Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 20:31

Dans les salles d’attente du médecin, hier encore (au cours des années 60), les discussions allaient bon train pour mieux patienter. Le temps d’attente est resté le même (plus ou moins) mais à présent chacun feuillette une revue ou rêve peut-être à sa maladie, dans un silence général. Je profite de telles occasions pour entamer par avance ma guérison, en lisant toujours de courts textes de Vazquez Montalban. Voilà comment, la semaine passée je me suis retrouvé face à un texte « vieux » de quinze ans auquel je trouve toujours quelques charmes. J’ai décidé de reprendre sa conclusion à « Aperçu de la planète des singes » avec quelques notes pour mieux réfléchir au sens historique dans lequel va notre monde.

 

Conclusion

Le chœur des intellectuels critiques[1] se fait à nouveau entendre. Sans plus aucune prétention avant-gardiste désormais, on réagit devant l’inévitable, en tant qu'intolérable conséquence de la relation dialectique entre l’ancien et le nouveau. Depuis le prémonitoire Manifeste pour une fin de siècle obscure de Max Gallo[2] (1989) jusqu'au testamentaire Droite et Gauche de Norberto Bobbio[3] (1994), en passant par la volonté régénératrice de Glotz et l’attente d'une réflexion sur la gauche esquissée par Eric Hobsbawm dans Politics for a Rational Left, nous pouvons recenser deux douzaines de courts manifestes ou de pamphlets qui expriment presque tous l’inquiétude devant la lassitude démocratique[4] et la disparition de la gauche dans le processus de transformation actuel[5]. Chose surprenante, si nous nous souvenons des premières années d'émergence du « régime » eurosocialiste et de ses prophètes morts ou mal en point (Willy Brandt, Olof Palme, Felipe Gonzalez, François Mitterrand, Bettino Craxi...), quand toute une campagne avait été orchestrée en faveur de la raison pragmatique, seule méthode de gouvernement possible, et pour assimiler toute opposition critique à une manifestation d'immaturité démocratique ou d'éthique de la résistance totalement obsolète et à une tentative de déstabilisation qui faisait de l’intellectuel critique le pendant du terroriste. C'était le moment où les esprits déçus par le régime étaient présentés, au mieux, comme des alliés objectifs de la droite ou comme un réduit de pyromanes nostalgiques et jusqu'au-boutistes, au pis, comme une poignée d'aigris imprésentables, incapables de se retrouver dans un nouvel ordre des choses où le choix entre le Tout et le Rien était devenu impossible. Cette opération de discrédit de la raison critique a été menée par une jet society intellectuelle composée essentiellement d’anciens jeunes philosophes, d'anciens jeunes sociologues et d'anciens jeunes leaders d'opinion qui connaissaient parfaitement les voies menant à la table du maître, selon l’antique leçon du scribe. Les tenants pragmatiques du pouvoir ont compté non seulement avec ces petits maîtres en élégance pour apprendre à côtoyer la vieille et la nouvelle oligarchie financière, mais aussi avec l’aide des intellectuels organiques, qui leur ont permis de ne pas écrire une ligne et de ne pas concevoir une idée originale, tout en leur fournissant l’idéologie indispensable à leur perpétuation, ainsi qu'une collection complète de dithyrambes. Que ce soit sur le terrain de la politique économique, de la raison d'Etat ou de la philosophie politique dans son ensemble, les spécialistes pragmatiques et leurs sociologues de cour ont parié sur l’inexistence d'une alternative à leurs médiocres résultats et à une raison pragmatique exclusive et sûre d'elle-même. Pour échapper à la pernicieuse poursuite d'une vérité unique, Flores d'Arcais[6] a préconisé en son temps une éthique sans foi : la formule me parait excellente pour qui considère l’espoir comme une nécessité humaine et non pas théologique[7] et reprend à son compte la critique de l’aliénation militante proposée, en toute connaissance de cause, par Adam Schaff. Nous devons faire le serment de n'être jamais plus les complices de Caligula quand celui-ci prétend nommer proconsul son cheval.

Non. Il n'est pas de vérités uniques, ni de luttes finales, mais il est encore possible de choisir parmi des vérités possibles et de protester contre de criantes non-vérités. On peut voir une partie de la vérité et ne pas la reconnaître, mais il est impossible de se retrouver devant le Mal et de l'ignorer. Le Bien n'existe pas, mais je soupçonne et redoute qu'il n'en soit pas de même pour le Mal. Vazquez Montalban



[1] Dans ce texte comme dans le livre, il y a deux camps, les intellectuels critiques (ceux de la raison critique) contre les intellectuels organiques (ceux de la raison pragmatique).

[2] En voilà un comme tant d’autres qui est, depuis, passé d’un camp à l’autre.

[3] C’est à ma connaissance le seul livre de ce penseur italien qui ait été traduit. Un document pour voir comment la crise est passé dessus depuis.

[4] La lassitude démocratique est la pensée clef de Vazquez Montalban, cette lassitude étant savamment organisé. J’ai envie de prendre comme exemple ce sport qui consiste à faire des annonces, puis à les démentir, puis à les renouveler jusqu’au moment où elles entrent en vigueur sans que personne ne s’en aperçoive.

[5] Cette disparition que l’on constate à présent n’est donc pas nouvelle.

[6] Un Italien qui mériterait d’être traduit. Je pense par exemple à son beau livre : Esistenza et libertà

[7] La prise de position laïque de Vazquez Montalban est au cœur de son action.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog des Editions la Brochure editions.labrochure@nordnet.fr
  • : Rendre compte de livres publiés et de commentaires à propos de ces livres
  • Contact

Activités de La Brochure

 

La pub sur ce blog n'est bien sûr en aucun cas de mon fait. Le seul bénéficiare financier est l'hébergeur. En conséquence ce blog va servir exclusivement aux productions de La Brochure. Pour les autres infos se reporter sur un autre blog :

 VIE DE LA BROCHURE

 

BON DE COMMANDE EXPRESS en cliquant ICI      

___________________________________________________________

 Les Editions La Brochure publient des livres, des rééditions, des présentations de livres. Ils peuvent être commandés à notre adresse ou demandés dans toutes les librairies (voir liste avec lesquelles nous avons travaillé  ici      ) :

Editions La Brochure, 124 route de Lavit, 82210 ANGEVILLE

Téléphone : 05 63 95 95 30

Adresse mèl :                          editions.labrochure@nordnet.fr

Catalogue de nos éditions :                                       catalogue

Catalogue 2011 :                                                                   ici

Présentation des livres :                                          livres édités

Bon de commande :                                             bon de commande

Nos livres sont disponibles chez tous les libraires

indépendants en dépôt ou sur commande

 

Nouveau blog RENAUD JEAN et LIVRES GRATUITS

Vous pouvez nous demander de recevoir la lettre trimestrielle que nous publions et nous aider avec les 10 euros de la cotisation à notre association. Merci de nous écrire pour toute information. Les Editions La Brochure.      

Articles sur la LGV: seulement sur cet autre blog:

Alternative LGV 82     

 

 

Nouveautés de 2013

 Elections municipales à Montauban (1904-2008) ICI :

Moissac 1935, Cayla assassiné : ICI

Tant de sang ouvrier dans le nitrate chilien ICI  

Révolution/contre-révolution le cas du 10 mai 1790 à Montauban ICI

 ADÍOS GUERRILLERO  ici

J’ai vu mourir sa LGV ici

Derniers titres :

Portraits de 101 femmes pour 20 euros. ici

Karl Marx, sur Bolivar ici

Ducoudray-Holstein Histoire de Bolivar ici

Jean-Pierre Frutos, Refondation de l’école ici

Jean Jaurès : Articles de 1906 dans La Dépêche et dans l’Humanité ici

Recherche