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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 15:55

La voiture Biscuter en photo ci-contre, a ses origines en France quand à la fin des années 40 un dessinateur d’avions, Gabriel Voisin, se proposa de créer un véhicule qui soit un bi-scooter. Le nom indique le projet, qui fut sans succès en France où il y avait la deuch et la 4 chevaux. C’est une entreprise de Barcelone qui introduisit la petite machine en 1953 en Espagne. Très vite on l’appela « La sandale ». Montalban reprendra le nom de ce phénomène populaire pour le bras droit de Pepe Carvalho qui, comme Sancho, en deviendra le sauveur. 23-11-2009 Jean-Paul Damaggio

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 21:36
C'était il y a trois ans, nous achevions avec Max Biro la préparation de l'édition du premier livre de nos éditions. Clément Harrari qui en était la vedette était un homme de théâtre, jjuif errant, qui avec La Libération se transforma en second rôle au cinéma. Voici la fin du livre.

Final

 

 

 

Sous la coupole, là haut, au dessus du Rex, le bruit du Boulevard n'arrivait qu'atténué.

Il était changé, Clément, changé en bon jeune homme, dévoué, intelligent, secrétaire de rédaction de Radar, journal à sensation.

Son léger accent d'Egypte n'était qu'un plus.

La situation d'exil était une raison pour moins payer le moins cher des collaborateurs.

Liliane était ravie, elle avait un mari normal avec un salaire normal, pour nourrir les deux enfants.

C'était fini la valse des trous et des rentrées.

C'était la fin des temps où le salaire de Liliane, les petits coups de main de sa mère, la sous-location d'une partie de l'appartement étaient finalement un mécénat supplémentaire au Théâtre indépendant propagateur de révolte idéaliste.

Le Parti communiste, lui, était gagnant, les pièces enflammaient la militance... et gratos !

Heureusement Clément avait enfin trouvé la stabilité, Liliane était au bout de ces expédients.

Quelque part, pourtant elle regrettait les rêves de folie.

Clément, il est fou !

Mais voguer sur l'épopée.....

Clément s'efforçait d'être cet homme normal qui vend son enfance pour un plat de lentilles.

Laborieusement, il était secrétaire de rédaction, laborieusement, il rédigeait les horoscopes.

Quand on vint le chercher pour quinze jours de tournage ! Il n'avertit même pas le directeur !

Il rembarqua les voiles gonflées de joie, de folie, de passion et d'irresponsabilité.

Les quinze jours passés, il revint salarié soumis reprendre son emploi !

« Vous voilà, vous, théâtreux, et communiste ! C'est le bouquet ! Demandez à Staline de vous nourrir, la porte, faute grave, pas de préavis, dehors, dehors ! »

 

Il se jura de ne plus être sage, il eut raison.

De ce jour, il fit les films avec Constantine, et au bout de chacun trouvait autre chose.

Il n'est pas un rôle de petite fripouille, huissier, trafiquant juif, usurier ou diable, notaire ou scorpion d'outre mer, que l'on ne pensa à lui cantonné dans le mal.

S'il va en enfer, il y retrouvera ses rôles.

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 21:28
MONTAUBAN
Jeudi 26 novembre 2009 à 20 h 30
Muséum d'Histoire naturelle
L'Effet Darwin. Ce que Darwin a vraiment dit.


MAUREPAS
Vendredi 4 décembre 2009
Précisions à venir.


LAUSANNE (CH)
Lundi 7 décembre 2009 à 20 h
Aula du Palais de Rumine
« Darwin : Biologie évolutive et théorie de la civilisation »
Conférence organisée par la Société Académique Vaudoise, la Société Vaudoise des Sciences Naturelles, l’Université de Lausanne et les musées cantonaux de zoologie, de botanique et de géologie.


SAINT-BRIEUC
Mercredi 9 décembre 2009
Précisions à venir


BREST
Jeudi 10 décembre 2009
14 h 30 : animation au Lycée de l'Iroise, avec des élèves des classes terminales (S et L)
20 h 30 : conférence et débat à la Faculté de Lettres (centre-ville)


LE HAVRE
Samedi 12 décembre 2009 à 15 heures
Siège de la Ligue de l'Enseignement de la Seine-Maritime (FHOL-Petites "A") Salle Pimon
32, rue Clovis 76600 LE HAVRE
Conférence organisée par le Comité de réflexion et d'action laïque de la Seine-Maritime (CRÉAL-76) (contact : 02 35 37 48 60)


MARSEILLE
Mardi 15 décembre à 18 h 30
Espace écureuil, 26 rue Montgrand, 13006 Marseille
L’effet Darwin. De la sélection naturelle à la naissance de la civilisation.
Conférence programmée dans le cadre du cycle : « Les horizons du Savoir. Biologie et civilisation : les chemins de l'intelligence »


DIGNES-LES-BAINS
Mercredi 16 décembre 2009 à 18 h
Institut Universitaire de Technologie
« Darwin, sa vie, son œuvre »
Conférence donnée dans le cadre de la programmation culturelle scientifique du Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence : « Du temps du monde au temps des hommes »


TOULON
Jeudi 17 décembre 2009 à 18 h
Espace PEIRESC - Centre Sciences
Rue Corneille
Tél. : 04 94 91 67 11

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 21:01

« La gratuité c’est le communisme. »

Cette parole a été prononcée à Montauban, aux journées d’automne du PCF, par le dirigeant communiste Bernard Calabuig, à propos du combat courageux de la mairie d’Aubagne en faveur des transports collectifs gratuits. Je ne peux que me réjouir de sa démonstration tentant pour ma part de défendre ce même principe qui fut hier au cœur des actions de l’Alternative en Midi-Pyrénées. Mais ce point n’était qu’une annexe au grand débat crucial sur les élections régionales qui a fait que l’essentiel consista à démontrer que le NPA faisait preuve de sectarisme en ne ralliant pas le Front de Gauche, sous prétexte du refus de la cogestion avec le PS. Je laisse ce point crucial pour le retrouver autrement.

Il existe un grand écart entre une proposition constructive et mobilisatrice comme la gratuité (il peut en exister d’autres comme l’abandon de la pub largement partagé par les citoyens) et les positions défensives qui sont malheureusement dominantes chez les « progressistes ». Comme exemple de « positions défensives » je retiens la réponse à une question que j’ai posée sur la réforme des collectivités territoriales de Sarkozy. « Cette réforme est une catastrophe, il faut donc en appeler à une résistance massive. » Un peu comme face au TCE : « dîtes non, puis on verra la suite ! » Découverte d’une suite extrêmement décevante faute d’une alternative sérieuse. Depuis 1969, la droite et le PS veulent casser la structure classique du pays : communes, cantons, départements, nation pour la remplacer par intercommunalités, région, europe. La réponse a toujours été, du côté PCF (mais ce parti n’est pas le seul concerné) : défendons ce qui a fait la France, sans pour autant nier que des évolutions globales se produisent dont il faut tenir compte. Pour tenter d’apparaître sur ces sujets, la revendication « démocratique » a servi de cache-misère. Que l’institution européenne devienne plus démocratique… et les députés européens ont été élus au suffrage universel direct à la proportionnelle  (1979). Que les régions deviennent plus démocratiques… et les conseillers régionaux ont été élus au suffrage universel direct à la proportionnelle (1986). Que les conseils communautaires deviennent plus démocratiques… et les conseillers communautaires seront élus au suffrage universel direct en 2014 grâce à Sarkozy ! (les journaux parlent moins de ce fait que de l’infâme mode de scrutin proposé pour les conseillers territoriaux). Or, si cette question démocratique est réelle, elle reste secondaire par rapport à la fonction fondamentalement anti-démocratique des dites institutions ! A quoi bon revendiquer plus de démocratie pour des institutions qui ne peuvent pas être démocratiques ! A laisser croire que le moment électoral décide de la démocratie, la gauche se tire une balle dans le pied ! Napoléon III comme Franco organisèrent de multiples élections rarement truquées pour des institutions qui tuaient la démocratie ! En clair, si on ne propose pas une autre forme de structuration de la France, tenant compte des richesses du passé et de l’état du présent, on se bat contre des moulins à vent, ce qui du point de vue littéraire peut donner un chef d’œuvre mais pas du point de vue politique.

Je ne peux ici démontrer pourquoi un Conseil communautaire, régional ou le Parlement européen ne peuvent être démocratiques (ça serait trop long) aussi je donne seulement la phrase clef de l’exposé des motifs de la loi sur les collectivités territoriales : « Après la réforme de l’Etat territorial, engagée dès 2007 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), ce projet de la loi de réforme des collectivités territoriales constitue donc la deuxième étape de la modernisation des structures administratives locales de la France. » Tout est question de finances ! Dans de telles structures conçues financièrement comme outil d’adaptation au capitalisme féodal, la question n’est plus, cogestion ou pas avec le PS, car de toute façon la gestion est à présent presque verrouillée ! Donc aucune mairie ne pourra plus organiser la gratuité de ses transports publics, aucun conseil régional ne pourra plus avoir une politique offensive en matière de lycées ? Les actions seront possibles seulement sur la marge et le mécontentement touchera de plus en plus toute la classe politique, sauf que celle de droite qui a toujours prétendue « ne pas faire de politique » en souffrira moins. D’où une des réponses : vive la 6éme république ? Sauf que cette autre république n’a jamais été perçue concrètement. Et elle ne le sera pas en disant : « nous défendons le maire ou le conseiller général. » Une intercommunalité combative c’est une intercommunalité qui puisse retrouver des recettes financières équitables de par LA LOI et non de part la volonté de tel ou tel. A partir du moment où la part autonome de finances est plus large que celle obtenue par « subventions » de projets (de moins en moins le cas), alors on donne à l’élection un enjeu sérieux, entre ceux qui proposeront de faire de la gratuité et ceux qui proposeront de faire autre chose. Je connais une mairie très touristique où la bataille municipale de 1995 a porté sur la question : faut-il instaurer un parking payant pour qu’ainsi les touristes laissent un peu de leur argent dans les caisses de la commune, ou faut-il laisser le parking gratuit ? C’est la deuxième option qui a été retenue par les électeurs. Mais sur des projets de plus grande envergure le comportement va-t-il être de même ? La DGF (dotation générale de financement) était autrefois un instrument source de démocratie. Quand cette source se réduit ou varie suivant le type de collectivité territoriale, vous pouvez faire les gestions que vous voulez, les alliances que vous voulez, le peuple sera toujours le dindon de la farce ! La participation    aux élections, si on ne veut tromper personne, c’est pour marquer des points dans l’auto-organisation des forces alternatives, non dans l’attente du grand soir car tant de choses se font au jour le jour, pas davantage pour construire une contre-société, mais afin de tisser les liens d’une solidarité en devenir.

Dans le débat en question j’avais posé la question de l’écologie : pas de souci « les communistes font de l’écologie sans le savoir. »

21-11-2009 Jean-Paul Damaggio

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 20:59

Débat au sujet de l’usine à fer de Bruniquel

 

Ecrire un livre et en débattre sont pour moi deux choses radicalement différentes. Ecrire un livre c’est enfermer une pensée dans un certain nombre de pages, à partir d’un certain nombre de sources et à la sortie on découvre un produit utile certes, mais fermé. En débattre c’est tout casser, tout repenser et ouvrir des pistes nouvelles.

Le débat sur l’usine à fer de Bruniquel qui s’est tenu à Montauban, pendant les journées d’automne du PCF, a été pour moi la confirmation la plus éclatante de cette conception de la vie.

Je prends d’abord deux questions posées qui étaient liées : par quels liens familiaux le créateur de la première usine, Garrigou, a t-il pu arriver à ses fins ? Vu la forme choisie de capitalisme, c’est-à-dire la construction de bâtiments magnifiques (l’exemple d’une usine de Villemur a été donné), est-ce qu’économiquement l’affaire était rentable pour le capitaliste ?

Les deux questions sont évoquées dans le livre mais sans apporter une réponse à mes yeux satisfaisante, par manque de sources. Or, elles sont majeures comme je vais tenter de le démontrer. Premier élément, le livre commence par le récit des mulets apprenant la mort de Garrigou, récit que dans une première brochure produite sur le sujet, j’avais mis à la fin. Je le reconnais, j’ai été ému quand j’ai découvert l’acte de décès de Garrigou dont tout indique qu’il ne s’est pas enrichi grâce à la création de l’usine. Nous sommes au lendemain de la Révolution française et je pense que si le désir de s’enrichir était grand chez quelqu’un comme Garrigou, la soif d’aventure dépassait la quête de l’argent. Un peu comme les pionniers qui vont conquérir l’Ouest des USA. Après Garrigou, les nouveaux propriétaires de l’usine seront des nobles très riches qui gagneront peut-être de l’argent ailleurs quand ils en perdront à Bruniquel. Parce que, et c’est là la réflexion fondamentale que j’ai retenu du débat : « la rentabilité du travail n’avait pas le sens d’aujourd’hui. » Et à partir de ce constat mon esprit vagabonde.

En 1840, il n’y avait pas de loi sur le temps de travail, il va seulement y en avoir une sur l’interdiction du travail des enfants. Une revendication comme la journée de 8 heures aurait fait sourire car les contraintes n’étaient pas celles de 1900. A la campagne comme à l’usine, le travail était dur mais les périodes sans travail étaient nombreuses. Et pendant le temps de travail, on avait même la possibilité de chanter. Je ne parle pas d’un eldorado de la vie d’autrefois mais d’une autre échelle des valeurs, valable aussi pour les classes dominantes.

Il s’agit là d’un débat avec les cultures africaines où les observateurs constatent que le désir d’accumulation, qui est apparu et s’est petit à petit développé en Europe, y est moindre. Quand on a de l’argent, on le dépense sans se soucier trop du futur, et quand on en a plus alors on repart travailler. Des lecteurs vont penser que mon esprit vagabonde en terres dangereuses s’ils font de nos échelles de valeur, la référence du meilleur de la vie sociale.

Le soir de ce débat, j’étais chez mes parents qui me racontent l’histoire d’un paysan de leur connaissance venu les voir pour qu’ils l’éclairent sur sa situation. Il a une retraite de 600 euros par mois, et il fait bien attention de n’en dépenser que 300, or sa banque l’alerte pour quelques découverts. Pourquoi ? Mes parents constatent qu’il a des prélèvements automatiques pour l’électricité, le téléphone, les assurances, mais il ne veut rien entendre, il ne compte pas ça dans ses dépenses. Puis ils constatent qu’il a par ailleurs 125 000 euros sur d’autres comptes ! Depuis des années, il accumule de l’argent (pour le cas où) et sa banque place cet argent et lui indique qu’on ne peut toucher à cet argent. Lui non plus ne veut pas y toucher… Le cas de cet homme qui n’est pas unique correspond à un certain rapport à « la valeur travail ».

On comprendra qu’il existe ensuite un fossé entre cette « morale » et celle de ceux qui sont dits « sur-endettés » et qui pourtant possèdent chez eux le dernier cri des meilleures technologies.

Bref, le travail n’a pas le même sens suivant les époques et les lieux, le capitalisme ayant imposé la règle classique : « time is money » « le temps c’est de l’argent ».

 

Revenons au débat sur Bruniquel et à l’état d’esprit du monde 1840. Je m’aperçois que je suis loin du livre que j’ai rédigé mais à le relire je peux y trouver de quoi alimenter une construction sociale entière.

Une autre question va elle aussi se trouver en lien avec ce travail de construction : les institutions politiques qui décident de construire un canal latéral de la Garonne et un embranchement qui vient jusqu’à Montauban sont tellement dépassées par la rapidité des évolutions qu’à la fin de la construction du canal… le canal fait d’autant plus apparaître les avantages du train ! Non seulement, comme je l’avais indiqué, le canal est rendu inutile dès la fin de sa construction, mais en plus, il devient ridiculise ! Aller en train de Montauban à Toulouse ou y aller par le canal c’était sans comparaison sauf que, comme toujours, il faut se poser la question du prix du déplacement.

Au départ, pour les voyageurs, le train est accessible seulement aux riches. En conséquence la diligence devient le moyen de locomotion des pauvres, un moyen qui perdant les recettes apportées par les riches est obligé d’augmenter ses prix et voilà comment une avancée du sort des riches induit un recul du sort des pauvres. La modernité n’est en fait rien d’autre que l’accroissement des inégalités ! Je prétends que c’est la même chose avec « internet ».

Mais ce n’est pas tout.

J’avais introduit le débat par un préalable : « Le lieu commun qui dit que « le Tarn et Garonne est à vocation agricole » est le pire instrument de marginalisation d’un monde ouvrier qui a toujours existé dans le département. ». Jean Saltarel qui fut président du Conseil des Prud’hommes en Tarn et Garonne n’a pu que confirmer les ravages de ce lieu commun que chaque préfet répète au moment de son installation, et qui a été repris souvent par les divers courants de la société locale. Ce seul fait devrait me pousser vers un livre hommage au monde ouvrier (fait tout autant d’ouvrières) de mon département, ce qui ne nous éloignerait pas forcément des paysans mais ce qui nous permettrait de mieux comprendre toute la vie sociale. Je l’ai écrit par ailleurs, en voyant partir l’ami Robert Romanin, je me suis dit, « voici un témoignage de moins sur la vie ouvrière de Montauban ». Les lieux communs (c’est-à-dire les idées de la classe dominante) sont là pour nous rendre manchots et la preuve en a été donnée par le débat lui-même, quand plusieurs personnes présentes ont constaté qu’elles connaissaient les lieux de Bruniquel, sans jamais avoir compris ce qui s’y était joué autrefois (et mon livre reste sur ce point en deçà de toute la richesse née là).

D’où ma conclusion ici : plusieurs personnes ont pensé qu’il faudrait organiser une visite des lieux, qu’il faudrait construire une association pour faire connaître cette richesses jusqu’au point où les autorités politiques ne pourraient plus tourner leurs regards ailleurs pour faire croire que le seul musée de Donzac concentre l’histoire sociale (certains diront « rurale ») du Tarn-et-Garonne.

Tout ceci est maintenant noir sur blanc et au milieu des milles tâches qui nous incombent nous verrons ce qui se fera ou pas. 21-11-2009 Jean-Paul Damaggio

 

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19 novembre 2009 4 19 /11 /novembre /2009 21:13

L’Italie d’en bas

 

Voici une première approche de l’Italie d’en bas suite à mon voyage de quinze jours dans le pays. Découvrir en si peu de temps, une manif anti-raciste à Rome de 200 000 personnes, des rassemblements de métallos en grève de 350 000 personnes à travers le pays, une manif écolo en Calabre de 25 000 personnes, une grève générale d’un jour organisée par les COBAS surtout dans l’éducation et les transports, voilà un tableau peu conforme aux réalités françaises, même si au printemps dernier des foules y occupèrent la rue à l’initiative des syndicats. Des luttes sans traduction politique ? Je doute du bien fondé de la notion de « traduction politique ». Elle prétend que si le politique ne donne pas de perspectives globales aux luttes celles-ci sont sans lendemain. Le modèle est en partie celui du Front populaire de 1936. La victoire politique serait un encouragement aux luttes qui se traduisent alors par des avancées sociales sérieuses. En 1981, le phénomène n’aurait-il pas été inverse ? Les luttes se mettant en attente, en veilleuse, pour ne pas handicaper le gouvernement de gauche ?

Mais revenons en Italie. On assiste à deux phénomènes qui ne sont pas propres au pays : le développement d’actions à la base et le mutisme organisé des médias à ce sujet Parce que le pays souffre d’un contrôle de « la liberté d’expression » ? Justement, pendant mon séjour, le Parlement européen a failli voter une résolution à ce sujet mais il s’agit uniquement d’un règlement de compte entre deux géants des médias : Berlusconi et Murdoch. Il existe encore en Italie des journaux très opposés à Berlusconi qui, cependant, furent très discrets sur les luttes, et surtout sur celle des métallos. Il Manifesto pointa parfaitement ce phénomène.

En conséquence, il est très difficile de saisir l’état de l’Italie d’en bas, y compris pour les Italiens eux-mêmes. Et nous pouvons en dire autant, avec des nuances, en France, en Espagne ou au Mexique. Les syndicats ne sont plus des relais fiables. Leur institutionnalisation le met en porte à faux. Les grands mouvements sont atomisés. Il existe un cas à part qui est celui des luttes écolos qu’une certaine écologie politique a su récupérer. En Italie l’écologie politique est à présent balayée de la carte donc la seule traduction politique des luttes… ce sont les luttes elles-mêmes. Les habitants de Calabre savent à présent qu’aucun parti politique n’est destiné à résoudre le problème qu’ils affrontent, et qu’en conséquence, seule leur action sociale, qui regroupe toute la population, peut tenter d’imposer à n’importe quel pouvoir les revendications qui sont les leurs ! Ils voteront aux élections mais ce vote, dans tous les cas, restera secondaire par rapport aux manifestations concrètes. Des partis feront promesses sur promesses mais la seule promesse c’est de rester mobilisés par dizaines de milliers. En France, la lutte pour l’IVG ne pouvait pas savoir qui, de la droite ou de le gauche, serait leur meilleure « traduction » politique. C’est la droite qui finalement a accepté de franchir le pas ! S’agit-il ici de disqualifier toute action politique ? Je me contente suivant la formule consacrée « d’analyse concrète d’une situation concrète ». L’Italie est un pays, comme sa sœur française, fortement politique et fortement politisée. Nous savons que sans passer par le politique les luttes s’éparpillent et peuvent être manipulées. Mais nous constatons aussi les limites « actuelles » du politique dues aux multiples déceptions qui expliquent, non pas un repli vers les luttes locales, mais à mes yeux une reconstruction d’un imaginaire révolutionnaire adapté aux situations présentes, reconstruction, qui peut alimenter de multiples impasses comme un retour théologique, mais sans lequel les bavardages politiques deviennent de plus en plus des bavardages politiques. Une des impasses les plus dramatiques serait pour les intellectuels d’adopter un suivisme des luttes sans proposer un recul théorique. Nous savons me semble-t-il à affronter deux urgences : élaborer une théorie de l’Etat et une théorie des médias. Sur la question de l’Etat, pour la prendre par la petite porte, quelles leçons tirer du financement des partis politiques et des syndicats qu’il opère depuis les années 70 en Italie et 90 en France ? Sur la question des médias : la liberté d’expression se réduit-elle à l’affrontement entre capitalistes pour en détenir le contrôle ? Il y a eu des journaux de parti comme l’Unita en Italie et l’Humanité en France, quel bilan ? Rossana Rossanda que j’ai eu le plaisir d’entendre sur la 6 pendant une demi-heure, a reconnu que le bilan de Il Manifesto est nul en tant que « traduction politique ».

20-11-2009 Jean-Paul Damaggio

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19 novembre 2009 4 19 /11 /novembre /2009 21:03

Et les intellectuels italiens ?

 

D’un colloque sur Norberto Bobbio à un autre sur Rosa Luxemburg, d’une pétition pour les sans-papiers à une autre sur les droits des femmes, les intellectuels italiens ne sont pas en vacances. J’ai même eu la chance d’écouter Rossana Rossanda, la légendaire créatrice, avec d’autres, du quotidien il Manifesto qui faisait deux constats : Il Manifesto n’a malheureusement jamais débouché sur un mouvement politique, le débat politique d’hier ne volait pas aux raz des pâquerettes comme celui d’aujourd’hui. Sauf que nous savons à présent que les glorieux débats des années 60 et 70 ne servaient peut-être qu’à masquer le sordide d’une vie politique enfouie qui, c’est vrai, ose à présent se montrer. Je n’ai pas noté l’utilisation de la notion « droite décomplexée ».

Cependant en guise de compte-rendu de voyage, je veux m’attarder sur une expérience étrange que nous avons vécue à Castelfiorentino : un hommage à Carlo Lizzani. Nous ne connaissions rien de ce cinéaste mais nous avons été attiré par la projection d’un film avec Dario Fo et Franca Rame, annoncée sur Il Manifesto à la page Toscane.

La projection était organisée par un ciné-club rendant hommage chaque année à un cinéaste en prenant alternativement un italien et un étranger. Avant Lizzani ce furent Gianni Amelio, Giuseppe Ferrara, Gillo Pontecorvo et Mario Monicelli qui furent fêtés. Nous étions dans une petite ville une trentaine de personnes à regarder un film de 1955, Lo Svitato qui était d’une étrange actualité puisqu’il traitait des dérives de la presse. Mais fallait-il encore pouvoir suivre ! L’italien employé n’était compréhensible que chez un personnage, les autres devant sans doute parler le dialecte romain ou autre. Nous pouvions d’autant plus admirer le jeu d’acteur d’un Dario Fo jouant un peu à Charlie Chaplin.

La manifestation était très bien organisée, avec beaucoup de moyens, puisque le film était accompagné d’une exposition et d’un livre complet, offert avec le billet d’entrée. Au total nous découvrons un personnage clef du cinéma italien, une participation réduite de la population à l’événement, et l’indication que si les intellectuels sont toujours là, ils perdent l’influence et la force des temps passés.

Sur l’Expresso la parole est au même moment donné, dans la partie actualité, à un cinéaste des temps actuels qui s’est distingué avec il Divo déjà présenté sur ce site http://srv05.admin.over-blog.com/index.php?id=1086214524&module=admin&action=publicationArticles:editPublication&ref_site=1&nlc__=871258661373
: un film osant s’attaquer à Andreotti, précurseur de Berlusconi en terme d’usage des médias. Paolo Sorretino, le réalisateur, propose un film d’aujourd’hui pour traiter un sujet d’hier, et c’est peut-être là la raison de son succès. Andreotti représente au premier abord « l’antiquité » de l’Italie, la Démocratie chrétienne étant à présent si oubliée. Pourtant, « la génération spontanée » n’ayant rien à voir avec la politique, il fallait trouver le lien qui va des années 70 au regard italien actuel et le réalisateur a trouvé le lien à l’image, aux médias, et le style frisant la caricature (avec un acteur, Toni Servillo qui joua le jeu). Paolo Sorrentino démontre parfaitement que les intellectuels italiens ne sont pas en vacances, qu’ils travaillent, qu’ils savent être efficaces mais au prix d’exclusion des chaînes de télé. Le courant démocratique classique me semble enfermé dans le passé mais, par des ruptures, peut-être que tout un héritage ne demande qu’à reprendre son envol. La philosophie politique de Norberto Bobbio célébrée y compris par le président de la république, pour le centième anniversaire de sa naissance, fait figure d’antiquité tellement la démocratie est en crise, mais, ne peut-elle nous ramener aussi à aujourd’hui ? Paolo Sorrentino pourrait-il nous inventer un portrait de ce monument, qui ne le réduise pas à une nostalgie entre anciens défenseurs des républiques passés ? Où serait-ce peine perdue à tous les coups ? Giorgio Napolitano expliquera comment l’ancien communiste avait au début de grandes difficultés pour dialoguer avec le social-démocrate que fut toujours Bobbio, puis les points de vue se rapprochèrent et il pense que le dialogue fut fécond. Si fécond que Berlusconi est au pouvoir ? Une bonne part de la tradition française de gauche a souvent privilégié le débat avec les Allemands (et Arte pousse encore dans ce sens) or, le rééquilibrer par un débat avec les déboires italiens, ça serait peut-être un moyen de mettre plus de piment dans nos aliments. 22-10-2009 Jean-Paul Damaggio

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19 novembre 2009 4 19 /11 /novembre /2009 21:00

Carmela Godó

 

Vous pouvez chercher sur Internet vous ne trouverez rien sur cette personne. Elle est une exclusivité La Brochure. Pourtant à construire un monument à la gloire de Vázquez Montalbán vous devriez le construire d’abord à la gloire de sa prof d’histoire . L’écrivain catalan qu n’a jamais voulu faire de sa vie une fiction par une autobiographie (ou auto-fiction) a cependant toujours rappelé qu’il écrivait à partir de ses expériences personnelles dont le souvenir de cette femme décisive. Parmi les personnes qui l’ont marqué, « Il y a eu une enseignante de l’établissement où je préparais le bac, et à qui j’ai consacré un poème intitulé « In memoriam », dans Una educación sentimental, mon premier livre de poèmes. C’est elle qui a convaincu mes parents que je devais étudier, que j’étais apte à le faire. » Je note en passant la référence à Flaubert qui clôturera sa vie dans Milenio. Ce poème est magnifique et je rends hommage à celui qui l’a traduit mais je ne vous dirai pas son nom car, par un respect lamentable de la langue française il a traduit : « In memorian / A un professeur d’histoire ». Il aurait pu au minimum traduire « à UNE professeur d’histoire » si la féminisation des noms le crispe. Mais non, il laisse croire qu’il s’agit d’un homme quand la langue espagnole est si claire : « a una profesorA de Historia ». Voyez je ne dis rien sur la disparition de la majuscule à Histoire, mais le féminin, tout de même ! D’autant que dans le poème la prof est aussi mentionnée ! Je ne digère plus ce respect de la langue française qui, au mieux, est un oubli du sexe féminin, et au pire son mépris ! Bien sûr une ministre peut souhaiter qu’on l’appelle madame LE ministre mais j’ai le droit et même le devoir de dire, LA ministre. Dans ce même poème, si beau, si beau, le mot « juglar » est traduit par « trouvère » là où un esprit ordinaire aurait traduit « troubadour » qui existe tout de même un peu dans la langue française. Cette colère complète celle qui m’a poussé à publier le texte de Jaurès sur le droit des femmes. 18-11-2009 Jean-Paul Damaggio

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 18:50
Dans Milenio, Pepe Carvalho, le héros de Vazquez Montalban, croise en Italie un défenseur de Slow Food (les adversaires du Fast Food), un ancien du PCI, et il rapporte son discours dont je vous propose le début... où il est question de Darwin.



« Notre Carlo Petrini a quelque chose à nous dire. »

Un chœur approbateur obligea à parler celui qui présidait la table, un solide, avec les yeux ironiques du voyageur qui est passé de l’extrême gauche à la défense du lard de Carrare, ou plutôt de ses environs, ou de la vache chianina.

« Chers amis, nous seuls pouvons ne pas être surpris d’une telle réunion en ces lieux, qui est un pas de plus en défense de la meilleure graisse animale que nous ayons, l’historique lardo di Colonnata, et de la race chianina, en attendant le Sommet du Salon du goût à Turin. Les revendications sont évidemment tolérées tant qu'elles restent un mouvement social et une manifestation d'opinion, mais elles ne prospèrent que soutenues par un large front social. Sous les dictatures fascistes, les démocrates ont défendu marais et plantations, logement humain et habitat animal, droits vicinaux et droits de l’homme au sein d’un projet qui tendait à reconstruire la raison démocratique, mais en démocratie la bataille garde tout son sens contre une nouvelle dictature : celle du marché, cet adversaire intelligent protégé par un important troupeau d’hommes politiques à tête de mule.

Darwin nous a expliqué le truc de la sélection des espèces, et l’on parle aujourd'hui d’un darwinisme de gauche et d’un darwinisme de droite, selon qu’on y voit un apport scientifique contre la version religieuse de la dialectique de la vie ou un alibi justifiant l’inévitable victoire du fort sur le faible. Ce qui est certain, c'est que, dans cette partie du globe terrestre qu’habitent les lecteurs de Slow Food, c'est-à-dire nous, la logique biologique propre à chaque espèce conditionne la sélection et que seule l’intelligence humaine conditionnée par la curiosité ou par la compassion peut affronter une telle fatalité. Face à la spéculation immobilière ou industrielle, il faut sauver une forêt ou une rivière, face au jeu de la vie ou de la mort des espèces, il faut parfois sauver la survie de l’une d'entre elles particulièrement menacée par sa fragilité ou par le marché de toutes les vérités, depuis la vérité scientifique jusqu’à la vérité alimentaire.

En tant qu’Italiens nous sommes en première ligne pour approfondir la sagesse alimentaire en Europe et vous faites entrer, au-delà de la simple gastronomie ou de l’érudition sur les vins et les choux-fleurs, le savoir sur tout ce qui est comestible dans la culture dite matérielle. L’Italie sauve la production et la consommation du lard atavique et parfumé de Colonnata, gloire apparue au plus près d’une autre gloire de la culture absolue : Carrare et ses marbres, qui ont fait les plus belles sculptures et architectures de notre mémoire, ou bien d’une plante menacée par la paresse du paysan et l’ignorance du consommateur aliéné, c'est l’Italie aujourd'hui encore qui peut être fière de s'être mobilisée en masse pour le sauvetage d'une vache, d’une race de vache menacée par les normes absurdement bureaucratiques du Marché commun. Maïakovski fut parmi les poètes soviétiques les plus emblématiques, ce qui ne l’empêchait pas de se plier aux rigueurs du rationnement. On sait qu'il donnait a son chien une part de la petite quantité de viande qui lui revenait et qu'il répondit à la critique de l’Union des écrivains prolétaires que sauver son chien, c'était sauver la vie, c'était parier sur elle, anticipant de presque soixante-dix ans la proposition testamentaire de Bobbio qui dit que le temps est venu de réévaluer nos rapports avec les animaux.

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 18:46
Nos éditions ont promis un livre d'articles du Jaurès de 1906. Il paraîtra très bientôt. En attendant nous complétons notre bibliothèque Jaurès avec un texte que je dédie à quelques enfoirés ACTUELS qui ne le liront pas. JPD

7 - 10-61-1907

LES«SUFFRAGETTES» La Dépêche

  

Voilà donc la question du droit des femmes, de leur droit politique et social posée devant l'opinion, beaucoup plus sérieusement il me semble que ne l’imaginent plusieurs de nos collaborateurs. En fait, l’évolution économique a transformé la condition des femmes. Certes, au temps où dominaient la petite industrie et le petit commerce, les femmes travaillaient ; elles ne se bornaient pas aux soins domestiques, mais elles travaillaient à domicile. Elles faisaient aller le métier à tisser ou à broder ; elles servaient, derrière le modeste comptoir, la clientèle ; mais, si elles étaient des ouvrières ou des marchandes, elles restaient en même temps des ménagères. Ainsi, même comme ouvrières, même comme marchandes, elles étaient tout près du foyer ; elles n'avaient point accès « au Forum » . Tout au plus allaient-elles à la fabrique ou au magasin, tous les huit jours ou tous les quinze jours, « rapporter l'ouvrage ».

 

Depuis que s'est développée la grande industrie et qu'a surgi le grand commerce, depuis que les petits ateliers ont été absorbés par les vastes usines et que les petites boutiques ont été dominées par les grands magasins, les femmes sont devenues des ouvrières, des salariées vivant de la même vie que les hommes, accomplissant dans des conditions identiques les mêmes besognes, obéissant à la même discipline, commandées par les mêmes contremaîtres, contribuant sous la même forme aux profits d'un même capital. Elles ont passé de longues journées loin de la maison, loin du foyer ; elles ont été jetées en pleine vie sociale. Une transformation analogue s'accomplissait dans la condition des femmes de la bourgeoisie. Celles-ci étaient occupées parfois comme caissières, comme comptables, comme surveillantes, dans la fabrique moyenne ou dans le magasin modeste. A mesure que le moyen commerce et la moyenne industrie étaient ravagés par la concurrence du grand capital, toutes ces femmes et filles de la bourgeoisie moyenne étaient obligées, pour ne pas réduire leur bien-être, pour ne pas descendre de plusieurs degrés dans l’échelle des habitudes sociales, de chercher comme commises, comme chefs de rayon, un emploi dans les vastes établissements nouveaux. Ou bien, et par une autre application de cette loi générale qui entraînait les femmes à assumer, hors de la maison, hors de la famille, des fonctions rétribuées, les jeunes filles se préparaient aux carrières dites libérales, à la médecine, au barreau, à l’enseignement. La laïcisation progressive de l’enseignement primaire et secondaire leur ouvrait un vaste champ d'action. Tant que les écoles de fillettes ou de jeunes filles étaient dirigées par des religieuses, par de « bonnes sœurs », on remarquait à peine que des femmes remplissaient dans notre société, au même titre que les hommes, la grande fonction d'éducation, car ces femmes étaient comme mortes à elles-mêmes, mortes à la famille, mortes au monde ; elles avaient renoncé à être épouses et mères ; et toujours, entre elles et la vie, un voile conventuel était interposé. Mais voici que par dizaines de mille des jeunes filles vivant de la vie mondaine, des femmes mêlées à toute la vie du siècle, enseignent dans les écoles, dans les lycées ; une d'elles, hier, succédait à son mari dans une chaire illustre de physique et de chimie.

 

Partout donc, dans toutes les branches du travail humain, la femme assume la même fonction que l’homme. Elle devient de plus en plus, dans l'ordre économique, une personne, identique à l’homme. Comment de cette identité d'existence et de fonction ne résulterait pas l’identité des droits et des revendications ? Les femmes, dans l’exercice de leur travail, se heurtent, comme les hommes, à tout le système politique et social ; elles sont invinciblement amenées à réfléchir aux conditions politiques et sociales qui dominent la vie des individus. De là à s'intéresser aux luttes politiques et sociales, il n'y a qu'un pas, et de là à réclamer des droits qui leur permettent à elles aussi d'agir sur ce milieu politique et social où toute leur destinée se développe, il n'y a qu'un second pas. C'est celui que les femmes franchissent en ce moment et qu'elles ne pouvaient pas ne pas franchir. Voici, par exemple, des ouvrières, ouvrières des tissages et des filatures, ouvrières des manufactures de tabac, ouvrières des maisons de confection. Elles sont des salariées comme les ouvriers. Comme eux, elles aspirent à une condition meilleure, à une journée de travail moins longue et moins épuisante, à une rémunération plus élevée. Plus d'une fois, elles sont mêlées aux mouvements du prolétariat. Ou bien elles-mêmes font grève, ou bien, comme femmes, filles, sœurs des ouvriers en grève, elles ont à subir toutes les vicissitudes, toutes les douleurs de la lutte sociale. Dans ces périodes de combat, elles vont comme les hommes, aux grandes réunions publiques. Elles entendent des hommes ou des femmes prêcher la solidarité, la résistance commune. Elles entendent dire aussi bien des fois qu'il ne suffit pas d'arracher quelques concessions précaires à tel ou tel patron, qu'il faut encore et surtout inscrire dans les lois des garanties nouvelles pour les prolétaires et préparer un ordre social ou il y aura plus de justice. Or, si elles vivent de la même vie que les hommes, si elles font le même travail, si elles participant dans la grève aux mêmes combats, elles n'ont pas le même moyen politique d'affirmer leur volonté. C'est ce droit qu'elles commencent à revendiquer ; et quand il y aura parmi elles une minorité importante pour revendiquer la communauté des droits politiques, quelle fin de non recevoir sérieuse les hommes pourront-ils leur opposer ?

Dira-t-on qu'elles livreraient la démocratie et la République à l’Eglise ? Sans doute, elles sont beaucoup plus que les hommes restées fidèles aux croyances et aux habitudes du passé. Mais la plupart d'entre elles, même chrétiennes, même catholiques, n’accepteraient pas la domination politique du prêtre sur le scrutin, sur la famille, sur le travail. En fait, si les femmes étaient fanatiques, la séparation des Eglises et de l’Etat ne s'accomplirait point dans le calme ou elle s'accomplit aujourd'hui. Il se peut que l’avènement des femmes au droit politique obligeât la République à continuer le régime de ménagement, de libéralisme complaisant qu'elle a adopté. Mais ou serait le péril ? Ce n’est pas par la violence, ce n’est pas en écrasant brutalement dans les cœurs meurtris la fleur mystique des croyances passées que nous voulons affranchir l’esprit humain, mais par la douce propagande de la raison. La plupart des femmes ne demanderont pas davantage à la République. Dira-t-on encore que, ne pouvant accomplir le devoir militaire, elles ne peuvent prétendre à l’égalité des droits politiques ? On oublie, en vérité, que le cœur des femmes est sur tous les champs de combat, qu'il est frappé de tous les glaives, traversé de toutes les balles qui blessent ou menacent les êtres aimés. Les femmes sont capables de sacrifier même leur affection à la défense de la patrie menacée. Elles n’accepteraient pas plus pour ceux qu'elles aiment la grande humiliation collective de la patrie qu'elles n'acceptent pour eux les affronts individuels. Mais elles auraient l’horreur des guerres inutiles ou injustes et elles prêteraient à la politique de paix et d'arbitrage international le concours passionné de leur tendresse aussi bien que de leur conscience. L'ordre social nouveau, l'ordre humain de justice et de paix garantira le droit de tous les êtres humains. Tous les êtres humains doivent donc être appelés à la préparer, à l’organiser. Le temps des railleries est passé. La question ne pourra plus être éludée. En Angleterre, la majorité parlementaire est favorable au suffrage des femmes. En Allemagne, le grand parti socialiste vient d'inscrire dans son programme le suffrage universel de toutes les personnes humaines, en même temps que l’arbitrage international. Et le groupe socialiste français va saisir le Parlement d'un projet de loi. Jean Jaurès

 
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