8, 9 novembre 2010 : Chichen Itza etValladolid
par Marie-France Durand
Au terminal de bus, après un véritable expresso italien (délicieux) au café d’à côté, nous prenons un billet (21p soit 1,30€) à la compagnie Oriente pour Chichen Itza. Ce n’est pas la 1ère classe, mais c’est très confortable quand même. La différence est que les horaires ne sont pas toujours respectés à la minute près. Ainsi, une sorte de mafioso de l’Oriente, après avoir éjecté des voyageurs de leurs places situées à l’avant (pourtant numérotées), ordonnera au chauffeur d’arrêter le bus devant une gargote pour aller se restaurer, car il a visiblement une petite faim ! Nous attendrons que Monsieur ait terminé son repas.
Après 45 kilomètres de route plate en forêt on arrive à Chichen Itza vers 9h¼. C’est l’un des sites mayas les plus visités au Mexique, et nous avons tenu à arriver tôt pour éviter les hordes de touristes qui déferlent, parait-il, en fin de matinée, venant des hôtels luxueux de Cancún.
Pas de queue pour l’entrée qui est de 167p soit 10€ (116p pour les Mexicains). Heureusement, tous les vendeurs menant au site ne sont pas encore installés, et on peut parcourir les quelques centaines de mètres de forêt sans être trop importunés avant d’arriver à el Castillo, la grande pyramide – qu’on a tous en tête si on a lu Tintin et les Picaros ! C’est aussi celle qu’on trouve dans tous les dépliants touristiques.
Seule au milieu d’une grande étendue d’herbe rase, elle en impose, mais je ne la trouve pas vraiment belle, contrairement aux nombreux autres monuments du site, dispersés dans la forêt : car l’ensemble est vraiment époustouflant. Au milieu de la forêt, des pyramides plus modestes, mais couvertes de bas reliefs, un observatoire astronomique impressionnant, el caracol, dont le dôme est en colimaçon – d’où le nom – où tout a été étudié pour observer les astres, Vénus en particulier, dont les mouvements dictaient les faits et gestes des Mayas, mais pas seulement, puisque le calendrier maya, très compliqué, étonne encore les chercheurs par sa précision dans la mesure du temps. Plus loin un ensemble immense el Edificio de las Monjas (le temple des Nonnes).
Puis la Iglesia (l’église) un bâtiment rectangulaire absolument recouvert de bas reliefs plus ou moins symboliques superbes et de hiéroglyphes. L’écriture maya, comme l’égyptienne comporte des dessins qui ont différents sens suivant le contexte. Il faut parler encore du monument peut-être le plus extraordinaire : el Grupo de las Mil Columnas (le temple aux mille colonnes), presque toutes sculptées. Incroyable ! Et aussi du Cenote : une sorte de puits naturel extrêmement profond, qui permettait d’approvisionner la cité en eau. Les Cenotes, nombreux dans la région, étaient sacrés pour les Mayas. Peut-être parce que c’est très impressionnant, ça ressemble à des puits sans fond que la nature a creusés dans le calcaire. Ils y voyaient le passage avec le monde de l’au-delà.
Proche d’el Castillo, on trouve l’immense terrain de Juego de Pelota (jeu de pelote), muni de grands anneaux de pierre où passer la balle, et couvert de bas reliefs, très figuratifs ceux-là, comme des bandes dessinées de pierre, et racontant le destin tragique des joueurs : les perdants étaient égorgés et leurs têtes mises sur des pieux autour d’un monument proche, très explicite puisqu’il est couvert, sur quatre niveaux, de têtes de morts, toutes plus grimaçantes les unes que les autres.
El Castillo, la grande pyramide était dédiée au dieu Chac-mool. On y faisait monter les 365 marches aux sacrifiés, et, tout en haut, les prêtres leur arrachait vivant le cœur pour l’offrir au dieu avant de jeter les dépouilles au bas de l’escalier. Il parait que vu sous un certain angle, aux équinoxes, les escaliers forment les écailles du dieu serpent Kukulkan (ou Quetzalcoatl) et qu’on a l’impression qu’il se coule dans le Cenote.
Bien sûr tous ces noms : el Castillo, la Iglesia, etc. ne sont pas les noms d’origine que l’on ne connait pas. La civilisation de Chichen Itza avait quasiment disparu lors de l’arrivée des Espagnols. On pense que la ville fut fondée par une tribu maya venue du sud : les Itzaes, vers 450 après Jésus-Christ, et que l’apogée de sa grandeur se situe entre le VIIème et le IXème siècle. Puis, après une sorte de déclin, elle a été repeuplée, peut-être par une tribu venue du nord d’origine toltèque, autour de l’an 1000, avant un autre déclin à la fin du XIIème siècle. C’est pourquoi on peut distinguer nettement deux styles différents à Chichen Itza : le style de la Iglesia et autour, purement maya et plus ancien, avec des représentations symboliques parfois à peine esquissées, qui diffère de celui du Castillo, ou du Juego de Pelota, plutôt d’influence toltèque et où les bas reliefs sont plus figuratifs.
Il faut regretter le nombre impressionnant de guides et « marchands du temple », certains très accrocheurs et bruyants, dans un site qui demande à être visité tranquillement pour goûter le calme de la nature et le chant des oiseaux. La vente de têtes de morts en faïence aux couleurs vives au milieu des monuments est vraiment de très mauvais goût. Au fur et à mesure que le temps a passé, les cars de touristes sont arrivés, le monde commence à s’agglutiner autour des édifices et les guides et marchands deviennent de plus en plus collants. Il est temps pour nous de revenir attendre le bus, qui nous ramène à Valladolid.
Après un petit repos à l’hôtel, nous voici repartis par la calle 41 (rue n° 41) puis la calle 41a (c’est une des rares rues en diagonales à Valladolid, d’où le « a » pour la distinguer des autres : ici, comme à Mérida et à Campeche les rues nord-sud sont numérotées impaires, et les rues est-ouest paires, ce qui n’est pas très romantique mais bien pratique pour se repérer !) qui mène au Convento San Bernardino de Siena. Valladolid a été fondée lors de l’arrivée des Espagnols au XVIème siècle sur une cité maya et fut le théâtre d’affrontements sanglants au XVIIème puis au XIXème siècle entre Mayas et Espagnols. Le couvent est très ancien, c’est l’un des premiers fondés par les Espagnols, et c’est une forteresse de pierre rosâtre qui a un certain charme avec ses arcades, son patio intérieur entouré d’une bâtisse à deux étages de lourdes arcades (comme les anciens caravansérails), son Cenote entouré d’une construction circulaire, son jardin aux plantes et aux arbres exubérants. Dans la chapelle, des statues très naïves et un joli retable. Vu de l’extérieur le bâtiment, très large, est imposant. La nuit est presque tombée et, sur l’immense place, devant le couvent, des enfants jouent au cerf-volant.
Retour vers le zócalo pour un moment à regarder les gens passer. Un bus décoré, avec l’inscription fiesta tropical, à deux étages et à la musique disco tonitruante fait le tour de la place avant de s’enfoncer dans les autres rues de la ville. A l’étage supérieur, des jeunes sont agglutinés et tapent des mains en cadence. On avait vu à Granada (Nicaragua) un bus un peu identique. En fait, c’est une habitude des pays d’Amérique latine pour faire la fête, sauf que, initialement, ce n’était pas de la musique enregistrée mais un véritable orchestre qui prenait place au deuxième étage du bus. Jean-Paul me dit que Claude Sicre avait essayé de faire de même dans son quartier à Arnaud Bernard à Toulouse. Dîner au même endroit qu’hier : arrachera, spécialité yucatèque, bœuf mariné aux épices et entouré de légumes, agrémenté pour moi, d’une bière Montejo negro, et pour Jean-Paul d’orchata (sirop d’orgeat).
Mardi 9 novembre 2010 : Valladolid, piscine, Cenote Zaci
Valladolid respire la douceur et la tranquillité. Les gens y sont aimables et souriants, les jardins bien entretenus, les rues aux tons pastel sont propres, les bâtiments aux arcades innombrables sont harmonieux. On est tellement bien ici qu’on décide de rester deux jours de plus, d’autant que la journée extraordinaire d’hier demande un petit temps pour souffler. Aujourd’hui sera une journée tranquille, sans bus. Petit déjeuner à l’hôtel : il sera « continental » pour moi (avec des toasts grillés), « régional » pour Jean-Paul (avec des viennoiseries). Puis nous arpentons les rues pour quelques achats, un passage à internet (4p soit 0,25€ la demi-heure) pour écrire à Vincent et Guillaume et voir les mails, on traîne un peu autour du zócalo avant de retourner au joli Jardin de los Heroes, à côté du musée San Roque, pour y pique-niquer.
C’est une belle rencontre avec le jardinier (voir le texte de Jean-Paul). Puis nous écrivons quelques cartes postales avant de rentrer à l’hôtel pour étrenner la piscine si agréable. Il fait bon, mais pas excessivement chaud, raison pour laquelle peut-être, à part une dame le premier jour, nous n’avons vu personne s’y baigner. Ensuite nous repartons à pied pour le Cenote Zaci qui se trouve à trois rues de l’hôtel, un Cenote aménagé, ce qui casse un peu le côté sauvage mais ce qui permet de s’approcher de l’eau et de voir comme ces lieux sont impressionnants. Un trou circulaire d’une trentaine de mètres de diamètre, taillé par l’érosion dans le rocher, rempli d’eau, dont la profondeur doit être importante, et à moitié recouvert par la voûte de roche qui n’a peut-être pas un mètre d’épaisseur à certains endroits. Au-dessus c’est la terre, les arbres et la végétation luxuriante. Au-dessous les stalactites et une eau vert sombre où deux personnes se baignent. On comprend que ces lieux aient pu alimenter tant de légendes sur le monde souterrain, infernal pour les Mayas. Ils y jetaient de l’or et des pierres précieuses récupérées bien plus tard par les Espagnols.
Au détour de notre promenade nous nous trouvons devant la petite église Santa Ana, peinte en jaune profond, avec des arcades qui rappellent les films mexicains. Il y a un jardin avec un monument de plus à la gloire de révoltés qui furent fusillés à cet endroit (l’inscription est en maya). Enfin retour vers le zócalo pour regarder les gens passer et écouter les lecteurs – qui se succèdent depuis hier devant la bibliothèque – pour lire des passages de livres produits par l’Etat du Yucatan sur divers sujets concernant la région (la révolution, le théâtre, la géologie, etc.). Une façon d’inciter les gens à lire des livres. A cette heure là les bus touristiques font le tour du zócalo déchargeant pour quelques instants des groupes de touristes parfois méprisants envers les petits vendeurs.
Pour le repas du soir, dans un autre resto autour du zócalo (Las Campanas à deux pas de l’hôtel), longanizas pour moi (sorte de saucisses de porc à vrai dire un peu sèches) et poisson pour Jean-Paul.