[Jean-Auguste-Dominique Ingres, Le Bain turc, 1862, huile sur toile marouflée sur bois, d. 108 cm, Musée du Louvre, Don de la Société des amis du Louvre, avec le concours de Maurice Fenaille, 1911. (c) RMN/Erich Lessing]
Ingres : Québec-Montauban
Le voyage de Ingres à Québec a été évoqué sur le site suivant :
http://www.marcgauthier.com/blog/2009/02/07/
Il mentionne deux conférences, celle de la Montalbanaise Florence Viguier et celle de Jean-Pierre Cuzin au titre très juste : « Ingres : pompier et incendiaire ». « Jean-Pierre Cuzin a prononcé une conférence en forme d’interrogation autour de la perception du peintre français Jean Auguste Dominique Ingres. Qui était Ingres? Ce peintre français est rattaché au mouvement néo-classique qui préconise un retour aux idéaux de l’Antiquité. Certaines de ses oeuvres sont particulièrement connues, comme Le Bain turc ou La Grande Odalisque. Les critiques les plus courantes à l’égard de ce mouvement artistique peuvent se résumer à son manque de spontanéité et de liberté dans la création artistique. En ce sens, Ingres est souvent considéré comme un peintre sage, influencé par l’art antique et Raphaël. C’est l’aspect «pompier» de son oeuvre, un terme péjoratif dérivé de l’aspect des casques des guerriers grecs assimilés aux casques des pompiers du 19e siècle. Jean-Pierre Cuzin a proposé une relecture des oeuvres d’Ingres en mettant de l’avant sa grande créativité et son inventivité, son aspect «incendiaire». Selon cette lecture, Ingres est un peintre novateur malgré lui, tout autant précurseur de l’art moderne que Delacroix, mais par des voies différentes. »
Cinq points ont été retenus pour démontrer le côté incendiaire : L’audace de la déformation, celle de la couleur, l’art du dessin et la question de la bizarrerie, bizarrerie s’exprimée par une impression de collage. Dernier point : la question de l’érotisme.
Côté Québécois, une suggestion pour le futur de cette exposition itinérante : « sans forcer, pourrait-on ajouter une oeuvre québécoise qui s'ajusterait à la sélection pour mettre en lumière l'originalité d'ici? Imaginez, Hélène Matte pourrait reprendre cet été à Montauban sa dernière performance présentée au MNBAQ juste devant La Source? Trop audacieux comme rapprochement? Et si on osait... »
La conférence de Florence Viguier a fait l’historique du Musée Ingres et nous retenons seulement la fin du commentaire repris du site de Marc Gautier :
« Les dessins d’Ingres :
L’importante collection de dessins de l’artiste a fait la joie et la fierté du musée. Au début, plus de 2500 d’entre eux sont exposés dans toutes les salles. Cette mise en scène n’aurait pas été pour déplaire au peintre qui avait collé les dessins sur des planches. Aujourd’hui, ce mode de présentation s’est perdu, ce qui permet une présentation plus aérée.
Florence Viguier a commenté certains des dessins les plus représentatifs de son musée. C’est ainsi qu’un dessin de Madeleine Chapelle enceinte, sa conjointe, apporte une touche d’humanité au peintre qui est décédé sans enfants.
D’autres dessins, comme cette Étude de monsieur Bertin, permettent de comprendre les procédés utilisés par l’artiste. On y repère des traces de collage.
Surtout, un petit dessin de quelques centimètres carrés, représentant la soeur de Napoléon, Caroline Murat, peint en 1814, jouera un rôle important dans sa carrière. En effet, Ingres s’en inspirera pour représenter La dormeuse de Naples dont il tirera La Grande Odalisque.
Finalement, certaines oeuvres démontrent les recherches constantes du peintre pour trouver la pose la plus adéquate pour ses personnages. De nombreuses feuilles contiennent des essais multiples, construit comme un catalogue de propositions parmi lesquelles il peut choisir le geste final le plus approprié.
En commentant ces dessins, la conférencière a proposé une piste de recherche qui demeure concernant l’oeuvre du peintre. Ainsi, la juxtaposition des différentes esquisses semble révéler un aspect ludique dans le travail du peintre. Les raisons derrière ces associations demeurent encore mystérieuses.
L’exploration du nu par Ingres est un autre aspect qui a été exploré dans le cadre de cette conférence. En particulier, ses dessins érotiques réalisés à partir de gravures ont fait sourire. C’est qu’au verso de scènes érotiques se trouvent de petits dessins, comme si l’artiste copiait des scènes licencieuses et qu’il renversait son dessin lorsqu’un visiteur surgissait d’une façon inopportune.
Plus intéressant encore est le dessin de Madeleine Chapelle, nue, qui pose pour une huile sur papier en 1818 et qui est reprise dans Le Bain turc. Or, cette femme aux trois bras fait partie d’une série d’études qui explique la position non réaliste du personnage dans le tableau célèbre d’Ingres.
La conférencière a pris le temps de souligner l’importance du trésor non inventorié que représentent les plusieurs dizaines de milliers de pièces graphiques du fond documentaire: relevés, calques, copies, dessins achetés, gravures et photographies anciennes.
Les peintures d’Ingres
La trentaine de peintures offertes par Ingres sont présentées dans deux grandes salles au musée de Montauban. Le songe d’Ossian (1813), Jésus remettant les clefs à saint Pierre (1820) et quelques portraits ont fait l’objet de descriptions.
C’est cependant Roger délivrant Angélique qui a fait l’objet d’une analyse plus longue. Surtout, le nu féminin aide à comprendre l’approche d’Ingres, si peu soucieux de l’anatomie et de son réalisme. Cet aspect a été relevé pour souligner l’approche géométrique du peintre dans sa construction de personnages.
Finalement, le reste du Musée avec les peintres de Salon qui ont suivi Ingres et la salle consacrée à Bourdelle, autre Montalbanais célèbre, ont fait l’objet de quelques phrases.
La conférence s’est terminée par deux photographies. La première est un portrait d’Ingres qui montre à quel point l’artiste a participé à la mise en scène de sa postérité.
La deuxième est la plus merveilleuse. Le daguérrotype propose une vue de l’atelier d’Ingres avec un tableau qui a disparu. Ce dernier représente vraisemblablement sa première femme, peut-être enceinte. Jusqu’en 1856, Ingres avait ce tableau dans son atelier et il aurait disparu au moment de son remariage. Cette incursion dans l’intimité du peintre fut particulièrement appréciée.
Cette conférence par Florence Viguier a duré 1h30. La salle de l’auditorium, presque complète, a applaudi généreusement à la fin de la présentation. Il s’agit d’une mise en bouche parfaite pour savourer l’exposition Ingres et les modernes qui débute cette semaine au Musée national des beaux-arts du Québec. »
Nous ajoutons un récent article de la Dépêche du Midi section Tarn-et-Garonne, 17 mars 2009 :
« L'événement n'est pas anodin, même si la distance transatlantique entre Montauban et le Québec a quelque peu atténué la portée de l'exposition internationale. Depuis le 5 février et jusqu'au 31 mai dans une des grandes salles du musée national des Beaux-Arts du Québec on peut découvrir plusieurs dizaines de tableaux non seulement du natif de Montauban, mais d'autres peintres qui ont trouvé source d'inspiration, d'imitation dans l'œuvre d'Ingres. Le titre de l'exposition en lui même est une invitation à découvrir plus avant : « Ingres et les modernes ». C'est une stimulante confrontation entre les œuvres de Jean-Auguste Dominique Ingres et celles des modernes (dont Picasso, Matisse, Picabia) et des contemporains (tels que Man Ray, Cindy Sherman, David Hockney) qui lui ont rendu hommage.
Autour d'une vingtaine de tableaux et dessins du grand maître, comme « Le Bain turc », « Madame de Senonnes « et « Œdipe et le Sphinx », s'ajoutent des créations d'artistes des XXe et XXIe siècles directement inspirées de son œuvre. Une mise en relation audacieuse qui permettra de constater l'influence durable exercée par ce peintre d'exception.
« Cette exposition voudrait suggérer que le regard sur la postérité du maître de Montauban doit rester curieux, dynamique et, pourquoi pas ?, paradoxal : c'est Ingres lui-même qui peut nous inviter à mieux apprécier une œuvre du XXe siècle, et en même temps celle-ci nous conduira à jeter un coup d'œil insolite sur son univers. »
Jean-Pierre Cuzin, Dimitri Salmon et Florence Viguier-Dutheil, sont les commissaires de l'exposition. Celle-ci est réalisée par le Musée national des beaux-arts du Québec et le musée Ingres de Montauban avec la collaboration exceptionnelle du musée du Louvre. Elle réunit 26 œuvres du maître, 40 œuvres d'artistes modernes et contemporains et un violon… le violon d'Ingres !
Que l'on se rassure cette exposition, nettement plus enrichie de par le nombre des œuvres, sera proposée de fin juin à début octobre au public français qui viendra la découvrir dans les diverses salles de l'ancien palais épiscopal devenu musée qui surplombe les berges du Tarn. »