au Gouvernement de l'Hôtel de Ville, avec nombre d'officiers outranciers comme lui.

Charles Lullier le prit pour premier aide-de-camp.

Après la sortie du 3 avril où il accompagna Flourens comme aide-de-camp et où il faillit être fusillé à la fois par les Fédérés et les troupes de l'armée versaillaise, le Gouvernement de l'Hôtel-de-Ville lui donna le commandement de la caserne Lobau.

Le nouveau commandant y rassembla tous les soldats et sous-officiers épars dans Paris et que quelques énergumènes voulaient forcer à combattre leurs camarades. Il les disciplina, leur fit allouer la solde des gardes nationaux et les employa à des travaux d'intérieur.

Delescluze songea à Hector France pour remplacer Rossel, son ancien camarade du Prytanée militaire ; mais France refusa d'assumer les responsabilités d'un désastre certain.

Pendant les fusillades de Mai, Hector France échappa à la mort, grâce à son sang-froid et au dévouement d'un ancien magistrat, ami de son père, qui lui offrit un asile. Il put gagner a Belgique, puis l'Angleterre où il exerça les professions les plus disparates. Il y fait des dessins d'anatomie, d'architecture, tint des écritures, donna des leçons d'arabe, d'escrime, de français, de littérature, d'histoire puis entra comme professeur à l'Université de Londres. De là, il alla au Collège de Douvres, et, à la fin de l'année 1879, fut nommé professeur à l'Académie militaire royale de Woolwich.

Entre temps, Hector France avait collaboré au Qui vivre ? et à l'Union démocratique, fondé l'Avenir, et publié deux ou trois romans : Le Roman d'un curé (1877), qui eut plusieurs éditions, L'homme qui tue, pour lequel Léon Cladel avait écrit une magnifique préface et Edmond Lepelletier un magistral compte-rendu.

Le Petit parisien s'empressa de lui ouvrir ses colonnes. Hector France y publia successivement : Le péché de sœur Cunégonde ; Fumeron, Guyot et Cie etc.

Il commença avec une reproduction de L'homme qui tue, le périodique la Vie populaire.

De l'Angleterre, il collabora à La Marseillaise, au Réveil, au Mot d'Ordre, à l'Echo de Paris, à la Vérité, au Voltaire, au Gil Blas, au Courrier de l'Europe, à la Nation etc. et envoya nombre d'articles à plusieurs revues.

Hector France, de plus en plus encouragé par le public et la critique donna en librairie L'Amour au pays bleu ; Sous le burnous études des mœurs et de la vie arabe ; Les Va-nu-pieds à Londres, Les nuits de Londres ; La pudique Albion ; ...

Ardent partisan des exercices physiques M. Hector France est un intrépide marcheur. Il a parcouru à pied une partie de l'Angleterre, la Riviera de Cannes à Gênes, les Alpes-Maritimes, et dans l'été de 1886, l'Espagne d'Irun à Gibraltar, voyages dont il donna ses impressions dans son ouvrage Sac au dos à travers l'Espagne.

Il a publié d'autres impressions de voyage : Au pays des maquis ; Au soleil ; Dans la montagne ; Cinquante ans avec les Indiens (traduit de l'anglais).

Après quinze années de professorat à Woolwich il rentre en France en 1895. Il a écrit depuis des romans populaires de longue haleine. Il travaille à ses moment perdus à un Dictionnaire des Argots, Patois Néologises de France et à une Histoire de la cuisine à travers les âges.

M. Hector France a été président de la Société coopérative des Gens de lettres et de l'Association des Sciences des Lettres et des Arts. Il est actuellement membre du Conseil général des Vétérans des armées de terre et de mer, vice-président de la 14é section de Paris, membre du Conseil d'administration de la Société africaine de France, membre de la Plume et l'épée, de la société des "1", de la Société des gens de lettres. Officier de l'instruction publique Hector France est également commandeur du Nichman-Iftikhar. Il est décoré de la médaille coloniale et de plusieurs ordres étrangers.

M. de Rienzi a résumé assez habilement les impressions que fit naître l'œuvre d'Hector France :

 

"M. Hector France est un observateur et un analyste, ce qui ne l'empêche pas d'avoir de l'imagination - trop parfois. On sent sous sa plume courir la sincérité, la conviction, la haine ou l'enthousiasme, selon qu'il nous donne des études sociales, des œuvres de polémique ou encore des romans vécus. C'est certainement pour cela qu'on le lit avec intérêt, et que ses critiques artistiques ou littéraires sont prisées au plus haut point. Ses œuvres vigoureuses sont aujourd'hui universellement connues. C'est un maître qui sait ce qu'il veut dire. Aucun auteur français n'a pénétré la vie anglaise comme lui et ne l'a vue avec plus de sagacité et d'impartialité."

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