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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 14:22

 

Voici un extrait du livre Manuel Vázquez Montalbán, derniers instants, où l’auteur s’adresse à Manolo, forme amicale de Manuel.

 

Manolo, les actualités ne nous apprendront jamais que tu as eu le Prix Nobel de Littérature. Des amis avaient pensé à toi pour celui de l’année 2003, afin de s’opposer à la candidature de Mario Vargas Llosa. Si un jour j’ai le temps, j’écrirai l’histoire croisée de vos vies. Tu n’as jamais eu, face à toi, le même Gauguin que celui que vient de nous dépeindre l’écrivain péruvien. Comment, en plus, ne pas croiser les deux romans sur Trujillo : Galíndez de MVM et La Fête du bouc de MVLl ? En attendant ce futur incertain, voici la dépêche d’agence que Vargas Llosa a fait circuler suite à ton décès : « La mort de Vázquez Montalbán m’a beaucoup peiné. C’était une figure qui a profondément marqué la vie intellectuelle espagnole depuis les années 70. Je l’ai justement connu au cours de mon installation à Barcelone en 1970. C’était un personnage d’une fécondité extraordinaire qui utilisait les failles littéraires et intellectuelles que la dictature ne contrôlait pas, pour produire une opposition multiple, intelligente, en utilisant, de plus, un humour corrosif qui fut une de ses caractéristiques. C’était un homme d’une fécondité extraordinaire qui pratiquement embrassa tous les genres de la poésie à l’essai en passant par le roman, et les articles de journaux. Toujours polémique, il fut cohérent avec ce qu’il croyait et il défendit ses convictions politiques, qui, c’est le moins qu’on puisse dire ne sont pas les miennes, d’une manière suscitant toujours le respect et l’attention, y compris de ses adversaires. Par ailleurs, sa personnalité fertile et vivante, sa curiosité pour toutes les manifestations artistiques et idéologiques faisaient de lui, un personnage fascinant, aussi, son absence va laisser un vide très profond dans la vie espagnole. »

Le propos de Vargas Llosa est un petit chef d’œuvre d’hypocrisie ! La question n’est pas d’évoquer MVM (ce qu’il fait avec adresse) mais de montrer la largeur de vue de MVLl ! Tout écrit doit rejaillir sur sa propre notoriété. 7-10-2010 Jean-Paul Damaggio

 

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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 20:31

Dans les salles d’attente du médecin, hier encore (au cours des années 60), les discussions allaient bon train pour mieux patienter. Le temps d’attente est resté le même (plus ou moins) mais à présent chacun feuillette une revue ou rêve peut-être à sa maladie, dans un silence général. Je profite de telles occasions pour entamer par avance ma guérison, en lisant toujours de courts textes de Vazquez Montalban. Voilà comment, la semaine passée je me suis retrouvé face à un texte « vieux » de quinze ans auquel je trouve toujours quelques charmes. J’ai décidé de reprendre sa conclusion à « Aperçu de la planète des singes » avec quelques notes pour mieux réfléchir au sens historique dans lequel va notre monde.

 

Conclusion

Le chœur des intellectuels critiques[1] se fait à nouveau entendre. Sans plus aucune prétention avant-gardiste désormais, on réagit devant l’inévitable, en tant qu'intolérable conséquence de la relation dialectique entre l’ancien et le nouveau. Depuis le prémonitoire Manifeste pour une fin de siècle obscure de Max Gallo[2] (1989) jusqu'au testamentaire Droite et Gauche de Norberto Bobbio[3] (1994), en passant par la volonté régénératrice de Glotz et l’attente d'une réflexion sur la gauche esquissée par Eric Hobsbawm dans Politics for a Rational Left, nous pouvons recenser deux douzaines de courts manifestes ou de pamphlets qui expriment presque tous l’inquiétude devant la lassitude démocratique[4] et la disparition de la gauche dans le processus de transformation actuel[5]. Chose surprenante, si nous nous souvenons des premières années d'émergence du « régime » eurosocialiste et de ses prophètes morts ou mal en point (Willy Brandt, Olof Palme, Felipe Gonzalez, François Mitterrand, Bettino Craxi...), quand toute une campagne avait été orchestrée en faveur de la raison pragmatique, seule méthode de gouvernement possible, et pour assimiler toute opposition critique à une manifestation d'immaturité démocratique ou d'éthique de la résistance totalement obsolète et à une tentative de déstabilisation qui faisait de l’intellectuel critique le pendant du terroriste. C'était le moment où les esprits déçus par le régime étaient présentés, au mieux, comme des alliés objectifs de la droite ou comme un réduit de pyromanes nostalgiques et jusqu'au-boutistes, au pis, comme une poignée d'aigris imprésentables, incapables de se retrouver dans un nouvel ordre des choses où le choix entre le Tout et le Rien était devenu impossible. Cette opération de discrédit de la raison critique a été menée par une jet society intellectuelle composée essentiellement d’anciens jeunes philosophes, d'anciens jeunes sociologues et d'anciens jeunes leaders d'opinion qui connaissaient parfaitement les voies menant à la table du maître, selon l’antique leçon du scribe. Les tenants pragmatiques du pouvoir ont compté non seulement avec ces petits maîtres en élégance pour apprendre à côtoyer la vieille et la nouvelle oligarchie financière, mais aussi avec l’aide des intellectuels organiques, qui leur ont permis de ne pas écrire une ligne et de ne pas concevoir une idée originale, tout en leur fournissant l’idéologie indispensable à leur perpétuation, ainsi qu'une collection complète de dithyrambes. Que ce soit sur le terrain de la politique économique, de la raison d'Etat ou de la philosophie politique dans son ensemble, les spécialistes pragmatiques et leurs sociologues de cour ont parié sur l’inexistence d'une alternative à leurs médiocres résultats et à une raison pragmatique exclusive et sûre d'elle-même. Pour échapper à la pernicieuse poursuite d'une vérité unique, Flores d'Arcais[6] a préconisé en son temps une éthique sans foi : la formule me parait excellente pour qui considère l’espoir comme une nécessité humaine et non pas théologique[7] et reprend à son compte la critique de l’aliénation militante proposée, en toute connaissance de cause, par Adam Schaff. Nous devons faire le serment de n'être jamais plus les complices de Caligula quand celui-ci prétend nommer proconsul son cheval.

Non. Il n'est pas de vérités uniques, ni de luttes finales, mais il est encore possible de choisir parmi des vérités possibles et de protester contre de criantes non-vérités. On peut voir une partie de la vérité et ne pas la reconnaître, mais il est impossible de se retrouver devant le Mal et de l'ignorer. Le Bien n'existe pas, mais je soupçonne et redoute qu'il n'en soit pas de même pour le Mal. Vazquez Montalban



[1] Dans ce texte comme dans le livre, il y a deux camps, les intellectuels critiques (ceux de la raison critique) contre les intellectuels organiques (ceux de la raison pragmatique).

[2] En voilà un comme tant d’autres qui est, depuis, passé d’un camp à l’autre.

[3] C’est à ma connaissance le seul livre de ce penseur italien qui ait été traduit. Un document pour voir comment la crise est passé dessus depuis.

[4] La lassitude démocratique est la pensée clef de Vazquez Montalban, cette lassitude étant savamment organisé. J’ai envie de prendre comme exemple ce sport qui consiste à faire des annonces, puis à les démentir, puis à les renouveler jusqu’au moment où elles entrent en vigueur sans que personne ne s’en aperçoive.

[5] Cette disparition que l’on constate à présent n’est donc pas nouvelle.

[6] Un Italien qui mériterait d’être traduit. Je pense par exemple à son beau livre : Esistenza et libertà

[7] La prise de position laïque de Vazquez Montalban est au cœur de son action.

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 15:08

Pepe à Valence d’Agen

 

En sortant de la médiathèque de la ville, après la rencontre autour de Pepe Carvalho et son auteur Vazquez Montalban (Manolo), un participant me demande : « La soirée était-elle en rapport avec les festivités autour de la Retirada ? » La soirée programmée par la Compagnie des écrivains n’avait aucun rapport avec les événements de 1939 et leurs conséquences en Tarn-et-Garonne qui venaient de donner lieu, deux jours avant, à un film dans la même ville mais, c’est exact, j’aurais pu concevoir une intervention sur le sujet, à partir d’extraits de l’autobiographie de Franco écrite par Vazquez Montalban. Sauf que Milenio qui a été au cœur de mon propos, c’est aussi l’histoire d’une « fuite », une fuite au cours de laquelle, le héros Pepe Carvalho, finit par se jeter dans la gueule du loup… comme le père de Manolo après la Retirada, quand il décide de revenir à Barcelone voir son fils, qui se retrouve en prison, là où Pepe lui-même finit sa vie !

Indirectement j’ai évoqué le propos en rappelant cette phrase de Manolo dans un entretien de 1992 : « Dans tout voyage il y a une fuite. Il y a une très bonne définition dans un livre de Bowles qui servit à Bertolucci pour son film Le ciel protecteur, qui distingue le touriste du voyageur : le touriste sait la fin de son voyage mais pas le voyageur. (…) En fait il s’agit d’une fausse fuite parce qu’on voyage avec soi-même, avec la charge de ses obsessions, de ses frustrations, et avec la sensation qu’au retour, qu’elle qu’en soit la date, on se retrouvera face à elles. »

 

La Retirada n’était pas un voyage au sens touristique (le sens dominant) mais comme pour Pepe dans Milenio, un voyage « forcé ». Dire cependant que la Retirada était une fuite ne fait pas belle figure pour ce moment d’histoire car là aussi le sens dominant de fuite est négatif. Il y a tout un travail à faire sur le rapport entre fuite et fuite, comme entre peur et peur chez Vazquez Montalban dont une des originalités c’est qu’il a vécu la moitié de sa vie sous le franquisme et l’autre moitié sans le franquisme. Oui, il existe une fuite et une peur positives mais, à m’expliquer ici, je dépasserais le cadre de ce compte-rendu d’une rencontre.

 

Autre question majeure concernant au bout du compte, le statut de la culture. Ayant présenté Pepe, une participante, qui achevait la lecture de Erec et Enide a fait observer que Vazquez Montalban c’est aussi autre chose que Pepe. Opinion que je ne pouvais qu’appuyer puis à ce moment dans la conversation est venue l’hommage de Manolo rendu à LA professeure d’histoire qui a convaincu ses parents qu’il pouvait continuer ses études à l’université. Pour la même personne, il faut s’en tenir à la langue française qui traduit la professora par LE professeur donc il ne faut pas dire la préfète qui est en fait la femme du préfet (comment on appelle alors le mari d’une femme faisant fonction de préfet ?), ou la députée.

Je pense que ce débat passionnant (aussitôt plusieurs personnes sont intervenues pour dire que la langue pouvait évoluer) renvoie à l’image que l’on a de la culture. En introduction je faisais observer que Manolo a pu être connu grâce au Prix Planeta attribué à un de ses romans policiers alors qu’en France je ne pense pas que le Prix Goncourt ait pu être attribué à un livre de ce genre.

Pour moi, peut-être à cause de ma passion pour les Amériques, le plus beau livre de Manolo c’est son Galindez et je suis donc prêt à considérer que sa littérature « blanche » est une référence mais sans pouvoir établir une coupure au sein de toute la galaxie de l’écrivain. Un autre de ses romans blancs, L’étrangleur est présenté ainsi par Manolo : « L’étrangleur c’est Carvalho, un Carvalho exagéré et sans limites. »  Ce qui supposerait tout un travail de réflexion !

 

Dans ce lien entre Pepe et Manolo n’oublions jamais : Pepe brûle des livres, ce que Manolo ne peut faire en aucun cas. Manolo permet à Pepe ce que lui ne peut plus faire car trop enfermé dans la culture qui, comme la fuite, la peur ou la fidélité, peut enfermer comme libérer !

Et enfin dernière observation sur « la création » qui n’est pas exactement liée à la présentation et au débat mais qui m’est venue en rappelant que deux opinions s’affrontent globalement : « dieu serait le créateur de l’homme : l’homme serait le créateur de dieu ». Vazquez Montalban, en laïque convaincu, admet tout à fait le débat où il défend l’idée que l’homme est en fait le fils de ses œuvres. Cependant, comme tout débat, il peut échapper à ce dilemme quand par exemple la laïcité devient à son tour une « foi ». Pendant la présentation j’ai lu un part du discours du président de Slow food mais pas la réaction de Pepe que voici :

Réponse de Pepe à Biscuter qui lui demande ce qu’il en pense :

« - J'ai trop peu de foi. Dans le fond, ces gastronomes écologistes militent pour une religion. Optimistes, bien que matérialistes, le futur est leur religion. Ils se croient capables de sauver la chianina de l'indifférence de millions de bouffeurs de protéines d'origine indéterminée, McDonald's et autres. Je préfère garder mon pessimisme originel. Mon désaccord absolu avec la Création, l’acte majestueux et généreux d'un Dieu bon ou d'une intelligence supérieure et conspiratrice inconnue de nous, s'il faut en croire toutes les religions. La Création est un gâchis imprésentable qui ne résiste pas à la plus petite analyse morale, parce qu'elle est fondée sur la nécessité de tuer pour manger et fait de tout être vivant un assassin direct ou indirect. »

 

Comme toujours, il reste ensuite à mesurer l’écart entre le point de vue classique de Pepe et le combat réel de Manolo qui nous donne à voir… la vie de son frère Pepe. Manolo a souvent écrit des articles nécrologiques en combattant l’idée de la postérité possible que l’on sort du tiroir en de telles circonstances. Il est le militant permanent de la mémoire mais à condition que ce combat ne soit pas dicté par une aspiration au futur. Là aussi, il y a mémoire et mémoire, et pas seulement mémoire honnête contre mémoire trafiquée mais mémoire émancipatrice contre mémoire soumise.

28-11-2009 Jean-Paul Damaggio

 

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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 15:55

La voiture Biscuter en photo ci-contre, a ses origines en France quand à la fin des années 40 un dessinateur d’avions, Gabriel Voisin, se proposa de créer un véhicule qui soit un bi-scooter. Le nom indique le projet, qui fut sans succès en France où il y avait la deuch et la 4 chevaux. C’est une entreprise de Barcelone qui introduisit la petite machine en 1953 en Espagne. Très vite on l’appela « La sandale ». Montalban reprendra le nom de ce phénomène populaire pour le bras droit de Pepe Carvalho qui, comme Sancho, en deviendra le sauveur. 23-11-2009 Jean-Paul Damaggio

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19 novembre 2009 4 19 /11 /novembre /2009 21:00

Carmela Godó

 

Vous pouvez chercher sur Internet vous ne trouverez rien sur cette personne. Elle est une exclusivité La Brochure. Pourtant à construire un monument à la gloire de Vázquez Montalbán vous devriez le construire d’abord à la gloire de sa prof d’histoire . L’écrivain catalan qu n’a jamais voulu faire de sa vie une fiction par une autobiographie (ou auto-fiction) a cependant toujours rappelé qu’il écrivait à partir de ses expériences personnelles dont le souvenir de cette femme décisive. Parmi les personnes qui l’ont marqué, « Il y a eu une enseignante de l’établissement où je préparais le bac, et à qui j’ai consacré un poème intitulé « In memoriam », dans Una educación sentimental, mon premier livre de poèmes. C’est elle qui a convaincu mes parents que je devais étudier, que j’étais apte à le faire. » Je note en passant la référence à Flaubert qui clôturera sa vie dans Milenio. Ce poème est magnifique et je rends hommage à celui qui l’a traduit mais je ne vous dirai pas son nom car, par un respect lamentable de la langue française il a traduit : « In memorian / A un professeur d’histoire ». Il aurait pu au minimum traduire « à UNE professeur d’histoire » si la féminisation des noms le crispe. Mais non, il laisse croire qu’il s’agit d’un homme quand la langue espagnole est si claire : « a una profesorA de Historia ». Voyez je ne dis rien sur la disparition de la majuscule à Histoire, mais le féminin, tout de même ! D’autant que dans le poème la prof est aussi mentionnée ! Je ne digère plus ce respect de la langue française qui, au mieux, est un oubli du sexe féminin, et au pire son mépris ! Bien sûr une ministre peut souhaiter qu’on l’appelle madame LE ministre mais j’ai le droit et même le devoir de dire, LA ministre. Dans ce même poème, si beau, si beau, le mot « juglar » est traduit par « trouvère » là où un esprit ordinaire aurait traduit « troubadour » qui existe tout de même un peu dans la langue française. Cette colère complète celle qui m’a poussé à publier le texte de Jaurès sur le droit des femmes. 18-11-2009 Jean-Paul Damaggio

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 18:50
Dans Milenio, Pepe Carvalho, le héros de Vazquez Montalban, croise en Italie un défenseur de Slow Food (les adversaires du Fast Food), un ancien du PCI, et il rapporte son discours dont je vous propose le début... où il est question de Darwin.



« Notre Carlo Petrini a quelque chose à nous dire. »

Un chœur approbateur obligea à parler celui qui présidait la table, un solide, avec les yeux ironiques du voyageur qui est passé de l’extrême gauche à la défense du lard de Carrare, ou plutôt de ses environs, ou de la vache chianina.

« Chers amis, nous seuls pouvons ne pas être surpris d’une telle réunion en ces lieux, qui est un pas de plus en défense de la meilleure graisse animale que nous ayons, l’historique lardo di Colonnata, et de la race chianina, en attendant le Sommet du Salon du goût à Turin. Les revendications sont évidemment tolérées tant qu'elles restent un mouvement social et une manifestation d'opinion, mais elles ne prospèrent que soutenues par un large front social. Sous les dictatures fascistes, les démocrates ont défendu marais et plantations, logement humain et habitat animal, droits vicinaux et droits de l’homme au sein d’un projet qui tendait à reconstruire la raison démocratique, mais en démocratie la bataille garde tout son sens contre une nouvelle dictature : celle du marché, cet adversaire intelligent protégé par un important troupeau d’hommes politiques à tête de mule.

Darwin nous a expliqué le truc de la sélection des espèces, et l’on parle aujourd'hui d’un darwinisme de gauche et d’un darwinisme de droite, selon qu’on y voit un apport scientifique contre la version religieuse de la dialectique de la vie ou un alibi justifiant l’inévitable victoire du fort sur le faible. Ce qui est certain, c'est que, dans cette partie du globe terrestre qu’habitent les lecteurs de Slow Food, c'est-à-dire nous, la logique biologique propre à chaque espèce conditionne la sélection et que seule l’intelligence humaine conditionnée par la curiosité ou par la compassion peut affronter une telle fatalité. Face à la spéculation immobilière ou industrielle, il faut sauver une forêt ou une rivière, face au jeu de la vie ou de la mort des espèces, il faut parfois sauver la survie de l’une d'entre elles particulièrement menacée par sa fragilité ou par le marché de toutes les vérités, depuis la vérité scientifique jusqu’à la vérité alimentaire.

En tant qu’Italiens nous sommes en première ligne pour approfondir la sagesse alimentaire en Europe et vous faites entrer, au-delà de la simple gastronomie ou de l’érudition sur les vins et les choux-fleurs, le savoir sur tout ce qui est comestible dans la culture dite matérielle. L’Italie sauve la production et la consommation du lard atavique et parfumé de Colonnata, gloire apparue au plus près d’une autre gloire de la culture absolue : Carrare et ses marbres, qui ont fait les plus belles sculptures et architectures de notre mémoire, ou bien d’une plante menacée par la paresse du paysan et l’ignorance du consommateur aliéné, c'est l’Italie aujourd'hui encore qui peut être fière de s'être mobilisée en masse pour le sauvetage d'une vache, d’une race de vache menacée par les normes absurdement bureaucratiques du Marché commun. Maïakovski fut parmi les poètes soviétiques les plus emblématiques, ce qui ne l’empêchait pas de se plier aux rigueurs du rationnement. On sait qu'il donnait a son chien une part de la petite quantité de viande qui lui revenait et qu'il répondit à la critique de l’Union des écrivains prolétaires que sauver son chien, c'était sauver la vie, c'était parier sur elle, anticipant de presque soixante-dix ans la proposition testamentaire de Bobbio qui dit que le temps est venu de réévaluer nos rapports avec les animaux.

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14 novembre 2009 6 14 /11 /novembre /2009 22:21
Voici les premiers éléments de mon intervention à Valence d'Agen.

Pepe et Manolo

 

Fin août, au moment où je classais divers vieux papiers, j’ai été invité à évoquer Pepe Carvalho à la médiathèque de Valence d’Agen quand tombait de mes mains, un article nécrologique de Télérama, réalisé bien sûr par Michèle Gazier et publié le 29 octobre 2003. J’aurai dû lire cet article depuis longtemps mais parfois on passe à côté des choses les plus simples. En voici le titre : « Pepe perd son père ».

Il m’arriva de présenter Pepe à Moissac en expliquant que son auteur Vazquez Montalban, s’était constitué comme son frère. J’avais pour base la première apparition de Pepe dans J’ai tué Kennedy. Me suis-je trompé d’arbre généalogique ?

L’article ne dit rien sur un éventuel lien père-fils et j’en conclus que c’est le titreur du journal plus que Michèle Gazier qui a dû reprendre une formule classique depuis Cervantès, qui rend le créateur père ou fils de ses œuvres. Mais frère… c’est une autre paire de manche !

Je me révolte périodiquement contre les titreurs de journaux qui se soucient plus d’accrocher l’œil du lecteur que de rendre compte du contenu d’un article et cette fois ma colère est un gramme plus pesante que d’habitude car pour Vazquez Montalban, il y avait mieux à faire que de titrer en s’appuyant sur un lieu commun ! Suite à la lecture de l’article le titre aurait pu être : « Un poète surtout » ou « Un homme de conviction et de passion » etc.

Bref pour confirmer le lien fraternel qui unissait Pepe et son créateur, et qui à mes yeux est important, nous allons l’étudier à travers la dernière œuvre mentionnant Pepe : Milenio.

Il s’agit d’un voyage autour du monde or sur ce sujet Manolo indique dès 1979 (entretien dans La Calle) : « J’ai beaucoup voyagé en profitant des offres qui m’étaient faites ou en les finançant moi-même à crédit parce que c’est quelque chose qui me fascine, mais aussi à cause d’une frustration. Je n’ai pas eu de passeport jusqu’à 31 ans… » (donc en 1970 avec comme premier voyage, une rencontre toulousaine d’amis anarchistes de son épouse).

Pepe se retrouve donc dans un rêve permanent de Manolo et il fait le voyage à ses côtés si je puis dire. La dédicace du livre précise : « A Lluis Bassets alors jeune journaliste à Tele/eXpres à qui, au cours d’un entretien en 1974 j’ai prédit que j’écrirais Milenio Carvalho. »

Dans le livre, Mme Lissieux indique : « Paul Bowles disait que la différence entre un voyageur et un touriste, c’est que le touriste sait quand son voyage commence et finit. Pas le voyageur : il sait quand il commence, mais il ne sait pas quand il finit. ». Et Biscuter fait observer : « Comme notre voyage, chef ! » Manolo explique dans un entretien de 1992 : « Dans tout voyage il y a une fuite. Il y a une très bonne définition dans un livre de Bowles qui servit à Bertolucci pour son film Le ciel protecteur, qui distingue le touriste du voyageur : le touriste sait la fin de son voyage mais pas le voyageur. (…) En fait il s’agit d’une fausse fuite parce qu’on voyage avec soi-même, avec la charge de ses obsessions, de ses frustrations, et avec la sensation qu’au retour, qu’elle qu’en soit la date, on se retrouvera face à elles. »

Et ce constat résume parfaitement Milenio, du départ au retour !

 

Tout commence par un entretien entre l’inspecteur Lifante et Pérez i Ruidoms de la société du Mont Pèlerin, c e dernier accusant Pepe du meurtre de Anfruns son sociologue, et qui conclut ainsi le dialogue pour montrer son pouvoir : « Ne vous creusez plus, Lifante. Notre homme arrive à Gênes. »

 

Fuir l’Espagne par le Portugal, la France, le Maroc ou l’Italie ? Manolo aurait choisi pour lui l’Italie comme il l’a fait pour Pepe qu’il transforme aussitôt en… écrivain : « spécialiste du diminutif dans la littérature médiévale espagnole ». Tout au long de sa vie, Manolo a été hanté par le Moyen-âge placé au cœur de son roman « blanc » Erec et Eneide en référence à Chrétien de Troyes. Biscuter notera aussitôt que pour le premier mensonge de Pepe sur son métier, il choisit la littérature, comme il l’a choisira pour trouver les indispensables pseudos : Bouvard et Pécuchet. Ils sont partis par l’Italie mais en se donnant des airs de Français car, dans cette fuite, la France ne pouvait pas être loin, ni pour Pepe, ni pour Manolo.

Bref tout commence par un lieu précis de Gênes : le cimetière de Staglieno. Nous ne saurons pas pourquoi Pepe fait ce choix mais il y découvre la référence à un compagnon de fortune cher à Manolo : Léonardo Sciascia. Un visiteur du cimetière lui dit :

« Le capitalisme triomphant a tellement peur de se penser, de s’autodéfinir, qu’il laisse passer sa chance de prendre la distance avec ce qui existe, de repenser le monde. C’est ce qu’un écrivain italien a magnifiquement exprimé en parlant de « présent comme inquisition ». Il s’agit de Léonardo Sciascia qui n’était pas précisément un marxiste. »

Avant même d’aller plus loin, la clef de la vie de Manolo et Pepe c’est LA DISTANCE, d’où ce voyage final pour prendre quelques distances avec Barcelone. Et Manolo s’offrira même un frère qui réussira à prendre quelques distances avec l’amour !

 

Puis le voyage continue, direction Rome où Pepe trouve dans un restaurant des amis de Manolo, les défenseurs de Slow Food (voir texte par ailleurs). Ensuite Pompéi et enfin Brindisi pour partir vers la Grèce mais là un incident vient nous rappeler tout d’un coup que nous sommes dans un roman policier.

Manolo racontera son séjour à Rome en 1975 dans la préface qu’il rédige pour le premier tome des Mémoires de Dolores Ibarruri. C’était juste après l’assassinat de Pasolini.

 

A la page 46 un souvenir de Pepe apparaît que le lecteur va suivre pendant tout le séjour grec, un voyage sentimental de sa jeunesse qui n’est autre qu’un voyage sentimental de Manolo.

 

Autant de coïncidences qui font dire à certains que Manolo a mis beaucoup de lui-même dans Pepe sauf que Pepe, même si, de passage à Bangkok il y risque sa vie, il n’y meurt pas d’une crise cardiaque comme son complice. Pepe est en réalité jaloux de son frère qu’il aurait aimé suivre partout, aussi, tout au long de Milenio il tente de rattraper le temps perdu. N’oublions pas que Pepe restera un pauvre détective privé alors que Manolo deviendra un riche voyageur capable de se payer un Rolls Royce et l’avion pour n’importe où ! Deux conditions sociales très différentes qu’il serait malheureux de négliger chez un auteur pour qui la condition sociale constitue les bases de la vie. J-P Damaggio

 

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4 octobre 2009 7 04 /10 /octobre /2009 21:31

Je viens d'apprendre le décès de la chanteuse Mercedes Sosa qu'il m'arriva d'écouter en boucle, que j'admire à jamais, dont la voix hante mes neurones alors j'ai recherché cette page de mon journal, où un soir à Moissac... JPD

Avec Dretford Escorcia bouquiniste à Maracay, l
e 10 juillet 2006

 

 On ne connaît jamais une ville d’où la chance que représente, le séjour forcé d’une semaine, que Diego passe à Maracay. Six jours après ses premiers pas dans les rues, il trouve un bouquiniste installé sur un trottoir. Bien sûr, il aurait suffi de demander et quelqu’un l’aurait orienté vers Dretford Escorcia. Mais cherchait-il un bouquiniste ?

 

Le maigre étalage exposé sur des cartons contient quelques grands classiques du pays et du monde. Pour le monde, il s’agit souvent des écrivains français du 19ème siècle. Le gouvernement de Chávez vient par exemple de décider la publication de cinq cents mille exemplaires d’une traduction des Misérables de Victor Hugo (pour distribution gratuite) et quand Diego pense aux propos d’un ami péruvien « c’est le plus beau roman de toute la littérature », il a la sensation que le choix n’est pas l’effet du hasard.

 

Parmi les livres, Diego découvre la présence de Historia y communicación social de Manuel Vázquez Montalbán. Ce livre étant déjà dans sa bibliothèque, il passe son chemin. Cependant, quelques minutes après, il revient en arrière pour l’acheter quand même (5000 bolos pour bolivars soit 2 euros environ), la couverture ne lui semblant pas la même. Pas question de marchander, le libraire ne manifestant aucun désir de vendre. Assis sur la marche du magasin de produits ménagers devant lequel il est installé, magasin pourvoyeur de monnaie à l’occasion, il a la quarantaine avec un air ailleurs. Peut-être a-t-il la tête dans les livres ?

 

De retour en France, Diego constate qu’à Maracay il a trouvé la première édition du livre, alors qu’il avait acheté à Bordeaux l’édition de poche de 1985. Les deux livres sont identiques à quelques détails près : les citations qui ornaient chaque chapitre ont été éliminées en 1985. Avec l’édition originale Diego découvre un beau texte de Louise Michel en ouverture du chapitre 9.

 

Ce livre de Vázquez Montalbán n’a pas été traduit en France. Il s’agit d’une étude entreprise au cours des années 70 pour donner quelques pistes établissant des liens entre l’histoire sociale et l’histoire de la communication. Depuis, le monde a changé, et des chapitres ne sont plus du tout d’actualité, sauf à titre de documents pour découvrir comment un communiste pouvait se tromper à ce moment là. Le chapitre 11, à la gloire de Lénine et du socialisme d’URSS qui volait de victoires en victoires, face au capitalisme sombrant de défaites en défaites, dénote un optimisme que pourtant Vazquez Montalban a peu pratiqué. Pas question d’en déduire que toutes les pensées de Lénine sont devenues inutiles dans le cadre du capitalisme féodal. Il suffit de compter combien d’égarements furent engendrés par la croyance en la « fatale » victoire du socialisme.

 

A l’heure où, au Venezuela, se construit un socialisme du XXIème siècle, ce travail de Montalban lui-même peut-il être utile ? Diego ne sait même pas si l’écrivain catalan eut l’occasion un jour de poser ses pieds à Caracas où il aurait été charmé par la place qu’on y accorde encore à la chanson populaire (fait assez général en Amérique latine d’où le succès de cette musique dans le monde, manifesté par la très large diffusion du film Buena Vista Social Club). Dans son hôtel, la chambre de Diego étant située à côté de la lingerie, il écoute souvent les employées qui reprennent en cœur une chanson qui passe à la radio. La chanson fut l’art populaire par excellence aux yeux de Montalban : la chanson catalane arme contre le franquisme, et la chanson française arme contre soi-même. Si on ne l’a pas oublié, cet écrivain mériterait un livre sur le thème : La chanson chez Vazquez Montalban.

 

Par hasard, à son retour en France, Diego est tombé sur le titre énigmatique d’un des petits textes que tous les lundis l’écrivain publiait dans El País : Sauvage. La grande Catherine Sauvage venait de mourir et ne saura donc jamais que c’est de Barcelone que lui viendrait le plus bel hommage. C’était le 21 mars 1998 et, lecteur de L’Humanité, Diego prit connaissance de la nouvelle, grâce à l’hommage de Guy Silva. Ce genre de journaliste a disparu. Il offrait sa vie à sa passion et connaissait tout d’elle. Pour Guy Silva, sa passion, c’était la chanson. Pourtant, à la lecture du texte de Manuel, on comprend que Guy n’était « que » journaliste. Vazquez Montalban, loin d’une utile somme de connaissances accumulées sur la chanteuse (il passa un court temps à Saint Germain des Prés au début des années 70), nous livre seulement un sentiment. La traduction du texte bénéficie de notations de Rosendo Li :

« J’informe les consommateurs de nostalgie de moins de quarante ans qu’elle fut une des meilleures chanteuses françaises de la dernière moitié de ce siècle, liée à la splendeur culturelle que la France atteignit au cours des quinze années qui suivirent la deuxième guerre mondiale. »

Montalban cite alors ses auteurs français de référence : Sartre, Camus, Merleau-Ponty, Lefebvre, Prévert, Brassens, Léo Ferré, Brel puis précise :

«J’accomplis mon devoir pédagogique en mettant en valeur la façon dont un peuple peut vivre des séquences culturelles magiques qui rendent possibles au même moment Sartre - je ne cite pas Camus mon préféré parce qu’il est à la mode dans la nouvelle droite  - et Brassens, Gérard Philippe ou Edith Piaf ».

Au tournant des années 50, le lien Barcelone-Paris donne cette conclusion désabusée au petit mot de Manuel sur la chanteuse:

« Catherine Sauvage nous prépara à l’échec dans la vie, au moment où Camus nous préparait à l’échec dans l’histoire. Mais personne ne nous alerta sur l’échec de la mémoire qui s’en va toujours avec quelqu’un de plus jeune ».

 

Le Venezuela dans tout ça ? Vit-il des séquences culturelles magiques ? En matière de chanson le peuple de ce pays est pris dans une contradiction : il aime la musique colombienne (le vallenato) mais, comme souvent aux Amériques, la majorité du peuple n’a que haine pour les habitants des pays voisins, ici les Colombiens qui seraient les truands porteurs de violence au Venezuela. L’incontestable force musicale du vallenato s’appuierait sur l’aide économique du narco-trafic ! Alors on assiste aussi à la célébration d’un folklore national venu de l’intérieur du pays, un folklore fait de harpe et de petite guitare. Faut-il craindre l’échec de la révolution bolivarienne ? Par chance, pour le moment elle n’alimente aucun romantisme !

 

            En attendant le 19 août 2006, des latinos à Moissac reprenaient une chanson de Mercedès Sosa. En ce samedi soir, sur la place publique de cette ville, je retrouve tout mon voyage estival aux Amériques. Un groupe musical franco-équatorien avec piano, guitare, violon, tentent de chanter dans la rue. De bons musiciens mais pas un bon spectacle car le mélange du français et de l’espagnol, le cadre place publique pour une telle musique faite de douceur, c’était pas idéal. Cependant, ils abandonnèrent un moment leur répertoire pour une chanson classique argentine et démontrèrent qu’ils étaient très forts en s’appuyant sur un tel chef d’œuvre, que je dédie à tous les amoureux de la terre, avec la traduction du premier couplet.

  Pour décider si je continue cette vie sur terre 
 Ce cœur qui va sous le soleil et les ténèbres 
 Pour continuer de marcher sous le soleil à travers ces déserts 
 Pour vérifier que je suis vivant au milieu de tant de morts 
 Pour décider, continuer, vérifier et considérer 
 Il ne me manque que toi ici avec tes yeux clairs 
   
 A mon amour fou et mon guide 
 Ma raison de vivre ma vie (bis) 
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16 mars 2009 1 16 /03 /mars /2009 14:35

Vázquez Montalbán dans le Sarkophage

 

 

 

J’ai lu avec intérêt un article du dernier Sarkophage concernant Vázquez Montalbán. Comme j’en suis l’auteur, au premier abord ce n’est pas surprenant, pourtant l’article ayant été rédigé il y a dix mois environ, j’ai pu le lire avec un œil étranger. Tournant autour d’un trio Marcos / Le Pape / Cuba, il se trouve que nous sommes en pleine actualité. J’ai du écrire des centaines de pages sur les Amériques mais rarement sur Cuba. Or, en ce mois d’avril qui approche (du 17 au 19 c’est le Sommet des Amériques), un tremblement de terre est annoncé : Obama va entreprendre une sortie du blocus (embargo dit-on en espagnol) ! Pour s’y préparer, Raul Castro a décidé de modifier profondément son gouvernement et un journal comme El Universal de Mexico y voit aussitôt une fracture entre les deux frères Castro, après avoir prétendu qu’ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau (voir traduction dans Le Courrier International n°958).

L’affaire est d’importance avec l’éviction de plusieurs personnalités du gouvernement : Carlos Lage, Felipe Perez Roque ou Carlos Valenciaga et d’autres. Dans La Jornada aussi mexicaine, Guillermo Almeyra nous donne son sentiment sur cet événement. Il considère que depuis toujours il y a eu à la fois des divergences entre les deux frères (Raul beaucoup plus pragmatique que Fidel le volontariste) mais aussi un accord sur l’essentiel : l’intransigeance dans la lutte anti-impérialiste, la volonté de défendre le pouvoir issu de la révolution et ses acquis, le profond nationalisme.

La façon d’écarter des dirigeants confirme cependant que tout le pouvoir continue d’être dans l’appareil d’Etat avec sans doute l’idée que le modèle chinois du PCC pourrait servir de porte de sortie : maintien de la même classe dirigeante mais avec ouverture en partie à l’économie de marché (cette ouverture redonnant des biens au peuple qui pourrait dire merci à sa clase dirigeante).

Ce contexte reste très éloigné du rêve paradisiaque de Vázquez Montalbán au sujet de Cuba, rêve qu’il tenait du séjour de son père dans l’île, rêve qu’il vérifia souvent en rendant visite au peuple exemplaire de la petite île. Le socialisme désirable pourrait être celui de Compay Segundo et de sa musique, celui d’une ingéniosité et d’un humour populaire très présent dans le cinéma, celui de la capacité à résister. G. Almeyra formule un peu la même idée quand il écrit : « Le peuple cubain souffre de la bureaucratie, il est en permanence dépolitisé et désinformé par elle, mais il n’est pas écrasé. »

C’est justement cette énergie populaire qui, dans le nouveau contexte international, pourrait aider les maîtres du pays, avec comme en Chine, le nationalisme comme instrument de relancer d’une économie qui permettrait de valoriser les atouts de l’île. Aux USA, la Chambre des Représentants a déjà décidé de mettre fin aux restrictions d’envoi d’argent dans l’île. Pour le tourisme par exemple, des investissements nouveaux assureraient à cette industrie  un bon en avant considérable.

Quant au Pape, entre celui qui arriva à Cuba en 1998 (thème du livre de Vázquez Montalbán : Et dieu entra à la Havane) et celui d’aujourd’hui, on a l’impression que le recul réactionnaire est sans fin pour l’église catholique. Du côté de Marcos, malgré quelques tentatives de sortie du Chiapas, la dynamique des années 98 semble épuisée.

Globalement donc, quand je compare l’effort de Vázquez Montalbán et les nouvelles qui nous arrivent du monde présent, je me dis que la route pour construire le socialisme va continuer d’être semée d’embûches. La lecture de l’article devient alors l’ouverture de quelques pistes dans les marécages de la crise, quelque pistes qui ne peuvent s’enliser facilement : celles qui tournent autour de revendications populaires à retrouver au cœur des mémoires historiques pleines de jouissances post-romantiques. 16-03-2009 Jean-Paul Damaggio

 

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19 janvier 2009 1 19 /01 /janvier /2009 10:22

 

Avec Montalbán à la Librairie Deloche

  

Pour n’importe quel écrivain j’aurais pu faire une présentation à partir d’un seul livre mais pas pour la galaxie Vázquez Montalbán, un auteur trop souvent réduit à Pepe Carvalho, alors qu’à tout prendre il aurait préféré être seulement un poète.

Avec l’aide de Léon Dunára j’ai donc osé en 45 minutes me lancer dans un survol supersonique de son œuvre (je ne dis rien de l’intervention, vous pouvez la recevoir gratuitement sur demande).

Un auditeur eut alors cette question : mais  quel lien établir entre Vázquez Montalbán, Pepe Carvalho et Jean-Paul Damaggio ?

Pour la réponse j’ai fait référence à la photo qui orne le dos de couverture du libre que je viens de publier Vázquez Montalbán, derniers instants où l’écrivain catalan est avec Sciascia. A titre littéraire et culturel je suis arrivé à Manolo par l’occitan et l’italien. C’était une partie de la réponse l’autre est dans la structure même du livre qui continue d’une certaine façon mon action dans le journal Point Gauche ! Dès le début du journal et tout au long de la collection, les références à l’écrivain catalan sont actives au point de voir apparaître en 2001 un auteur d’article qui signait Pepe Carvalha. Un jour j’écrirai la biographie de ce Moissagais exceptionnel dont un voisin hongrois ne pouvait imaginer que les histoires qu’il lui racontait, en ferait un futur agent de la CIA. Ce voisin hongrois est une légende méconnu pour avoir participé à la révolution hongroise de Bela Kun en 1919. Ses ultimes traces se trouvent dans un coin du cimetière de Boudou où vous pouvez lire en gros caractères sur sa tombe, la fameuse phrase, “Prolétaires de tous les pays unissez-vous”, qui a effrayé pendant des décennies toutes les oligarchies.

Après cette jeunesse moissagaise Pepe Carvalha est donc parti aux USA puis il est revenu à Moissac prendre sa retraite (il est décédé aujourd’hui et je lui ai rendu l’hommage mérité pour le travail réalisé dans un numéro de Point Gauche !) où il a découvert que le capitalisme féodal vers lequel on se dirige à grand pas, et qu’il croisa sur la planète entière, y était en Tarn-et-Garonne, en pointe. Je prendrai tous les articles de Pepe Carvalha, passionné de journalisme international (donc aussi local), qui, à travers le pouvoir crucial de la presse, sans lequel la démocratie est un vain mot, put produire une chronique sur le monde universel.

Oui, depuis longtemps, je travaille main dans la main avec Pepe, Manolo sans aucune vénération pour personne, et je remercie le questionneur, poète et grand connaisseur par ailleurs du journal Point Gauche !, pour son intervention.

 

Autre question cruciale, le stalinisme ? En 1956 Manolo avait 17 ans et entrait à la fac. Pouvait-il être déjà anti-stalinien ? Là aussi ma réponse est surtout restée littéraire dans le cadre de ce débat littéraire. Le stalinisme était le culte du héros révolutionnaire, Staline étant au sommet de l’héroïsme. Or Manolo a voulu rester avec le peuple, et quelqu’un a donné cette formule “un héros du quotidien” comme d’autres pourraient dire dans des circonstances différentes “un juste”. Philosophiquement il y avait opposition entre les deux postures. Et la passion pour l’héroïne Pasionaria ?  Elle devient un mythe (Blanche Neige). L’héroïsme est l’enfant du volontarisme individuel dont le modèle par excellence est Robinson Crusoë (fonda-teur du capitalisme en littérature). Le mythe est le produit d’une société : le franquisme a fabriqué Pasionaria. Le mythe est un retour du peuple et sa sous-culture, là où le héros est un retour du pouvoir (n’importe lequel). Manolo avait d’autres raisons d’être anti-stalinien : sa connaissance de la liquidation du POUM à Barcelone par une partie des communistes, moment dramatique d’une histoire dramatique. Il n’a pas attendu les preuves tardives de l’URSS pour savoir que le meurtrier de Trotsky était un communiste catalan. Ce qui ne veut pas dire, pour Manolo, que le POUM avait raison et les communistes tort (comme dans le film Land and Freedom), ni qu’il y avait des torts des deux côtés. Tout comme quand il dit que l’ETA a des procédés fascistes, il n’en déduit pas qu’en face la police, y compris celle de Felipe Gonzalez a une conduite honorable. Simplement, si on ne met pas sur les réalités les mots qui disent cette réalité alors on empêche toute analyse. Tuer des innocents pour une cause aussi juste soit-elle est une conduite fasciste. Ensuite on analyse comment on en est là et comment on peut en sortir. On cherche les coupables authentiques qui sont plus dans les structures que dans tel ou tel homme.

Il était normal que la libraire nous indique à la fin que le sympathique Pepe avait cependant un “ tic ” déplaisant, brûler des livres.

 

Je n’oublie pas l’information précieuse de Nadal Rey : O Cesar o nada, un des titres de Manolo est aussi un titre de Pio Baroja(1). Un exemple de plus qui confirme que l’écrivain catalan fut un subnormal : c’est à dire un homme analysant une réalité (ici la littérature mondiale) qu’il décompose puis recompose pour en changer la réalité afin que la vie prenne le dessus sur le livre. J’ai appris l’espagnol avec Manolo mais pas toute la littérature espagnole (en plus de Pio Baroja, il me faudrait beaucoup lire Antonio Machado). J-P Damaggio

(1) Les œuvres de Pio Baroja sont parmi les livres de référence de Manolo présentés dans l’expo en cours à Barcelone sur MVM.

 

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