Sans l’ombre d’une exagération, nous pouvons dire que Pierre Flamens, un proscrit de 1851, donnera à Castelsarrasin un visage politique très à gauche sur une longue période. D’où l’intérêt d’en étudier le parcours.
Sa vie familiale
A sa naissance, le 27 juillet 1825 à Castelsarrasin (son grand-père maternel Pierre Delbosc, huissier de 50 ans, signe), il est le fils de Raymond Flamens 1788-1870 un maréchal-ferrant qui est déjà praticien à la naissance de l’enfant, puis deviendra propriétaire rentier. Il meurt Rue du Soleil (là où naît Pierre) à 82 ans en tant que fils de Bertrand Flamens et Antoinette Mézamat.
Sa mère Jeanne Jacquette Marguerite Delbosc vivra un peu moins longtemps : 1803-1872 (elle meurt exactement le 2 mars 1872 avec le titre de propriétaire) mais elle a quinze ans de moins que son mari. Elle aura Pierre juste avant d’avoir 20 ans.
Au mariage Flamens-Delbosc voici des signataires : Antoine Flamens maréchal-ferrant (43 ans) le frère de l’époux, Antoine Pendaries (43 ans) beau-frère de l’époux ; Jean Descazeaux praticien 22 ans, Antoine Pécharmant garde champêtre 40 ans oncle de l’épouse.
Le grand-père paternel est donc Bertrand Flamens (1750-1824) est maréchal ferrant et l’époux d’Antoinette Mézamat. Il décède exactement le 8 octobre 1824 à 70 ans à son domicile faubourg Saint Louis en tant que fils de Bertrand Flamens et Marguerite Bély.
Du côté du grand-père maternel : Pierre Delbosc (1770-1846) c’est une famille d’huissier à Castelsarrasin, l’épouse étant Marie-Ange Bély (dont un frère sera curé de Caumont).
Sa famille est donc fortement ancrée dans cet univers des artisans qui travaillent le fer et qui est assez aisé pour permettre aux enfants de poursuivre des études. Son frère Bertrand Flamens (1830-1882) deviendra vétérinaire à Castelsarrasin où il épousera Jeanne Fraysse,
Pierre épouse le 1er juillet 1850 à Castelsarrasin Amande-Antoinette dite Amélie Boyé (1830-1906) fille de Jean Boyé (1787-1846) marchand de fer et propriétaire.
Parmi les signataires sur l’acte de mariage : deux cousins germains, Bertrand Flamens vétérinaire (40 ans) et Bertrand Flamens maréchal ferrant 27 ans,
Ils auront un premier enfant, Jean-Raymond Flamens né le 29 mars 1851. Parmi ceux qui signent à la naissance, le cousin Bertrand Flamens vétérinaire (41 ans). Il sera aussi avocat, sous-préfet et secrétaire général de préfecture de 1878 à 1890 puis percepteur. Son épouse appartient à une des plus nobles familles attachée au roi Victor-Emmanuel, nièce d’un sénateur italien.
L’autre fils Jean Flamens est né le 4 avril 1852, Rue Saint-Louis. On peut penser que le père est absent. C’est Jean Périé propriétaire de 50 ans qui est le grand oncle paternel par alliance qui habite le quartier de Labourgade et qui vient faire la déclaration. moment làsera notaire de 1882 à 1889 à Castelsarrasin puis propriétaire.
Au moment de son décès, le 25 juillet 1906, Amélie Boyé a 76 ans.
Pierre Flamens décède le 16 décembre 1893 au poste de maire de Castelsarrasin à l’âge de 68 ans. Il habite alors Rue de la Fraternité.
Sa vie professionnelle
Pierre après des études au collège de Castelsarrasin puis au lycée de Toulouse et à l’école de droit de Toulouse, sera licencié en droit le 17 octobre 1845. C’est là qu’il croise Gambetta.
Dès l’obtention de sa licence de droit il s’installe comme avocat de 1846 à 1848 à Moissac. Puis avec la révolution de 1848 il devient substitut du procureur général à Castelsarrasin jusqu’en novembre 1849. Là, il redevient avocat mais à Castelsarrasin. Après son retour de l’étranger, de 1853-1870 il reprend son métier d’avocat à Castelsarrasin où il deviendra deux fois bâtonnier.
Dans une étude sur les préfets de Gambetta de Vincent Wright nous apprenons sur sa fortune :
« De milieu relativement aisé. Grand-père paternel laisse 3494 francs en mobilier et des immeubles évalués à 12 979 F. Grand-père maternel mort en 1846 laisse un mobilier évalué à 5075 F et des immeubles évalués à 19 302 F
Selon un rapport de 1855 sa famille dont la condition est très modeste possède une fortune de 80 000 F. La famille à laquelle il s’est également allié est dans l’aisance. A.N.
Sa fortune est compromise par les dettes de son fils. »
L’auteur indique également qu’il s’agit d’une famille catholique.
Sa vie politique
C’est un républicain notoire dans une ville qui dès la Révolution de 1848 se place du côté de la République. En conséquence quand viendra le moment du coup d’Etat, la municipalité de Castelsarrasin n’est pas à prendre, elle est du côté des insurgés qui se dirigent alors vers la sous-préfecture. Pierre Flamens sera parmi les plus radicaux des opposants en conséquence au moment de la répression, il va subir la peine de l’éloignement ce qui le conduit en 1852 à Bruxelles puis à Jersey. Il est obligé de quitter sa jeune épouse qui a un enfant d’un an et qui est enceinte du second. Le 19 février 1853 sa peine est remise.
Pierre Flamens est signalé comme dirigeant la foule qui entra dans la mairie et où il demanda la création d’un comité révolutionnaire. A ses côtés il y a surtout Bayrou, vétérinaire qui lit le journal de Toulouse, l’Emancipation.
Voici le portrait tracé par la police :
« Pierre Flamens, avocat, 28 ans, chef du parti socialiste dans l’arrondissement, ex-substitut nommé en 1848 et révoqué en 1849, Flamen s était affilié à la Solidarité républicaine. Issu d’une famille de révolutionnaires, il s’est allié à une famille enrichie des dépouilles des victimes de 1793. Ses auteurs lui laisseraient 60 à 80 000 F de fortune. Celle de sa femme s’élèverait au double de cette somme. On pourrait rechercher à la chancellerie une lettre qu’il écrivit à cette époque au ministre et qui peut être très compromettante pour lui car le Garde des sceaux refusa de le nommer avoué. Il envahit la mairie à la tête de la population mais ans armes. Flamens proposa de créer un comité révolutionnaire dont il fut acclamé le secrétaire. On a saisi chez Flamens treize carrés de papier blanc qui paraissaient être le reste du scrutin qui eut lieu sur la composition du comité révolutionnaire. »
Voyons le portrait de son ami le plus proche qui, à 23 ans est le plus jeune révolté :
« Henri Bayrou ancien boursier du département à l’école vétérinaire de Toulouse, sans crédit, sans argent, sans influence. Il fréquente les socialistes les plus exaltés et faisait de la propagande anarchique dans les campagnes bien avant le 2 décembre. Le 3 décembre, il accompagne le sieur Flamens à la mairie, appuya sa motion et donna publiquement lecture d’un écrit incendiaire émané des presses du journal l’Emancipation de Toulouse. Il a pris la fuite avec le sieur Flamens. »
Pour la police, toute étude repose d’abord sur la généalogie des personnes et sur leur impact social. Bayrou et Flamens sont dans le même cas politique mais Bayrou étant sans argent sera seulement interné pendant un moment alors que Flamens sera un proscrit comme l’avocat Constans et le propriétaire Leygues. Constans étant expulsé il pourra cependant choisir son lieu de résidence et il ira donc en Italie.
La moyenne d’âge des révoltés était de 45 ans donc à la chute de l’Empire ils auront disparus de la vie politique tandis que Pierre Flamens qui avait 26 ans, vingt ans après il est en pleine force de l’âge… pour devenir préfet du Tarn-et-Garonne. Cette nomination à la préfecture de Montauban d’un ancien proscrit sera regardée d’un très mauvais œil par la bourgeoisie montalbanaise peut habituée à supporter les manières exaltés des républicains de Castelsarrasin.
Il deviendra conseiller général et maire de Castelsarrasin. A ce titre parmi ses actions on retiendra qu’il fut le fondateur du premier pensionnat communal de filles. Il avait comme premier souci l’éducation.
Joseph Flamens
Castelsarrasin connaîtra un autre maire du nom de Flamens mais ce n’est pas le fils de Pierre. Un peu comme pour Napoléon III vis-à-vis de Napoléon 1er, ce sera le même nom…
Joseph Flamens est né le 16 mars 1856 à Castelmayran de Arnaud Flamens propriétaire et de Jeanne Marie Decons. Il est marié par Pierre Flamens le huit septembre 1883. A ce moment là il est employé à la sous-préfecture et habite rue de la surveillance. Son épouse est institutrice : Françoise Batilde Gondalma née à Castelsarrasin le 30 janvier 1865. Ses parents habitaient rue de la révolution est étaient tailleurs d’habits. C’est maître Flamens qui a fait le contrat de mariage.
Ce jour là de 1883 sont présents : Raymond Flamens conseiller de préfecture à Tours, un cousin, comme Jean Flamens le notaire (31 ans), et l’oncle Antoine Flamens vétérinaire au dépôt de remonte d’Agen (55 ans).
Joseph Flamens meurt le 9 janvier 1952 rue de la Passerelle avec la profession d’avocat.
9-01-2011 JPD