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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 19:13

Parce que sur ce blog, il y a un article sur Gabrielle Duchêne ICI une lectrice m'informe que le vœu que je formulais il y a des années a été accompli : il existe un livre sur Gabrielle Duchêne !

Cette féministe, pacifiste et antifasciste que j'ai croisé par hasard avait tout pour rester dans l'ombre. Or il n'en est rien grâce à cette information de Brigitte Cassigneul qui a relayé l'article du blog sur un site ICI. (j'ai mis en lien le site en question)

Elle me communique un lien pour atteindre gratuitement un livre de 500 pages sur Gabrielle Duchêne.

Je clique mais ça ne marche pas. Je prends seulement le début du lien : digitool.library mais le lien me renvoie à une explication concernant ce service.

Alors je prends comme référence la suite du lien que je repère aisément : l'université Mc Gill de Montréal dont j'ai vu les bâtiments somptueux.

Et vous pouvez faire la même démarche avec votre outil de recherche : "mac gill duchêne" et vous tomberez sur le livre. Si vous tapez mac gill socialisme vous tomberez sur un texte présentant Jacques Goodbout et pour mac gill féminisme vous tombez sur une étude concernant Georges Sand.

Une nouvelle source pour moi qui est phénoménale. Je vais bien sûr présenter prochainement une analyse de cette étude sur la féministe.

 

A suivre et merci mille fois pour le renseignement. Jean-Paul Damaggio

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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 15:23

la-vague.jpg

Seule la biographie du Maitron évoque cette éventualité : « En juillet 1924, il réadhéra à la SFIO ». En 2014 la question peu paraître sans importance puisque de toute façon trois ans après? Verfeuil meurt? et la question est donc sans incidence sur l’histoire.

Pourtant j’ai envie de m’y arrêter un moment au nom de la vérité historique mais surtout au nom de la réflexion sur la stratégie politique.

En juillet 1924, Frossard, le premier secrétaire général du PCF qui a été exclu en 1923 revient en effet dans la « vieille maison » avec quelques-uns de ses amis. Parmi les amis, Verfeuil a conduit la bataille des élections législatives de 1924 au nom de leur organisation commune, L’Union communiste-socialiste (l’UCS), dont il est devenu le secrétaire général.

Frossard dont l’arrivisme, dès cette époque là, ne fait aucun doute, tire les leçons des législatives en question : leur organisation qui a présenté des listes communes avec le PS n’a pas eu de député donc, en prévision des municipales, il est plus juste d’adhérer directement au PS en question.

Verfeuil participera en effet aux dites municipales de 1925 sur la liste d'André Morizet (NKM candidate à Paris en 2014 est sa petite-fille) à Boulogne Billancourt et il sera même élu pour la première fois de sa vie. Mais Morizet est encore, et jusqu’après la mort de Verfeuil en 1927, membre de l’organisation communiste-socialiste. Il ne rejoindra le PS qu’en 1928.

Quand on lit Le Populaire, le journal du PS, si Verfeuil est souvent présent en 1924, à cause de son action pour l’UCS, après juillet 1924 il n’apparaît plus. S’il avait repris sa carte à la SFIO, le journal n’aurait pas manqué de s’en réjouir.

Dans l'Histoire du P.C, de Jacques Fauvet (1964) la situation de Verfeuil est évoquée avec précision (fait rare) puis il signale le nom des amis de Frossard qui adhérent en 1924 à la SFIO : Victor Méric, Henry Torrès (le futur défenseur de Cayla évoqué dans un livre de nos éditions), Pioch, F. Faure, E. Lafont.  Il ne dit rien de Verfeuil.

Frossard écrira dès 1927 une petite biographie de Verfeuil où il n’évoque pas son retour au PS. Bref, j'ai eu beau chercher pas une trace du retour de Verfeuil au PS !

Pour accorder la position du Maitron (une source est utillisée que je n’ai pas à ce jour, une bio de Jean Longuet) et cette absence de référence à l’adhésion peut-on imaginer une adhésion qui aurait été faite à la base et sans suite ?

En effet, le combat de Verfeuil va rester le même avant 1924 et après, celui du rédacteur en chef de La Vague. (le nom que les communistes du TetG donneront à leur journal en 1936). S’il publie un article sur la Nouvelle Revue Socialiste tenue par Longuet et Frossard c’est pour y parler d’Olympe de Gouges, thème qui entre bien dans le cadre féministe de La Vague.

 A sa mort, au cimetière de Montauban, c’est un communiste que prononce le discours or s’il avait été membre de la SFIO, les socialistes locaux n’auraient pas manqué de demander à célébrer eux aussi ce personnage.

 J’en profite pour rappeler que La Vague qui va mourir avec Verfeuil, n’a pas été un minuscule journal d’une secte pacifiste d’égarés. Tout comme Pierre Brizon son fondateur en janvier 1918, elle est aussi méconnue que Verfeuil (il n’y aurait pas eu Verfeuil sans Brizon) or grâce à l’étude de LEE Haksu sur le Bourbonnais rouge nous apprenons ceci : « Le retentissement de La Vague fut énorme, dépassant l’audience de l’Humanité ». Le tirage est allé jusqu’à 300 000 exemplaires !

Je pense que Verfeuil est mort avec en lui ce rêve de toujours : la paix pour aller au socialisme. Un mois avant sa mort, il signe une pétition reprise par le journal du PS et celui du PCF (unité qui a dû le réjouir) pour soutenir des victimes de la répression dans les Balkans. A suivre. JPD

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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 15:21

 

 carricature-1.jpg

25 avril 1914

"Citoyens, que nos cœurs se serrent autour du drapeau de l'impossibilisme unifié et je touche quinze mille balles encoe pendant quatre ans" (CDessin de Roubille)

 

La Mairie d’Avignon vient de proposer pour l’expo annuelle qui se tient dans son immense hall, pendant le festival, une expo sur les caricatures de Jaurès. Nous avons évoqué la question sur ce blog : ICI. Je ne connais pas l’historien à l’origine de cette mise en image qui permet de découvrir le tribun à partir du point de vue saignant de ses adversaires.

En la visitant j’ai repensé à un mot du romancier étatsunien Toni Hillerman qui rappelle dans son autobiographie qu’en 1952 quand il arriva jeune journaliste à Santa Fe , il eut sur les bras une affaire de mœurs qui bouleversa l’histoire de la ville, affaire – ajouta-t-il – qui cinquante ans plus tard ferait seulement trois lignes dans les faits divers.

Un fait historique n’a de sens que sa mise en relation avec son contexte, ce qui est le premier travail de l’historien qui ne peut se contenter d’enfiler des événements sur le collier de la vie.

C’est là une embûche considérable aussi pour donner des éléments du contexte, d’autres historiens ont proposé des histoires des mentalités, de la sexualité, de l’agriculture ou de l’inculture. Sauf qu’il n’y a d’agriculture possible que replacée dans le contexte général. Cette autre sortie du contexte général, parfois utile certes, a alimenté une histoire sur le long terme où après les tempêtes océaniques de l’histoire évènementielle on passait à l’histoire plus paisible des longs fleuves tranquilles.

Car nous arrivons ici à une troisième embûche inévitable pour le travail d’historien : lui aussi est pris dans un contexte historique et si ce contexte vise à éliminer toute idée de révolution alors il va être encouragé de toute part s’il présente une histoire sans révolution.

J’ai repensé alors à une autre anecdote : un grand historien disant à la tribune du salon du livre de Villeneuve sur Lot qu’en 1936 Blum n’avait pas d’autre possibilité que la politique de non intervention en Espagne, politique qui – ajouta-t-il – s’est révélé ensuite la plus utile à la France.

 D’un côté, à travailler à produire le contexte d’un événement, on le rend inévitable. La Révolution russe ne pouvait que fabriquer un Staline, Franco ne pouvait que gagner en Espagne, l’Algérie ne pouvait qu’accéder à l’indépendance comme les autres colonies etc.

Or le propre de l’homme, d’un peuple, d’un pays, c’est sa marge de liberté qui fait que l’histoire, même si elle n’est pas celle qu’on aurait souhaité, celle qu’on aurait mérité, reste faite de possibles.

 Toute la dialectique entre la nécessité et la liberté peut piéger à chaque moment chaque historien d’où la condition fondamentale qu’on appelle la confrontation d’idées.

 Tous les pouvoirs aspirent à la mise au point et à la défense d’une histoire officielle. Et quand des révolutionnaires, peu friands de cette histoire ont découvert que dans le pays de la Révolution, l’URSS, l’histoire officielle allait jusqu’à reprendre une vieille coutume consistant à maquiller des photos, c’était la preuve irréfutable que la Révolution filait un mauvais coton.

 Tout comme il n’y a d’économie que politique, il n’y a d’histoire que politique. Si pour ma part, depuis des lustres je me passionne pour le cas de Raoul Verfeuil c’est tout simplement parce que depuis des lustres je considère que le communisme soviétique ayant échoué et que la social-démocratie s’est fourvoyé, il nous incombe de rechercher POUR CE QU’ILS FURENT, ceux qui avaient annoncé cette double impasse, qu’il ne s’agit pas de rendre équivalente dans les faits, mais qui l’est dans les conséquences : l’incapacité planétaire actuelle à construire une alternative possible au capitalisme.

 Jaurès comme Verfeuil ont toujours été pris entre les deux mâchoires de la même tenaille, deux mâchoires qui ont su s’épauler puisqu’elles forment le même outil. L’un en produisant une notoriété hors du temps et l’autre en produisant un silence de tous les temps.

 Prenons une simple question – car je ne peux ici développer mon argumentation : la différence en 1918 entre la paix et la victoire. Un écart qui permet de vérifier que la paix conduit à cette autre question : quelle paix ? Pour Jaurès le pacifisme n’était pas un antimilitarisme. Tout peuple attaqué a le devoir de se défendre. Et l’armée comme la grève, si c’est l’ultime moyen n’en est pas moins un moyen. Alors c’est la guerre ! Or, par définition, toute guerre se termine par un retour à la paix. Mais quelle paix ? Celle qui doit conduire à une autre guerre ?

En 1918, au nom de la victoire, Verfeuil considéra qu’avec le Traité de Versailles les autorités préparaient une nouvelle guerre ! Et sur sa gauche on pouvait lui répondre : si la guerre peut conduire à la révolution, faut-il se plaindre de la guerre ? Il n’y a pas de révolution sans casser des œufs. D’où le retour sur cette autre question évoquée par l’anecdote de Hillerman : qu’est-ce que la violence ? et plus exactement la violence capitaliste ? Elle dépend aussi de la force qu’elle a en face.

Jean-Paul Damaggio

 30 décembre 1900 dessin d'Albert René

- Voilà trois jours que nous n'avons pas mangé à cause de la grève !

 

- Continuez… et surtout ne faiblissez pas… Nous sommes avec vous de tout cœur !

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17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 14:40

Nous avons déjà sur ce blog publié les documents officiels expliquant les raisons de l'exclusion de Verfeuil du PCF prononcé au congrès de 1922.

Acte d'accusation

Suite à la parution de l'article ci-dessous

On apprend dans le document ci-dessus que la publication de la lettre par Le Matin a stupéfié Verfeuil.

 Le journal Le Matin qui pendant la guerre n'a jamais cessé avec d'autres, de salir les pacifistes socialistes dont Verfeuil, a pris un malin plaisir à publier la lettre de Verfeuil ci-dessous. Cette tactique de la presse du système n'a jamais cessé : publier des textes, avec sans leur accord, venant de la contestation interne au PCF, en sachant que toute "utilisation" de la presse "bourgeoise" contre le parti, facilitait… l'exclusion. Après l'exclusion Le Matin n'aura plus à se soucier de Verfeuil.

Or cette lettre ne dit rien d'original puisqu'elle répète ce que Verfeuil a toujours répété publiquement : internationalisme oui, mais sans soumission à l'Internationale.

Cette publication est une simple manœuvre qui rappelle cependant que le parti de type nouveau ne pouvait, comme le PS, avoir des tendances affichées. Elle contribue autant que les articles insultants, à assassiner Verfeuil, qui après cet événement continuera de se battre (en créant une nouvelle organisation) mais sans pouvoir rester l'homme qu'il avait été : une voix importante du courant du socialisme authentique. JPD

 Le Matin 9 septembre 1922

Des communistes français veulent secouer le joug de Moscou

Un des membres les plus influents du comité directeur du parti communiste français, le citoyen Raoul Verfeuil, a adressé la convocation suivante aux élus et aux secrétaires des sections les plus modérées du parti :

"Dans ses dernières réunions, l'exécutif de l'Internationale de Moscou a pris des décisions qui sont de nature à bouleverser entièrement le parti, peut-être même à le ruiner.

De toutes les évidences, l'exécutif a la volonté très nette d'adopter à la section française des méthodes et une politique qui rendraient, si elles étaient appliquées, l'atmosphère du parti irrespirable.

Plusieurs des résolutions adoptées violent les statuts du parti français, et même de l'Internationale ; d'autres annulent les engagements pris au congrès de Tours ; certaines constituent un véritable dessaisissement du parti au profit de l'exécutif, transformé en une sorte de grand conseil de l'Inquisition, et qui va jusqu'à interdire la tenue de congrès nationaux aux dates fixées par les sections.

Il vous apparaîtrai mon cher camarade, que c'est là une situation propre à attirer l'attention des militants.

Pour examiner cette situation et prendre les mesures qu'elle comporte, je vous prie de vouloir bien assister à la réunion qui aura lieu le samedi 9 septembre, à 14 h.-30 ,salle du Vieux-Cheval, 116. rue du Faubourg-Saint- Martin, au coin du boulevard Magenta.

RAOUL VERFEUIL. de la 16ème section, membre du comité directeur."

 

 

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15 juillet 2014 2 15 /07 /juillet /2014 15:06

 

 plaque-verfeuil.jpg

Voilà une plaque qui ajoute au mystère de Verfeuil !

Lui qui n'a pas été marié se retrouve dans une tombe aux côtés de deux femmes !

Les deux femmes sont décédées à l'âge de 29 ans !

A la vue de l'unité des caractères, la plaque ayant été réalisée après le décès de Verfeuil donc en 1927, les auteurs avaient un peu perdu la mémoire.

En effet Denise Echevery est bien morte le 17 octobre mais en 1908 et non en 1907.

Par contre pas d'erreur pour sa sœur Jeanne morte le 20 avril 1912.

Celle-ci était née exactement en 1883, le 5 avril, comme le confirme l'acte de naissance de Port Sainte Marie, dans le Lot et Garonne, où est comparu Etcheverry Jean âgé de 33 ans employé de chemin de fer, domicilié à Port Sainte-Marie qui a déclaré cette naissance d'un enfant de sexe féminin, né à son domicile, de lui et de Marie Ducassou, son épouse, sans profession âgé de 33 ans et ils la prénomment Jeanne.

 Les deux sœurs ne sont pas enterrées avec leurs parents décédés je ne sais où.

Toutes les deux sont célibataires.

La plus jeune est née quatre ans avant Raoul Lamolinairie dit Verfeuil.

Pour vivre Denise, née à Bazas, était lingère et à sa mort son père Jean (dit Pierre) est décédé mais pas sa mère désignée sous le nom de Marie Ducasse alors qu'à la naissance de sa sœur, sur l'acte d'Etat civil de Port Sainte Marie elle est désignée du nom de Ducassou. Elle vivait au n°8 de la Place Nationale.

Sa sœur est sans doute décédée à l'hôpital (car indiquée rue de l'Hôtel Dieu) et sa mère est cette fois marquée décédée (peut-être le 24 novembre 1906 ?) comme son père. Elle est aussi lingère.

 Grâce à la profession du père on comprend les déplacements de la famille qui est en 1879 à Bazas, en 1883 à Port Sainte-Marie et qui est ensuite venu à Montauban.

 Peut-on imaginer un décès suite à une tuberculose ?

Pour pousser plus loin l'étrange de l'affaire dans son roman, l'Apostolat où Verfeuil raconte la vie de Pierre Courtès il lui donne une épouse venue du pays basque, Ondres, comme l'indique la page en question du roman publiée dans l'article suivant.

Jean-Paul Damaggio

 

P.S. Merci à l'ami qui a nettoyé la plaque et découvert les actes de décès des deux femmes.

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15 juillet 2014 2 15 /07 /juillet /2014 15:05

En 1916 Verfeuil est au cœur de la bataille des pacifistes. Dans son roman L'Apostolatson héros, le professeur, Pierre Courtès qui vient de participer à la création du journal La Paix (en fait le Populaire), au chapitre XIII, part en vacances dans les Landes, chez ses beaux-parents. Il témoigne alors du rôle des journaux (ici Le Conservateur mais je soupçonne qu'il s'agit de l'Action française), les mêmes qui contribuèrent à l'assassinat de Jaurès. Le roman sera prochainement disponible en entier. Ce n'est pas une géniale œuvre littéraire mais une indispensable façon d'approcher l'histoire de la guerre. J-P Damaggio

  

"Les vacances étaient venues et, depuis trois semaines déjà, Mme Courtès était partie avec ses enfants pour les Landes, chez ses parents.

Le Congrès du Parti socialiste terminé, le professeur la rejoignit. Il se reposerait quelque temps puis irait dans le Midi, faire une tournée de conférences.

Les Gentil habitaient Ondres, un village des environs de Bayonne où, leur fortune faite et leur fonds de commerce vendu, ils s'étaient retirés.

A quatre kilomètres de la mer et protégé du rude vent du large par un épais rideau de pins, le village somnolait, engourdi et désert, vidé — à quelques réformés et mutilés près — de toute sa population masculine adulte.

En pleine pinède, du côté de la mer, les Gentil avaient fait construire une villa, qu'ils avaient confortablement meublée et où leur vieillesse doucement s'épuisait.

Courtès aimait beaucoup la région landaise, qu'on dit monotone et triste, mais qui est variée et charmante à qui sait la pénétrer. Il en est des paysages comme des femmes : les uns ont une beauté aguichante qu'on voit et apprécie tout de suite et qui vous séduit d'emblée ; les autres cachent la leur farouchement, et il faut chercher au plus profond d’eux-mêmes, dans les yeux languides des étangs et dans l'âme mystérieuse des bois, pour la découvrir.

Courtès prisait particulièrement les lacs landais. Il y en a de superbes, et, à Ondres même, il trouvait le lac dit du Maire concomitant à celui d'Yrieu, d'une beauté émouvante. Couronné de pins et de chênes-lièges qui reflétaient leur masse sombre dans ses eaux limpides, avec la seule échappée du lac d'Yrieu, il régnait sur ses bords un silence impressionnant, troublé seulement par le croassement des corbeaux dont le vol rayait de lignes noires le ciel clair.

Ah ! qu'on était loin, sur ces berges, des hommes imbéciles et méchants, de la société tyrannique et féroce, de la guerre surtout, de la guerre odieuse et stupide qui ravageait et abêtissait la France, l'Europe, l'Humanité !...

Et quelle cure de repos, de sérénité et de philosophie on faisait là, dans la seule mais adorable compagnie de l'eau, des arbres et du ciel magnifiquement confondus !

Courtès, en sautant du train, vit tout de suite sa femme et ses enfants, qu'il embrassa aussitôt avec effusion. Ses beaux-parents n'étaient pas venus l'attendre, contrairement à l'habitude, car, à toutes les vacances précédentes, ils s'étaient empressés d'accourir.

Il en, fit la remarque à sa femme.

— Grand'mère boude, dit la petite Yvonne.

— Grand-père aussi, ajouta le petit Julien.

— Qu'y a-t-il donc ? demanda le professeur à Mme Courtès, soucieuse et muette.

— La guerre ! répondit-elle. Ils sont au courant de ton action. Ils lisent le Conservateur. Alors, tu comprends !

Il avait compris et il fut envahi d'un flux subit d'amertume.

Allait-il être obligé de lutter ici comme à Paris, et faudrait-il qu'il se dressât contre ses beaux-parents comme il se dressait contre ses adversaires politiques, sans haine et sans provocation, certes, mais plein de résolution froide et de ténacité ?

Ce n'était pas pour cette bataille, portée au sein même de la famille et qui avait, par là, à ses yeux, quelque chose de sacrilège qu'il était venu.

Il eut, un instant, l'idée de repartir — de repartir avant même d'avoir vu les Gentil.

Mais c'eut été aggraver les choses au lieu de les arranger. Et puis sa femme, ses enfants étaient là qui lui offraient leur tendresse exquise et leurs yeux rieurs.

Il décida de rester — quitte à abréger son séjour s'il devenait trop pénible.

L'arrivée à la villa fut marquée d'un premier incident. M. Gentil était parti pour Bayonne d'où il ne rentrerait que par le train du soir, et il fallut aller chercher Mme Gentil, volontairement claquemurée dans sa chambre et qui ne voulait pas en sortir.

— Vous en faites de belles, mon gendre s'écria-t-elle, dès qu'elle le vit.

— Nous ne parlerons pas de cela, si vous le voulez, dit-il, conciliant.

— Nous n'en parlerons pas, mais les autres en parlent et en parleront.

Elle avait ouvert un secrétaire ; elle en tira un journal.

Tenez ! lisez ceci

C’était le Conservateur. Il reconnut un numéro récent dans lequel il était abominablement outragé. Il haussa les épaules.

— Cette bave ne me salit pas.

— Elle nous salit, nous. Avec ça, on peut ameuter tout le village contre nous.

— Mère, supplia Mme Courtès, Pierre n'est pas venu à Ondres pour faire de la politique, mais pour vous voir et se reposer. Je t'en prie, laisse cela de côté.

— Pourquoi défend-il les «Boches»? Il n'y en a pas, dans ma famille.

L'allusion était claire et elle voulait être méchante. Courtès, volontairement, ne la releva pas. La bonne appelait pour le déjeuner. Ce fut une diversion. Le soir, au retour de M. Gentil, une scène analogue faillit éclater.

M. Gentil rapportait de Bayonne le Conservateur du jour.

Les calomnies habituelles s'y étalaient et « Huitième de Boche » y était lourdement et férocement insulté.

M. Gentil entra, furieux, brandissant le journal comme il aurait brandi une massue.

— Voilà ce qu'on dit, mon gendre, contre vous et par conséquent contre nous. Je suis un Français, moi... un Français de vieille souche... J'étais trop jeune en 1870, sans quoi, je me serais engagé...

— Et tu es trop vieux maintenant, sans quoi aussi tu te serais engagé, dit la petite Yvonne, avec un sérieux imperturbable, en lui sautant au cou.

Trop vieux trop vieux ! parfaitement... trop vieux.

La répartie de la fillette l'avait désarçonné. Il n’insista pas.

Quelques jours passèrent. Un dimanche matin, comme Courtès était allé au bourg acheter des journaux, il remarqua devant l'église un groupe de jeunes gens qui le dévisageaient. Il n'y prit pas autrement garde.

Quand il repassa, muni de ses journaux, devant l'église, le groupe avait grossi. C'était la sortie de la messe et, aux jeunes gens, s'étaient joints des enfants, des femmes et des vieillards qui le regardèrent, eux aussi, avec une curiosité malveillante. Sous le porche, un prêtre semblait surveiller le troupeau.

Courtès avait à peine fait quelques pas, qu'une voix sifflante l'interpellait :

— Voilà le Boche ! Eh ! là-bas ! le Boche !

Il ne se retourna point. Il déplia un journal et se mit à lire. La route nationale, qu'il suivait, déroulait devant lui son ruban ombreux, bordé de platanes.

— Boche ! Prussien ! Embusqué !

Les épithètes injurieuses — ou qui passaient pour telles — se multipliaient à son adresse. Il continua son chemin, le pas égal et lent.

— Embusqué ! Prussien ! Boche !

Ce n'était plus une voix, mais vingt voix, maintenant, qui proféraient l'outrage et il sentait sur sa nuque le souffle haletant de la meute qui se pressait. Enfants, jeunes gens, femmes, vieillards le poursuivaient, mêlant les ricanements aux injures, les yeux mauvais, le poing menaçant, les crocs aiguisés, fendant des lèvres baveuses.

Il aurait pu, pour rentrer plus rapidement chez les Gentil, couper par des sentiers. Il persista à suivre la grande route, la belle route large dont il voyait l'admirable perspective mourir au loin, dans l'entrelacement frémissant et voûté des platanes.

La clameur, derrière lui, se faisait plus forte. Des enfants couraient à ses côtés.

— Boche ! Boche !

Leur voix grêle lui pénétrait le cœur qu'une immense tristesse peu à peu emplissait.

C'était pour eux, c'était pour que cette innocence ne fût pas flétrie, pour que cette fraîcheur ne fût pas gâtée, pour que cet avenir ne fût pas gaspillé qu'il s'était jeté dans l'âpre lutte. Or, ceux-là mêmes qu'il voulait sauver des hécatombes futures et dont il s'efforçait, en attendant, d'arracher les pères à l'enfer où les gouvernants criminels les maintenaient, ces petits êtres de joie et d'amour lui tendaient le poing et l'injuriaient, inconscients mais féroces, hélas !

Un caillou, lancé à toute volée, siffla à son oreille droite, éraflant le lobe. Une goutte de sang perla.

Sans hâte il marchait. Il avait replié le journal, et il regardait droit devant lui, comme indifférent, les yeux levés vers la voûte feuillue des arbres où s'accrochaient çà et là des pans de ciel.

Et les insultes se faisaient plus grossières ; les menaces se précisaient ; toute une tempête de mots orduriers et de vociférations l'enveloppait.

Et le piétinement de la meute se précipitait. Elle était à quelques pas seulement bientôt, il serait rejoint, entouré, frappé sans doute.

Un deuxième caillou fut lancé qui, cette fois, l'atteignit à l'épaule.

Il ressentit à l'omoplate gauche, une violente douleur. Il eut un réflexe, porta la main à l'endroit meurtri, mais aucune plainte ne lui échappa.

Et il continua de marcher sous les invectives et sous les coups, un peu pâle, sans haine et sans peur, mais plus triste, infiniment.

Il était arrivé au chemin qui, perpendiculaire à la grand'route qu'on laissait là, conduisait, à travers les pins, chez les Gentil. Il allait s'y engager lorsqu'un grand gaillard, d'un bond, se jeta au-devant de lui et lui barra le passage.

Sale Boche ! tu n'iras pas plus loin !

Courtès, d'instinct, recula et, s'étant retourné, il vit une centaine de personnes qui l'encerclaient et hurlaient à sa mort.

— A l'eau! à l'eau ! à l'étang !

L'étang était tout proche et l'on voyait miroiter son eau sous le soleil.

Courtès, sans forfanterie comme sans crainte, regardait la bande hurlante. Aux derniers rangs, il aperçut le prêtre remarqué tout à l'heure à la porte de l'église et qui, sans se mêler à la scène, semblait la suivre avec intérêt, n'intervenant, en tout cas, d'aucune façon pour y mettre fin.

L'idée lui vint de s'adresser à lui, par-dessus la tête de ces malheureux qu'une rage incompréhensible avait saisis et qui n'étaient, de toute évidence, que des victimes ou des instruments.

Mais il considéra aussitôt que c'était une lâcheté. Il ne s'abriterait pas derrière la robe de l'ecclésiastique, et c'était à eux, à ces paysans imbécilement dressés contre lui à la suite d'il ne savait quelles excitations, qu'il allait parler.

Les vociférations croissaient. Une vieille lui cracha au visage. Le cercle autour de lui se rétrécissait.

— Que vous ai-je fait, mes amis, et que me voulez-vous ?

Une bordée d'invectives lui répondit :

— Boche ! Prussien ! Embusqué ! Va-t'en en Allemagne, si tu n'es pas bien en France !

— C'est à cause de toi et de tes pareils que mon mari est mort !

— C'est parce qu'il y a des traîtres comme toi que mon fils a été tué !

— Tu voudrais sans doute que nous devenions Prussiens !

— Mes amis, insista-t-il, ce n'est pas contre vous, mais contre la guerre que je lutte, et c'est parce qu'il y a la guerre que vous avez perdu vos maris et vos fils !

Il voulut continuer, mais une rafale de huées l'en empêcha. Des jeunes gens s'étaient précipités sur lui ; l'un d'eux l'avait saisi à la gorge et le brutalisait ; un autre levait sur lui un bâton.

Alors, il sentit une infinie pitié l'envahir, et il pleura.

Il pleura sur ces pauvres diables qu'une haine bestiale aveuglait et à qui il pardonnait parce que, tout comme ceux qui lapidaient Jésus, ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient.

Il pleura sur eux qui ne comprenaient point et qu'avaient suggestionnés les abominables campagnes de toute une presse versant, depuis les derniers jours de juillet 1914, le poison de haine dans ces âmes simples et ces cerveaux frustes.

Ah l'immonde besogne faite par les journaux depuis deux ans ! S'ils s'étaient contentés de déformer les faits, de « bourrer les crânes » selon la pittoresque expression des combattants ! Ils faisaient plus, hélas ! Ils souillaient la pensée, desséchaient les cœurs, obnubilaient les consciences et répandaient, mêlés à de stupides mensonges, de tels torrents de haine contre l'ennemi et contre tous ceux qui ne criaient pas à son extermination, que le pays tout entier en était submergé.

Et les grandes associations dites patriotiques, largement subventionnées par le gouvernement, avaient, elles aussi, leur part de responsabilité et la nocivité de leur propagande ne le cédait en rien à celle des journaux.

Quels efforts il faudrait faire, la paix revenue, pour réparer tout ce mal et allumer de nouveau la flamme d'amour là où ne brûlait plus maintenant qu'une inexpiable aversion !

En quelques secondes, ces idées traversèrent l'esprit de Courtès. Mais, brusquement, il sentit un choc violent à la tête. L'individu au bâton venait de le frapper. Le professeur, sous le coup, chancela. Ses agresseurs, enhardis, s'approchèrent encore et il fut bousculé, renversé, piétiné, cependant qu'une acclamation de joie montait, dans un redoublement d'injures et de cris.

Le prêtre, un peu à l'écart, souriait.

La bande partie, Courtès, péniblement, se releva. Il avait au front une large plaie d'où le sang, avec abondance, coulait et, sur tout le corps, de douloureuses meurtrissures.

Il alla à l'étang proche où les plus enragés avaient parlé de le jeter. Avec son mouchoir, il lava la plaie.

Puis il reprit son chemin, de son même pas égal et lent.

Et il avait le soleil dans les yeux et dans l'âme."

Raoul Verfeuil

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 16:20

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Pour des raisons indépendantes de ma volonté je cherchais dans mes archives le n°9 de la revue Matricule de Anges que j'ai lu dès son apparition et jusqu'à aujourd'hui.

Mais un seul numéro manque à ma collection : le numéro 9 ! J'ai dû le prêter ou le ranger ailleurs. Je retrouve cette Une du n° 18 consacrée en décembre 1996 à Vazquez Montalban et qui me permet un clin d'oeil à cet écrivain que je n'oublie pas.

Le hasard fait que le numéro actuel de la revue publie un bel article sur une librairie-tartinerie très agréable à Sarrant (32) proche d'Angeville et que je connais bien. Jean Paul Damaggio

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 16:17

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Sous les platanes, en cette fin de soirée avignonnaise du jeudi 10 juillet, le metteur en scène Giorgio Barberio Corsetti et les trois acteurs principaux du Prince de Hombourg acceptent d’écouter des spectateurs commentant leur œuvre.

Une dame ouvre le feu puis les questions vont se multiplier permettant à chacun de revisiter utilement les 2 h 30 de la pièce jouée dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes.

 Un Prince de Hombourg mis au simple rang d’un soldat comme les autres alors que tout le distingue du commun des mortels ? Et une autre dame, portant un sac représentant le drapeau cubain, insistera par une question simple, à l’adresse du metteur en scène : « Auriez-vous donné l’ordre de faire du Prince un soldat ordinaire ? »

En fait, la question est celle du costume car en effet, le Prince porte exactement les mêmes habits que les autres officiers. Barberio apportera une indication amusante : en fait, il a dessiné les costumes à partir de ceux qu’on trouve dans Corto Maltese le héros d’Hugo Pratt.

La question était bien sûr en référence au Prince de Hombourg de 1951 et à Gérard Philippe, si bien que celui qui joue le rôle dira sur un ton amusé : « Je ne suis pas Gérard Philippe. »

Sauf que les questions ne signifiaient pas un respect du passé mais bien une interrogation sur la nature du choix. D’ailleurs Barberio y reviendra en revendiquant le droit à proposer sa propre interprétation. A cette occasion il donnera un conseil d’ordre général qu’il s’applique quand il est spectateur : « Ne pas voir un spectacle avec des a priori mais le recevoir d’abord pour ce qu’il est. »

S’il s’agit de placer un spectacle sur un piédestal avant d’en découvrir une nouvelle interprétation, je suis d’accord avec lui, mais d’un autre point de vue, il est impossible de découvrir une œuvre culturelle en se présentant sans référence culturelle ! Et pour preuve : le débat permettait d’éclairer l’œuvre qui faisait d’abord du Prince un homme comme les autres !

 Mais une autre question est venue ensuite qui ne tenait pas à Von Kleist : pourquoi le metteur en scène a-t-il décidé que l’entrée des acteurs se ferait par le sous-sol d’où ils émergeraient nus, par une danse, afin d’habiller le Prince ? Les interprétations furent multiples et la scène était justement conçue pour cela ! Barberio dira qu’il ne s’agit pas d’expliquer mais qu’on peut pointer plusieurs influences qui justement ont été évoquées par le public.

On naît nu et il s’agissait de pointer une naissance ?

Inversement montrer un mort qu’on habille car la mort est sous-jacente ?

Une référence à une possible homosexualité du héros ?

Une référence aux nus artistiques de la Grèce antique ?

Comme dans les peintures de David où au départ les modèles sont nus et ensuite l’artiste les habille ? La culture n'est-ce rien d'autre qu'habiller la réalité ?

 Pour Barbieri une occasion de revenir à Von Kleist. Chez l’artiste, dit-il, toutes les entrées en scène sont des coups de théâtre inattendus. La référence fréquente au romantisme n’est pas pour lui plaire, car elle risque d’enfermer l’auteur dans une étiquette.

 Si la scène de départ était étonnante, la scène finale l’était tout autant et écouter les spectateurs s’exprimer sur le sujet aidait à mieux goûter au spectacle… à postériori ! A la fin, le Prince, condamné à mort pour désobéissance, n’est pas exactement gracié mais devient une marionnette : on accroche des ficelles à l’acteur qui va être manipulé comme une marionnette. Une situation étonnante que Barberio explique ainsi : « Chez Kleist l’état de marionnette est le plus grande signe de liberté ! » Je ne site pas exactement le propos que je rapporte de mémoire mais il a été reformulé de façon plus habituelle par l’acteur jouant le rôle : « Ce sont les contraintes qui conduisent à la liberté ».

Ce paradoxe est celui qui court tout au long de la pièce. L’Electeur (disons le roi) est tenu à assumer le rôle qui est le sien. Contrairement à l’image classique du dictateur qui peut faire n’importe quoi, tout dirigeant est en fait tenu par la société qu’il dirige. Plus les lois sont claires et plus il peut exercer, à l’intérieur des lois, sa liberté.

L’exemple classique de ce paradoxe est donné par l’OULIPO quand Queneau décide d’écrire un texte sans y utiliser telle ou telle lettre ! Sous une autre forme, on a le cas du sonnet qui oblige dans un cadre fixé, à écrire ce que l’on veut dire. Le cadre ne dit rien du message mais le message n’existe que par le cadre.

S’agit-il là seulement d’une question culturelle ?

 Avec le Prince nous avons un homme double : il est pris par le rêve, le sentiment, la spontanéité et à un moment « il doit tomber dans la réalité ». Un des coups de théâtre qui frise l’incohérence c’est quand le Prince, pour sauver sa vie, est prêt à devenir n’importe qui, à oublier l’héroïsme, à se nier en tant qu’homme, puis, tout à coup il déclare accepter la mort car en effet il la mérite puisqu’il n’a pas obéi à la loi : l’héroïsme ne consiste pas à suivre ses instincts ! Existe-t-il une porte de sortie à ce dilemme ?

Toute la mise en scène vise à l’affronter et il se résout par la marionnette !

Un dilemme qui n’est qu’un parmi d’autres : par exemple, Von Kleist est autant Français qu’Allemand. Pendant longtemps il parlera mieux le français que l’allemand !

L’instabilité de ce Prince n’est-elle pas celle de Kleist lui-même ?

Il a d’abord été un soldat aimant son métier. Puis un adepte de la science en quête de vérité. Il soupçonne alors qu’il peut avoir une carrière littéraire. Ensuite la lecture de Kant le plonge dans un immense désespoir. Il veut alors se faire paysan ! Puis il abandonne à nouveau ce rêve et celui d’avoir des enfants en cherchant à produire des enfants par l’esprit. Il s’éprend alors d’une fillette de 14 ans. Un nouvel épisode extravagant traverse sa vie : il veut partir dans une expédition pour y trouver un mort héroïque.

Sa porte de sortie sera finalement le suicide !

 Les questions se feront plus circonstancielles dont deux qui touchent à l’éphémère du spectacle.

1 ) Peut-il être rejoué ailleurs ? La réponse va de soi : la machinerie mise en place fait que seule la Cour d’honneur peut l’accueillir ! Aussi bien sur le plan horizontal que sur le plan vertical qui est utilisé de manière spectaculaire. Une machinerie occupant le côté gauche de la scène qui faisait que le spectacle occupait surtout le côté droit.

2 ) Que ressentir quand le spectacle est interrompu par la pluie ? Là, celui qui joue L’Electeur amuse le public en faisant observer que la pluie une fois, et la grève auparavant, ont interrompu le spectacle au même moment, quand il devait faire son entrée en scène à l’acte 5 ! Et il précise que c’est un moment vécu douloureusement.

 Pour rester dans le circonstanciel qui est le temps même du théâtre, faut-il voir une volonté européenne dans la présentation en France, d’une pièce allemande mise en scène par un Italien ?

Et quant au circonstanciel de l’époque de l’œuvre, personne n’a rappelé qu’en fait la pièce est un appel à la guerre pour inciter l’Allemagne à affronter Napoléon 1er  un Napoléon qu’à un moment le même Kleist avait soutenu invitant l’Allemagne à adopter le code Napoléon !

 

Jean-Paul Damaggio

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13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 09:32

 

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Elles sont deux sur scène pour proposer une comédie révolutionnaire en musique avec 48 balles de ping pong. Avouez que le genre est peu fréquent ! A lire la présentation on reconnaît le mot "révolutionnaire" dans le choix des titres de chansons latinos qui sont au programme. Pour la musique c'est encore plus clair : le piano de l'affiche est explicatif. Mais "comédie", pourquoi ?

Le spectacle est passé par Marseille et plus exactement au Parvis des Arts.

Le Théâtre de la Luna qui à Avignon accueille la pièce indique : "Cette inoubliable Nuit de la Cucaracha raconte la naissance d’une amitié, et rend un vibrant hommage aux plus belles chansons révolutionnaires d’Amérique du Sud : Hasta Siempre, El pueblo unido, Gracias a la vida, No pasaran, Dos Gardenias

Extraits de presse lors de la création du spectacle au Luxembourg au Théâtre du Centaure :

« Une performance pleine de fougue qui fait vibrer la salle »

« Deux demoiselles de Rochefort version commando »

« Quel beau duo, quel tempérament »

« On sort de la Nuit de la Cucaracha vivifié, inspiré et plein d’entrain » "

 Il est rare de pouvoir confirmer un texte publicitaire comme celui qui annonce qu'on sort vivifié, inspiré et plein d'entrain de ce spectacle. Mais je confirme totalement.

 La mise en scène est de Marja-Leena Junker avec les deux comédiennes : Anne Cadilhac au chant et Dilia Gavarrete-Lhardit au piano et au chant.

coproduction : Théâtre du Centaure Luxembourg, La Compagnie Meninas

Mais pourquoi un auteur : Roberto Lana ?

Car il ne s'agit pas d'un simple tour de chant mais d'une mise en contexte. Une femme du Nicaragua réfugiée en France croise par hasard sa voisine désespérée car son mari, champion de ping pong est parti avec une autre. Elle va lui rappeler les chansons de son père qui avait dû aller à Managua soutenir les Sandinistes. Une femme du peuple croise une bourgeoise. Cet artifice peut gêner plus d'un puriste attaché seulement à la beauté des chansons. Quelques autres puristes peuvent mal digérer le comique de la formation révolutionnaire qui sert de toile de fond à la comédie. Bref, en principe comédie et révolution ne sont pas là pour faire bon ménage or c'est ainsi que la vie habite le spectacle.

 A l'entrée pour faciliter la compréhension le titre de toutes les chansons est donné avec la traduction du thème essentiel, tout comme pendant le spectacle des textes sont repris parfois et en partie, en français.

 L'originalité de l'heure passée ensemble est inoubliable et nous rappelle un passé proche et pourtant fini, celui de la chanson d'Amérique latine représentant parfaitement l'univers de lutte de années 1950-1980. Un peu comme si la victoire des sandinistes (au moment de la victoire des islamistes en Iran) avait paradoxalement tourné la page d'un héroïsme qui n'était pas qu'un héroïsme. Or, cette page tournée n'est pas celle des injustices devenues encore plus profondes ! Jean-Paul Damaggio

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4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 17:33

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Aujourd'hui je retrouve Richard Desjardins dans l'Humanité. Je reprends avec plaisir cet article. JPD

Un Québecois au grand chic « chiaque »

VENDREDI, 25 FÉVRIER, 2005

Il a fallu plus de six mois pour que Kanasuta, le dernier album de Richard Desjardins, soit distribué en France. Bel exemple de la vétusté d'une industrie plus préoccupée d'endiguer la copie sur Internet et d'établir des contrats de corruption avec la télévision que de défendre le talent.

Pour les afficionados de la chanson francophone, depuis quinze ans, Richard Desjardins avec son oeuvre chansonnière (deux vinyles, une dizaine de CD), s'est hissé au premier rang des plus grands de ce métier ; si Léo Férré devait avoir un héritier ce serait lui.

Il y a la technique, la versification : « Quand j'aime une fois, j'aime pour toujours » (reprise par Cabrel sur l'album Urgence) est construit sur des rimes en « our » comme un pied aux fesses du sempiternel « amour/toujours » « Je veux toucher du doigt la peau de ton tambour/J'avancerai vers toi avec les yeux d'un sourd... »

un pianistique classique

Il y a les mélodies. Le père de Richard était agent forestier, mais en cadeau de noces il offrit un piano à sa blonde. Mis au clavier dès son plus jeune âge (au risque de se faire casser la gueule à l'école car là-bas un garçon joue au hockey, pas du piano), Desjardins a un bagage pianistique classique, et bâtit des mélodies solides, au carrefour d'influences multiples, apport français, folklore québécois, chanson américaine anglophone et aussi hispanique (il est trilingue).

Parlons du fond. Le grand fond de Desjardins c'est la grande poésie de l'expression poétique chantée. Mais toujours simple : la chanson est à la poésie ce que l'affiche est à la peinture, ce qui n'exclut pas « le grand cri poétique et sentimental », dont parlait Robert Desnos à propos d'Yvonne George : « Plus haut, plus haut/Le coeur est un oiseau. »

résolûment « social »

Céline, cet amasseur de lingots d'or, se gaussait du courant « zozial » dans les arts. Desjardins est un chanteur résolûment « social ». Un journaliste anglophone du Québec relevait qu'il menait une guerre personnelle contre la Noranda Inc le trust qui a donné son nom à sa ville natale, Rouyn-Noranda, « à la frontière du Québec et de la Sibérie ». La Noranda Inc possède tout : les forêts, les mines, le journal local et la fonderie où l'on brûle « des tonnes de bon gars ». Là-bas, raconte Desjardins, le soufre rejetté dans l'atmosphère est si dense que chaque année on rembourse aux automobilistes la peinture de leurs voitures bouffée par la pollution, « mais on rembourse pas leurs poumons aux gens ».

Sa première chanson, les Fros, il l'a écrite pour un documentaire sur une grève de mineur de cuivre à Rouyn Noranda, au temps de la grande dépression. Les Canadiens français, « coureurs de bois », ne voulant pas descendre au fond, la Noranda fit venir des miséreux d'Europe de l'Est, logés dans des baraquements traités pires que des chiens. Et quand ils se mirent en grève, la grève fut matée et on

Léo Ferré, son maître

 Aujourd'hui, dans ce dernier album il chante à plein gosier « Plus rien ne nous protège/Notre Dame s'est pendue/La grève, la grève, la grève/C'est mauvais comme de l'or/c'est toute coulé dans haine/Tu veux voir des trésors des vrais trésors sont là... » Et revisite l'âge d'or de Léo Ferré, son maître : « Nous aurons des corbeilles pleines/De roses noires pour tuer la haine/Des territoires coulés dans nos veines/Et des amours qui valent la peine/Des réservoirs d'années-lumière/Nous aurons tout ce qui nous manque/Des feux d'argent à la porte des banques/Des abattoires de millionnaires/Des réservoires d'années-lumière... » Quels médias français vont oser diffuser ces hymnes insurectionnels ? À peine si quelques-uns ont osé passé son hymne aux Amérindiens les Yanquis : « Nous avons tout tout tout conquis/Jusqu'à la glace des galaxies/Le président m'a commandé/de pacifier le monde entier/Et pour les niouzes, la NBC/tell me my friend qui est le chef ici/Et qu'il se lève »... Dont on attend l'adaptation en espagnol, en arabe, en kurde et en berbère...

 un respect de la bio-musico-diversité

Musicalement Kanasuta marque une évolution. On a connu Desjardins piano-voix, puis avec l'orchestre pop-rock de son groupe Abbitibbi (du nom ancien de son district). Là, il s'est adjoint des musiciens et Yves Desrosiers (son bel album consacré à la poésie de Vissotsky est passé inaperçu ici, c'est dommage) signe les arrangements, avec un respect de la bio-musico-diversité. Ici, des violons classiques romantiques, là des guitares « western » : la chanson western est le pendant québécois à la country américaine (elle-même sous apport cajun). Le style populaire par essence au Québec, avec des grands chanteurs comme Mary King, ou Willy Lamothe et des hits incontournables comme Quand le soleil dit bonjour aux montagnes...

Richard avait déjà composé dans cette veine (Et j'ai couché dans mon char, adapté en argot par Renaud « j'ai pioncé dans ma tire »), il récidive...Et, s'il compose parfaitement en français classique et même en « frenchy Villon », en français médiéval (Lomer), il ne lâche pas son « chiaque » Le « chiaque » est à Rouyn ce que le « joual » est à Montréal, un mélange d'ancien français des provinces de l'Ouest, d'anglais (la ville est bilingue), et de je ne sais quoi. Il y en a que sa choque, au Québec comme en France (les bourgeois jacobins détestent les parlers du populo).

Sortie (enfin) du disque avec un cd d'anthologie chez Labels, concert à l'Olympia. Desjardins sur scène est sérieux comme un joke. Très droit, son profil d'aigle insinuant un peu de sang amérindien. Des contes entre les chansons, brechtiens en diable, de l'amour des sarcasmes, du rire et de la tendresse. Un immense chanteur populaire pour la francophonie, qui élève le coeur et allège les poumons. L'annonce d'un dégel dans les banquises obscures ?

Hélène Hazera

 Album, Kanasuta et Anthologie chez Labels.

Concert à l'Olympia le 28 février :

 

28 bd, des Capucines, Paris.

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