Oui, je pense que le meilleur résumé du livre a été dans cette parole entendue : « Il redonne de la dignité à ces travailleurs venus d’ailleurs toujours victimes du racisme. »
Le plaisir de cette rencontre nous l’avons vérifiée à cette diversité exprimée par les quatorze personnes présentes, une diversité qui fait richesse, qui fait vie, qui fait réalité.
Le face à face Occident/Orient n’a pas plus de sens que face à face Immigrés/Français. Un témoin le rappelle : même au sein d’une famille les frères et sœurs plongées dans leur nouveau monde vont réagir de façon très différente : entre la personne qui va s’en sortir et celle qui plonge, tout est possible pour des gens pourtant proche.
Algérie, Maroc, Italie, Espagne combien de forces nouvelles ont fait ce qu’il est convenu d’appeler la France, terme qui rappelle que déjà en sa fondation, le pays a quelques origines germaniques, auxquelles d’autres opposent les origines gauloises, celle de l’ultime village mythique qui résiste.
Ceci étant, si les continuités sont fortes (« ils viennent manger le pain des Français est un propos vieux comme le monde) comment ne pas observer l’originalité de la période présente ? Des anecdotes ont été rappelées : avec la nouvelle carte d’identité que de démarches pour certains devant confirmer leur nationalité, quand, d’autres Français de fraîche date, perdant leur passeport à l’étranger se voient obligés des payer pour demander un visa pour entrer en France, dans leur pays !
Oui, toute crise économique entraîne toujours un développement du racisme ordinaire mais l’apparition de la « clandestinité » révèle que les décisions politiques jouent un rôle majeur pour alimenter le racisme en question. Qui en 1925, à l’arrivée massive des Italiens, aurait parlé de l’arrivée de clandestins ? Cette notion semble venir des années 70 quand, avec la crise du pétrole, les hommes politiques ont décidé de changer de politique de l’immigration. La « religion » des « papiers » n’est pas la même à travers le monde. Là aussi, une continuité domine : être un sans papier c’est être doublement exploité. Mais aux Amériques, la carte d’identité n’a pas la même fonction en conséquence une fois les frontières passées, les citoyens évitent aisément les mailles de la police. En France, du fait d’une pression politique, le contrôle au faciès est devenu monnaie courante.
Pour revenir à Montauban, l’existence de l’AMAR témoigne de l’apport culturel que représente la confrontation de cinquante nationalités qui nous renvoient en même temps un état du monde. Je me souviens y avoir entendu, la conférence d’un personnage qui parla de la crise yougoslave. Depuis, cet homme est devenu une référence de radio sous un nom énigmatique : Monsieur X, le samedi après les infos de 13 h. A l’école de Villebourbon j’ai pu noter le contexte si différent de celui des Chaumes où les enfants venus d’ailleurs étaient beaucoup plus majoritairement d’une même origine.
Pour ma part, j’ai souhaité faire observer parmi les phénomènes divers, la différence entre le cas des immigrés qui se sont installés et ceux qui n’ont fait que passer, les premiers laissant leur marque et les autres n’étant qu’oubli. J’ai pris l’exemple de Castelsarrasin où en 1926, données du recensement à l’appui, la ville contenait 20% d’étrangers (30% en zone rurale). Il s’agissait d’immigrés de Turquie, Grèce, Russie, Arménie, Espagne, Portugal, Italie (toute l’Europe), et un baraquement était même consacré aux familles d’Asie mineure. Le développement et la récession à l’usine ont fait monter et descendre cette immigration. Mais comme il a été dit, ceux qui veulent se donner la peine de l’analyse découvriraient que chaque fois le processus est le même : au départ on exploite les hommes puis ensuite tout est tenté pour une installation familiale. Aujourd’huin on mise sur les Slovaques ou Polonais pour exploiter leur travail sans donner la moindre compensation sociale. Nulle part, jamais, les Immigrés n’ont été un coût. Ils sont au contraire une source d’économie en offrant à un pays, des travailleurs « prêts à l’emploi ».
La colonisation a été évoquée : hier les forces dominantes partaient à la recherche de profits faciles à travers le monde (ça continue), à présent les mêmes forces exploitent les forces humaines venues d’ailleurs. Sur l’immigration comme sur la colonisation, les différentes formes sont à prendre en compte. La colonisation des Amériques (anglaise, portugaise et espagnole) a donné lieu à des « révolutions » où les colons ont pris le pouvoir contre les métropoles. La France a tenté des colonisations plus politiques en Afrique et ailleurs. Aujourd’hui, la Chine procède autrement. Elle évite de se mêler des affaires intérieures d’un pays, apporte ses propres méthodes, ses travailleurs et pompe ainsi, en fonction de ses besoins nationaux.
En partant de trajectoires personnelles, le livre placé au cœur du débat a permis de libérer la parole. Après les travailleurs venus d’ailleurs, il serait possible d’écrire un livre sur les militants venus d’ailleurs, on découvrirait qu’ils sont souvent à des postes clefs pour le bien commun.
Remercions la Librairie Deloche qui a permis cet échange réconfortant, et Radio d’Oc qui s’en fera l’écho, après les efforts de présentation réalisés de belle manière par les journaux locaux et CFM radio. Ce livre va vivre par les envies d’en savoir plus…
13-05-2011 Jean-Paul Damaggio
PS : Un participant a retrouvé là celui qui lui a appris à nager… car le monde est ainsi.