Le film Cheminots, nous l’avons déjà évoqué ici au mois d’août. Le revoir à Montauban à l’invitation des cheminots de la ville c’est un plaisir qu’on ne pouvait pas rater avec Marie-France. En introduction une douche froide : le débat ne devra pas évoquer la question de la LGV mais la vie des cheminots. Nous savions déjà qu’à Toulouse ou ailleurs les responsables des projections tenaient à différencier la question de la LGV et celle des cheminots. Comme nous connaissons parfaitement bien l’animateur qui a évoqué cette demande, comme nous connaissons son intérêt pour le débat et y compris pour la question de la LGV, nous savons qu’il a eu en charge de dire tout haut ce que d’autres lui ont soufflé tout bas. Dans ma précédente évocation du film j’avais noté la marginalisation de la question LGV. Je sais à présent qu’elle est volontaire, organisée et que c’est difficile à avaler. Je viens de lire un texte d’un militant de Besançon qui fait un portrait catastrophique des lignes existantes mais qui est en même temps un défenseur des lignes à grande vitesse. J’ai du mal à comprendre qu’on puisse sectionner les questions, surtout dans un film qui montre que tout est sectionné à la SNCF… sans rien de dire la coupure fondamentale entre SNCF et RFF.
Au CE PACA de la SNCF, commanditaire du film, il y a des lignes rouges qu’il ne faut pas franchir. Par défense des cheminots ? Pour ne pas recevoir de représailles de la « maison » ? Le sujet LGV est sous contrôle et quand on en parle enfin c’est pour détourner les problèmes. Un référendum interdit, une personne a été licenciée d’une entreprise municipale pour avoir publiquement dit son refus d’une LGV car c’est un sujet qui provoque des colères politiques, voilà notre démocratie.
En conséquence… le débat a commencé par une intervention de Marie-France constatant que le film est très beau mais qu’étrangement, il y a des choses à ne pas dire dans une salle de cinéma, comme dans les journaux, comme dans des tas d’autres lieux. Or la question de la LGV est en lien direct avec ce que montre le film ! La réponse sera apportée par un cheminot favorable à la LGV qui rappelle cependant que le financement est en grande partie public et es gains pour Vinci pendant 50 ans. Mais il ne fait pas confondre l’outil TGV et son usage ! Parce que les anti-LGV font cette confusion ?
Le détournement de la question c’est quand on rappelle qu’il y a une LGV Paris-Marseille donc logiquement il en faudrait une aussi Paris-Toulouse comme si les besoins étaient les mêmes partout et comme si on n’avait pas tiré les leçons des conséquences actuelles des LGVs.
J’ai fait observer l’absence dans le film de toute référence à RFF, l’absence de références aux propriétaires des lignes alors qu’on voit des cheminots qui, bien sûr, travaillent sur des lignes. A Montauban il y a une gare, avec une nouvelle ligne il y aura une autre gare et ça ne concerne pas les cheminots ? Dans le film Aubrac s’insurge contre ce qui est exactement le PPP pour la LGV Bordeaux-Tours mais qui dans la salle connaît ce PPP ? Comment parler du métier sans parler des conditions concrètes dans lesquelles les cheminots sont obligés de l’exercer ?
Mais bon, on n’était pas là pour ça donc passons à quelques constats venus du public. Les cheminots en activité ne semblaient pas être très présents. Les cadres ou managers qui doivent avoir une opinion différente que celle du film n’étaient pas là non plus. Ce n’est pas faute d’avoir diffusé largement l’information, côté organisation. Que faire pour que se rencontrent les luttes ? Va-t-on vers des accidents graves ? Des informations utiles ont été données : il n’y a plus de trains transportant des fruits et légumes jusqu’à Rungis, RFF fait payer des péages moins chers à ceux qui utilisent le diesel sur des lignes électrifiées, qu’à ceux qui utilisent l’électricité ? Tiens les péages ? C’est quoi les péages ?
Et une question sur le frêt. Le constat que le fret va mal est simple à faire. Je n’aime pas les équilibristes qui viennent nous rappeler qu’on ne peut pas espérer un wagon devant chaque épicier et pas seulement parce qu’il n’y a plus d’épicier, mais parce que l’on connaît les évidences. Tout le monde est pour l’intermodal, et la « complémentarité » mais je me méfie. On m’a si souvent dit : la LGV, le TER, le fret, tout est complémentaire. Quand la SNCF est le PREMIER transporteur ROUTIER (Géodis) ce n’est pas pour la complémentarité. En fait le point de désaccord, un vieux cheminot le dit dans le film : « la SNCF n’est plus un service public ». Ne pas admettre cette réalité c’est se tromper en termes de luttes sociales.
Le privé peut-il former au métier des cheminots ? Bien sûr que non sauf que le métier est de plus en plus sous-traité aux chemins de fer, comme à la Poste, comme à EDF. Quel rapport entre le nombre d’agents EDF et de sous-traitants à Golfech ? Les défenseurs démocrates des LGVs, j’en suis plus persuadé que jamais, vivent une époque perdue. Et comme je connais la réponse j’ajoute par avance : l’analyse concrète d’une situation concrète c’est le premier pas à faire pour la construction d’alternatives. Ce n’est pas parce qu’on découvre que l’eau bout à 100° qu’il n’est plus question de la chauffer. Le tout c’est de savoir ce qu’on veut en faire.
8-04-2011 Jean-Paul Damaggio