En Tarn-et-Garonne le FN n’était présent au second tour que dans un canton, comme en 2004, le canton de Moissac. Comme en 2004 il était opposé au même radical de gauche, vice-président du Conseil général, Monsieur Empociello, mais il y avait alors une triangulaire.
Etudions d’abord les résultats en voix du second tour : le FN passe de 652 voix (24,37%) à 1038 (37,62%). Quelles étaient les réserves de voix du FN qui font qu’il double presque son score ? (phénomène qui est national) Un candidat CNI 73 voix et un candidat UMP 403 voix. Si on suppose l’impossible, c’est-à-dire que toutes les voix des deux candidats se sont reportées sur le FN soit 476 voix on arrive à un total général de 1128 voix soit 90 voix de plus que le score. Sauf que le nombre de votants a fortement augmenté en passant de 2748 à 2968 (220 en plus) une attitude surprenante puisqu’il était évident que le sortant serait réélu. Bien sûr le nombre de blancs a aussi augmenté et pouvait venir du camp d’EELV (222 voix), du FdeG (203) comme de celui de la droite : les blancs passent de 73 à 209.
Il semble normal de penser que l’électeur nouveau du second tour est faiblement parmi les blancs. Entre une centaine de blancs et deux cents venus au second tour on a environ 300 exprimés de plus. En passant de 1122 à 1721 Empociello récupère presque 600 voix donc beaucoup plus que les deux électorats de gauche dont une partie a voté blanc.
En confrontant ces données, j’en déduis que le vote FN a récupéré des voix sur l’électorat de droite (premier problème) et sur les abstentionnistes (deuxième problème).
Avec le mode de scrutin éliminant les candidats en dessous de 12,5% des inscrits, dans des centaines de cantons, la droite a été absente le 27 mars et donc des électeurs de cette tendance ont fait, au second tour, un geste qu’ils risquent à présent de faire plus simplement au premier.
Les réserves de voix sont également nombreuses chez des abstentionnistes du premier tour qui, comme pour d’autres partis, se mobilisent quand ils constatent qu’ils peuvent gagner. Ce phénomène est nouveau car auparavant, au second tour, le FN augmentait peu, un électorat moins en quête de victoire que d’expression d’une exaspération.
En 2004 dans ce canton le FN passe de 16% (588 voix) au premier tour à 15,7% (600 voix) au second tour dans le cadre d’une triangulaire alors qu’une autre candidate ex-FN, Evelyne Dutertre avait fait 1% soit 37 voix au premier tour.
Empociello était donc déjà là avec au premier tour 1179 voix. Ajoutées à celles du candidat PCF (sans candidat Vert) soit 403 on arrive à 1582 voix, or là aussi il a beaucoup plus au second tour soit 1808 voix. Donc lui-même récupère par tradition (comme tous les candidats PRG) une part de l’électorat de droite.
Ce phénomène totalement nouveau se vérifie en Lot et Garonne où il y avait deux candidats au second tour et est national… comme tout ce qui touche le FN !
Dans l’évolution du FN, nous sommes donc face à plusieurs questions qui concernent à mon sens, beaucoup plus les électeurs de TOUS les partis, que les dirigeants :
- le sens de la nuance démocratique doit-il exister ? UMP, PS, Centre, FN, tous les mêmes disent certains, comme le FN dit : UMP-PS-Centre-PCF-Ecolos-Extrême-gauche, tous les mêmes ?
- le sens des frontières (le national) mérite-t-il enfin une révision à gauche ?
- la forme FN de Marine Le Pen est-ce seulement une forme nouvelle ? Nous avons connu en Midi-Pyrénées la présence de Louis Aliot qui en 2004 a tenté déjà de tester cette évolution qui alla jusqu’à proposer un logo régional au FN.
Concernant les autorités elles peuvent prendre rapidement des mesures techniques... qu'elles ne prendront pas :
- revenir au seuil de 10% des votants pour se maintenir pour les futures élections territoriales.
- abolir la notion « d’exprimés » qui efface le vote blanc et encourage l’abstention. Qui sait qu’il y a eu au second tour 7% de blancs ? Les blancs sont des exprimés dont tous les pourcentages doivent se compter par rapport aux inscrits ou aux votants.
- instaurer partout une dose de proportionnelle qui aura comme conséquence de faire élire des candidats FN mais encouragera un autre électorat à gauche.
- obliger tout candidat à avoir au moins une réunion publique annoncée sur les panneaux électoraux pour imposer un minimum de démocratie à la campagne électorale. Je sais que l’électorat FN vote sans se soucier du candidat et qu’une réunion publique changera peu de choses mais les candidats y réfléchiront à deux fois s’ils savent qu’ils doivent argumenter.
Il s’agit de propositions minuscules mais parfois le sens politique se loge dans les détails. Un sens qui doit prendre fortement en compte, à gauche comme à droite, les dernières évolutions qui ne sont pas des sondages mais des résultats électoraux. Les médias répètent que l’actualité internationale a obscurci l’élection alors qu’en pleine campagne des cantonales un fort débat a eu lieu… sur un sondage concernant la présidentielle !
29-03-2011 Jean-Paul Damaggio