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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 13:45

II. SONNETS D'AMOUR

 

Comme tous les poètes, Cladel devait écrire des vers d'amour. Il en a écrit de forts beaux, qui mériteraient de figurer dans une anthologie. Sacrifiant d'abord au goût baudelairien, il a exalté la passion de l'homme fier d'aimer une femme déchue, malgré sa déchéance et malgré le mépris de cette foule, pour laquelle Baudelaire avait un aristocratique dédain. C'est bien dans la note baudelairienne que le sonnet suivant a été conçu.

LUI ET ELLE

A mon ami Paul Arène.

 

Plus vous la combattez, plus ma tendresse augmente;

Certes, vous avez beau me dire son passé,

Me répéter, méchants! que sa gorge est charmante,

Qu'on y trouve un satin que vos doigts ont froisse

 

Je reste où mon amour tranquille s'alimente;

Son corps impérial, vous l'avez encensé.

Mais qui donc, parmi vous, a fait d'elle une amante,

Et battre à l'unisson son cœur toujours glacé ?

 

Arrivé le dernier et bien tard dans sa vie,

Après avoir beaucoup aimé, beaucoup pleuré,

Sans crainte, sans efforts, muet, je l'ai suivie.

 

J'aime, comme un enfant, son sein déshonoré

Dites, si vous voulez, qu'elle est très belle, nue

Je vous répondrai « Moi seul, je l'ai connue! »

(Éclair, 29 décembre 1867.)

Plus tard, dans une note plus calme et dans une forme classique, Cladel écrivit des vers harmonieusement rythmées, pour lesquels sa plume de puissant ouvrier des lettres se fit délicate et tendre. N'est-ce pas sur un air tendrement musical que se déroule le poème suivant ?

 

L'AMIE

Tu peux subir l'injure des hivers

Et devenir aussi blanche que neige

Ta bonne bouche où je puisai mes vers

N'oubliera pas notre amoureux manège 1

 

Allons revoir - veux-tu ?- les buissons verts

Où j'accrochai ta robe de barège,

J'avais alors l'esprit tout de travers;

J'étais naïf et j'étais sacrilège.

 

Des fleurs d'antan s'il ne nous reste rien,

Les arbres, va, nous reconnaîtront bien

A nos baisers toujours pleins de jeunesse

 

Et moi, vieillard, qui n'ai point de bon sens,

Je chanterai dans l'herbe et dans l'encens

Les cheveux gris et doux de ma maîtresse.

(1868. Paru dans la Lauzeto (L’Alouette), 2° année 1878.)

 

Savourez maintenant ce médaillon. Cladel en l'écrivant se souvint qu'il avait des qualités de peintre et celle pour qui il fut écrit ne dut pas être médiocrement fière de l'avoir inspiré !

 

MEDAILLON

Brune, d'aspect oriental,

Elle tient haut et droit son buste;

Son œil si doux semble fatal

Et, gracieuse, elle est robuste.

 

Elle frémit comme un arbuste

L'air barbare et sacerdotal,

Elle est gentille, elle est auguste;

La voix sonne comme un métal.

 

Elle a des calmes léthargiques

Et des hérissements tragiques,

Sa lèvre veut, son geste dit.

 

Pareille aux femmes de la Bible,

Elle est la sœur belle et terrible

D'Hériodade et de Judith.

(Inédit.)

 

III Poèmes héroïques

 

Enfin, Cladel fut un ardent démocrate, qui sut traduire ses croyances politiques, non seulement dans son œuvre de prose, mais aussi dans ses vers. Les Montagnards nous l'ont prouvé. A la même inspiration se rattachent les deux pièces suivantes Garibaldi à ses Vélites et Stances héroïques.

 

GARIBALDI A SES VÉLITES

Impatient du joug et secouant le bât,

Toujours au feu, toujours au fort de la bataille,

Exaspéré, frappant d'estoc et de taille,

J'ai combattu trente ans et plus le bon combat.

 

« Amis, le clairon chante, amis, le tambour bat! »

On se ceignait les reins, on grandissait sa taille,

On offrait en riant sa poitrine à l'entaille

Du fer; on courait sus aux hommes de rabat.

 

A ces grands souvenirs où j'ai l'âme occupée,

Ma main cherche à mon flanc la garde d'une épée,

Et je vois l'étendard rouge sous le ciel bleu.

 

Hélas mon bras vaincu, parce que vieux, infirme

N'appuierait plus, enfants, ce que ma bouche affirme,

C'est à vous de brandir notre drapeau de feu.

(Le Gaulois, 3 décembre 1868.)

 

STANCES HÉROIQUES

1

Le sang coule à bouillons de ton flanc maternel,

Patrie 1 et tes enfants, frappés au cœur, expirent-

O jours d'angoisse, ô jours de deuil ! Deuil éternel !

Que d'hommes ne sont plus, que de femmes soupirent;

Un Tudesque, un Teuton écrase les Gaulois,

Et veut, roi féodal, asservir à ses lois

Ceux en qui de Danton vibrent les fortes fibres

Et dont tel est le vceu mourir ou vivre libres !

 

II

Jeunes et vieux, ils sont debout à tes remparts,

Sainte cité, tes fils indignés et farouches :

Les cœurs, à l'unisson, battent de toutes parts,

Le même cri pieux monte à toutes les bouches :

« Mère Patrie, ô France ! ô pays insulté !

Nous jurons de mourir, tous, pour la liberté ;

Viennent le roi Guillaume et son Bismarck oblique

Ce cri les recevra : Vive la République ! »

 

III

Liberté ! Liberté ! Dans ton Paris fumant.

Au-dessus de ses murs rougis du sang des braves,

Ouvre ton aile immense et montre à l'Allemand

Ton front sublime et pur, Méduse des esclaves ;

Inspire à l'étranger la haine des tyrans,

Et nous, ton peuple aimé, nous, les Français mourants,

Nous saluerons en toi, d'un long cri d'espérance

Ton règne, ô liberté, ton grand triomphe, ô France !

1870. (Inédit.)

 

Moi qui chante les bois, les prés,

Dans ma rugueuse et rouge prose

Où marchent les désespérés

Au regard farouche et morose.

 

C'est ainsi que Cladel définit son talent de prosateur dans un sonnet sur le tombeau de Théophile Gautier. La plume capable de nous donner cette rugueuse et rouge prose » si merveilleuse de coloris et de puissance est la même qui a su nous donner maints sonnets tendres et délicats.

Léon Cladel fut donc un délicieux poète, un poète curieux par la diversité de son talent mais il est bien certain que ses plus beaux poèmes sont encore ses poèmes en prose le Bouscassié ou cet Ompdrailles qui s'ouvre «comme un palais glorieux de son portail de marbre[i]  » sur une page du vieil Homère. Ed. Campagnac.



[i] Georges Normandy

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