L’émission de Michel Cardoze m’a obligé à revisiter rapidement mon travail sur la presse locale du Sud-Ouest entre 1848 et 1851, celle républicaine obligée de disparaître au soir du coup d’Etat du 2 décembre. J’apporte ici quelques précisions que l’intervention de mémoire ne permet pas.
L’Emancipation à Toulouse
Ce titre refleurira avec la troisième république et deviendra, pour tout le Toulousain, avec la troisième république, un support des idées socialistes et du mouvement ouvrier. Au soir du coup d’Etat il publie la liste des 60 personnes qui dénoncent l’atteinte à la constitution, personnes qui seront aussitôt mises en état d’arrestation afin de tuer dans l’œuf un mouvement toulousain ce qui fait que seule la région de Villefranche de Lauragais pourra développer sa propre riposte. Le journaliste clef en 1851 s’appelle Armand Duportal (1814-1887). Proscrit, il reviendra assez vite en 1852 après avoir signé un acte de soumission à Napoléon III, acte indispensable pour obtenir une grâce. Observez son âge : il approche alors les quarante ans et il a besoin d’aider sa famille. Cette concession était bien sûr de pure forme mais, comme souvent, quand arrive la nouvelle génération, elle se sert de ce document pour en 1871 écarter Duportal des responsabilités. Le manque de générosité se trouve aussi parmi les militants démocrates.
La Civilisation à Toulouse
Ce journal encore plus à gauche que L’Emancipation est dirigé par Guillaume Laffont, né en 1802, professeur révoqué et victime à son tour de la répression. A ce jour, je n’ai pas pus d’informations sur cet agitateur. La manifestation des deux tendances républicains (la modérée et la radicale) se retrouvera dans quelques départements mais est difficile à saisir car la presse la plus radicale est éphémère et peu accessible.
L’Aveyron Républicain à Rodez
Ce journal est le plus phénoménal du Sud-Ouest car, adroitement, il réussit à tenir pendant toute la Deuxième République qui, bien que république ne fut pas tendre avec la liberté de la presse. J’écris adroitement non pour signifier un quelconque opportunisme mais pour indiquer une capacité très forte à obtenir un soutien populaire (qui le préserve de la répression) et à écouter ce soutien populaire. Il ne s’agit pas d’un journal simple diffuseur d’un programme adressé à des supposés ignorants. Dans ce département clérical, l’appui des curés rouges est systématiquement recherché et le rôle de Rozier qui permet une fusion entre langue d’oc et idées démocrates et sociales, sont les atouts majeurs. Le journal par sa liberté de ton permet l’union de tous les républicains.
L’Ami du peuple et Le Républicain à Auch (dans l’émission je crains d’avoir dit Le Radical pour l’Ami du Peuple)
Le Républicain, comme ailleurs, est le premier journal à paraître pour la gauche. Il a le soutien financier de Pégot-Ogier (chef politique Alem-Rousseau). Aussitôt après vient le Franc-Républicain dont on devine qu’il se veut à gauche du Républicain et d’ailleurs il est animé par un ouvrier (Laborde et le chef politique est Canteloup). Cette division sera en fait un facteur positif car par le débat elle obligera chacun à s’expliquer plus clairement. Mais le Franc-Républicain est fragile et en 1849 c’est l’Egalité qui joue son rôle. Puis viendra l’Ami du Peuple et même le 6 novembre 1851 va naître un éphémère Démocrate. Ce bouillonnement n’est pas sans rapport avec les événements futurs contre le coup d’Etat qui feront du Gers, le département de Midi-Pyrénées avec le plus d’insurgés… et le plus de réprimés !
L’Opinion joue un rôle important du côté disons centriste-conservateur.
Le Réformateur à Cahors
Dans le Lot, le courageux Réformateur aura des ennuis incessants par des procès qui sans cesse viennent lui couper l’herbe sous les pieds.
Le Radical à Agen
En Lot et Garonne la presse n’aura pas le dynamisme de celle du Gers mais orchestrera tout de même la vie républicaine et la riposte au coup d’Etat.
L’Union Républicaine à Albi
De tous les journaux républicains c’est le plus modéré et il aura ainsi le droit de durer un peu même après le coup d’Etat pour disparaître en 1852.
En Tarn-et-Garonne, les démocrates-socialistes développèrent des trésors d’ingéniosité poru faire surgir leur journal mais sans succès. Ils ont eu de février à juin 1848, un quotidien du nom du Vigilant, quotidien inspiré par les idées du catholicisme social de Lamennais (les idées qui permettent au journal de l’Aveyron de tenir) mais sans possibilité de le faire renaître.
A côté de la presse républicaine il y avait une presse conciliatrice mais celle-ci aussi disparaît le soir du coup d’Etat pour ne laisser place qu’à un seul quotidien local, le quotidien officiel. Ce massacre de créativités diverses va stériliser pendant vingt ans une inventivité qui ne reviendra plus sous la même forme. 25-11-2010 Jean-Paul Damaggio