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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 21:03

 J’aime bien Evelyne Pieiller mais sur ce coup là, elle se trompe totalement. Elle profite du roman de Vargas Llosa pour raconter la vie de Flora. Il lui aurait été plus simple de lire la bio de Dominique Desanti, un peu ancienne il est vrai, mais depuis 1972, la vie de Flora n’a pas changé. Mon exemplaire du livre est dédié par l’auteur à « Madeleine Soubrenie cette histoire de notre ancêtre commune ». Ancêtre en féminisme sans doute ?
Bref, Evelyne Pieiller en profite pour s’interroger sur l’utopie.
Je le reprends aussi car il nous replonge dans l’ambiance de l’été 2003.
Evelyne Pieiller se trompe totalement car elle ne parle absolument pas du roman de Vargas Llosa sauf pour dire : « Vargas Llosa n’est pas ici un conteur éblouissant. Il est souvent pataud, il se répète considérablement, et la traduction n’est pas toujours fluide, mais c’est sans gravité ». Je suis d’accord, ce point est sans gravité par rapport à l’autre question : comment un libéral peut-il défendre Flora Tristan au nom du libéralisme ? Parce que l’artiste se bat pour tous ? Il y a du style dans cette chronique mais il ne faudrait pas oublier le sens ! JPD



Article paru dans l'édition de l’Humanité du 19 juillet 2003.
La chronique d’Évelyne Pieiller L’artiste se bat pour tous.

 

 

Après tout, c’est le temps des vacances - des vacances sans festival, mais quand même, le temps du repos, et peut-être de la réflexion, puisqu’on a le temps, le temps de discuter, de se renseigner, de réfléchir - juste une bifurcation, là, en passant, il y aura probablement au moins un festival maintenu, celui des Vieilles Charrues, dont l’un des organisateurs précisait, il y a un an ou deux, à la radio, que les premiers bénéfices engrangés avaient été reversés à des causes, dont les fameuses écoles Diwan : fin de la bifurcation.
Donc, puisqu’on est à l’évidence à un tournant de notre histoire commune, puisqu’on voit l’État se retirer de ses responsabilités, puisqu’on voit le concept de service public attaqué, puisqu’on entend de plus en plus le " respect des communautés " remplacer la notion de " bien public ", etc., - et il est peuplé, etc etc. -, il est bon de se rappeler un peu notre histoire. L’histoire des luttes et des déceptions, l’histoire des " utopies " et des répressions... Ah tiens, bifurquons à nouveau : c’est quoi, ce mot d’utopie, qui tant fleurit ? Ce mot si intensément négatif, qui porte en lui son annulation, car il signifie " sans lieu "... pour exister et qu’il irradie une sentimentalité romantique, généreuse, et un peu niaise - tout le monde se souvient de la charge de Marx contre les socialismes utopiques. Non ? Pas tout le monde ? Ah ? Bref, c’est un terme immédiatement dévalorisant, on pourrait peut-être lui préférer " l’idéal ", par exemple et entre autres...
Et donc, lire l’histoire de Flora Tristan, telle que le raconte Vargas Llosa, n’est pas exactement dénué d’intérêt. Vargas Llosa n’est pas ici un conteur éblouissant. Il est souvent pataud, il se répète considérablement, et la traduction n’est pas toujours fluide, mais c’est sans gravité. Car Vargas Llosa fait ouvre de biographe passionné, et c’est captivant. Il retrace la dernière année de Flora Tristan, qui mourut en 1844, quatre petites années avant la Révolution de 1848, celle qui vit naître la IIe République, et qui tourna si tragiquement mal lors des insurrections ouvrières de juin, pour s’achever en 1851 sur le coup d’État de Louis-Napoléon, bientôt empereur. Flora naît à Paris en 1803, d’un officier péruvien et d’une bourgeoise française. Elle passe ses premières années dans l’opulence, le père meurt, le mariage est considéré comme illégitime, sa mère et elle connaissent la misère. Flora travaille chez un artisan, qui l’épouse. Elle en a trois enfants. Elle ne supporte plus une vie où elle est réduite au silence, à l’obéissance, à la soumission totale. Elle fuit. Elle cherche du travail à l’étranger, elle cherche des appuis auprès de sa famille paternelle, elle est obligée de se cacher, aux yeux de la police, elle est coupable. Pendant ces années, elle apprend. Elle apprend dans son travail, dans ses voyages, dans ses lectures. Et elle va écrire le récit de ses aventures et réflexions, elle va fréquenter les divers clubs qui analysent la " question sociale " et proposent des solutions : elle se détourne vite des " icariens ", ceux qui, autour de Cabet, veulent fonder une République idéale, au Texas, car elle pense que c’est ici même qu’il faut agir, les saint-simoniens l’agacent, qui se méfient du peuple et lui préfèrent des notables éclairés pour mener à bien le changement, elle est chiffonnée par les rêveries sexuelles de Fourier, elle décide de passer à l’action. L’action sur le terrain. Elle entreprend de rencontrer les ouvriers ville par ville, en s’appuyant bien sûr sur les groupes déjà organisés, pour leur exposer ses idées, et en discuter, et, si tout va bien, leur proposer de fonder des sections de l’Unité ouvrière. C’est admirable. Elle se bat contre les patrons, contre la police, contre l’Église, c’est déjà énorme.
Mais, en plus, elle se bat contre le sexisme pour faire reconnaître que les femmes devraient avoir les mêmes droits que les hommes, ce qui choque considérablement, y compris chez les ouvriers. On la traite de " putain ", on cherche à l’humilier, à la faire taire, elle tient bon, la tête claire, le verbe emporté, une énergie sensationnelle, un courage, et intellectuel, et moral, splendide. C’est magnifique : parce qu’on a ici l’écho de tous ces débats, toutes ces actions, qui vont peu à peu, et pas en ligne droite, faire bouger les idées, les lois, faire reculer la " fatalité ". En parallèle, se conte l’histoire de son petit-fils, Gauguin, et de sa révolte à lui contre la " civilisation ". On en reparle.
L’artiste alors se bat seul. Flora travaillait avec tous, pour tous. Est-ce qu’aujourd’hui l’artiste saurait qu’il se bat pour tous ? Ah oui, on en reparle.
Mario Vargas Llosa : le Paradis - un peu plus loin. Traduit de l’espagnol (Pérou) par Albert Bensoussan avec la collaboration d’Anne-Marie Casès. Gallimard (Du monde entier). 532 pages. 25 euros.

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 17:04

causette.jpg

Le hasard veut qu’en même temps que Le Sarkophage publie, sous la plume de Raoul Marc Jennar un texte sur le Cambodge des Khmers, le mensuel Causette fait de même. Avec une différence. Il y a eu les crimes « essentiels » bien déterminés par la loi : exécutions, torture, déplacement forcés, camps de travail. Or, je découvre à la lecture du reportage de Causette, un autre type de crimes, que seules les femmes pouvaient révéler : les mariages forcés ! Bien sûr, les hommes auraient pu provoquer de telles révélations mais visiblement, pour eux, ce crime était secondaire. D’abord parce que les traditions du mariage forcé étaient antérieures aux Khmers. Ensuite certains ont prétendu que le phénomène fut marginal. D’autres ont ajouté que de tels mariages ont traversé les décennies.
A présent, des femmes souvent très âgées parlent et reconnaissent ce crime contre l’humanité. Mais pourquoi pousser la folie jusqu’à prendre une centaine d’hommes puis une centaine de femmes pour les obliger à se marier au hasard, en s’assurant ensuite que le mariage était « consommé » ? Que la peur, l’habitude, l’idée du moindre mal ait fait durer de tels mariages plus que les mariages d’amour en France, ne change rien au crime du départ. L’ONU parle de 250 000 femmes et donc d’autant d’hommes victimes de cette cruauté. Ce qui fait peu par rapport aux 1.700 000 personnes éliminées ? Un crime n’efface pas les autres et aujourd’hui elles sont 4000 à avoir porté plainte. En plus de ces pages du dernier Causette, tous les candidats à la présidentielle y sont interrogés sur leurs propositions pour contrer la finance : le discours politique paraît bien terne par rapport à la tonalité du journal.
Je ne pense ne pas me faire taper sur les doigts en vous proposant le contenu de l’édito qui peut situer ce journal et inciter peut-être des personnes à l’acheter. JPD

ÉDITO
I
Un scorpion aimerait traverser la rivière mais, seul, il est en galère.
Il demande à une grenouille qui passe par là: «Veux-tu bien me porter jusqu'à l'autre rive?» La grenouille: «Tu me prends pour une quiche? Tu vas me piquer, c'est sûr! — Mais non, je ne suis pas fou, si je te piquais, je me noierais avec toi...» La grenouille accepte donc. Mais, arrivés au milieu de la rivière, sans prévenir, le scorpion transperce le dos vert du batracien. La grenouille : «Mais qu'as-tu fait, abruti? Nous allons mourir tous /es deux!» Le scorpion: «Je sais, mais je n'ai pas pu m'en empêcher... Je suis un scorpion, c'est ma nature.» Cette vieille fable africaine me paraît d'une fâcheuse actualité. Et ça ne sent jamais bon quand on ressort les histoires de griots. C'est qu'on a de grandes leçons de vie à recevoir. Collectivement. Car dans la même semaine, en janvier, une employée de Tati et un ex-ouvrier Conti se sont suicidés. Ils ont tous deux clairement désigné leur travail comme cause de leur geste. Elle s'appelait France Javelle. Lui, Michel Letupe. Voilà pour les grenouilles. Les scorpions, eux, sont plus difficiles à reconnaître. Et c'est normal, parce qu'ils nous font la danse des éventails. Mais si, vous savez, ces danseuses
I japonaises qui, nues, agitent habilement deux éventails.., afin que jamais on ne voie leur intimité, leur vérité. L'expression «les marchés>', c'est l'éventail qui sert à ne pas identifier les investisseurs, les spéculateurs, les détenteurs de SICAV, tous ceux qui «jouent» en bourse, les banquiers, leurs produits et leurs portefeuilles, les fonds d'assurance, les fonds de pension, les clients des hedge funds, ainsi que les représentants, gérants et possesseurs de tous les capitaux en circulation dans l'industrie financière. Michel et France sont les victimes directes d'un système à qui nous avons fait traverser la rivière quand il allait se noyer. Il piquera à nouveau. C'est sa nature. Mais bon, ne désespérons pas. Car une antique fable causettienne dit qu'un jour, une grenouille plus maligne que les autres apprit à lire la langue scorpionne. Tous les matins, elle lisait leurs journaux austères. Et quand, un jour, un scorpion lui demanda, très gentiment, de le porter sur son dos... elle le défonça.
CAUSETTE
«On me dit que nos vies ne valent pas grand-chose,
Elles passent en un instant comme fanent les roses... »
C. Bruni

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 23:50

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Une vingtaine de personnes ont pu débattre sur la question de la place des femmes et leur rôle dans les sociétés autour des deux dernières publications de la brochure. Moment agréable montrant une diversité d’approches et de sensibilités.
En guise d’introduction j’ai présenté trois femmes, celle des pays de l’Est, Anna Walentynowicz, et celle des pays de l’Ouest, Rosa Park - un temps qu’il faudrait oublier – puis un peu d’Olympe de Gouges. Anna Walentynowicz, cette polonaise que par une crapulerie sans nom, les autorités des chantiers navals de Gdansk licencièrent le 7 août 1980, cinq mois avant sa retraite. Une crapulerie car toute personne licenciée perdait le droit à la pension ! Une semaine après, grâce à la détermination de trois ouvriers, une grève est déclenchée dans ce pays dirigé par le pouvoir de la classe ouvrière. Une grève pour la solidarité. Certains pensent quel le peuple se mobilise quand on touche à son portefeuille car ils ne savent pas que les plus grandes grèves c’est uniquement pour la dignité ! La grève a été victorieuse et Anna a été réintégrée. On est allée la chercher avec la voiture du directeur. Ainsi un grand syndicat était né, Lech Walesa arriva pour ramasser les honneurs et tout le monde connaît un peu la suite sauf la mort d’Anna dans un accident d’avion mémorable où le président de la Pologne a perdu la vie. Elle aussi.
Quant à Rosa Park, la petite couturière d’Alabama, elle a été à l’origine d’une révolution non moins considérable, quand, prenant, son courage à deux mains, elle refusa de céder sa place à un  homme blanc dans un bus de Montgomery. Pour la soutenir, le boycott de la compagnie de bus dura un an, mais là aussi avec à la clef, une victoire populaire et le déclenchement de la bataille pour les droits civiques qui font qu’à présent les USA ont un président, métis pour nous (noir suivant la définition aux US). Quand les Noirs ont-ils eu le droit de vote ?
A parler des Noirs, il était facile de faire la transition avec Olympe de Gouges qui commença sa vie d’écrivaine en publiant une pièce… sur l’Esclavage des Noirs en 1783 ; une pièce qui fut le début de ses déboires avec la comédie française. Et Olympe décida d’écrire des préfaces, des postfaces, des lettres et j’en passe pour expliquer les ignominies dont elle a été victime. Et c’est ça qui à mon sens fait Olympe : sa détermination, sa sincérité, son courage et sa volonté « centriste ». Dans la préface à Lettre au Peuple de 1788 René Merle écrit, après avoir montré la critique sévère qu’elle fait des privilèges :
« Mais Olympe n’en préconise pas moins l’entente entre les Ordres et non l’affrontement. Les premiers signes avant-coureurs de la révolte sociale lui font deviner combien serait tragique un affrontement civil. Elle en adjure d’autant les privilégiés de céder à la raison et à l’instinct sde conservation, s’ils n’ont pas le cœur de céder à l’humanité. »
Pour l’esclavage, c’est la même Olympe qui démontre que les Noirs doivent être considérés comme des Blancs mais qui ensuite dans la préface de 1972, quand les révoltes commencent dans les Colonies déclare à l’adresse des Noirs qu’elle a défendu : « J’abhorre vos Tyrans ; vos cruautés mes font horreur. » J’ai écrit « centriste » faute d’un autre mot plus juste car Olympe est bel et bien dans un camp, celui des Noirs – et les calomnies dont elle sera victime le prouvent – mais pour autant dire que les Noirs sont des anges. Sa nouveauté phénoménale qu’elle exprime sans art – dit-elle- reste au cœur de toute l’action sociale. Jaurès, quand il découvrit la répression de 1905 en Russie écrivit aussitôt qu’une telle révolution appelait une révolution plus radicale et l’histoire lui a donné raison. Les révolutionnaires disent toujours que les privilégiés ne cèdent jamais leur place sans se défendre becs et ongles. En cela, ils alimentent l’extrémisme adverse. Pourra-t-on sortir de ce cercle infernal ? Est-il à jamais inhérent à la lutte des classes ?

Cette matière donna lieu à un échange riche et varié dont je ne retiens que quelques éléments.
Pour Olympe : Norbert Sabatié nous indiqua que les Editions Cocagne allaient publier les deux autres ouvrages en prévision. Marie-José observa : « Aujourd’hui elle serait une bloguese ! » et c’est exactement ça. Une vision d’Olympe peu répandue. Mais comment expliquer cette position d’Olympe qui défend l’égalité entre Noirs et Blancs sans remettre en cause fondamentalement l’esclavage ? Il faut en effet lire en ENTIER Olympe d’où ma citation de René Merle. Olympe ne veut pas l’affrontement. Elle mérite d’être lue dans toutes les nuances qu’elle affiche et qui ne lui vaudront jamais les félicitations de personne.
Pour les femmes du monde : il n’y a que 26 pays, la majorité des femmes étant originaires de France. Les autres pays vedettes sont l’Italie, le Pérou et le Mexique.

Pour les femmes et la politique ? Dans leurs réunions, les Editions la Brochure ont rarement eu la présence de membres de partis politiques. Sur les femmes il y a une responsable du Parti de Gauche et la candidate du PS aux élections législatives qui a justement remarqué que parmi les 101 femmes, les femmes politiques étaient absentes. Il n’y a que Madame Rolland jouant le rôle souvent attaché aux femmes qui en font des êtres qui tirent les ficelles dans l’ombre. Manifestement les femmes continuent d’avoir une bastille à prendre, celle du monde politique. Ayant évoqué des femmes d’Amérique latine j’aurais pu évoquer les trois présidentes, celles de l’Argentine, du Chili et à présent du Brésil. Je ne sais si, étant des femmes, elles se sentent plus fragiles pour demander des droits à l’IVG mais le fait est là, toutes les trois n’ont rien sur ce point. En conséquence, les femmes sont rares en politique mais qui plus est quand elles y sont, le résultat n’est pas convainquant. J’ai oublié de dire que je présente Nina Pacari, en Equateur qui a été ministre… pendant quatre mois.

L’état du rapport des forces : Marie-France a montré comment la télévision renvoie l’image d’une absence des femmes quand en un mois l’émission Cdans l’air n’a laissé place qu’à 6 femmes pour 104 hommes, une émission qui avait été montré du doigt mais qui continue à effacer les femmes. Parce que sur les sujets traités il n’y aurait aucune expertes ? Tous les intervenant-e-s (les femmes étaient majoritaires) au débat ont observé au contraire que les jeunes filles occupent de plus en plus de place dans la médecine, l’enseignement, les avocats etc… Il suffirait de changer le carnet d’adresses !
Au-delà de cette anecdote, vivons-nous une étape de régression après des avancées phénoménales ? La montée dans le monde des fondamentalismes religieux n’apporte rien de réconfortant. D’où le besoin d’honorer des femmes qui sont l’honneur du monde !
1-02-2012 Jean-Paul Damaggio
P.S. : Le lien vers une émission radio de CFM où j’ai évoqué d’autres femmes dont l’incroyable Citoyenne Sorgue.

http://cfmradio.fr/podcast/portraits-de-101-femmes-du-monde/

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 18:40

J’étais hier dans une grande bibliothèque d’une de ces capitales régionales qui n’ont malheureusement pas l’accès LGV où, merveille, je tombe sur un numéro de La Pensée (n°367) consacré à l’égalité hommes-femmes. J’y découvre en cette belle occasion la liste des revues féministes existantes à savoir :
Choisir la cause des femmes
Egalité
Clara
Osez le féminisme
Cahiers du CEDREF
Cahiers du Genre
Travail, Genre, Sociétés
Lunes
Nouvelles Questions Féministes
Recherches féministes
Pro-Choix
Clio

Je n’en connais un peu que quatre et le réflexe suivant, vous le devinez, chercher dans cette belle bibliothèque qui doit bien contenir une centaine de revues, si l’une des revues féministes est présente. Pas l’ombre d’une ! Heureusement la ville à une autre grande bibliothèque où je suppose quelques titres y sont présents.
Je n’accuse personne : généralement les bibliothèques tiennent compte des demandes des usagers : si personne ne demande, alors on oublie, mais personne ne demande car qui connaît ces revues. Pro-Choix par exemple est la revue de Caroline Fourest et même si la responsable est médiatique, sa revue est confidentielle.
JPD

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9 décembre 2011 5 09 /12 /décembre /2011 11:03
 

L’ami Jacques repense à ce massacre et je suis ému un maximum à le lire.

Sur le coup je ne comprenais pas son texte mais moi aussi je me souviens…J P D

 

http://jack-jackyboy.blogspot.com/2011/12/le-registre-des-larmes.html

Registre des larmes. Maudit chien de fusil! Ce jour-là, je m'en souviens que trop bien, j'étais super content, hyper high : j'avais organisé le dîner de Noël au bureau avec mon collègue Alain Brunet, pis on avait fait un tabac; j'avais joué de l'harmonica, Sylvain du sax. Mais une fois rentré à maison, peine extrême, noirceur totale, l'incompréhensible et cruel massacre de la Poly! Reviré bout pour bout. Des années plus tard, dans l’amphithéâtre de la même Poly, ma fille Sarah, ing., participait à la cérémonie de la prise du jonc. Ému au plus profond, j'ai pensé au deuil des parents des victimes qui n'auront jamais pu éprouver la fierté que je ressentais. Grappe de filles abattues à jamais dans nos mémoires blessées. Aujourd'hui, des centaines de femmes, dont des rescapées de la tuerie, se sont rendues manifester devant le Parlement à Ottawa pour dire à ce gouvernement de fausses couilles et de nuques rougies par la régression mentale que le projet d'abolition du registre des armes à feu est une erreur de jugement, que c'est une insulte pour la dignité la plus élémentaire. Bien humblement, je les appuie sans réserve. Comme disait le poète, honte, honte à ces élus (y incluant quelques dinosaures de l'Opposition) et aux sénateurs-marionnettes qui ont des taches de graisse sur la conscience! 

http://encorefeministes.free.fr/poly.php3

Résumé pris sur wikipédia : "La tuerie de l'École polytechnique est une tuerie en milieu scolaire qui eut lieu le 6 décembre 1989 à l'École polytechnique de Montréal, au Québec (Canada). Marc Lépine, âgé de vingt-cinq ans, ouvrit le feu sur vingt-huit personnes, en tuant quatorze (toutes des femmes) et en blessant quatorze autres (4 hommes et 10 femmes), avant de se suicider. Les crimes furent perpétrés en moins de vingt minutes à l'aide d'un fusil semi-automatique obtenu légalement."

 

Il a été révélé ensuite que ce crime touchait volontairement des femmes. JPD

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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 14:08

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Le 8 mars 2001, dans L’Humanité, l’historienne Michèle Riot-Sarcey écrit : « Comme le dit Benjamin, tout événement qui n’est pas directement visé par l’historien est définitivement perdu par l’histoire dans la mesure où il n’est pas récupéré. Ponctuellement, le mouvement féministe a été victime de cet effacement : voilà pourquoi, dans les années 70, a pu être publié, sans aucune arrière-pensée, ce numéro de Partisans intitulé : Année zéro du féminisme

 

Je possède ce numéro de Partisans (voir photo), une revue dirigée uniquement par des hommes sous la conduite de François Maspéro, et où, en effet, la priorité est donnée à l’actualité. Une seule référence à l’histoire : le titre d’un article le pain et les roses, « slogan féministe utilisé pour la première fois en 1909 au cours des grèves des ouvrières des filatures aux USA ».

 

Je parlais dernièrement avec l’ami Fabrice Michaux des cheveux longs qu’au même moment, en 1968, certains portaient en croyant inventer un signe de révolte, les cheveux longs qui avaient fait fureur cent ans pour les mêmes raisons. !

 

L’histoire un éternel recommencement ? Et ses oublis aussi ?

Si les historiens existent c’est exactement pour le contraire, et pendant longtemps on a même pensé qu’ils contribuaient au « progrès » donnant sens à l’histoire. Dans le numéro de Partisans l’édito indique : « Tout mouvement de libération contre un système oppressif va dans le sens de l’histoire. » Fatalité que ce sens de l’histoire ? Mais alors il n’y a plus d’histoire !

Sauf que les historiens sont aussi l’histoire, et l’histoire c’est l’histoire de la classe dominante, une histoire toujours en train de se faire !

 

Pour sortir du piège tendu par les éternels vainqueurs, Michèle Riot-Sarcey propose d’en finir avec l’idée d’une histoire faite de continuités, pour s’intéresser plutôt aux phénomènes discontinus qui vivent dans les souterrains de l’histoire quand ils ne peuvent occuper les premières places (l’utopie par exemple, le féminisme aussi…).

A réfléchir. JPD

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14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 12:52

 En 1937 le gouvernement de Front populaire poursuit les cérémonies nationales pour célébrer Jeanne d’Arc. Le PCF est fortement présent dans les dites manifestations du 8 mai. Deux jours après L’Humanité publie la version de Marcel Cachin sur la question. Son grand saut de Jeanne d’Arc à la guerre d’Espagne témoigne de deux phénomènes : la passion populaire pour l’histoire ; le détournement politique de cette même histoire. Il est évident que moi aussi, je traîte de la question de Jeanne d'Arc en lien avec son usage aujourd'hui mais en méfiant des schématismes et des raccourcis dangereux. Cette journée suscitera de graves troubles à Toulouse sur lesquels nous reviendrons. JPD

 

L’Humanité 10 mai 1937

JEANNE D'ARC EST AU PEUPLE !

A PARIS, après la cérémonie officielle les agents du fascisme étranger tentèrent de troubler l’hommage public rendu à l’héroïne populaire par le respect national ou la foi

 

La journée de Jeanne d’Arc s'est déroulée sans incidents à. Paris et dans toute la France, sauf à Toulouse où les fascistes et camelots du roy ont, à leur ordinaire, provoqué, des bagarres.

 

Les fêtes de la jeune Lorraine, brûlée vive à Rouen, ont été accaparées par les fascistes, et c'est pourquoi le vrai peuple de France s'est jusqu'ici abstenu de se mêler à ces cérémonies.

Comment serait-il concevable que les véritables travailleurs de notre pays puissent se mêler aux Chiappe, aux Taittinger, aux La Rocque et Cie, à ces charlatans de la patrie lorsqu'ils mettent la prétention de détenir le monopole du culte de la pauvre fille héroïque de Domrémy ?

 

Ces gens-là n'ont nul titre à glorifier Jeanne d'Arc. Jeanne d'Arc appartenait à la plus modeste paysannerie française, au peuple que nos fascistes haïssent auquel ils rêvent de ravir ses libertés, dont ils veulent aggraver là misère, qu’ils ont résolu de maintenir dans la servitude.

Eux et les leurs ne connaissent rien du peuple d'où est issue la bergère martyre. Eux et les leurs ne furent jamais que les éternels exploiteurs du peuple. Jeanne d'Arc est au peuple, non à eux

 

Alors que Jeanne d'Arc boutait l'ennemi hors de France, eux, les fascistes font appel aux pires ennemis de la France pour sauver les privilèges des nantis. Les mêmes chefs fascistes qui déposaient des fleurs à la place des Pyramides font le voyage de Burgos pour offrir des épées d'honneur aux généraux hitlériens Mola, Franco et consorts. Ils souhaitent et favorisent la victoire des Franco, des Hitler et des Mussolini, dont le but est d'anéantir l’Espagne du Front populaire et ensuite la France du Front populaire.

Nos fascistes qui défilèrent hier, derrière leurs chefs lamentables, applaudissent à cette heure même aux odieux massacres de femmes et d'enfants à Madrid et à Bilbao. Leurs journaux sont pleins de mensonges ignobles sur l'Espagne républicaine, sur les peuples espagnol, catalan et basque. Or il y a de nombreuses Jeanne d'Arc populaires dans la péninsule ensanglantée. Il y a beaucoup de malheureuses femmes et jeunes filles du peuple qui, comme la bonne Lorraine, participent les armes à la main à la défense de leur sol, de leur vie, de leurs traditions et de leurs libertés. Mais les amis espagnols de nos fascistes font affamer et assassiner les hommes et les femmes du peuple de leur patrie par des Maures et des néo-païens hitlériens.

 

L'hypocrisie de ces misérables éclate ainsi à tous les yeux. Leur colère contre le peuple français auquel ils ont volé une de ses héroïnes est aujourd'hui d'autant plus violente, que ce peuple se dresse contre eux avec plus de vigueur. Ils ont pu constater que s'ils étaient 20.000 hier, rue de Rivoli, nous étions plus d'un million, le Premier Mai, au cours de Vincennes ! Et ce million leur signifie que même avec le concours des Hitler et des Franco, ils ne passeront jamais ici, pas plus qu'en Espagne.

Marcel CACHIN

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13 septembre 2011 2 13 /09 /septembre /2011 13:58

En 2009, peu avant sa mort, Bensaïd publie cet article dans le journal Alternative libertaire. (cliquer sur le titre pour accéder à la source). Nous le reprenons en attendant de pouvoir le commenter en complément de notre article précédent. JPD

 

Mai 1429, naissance d’un mythe : Jeanne d’Arc, la revenante

Le 8 mai 1429, Jeanne d’Arc brise le siège des Anglais devant Orléans. C’est le point de départ d’une épopée aussi brève qu’héroïque. Lâchée, emprisonnée puis brûlée, les puissants se sont débarrassés d’une figure incontrôlable, irréductible au rôle que les uns et les autres ont voulu lui faire jouer.

Il existe bel et bien un mystère de Jeanne d’Arc. Son personnage excède toujours ses représentations. Entre histoire et mémoire, entre le témoignage des archives et le travail du mythe, nos passions collectives viennent périodiquement s’éprouver à son miroir et il ne cesse de cristalliser les attentes du présent.

 

Il y eut la Jeanne méprisée de Voltaire et des libertins ; la Jeanne anticléricale, « violée et brûlée par les prêtres » (sic), de Léo Taxil et des francs-maçons ; la Jeanne communarde de Clovis Hughes ; la Jeanne protestante de Bernard Shaw ; la Jeanne charnelle de Joseph Delteil ; la Jeanne résistante d’Aragon ; la Jeanne relapse et sainte de Bernanos ; la sainte Jeanne prolétarienne des abattoirs de Brecht ; sans compter celles de Schiller, de Michelet, et la procession des Jeannes bigotes et sulpiciennes. Et, au-dessus de toutes, la Jeanne de Péguy, dédiée en 1897 :

"À toutes celles et à tous ceux qui auront vécu/ À toutes celles et à tous ceux qui seront morts/ pour tâcher de porter remède au mal universel […] Parmi eux/ À toutes celles et à tous ceux qui sont morts de leur mort humaine/ pour l’établissement de la République socialiste universelle."

 

Une figure des temps de transition

Pourquoi tant de visages et de métamorphoses ? Figure des temps de transition, où un ordre disparaît avant qu’un autre ait encore pris forme, Jeanne est une mystérieuse passante et une extraordinaire passeuse. Entre déjà-plus et pas-encore, ces périodes incertaines sont propices aux prodiges et aux jaillissements. La Pucelle chevauche ainsi, entre le crépuscule du Moyen-Âge et l’aube de la Renaissance. Championne de la foi populaire face aux pompes hiérarchiques de l’Église savante, théologienne de la libération en somme, elle surgit à mi-chemin entre les vieilles hérésies des flagellants, des bégards, des hussites, et la Réforme luthérienne. Elle se faufile entre l’ordre dynastique féodal et un ordre national naissant, qui se cherche dans les marges d’un royaume en lambeaux. Chef d’une guerre de mouvement, elle illustre le déclin de la chevalerie défaite à Azincourt et elle expérimente la victoire de l’artillerie sur l’arquebuse. Accusée de sorcellerie, de blasphème, d’idolâtrie, son procès annonce la grande chasse aux sorcières du siècle suivant.

Femme, enfin, dans un monde d’hommes de guerre, d’Église et de pouvoir, elle est condamnée pour une affaire de pantalon et de coupe de cheveux, pour avoir transgressé le partage des sexes, pour déni de féminitude en somme : « Nulle femme ne revêtira l’habit d’homme » !

 

Les pieds solidement sur terre

Dans l’étroit passage entre deux époques et entre deux mondes, Jeanne s’avance sur une corde raide. Elle touche par ce mélange de solidité et de fragilité, d’assurance et de défaillance, par son écartèlement entre la certitude et le doute, par le pressentiment de sa propre fin annoncée : « Je durerai un an, guère plus. » C’est pourquoi elle est si pressée d’achever le travail entrepris, au mépris des périls et des sombres prédictions.

 

Elle vint donc de Lorraine en stratège innocent, militaire et politique, avec un programme en quatre points :

1.Délivrer Orléans, c’était inverser le courant et rallumer l’espérance

2.Conduire Charles à Reims, c’était établir un droit nouveau

3.Reconquérir Paris, c’était donner au royaume une tête

4.Arracher Charles d’Orléans à sa captivité, c’était effacer l’humiliation des défaites.

Le sacre de Reims fut bien son apothéose, le point d’inflexion entre une logique de réussite et une logique d’échec. Plus que le couronnement d’un roi, ce fut le dénouement d’un état d’exception, l’enregistrement d’un événement fondateur, d’une victoire d’où naît une légitimité nouvelle. « Aux horions, on verra qui aura le meilleur droit… », avait-elle déclaré dans sa sommation d’Orléans : entre deux droits contraires, c’est la force qui tranche. Dieu donnera la victoire, c’est sûr… Mais encore faut-il combattre pour la mériter. La Pucelle avait peut-être la tête dans les nuages et les oreilles pleines de voix, mais les pieds solidement sur terre.

 

Après le sacre, elle aurait pu prendre une retraite dorée, savourer les honneurs et le confort de la Cour. Ce n’était ni son monde ni son genre. Il y avait encore de la misère à soulager au royaume de France, et des villes à délivrer. Elle avait encore de l’énergie pour aller plus loin. Car la délivrance n’en finit pas. C’est un combat permanent. Elle s’est hâtée, terriblement pressée, la nuque mordue par le sentiment de sa propre précarité. Abandonnée de presque tous, trahie de l’intérieur, à la tête d’une troupe minuscule de 400 mercenaires qui ne faisaient même plus une armée, Jeanne sous Compiègne, c’est déjà Saint-Just au lendemain de Fleurus, ou la tragique solitude du Che en Bolivie. Elle s’use « effroyablement vite » et elle a « l’âme lasse ». Son temps est passé. Il est désormais compté. Vient celui des raisons d’Église et des raisons d’État, des thermidoriens de toujours, des calculs et des compromis bureaucratiques.

 

Contre « l’esprit de vieillesse qui conquiert patiemment le monde », Jeanne appartient, définitivement, au cercle restreint des « professionnels de la jeunesse » (Péguy), des vaincus victorieux qu’une précoce disparition voue à une jeunesse éternelle - les Chérubin, les Saint-Just, les Rimbaud, les Guevara. Son mystère, cette « heure unique de jeunesse réussie », qui étonne et fascine encore, naît de la tension entre « la petite fille moqueuse » et effrontée qui défie l’adversaire aux horions, et la gamine effrayée à l’idée du bûcher et des flammes éternelles de l’enfer.

 

« La merveille, selon Bernanos, c’est qu’une fois, une seule fois dans le monde peut-être, l’enfance ait ainsi comparu devant un tribunal régulier, mais la merveille des merveilles, c’est que ce tribunal ait été un tribunal de gens d’Église. Et non pas un tribunal pour rire. On doit même reconnaître qu’aucun ne fut plus respectueux du droit formel, plus soucieux d’éviter ce que nous appellerions aujourd’hui un cas de cassation, plus habile à mettre en branle et à régler la marche d’une gigantesque machine à procédure. » Authentifié par les scrupuleuses minutes des scribes, son procès est le prototype et l’archétype de tous les procès en hérésie, en dissidence, en insoumission, en sorcellerie politique. La fidélité obstinée à ses voix face à l’imposante autorité d’un aréopage de dizaines de docteurs sorbonnards et de prêtres, est le modèle de toutes les résistances, de la nuque qui refuse de plier, du bon droit qui refuse de rendre les armes, d’abjurer et de se repentir.

 

La nuque qui refuse de plier

Le plus extraordinaire, le plus admirable, c’est sa capacité à déjouer les traquenards scolastiques et les pièges théologiques tendus par les savants retors, son habileté à « tricher par simplicité » (Péguy encore). Et son défi accusateur lancé à la tête de l’accusation : « Évêque, je meurs par vous. »

 

Longtemps, cette gamine analphabète tint les rhéteurs en échec, presque amusée de leur étrange questionnaire :

– En quelle figure était saint Michel quand il vous est apparu ? Était-il nu ?

Jeanne : Pensez-vous que Dieu n’ait pas de quoi le vêtir ?

– Avait-il des cheveux ?

Jeanne : Pourquoi les lui aurait-on coupés ?

– Quelle garantie et quel secours attendez-vous d’avoir de Dieu pour ce que vous portez l’habit d’homme ?

Jeanne : Tant de l’habit que d’autres choses que j’ai faites, je n’attends d’autres récompenses que le salut de mon âme.

Quant à savoir si elle était dans la grâce de Dieu : « Si je n’y suis, Dieu m’y veuille mettre, et si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir. »

On l’accusa d’opposer ses « voix » à l’autorité de l’Église, de « persister dans son opinion propre », de « s’ériger au-dessus de toute puissance ecclésiastique ». Il en a fallu des ruses et des arguties, de sombres arrangements entre la raison d’Église et la raison d’État, pour, de procès en nullité en procès en canonisation, effacer les traces du crime et transformer la sorcière en sainte ! Comment être réhabilitée par l’Église après avoir été brûlée par elle ? Et comment être sanctifiée quand on a explicitement déclaré son refus de faire des miracles ? Sulfureuse affaire, dont le dossier est encore fermé au Vatican.

 

Jehanne, Affaire non classée

Hérétique et sainte, en des temps de désordre, Jeanne fut toute droiture. Affaire non classée, donc. Affaire inclassable, sans doute. L’irruption de Jeanne dans l’histoire fit désordre. Elle tint la promesse, faite à Orléans, de faire « un si grand hahay qu’il y a bien mille ans qu’en France il n’en fut un si grand », et ce désordre lui survit. Admirateur de Gramsci et des surréalistes, le révolutionnaire péruvien José Carlos Mariatégui écrivait à Lima en 1926 : « Le passé meurt et renaît en chaque génération. En ces temps secoués par les puissants courants de l’irrationnel et de l’inconscient, il est logique que l’esprit humain se sente plus proche de Jeanne d’Arc, mieux à même de le comprendre et de l’apprécier. Jeanne d’Arc est revenue vers nous, portée par la houle de notre propre tempête. » Et, en ces temps de crises et de transition, elle n’a pas fini de nous revenir.

Daniel Bensaïd

Daniel Bensaïd est professeur de philosophie à l’université Paris-VIII et membre du NPA.

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13 septembre 2011 2 13 /09 /septembre /2011 13:41

 Né en 1951, je n’ai eu de Jeanne d’Arc que la légende scolaire, sans imaginer un seul instant les enjeux politiques autour de cette jeune femme morte avant ses 20 ans.

A rédiger mon livre sur les 101 femmes parmi nous, j’ai été obligé de chercher à y caser Jeanne mais je n’ai rien résolu à ce jour.

En 1991, le philosophe trotskyste bien connu Daniel Bensaïd publie grâce à son ami Edwy Plenel : Jeanne de Guerre lasse, où il tente d’arracher Jeanne à l’extrême-droite. Je découvris alors que depuis 1790 le « petite bergère » était l’enjeu de combats politiques considérables. Daniel a "entendu" la voix de Jeanne lui dire : « M’abandonner à mes vainqueurs, ce serait perpétuer mon bûcher. ». La récupération est-elle possible ?

Sous l’effet de l’étonnement, j’ai beaucoup aimé le livre de Bensaïd. J’avais même appris que Clovis Hugues avait la fibre Jeanne d’Arc : « Sur la marché d’Apt, j’avais trouvé une Chanson de Jeanne d’Arc, par Clovis Hugues, le communard duelliste de Ménerbes ; première chanson en sept « gestes », 355 pages de dizains pompiers, qui s’arrête à l’apothéose du sacre. »

Sous l’effet de la réflexion, de l’étude, le livre de Bensaïd me paraît flancher sur au moins deux points : Jeanne d’Arc n’est en fait qu’un prétexte pour développer ses propres visions du monde ; dans son livre, les combats autour de Jeanne, malgré l’érudition affichée de Bensaïd, restent seulement des ombres.

 

Le mythe contre le mythe ?

Pourquoi ce besoin de canonisation qui débute en 1869 et s’achève en 1920 ? L’Eglise a-t-elle décidée de récupérer une martyre ? Jeanne contre Jehanne ? Celle qui a servi les rois contre celle qui est du peuple ?

En fait, à chaque fois, l’histoire réelle disparaît sous l’effet du mythe et le premier des mythes s’appelle la France. C’est contre la menace de l’invasion étrangère qu’en 1790 l’assemblée municipale de Paris rend hommage à la Pucelle. Au nom de la même France, dès août 1887 Anatole France dans Le Temps soutient l’héroïne (au même moment Clovis Hugues publie dans Le Petit Marseillais un texte à la gloire de Jeanne). C’est encore pour se lier à la nation française que le PCF, en 1937, décide de reprendre à l’extrême-droite la figure mythique. Le 10 Mai 1937 titre : « Jeanne d’Arc est au peuple, A Paris, après la cérémonie officielle les agents du fascisme étranger tentèrent de trouble l’hommage paisible rendu à l’héroïne populaire par le respecte national ou la foi. »

 

L’histoire contre le mythe

Celui qui en 2001 redonne sa place à l’Histoire, s’appelle Jean-François Kahn (où le nègre qui rédige la partie en question car je doute que le célèbre journaliste ait pu entrer dans autant de détails vu ses responsabilités) qui publie : Les rebelles, celles et ceux qui ont dit non. La partie consacrée à Jeanne d’Arc ne s’en tient pas comme d’habitude aux derniers jours de la jeune femme mais retrace l’ensemble de son parcours certes court, mais pourtant significatif. On y vérifie que la France n’existe pas encore et que Jeanne a combattu bien plus de Français que d’étrangers ! Le mythe vient-il du fait que le procès de Jeanne, c’est comme un barrage qui cède : les conséquences sont si colossales, si dramatiques, qu’elles effacent les mois de pluie qui précèdent la rupture du barrage. Un peu comme si l’assassinat de Jaurès conduisant à l’affreuse guerre, balayait sa vie précédente. Quant à l’assassinat de Kennedy, il annonce parfaitement la main mise des mafias sur le monde, mafias qui, depuis, se sont diversifiées à fin de rendre le capitalisme féodal inévitable. Oui, l’histoire bascule parfois pour un « rien » !

Bref, faut-il comme le fait Daniel Bensaïd et tant d’autres se limiter à l’histoire des derniers jours de Jeanne ?

 

La religion profitant du mythe

Emile Antoine écrira en 1882, Le culture civique de Jeanne d’Arc et sa laïcité nécessaire. Je n’ai malheureusement pu lire ce travail de l’homme créateur du Théâtre Antoine, mais il pose une autre question : pourquoi la canonisation ?

S’il existe une preuve que les suites de la mort de Jeanne pèsent plus que sa vie propre, nous le découvrons dans cette stratégie de l’église qui cherche à s’approprier partout des croyances populaires afin de renforcer sa propre puissance.

De Péguy à Joseph Delteil en passant par Brecht comment pourrions retrouver à la fois une Jeanne réelle et mythique qui ridiculiserait la récupération qu’en fait le Front national. Car vous l’avez compris, ma question « que faire de Jeanne ? » n’est pas une question abstraite mais très politique. Bensaïd a échoué car il s’en est tenu à une opération politico-littéraire dont je me demande parfois s’il ne l’a pas regretté ensuite. Son échec était-il inévitable ?

13-09-2011 Jean-Paul Damaggio

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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 15:25

 

Les Annales Politiques et Littéraires qui publient cet extrait du roman pour enfants de Séverine (1904) a dû avoir de l’influence car on en trouve une collection même à la Bibliothèque de Montauban. Je les ai beaucoup consultées au tournant des années 90 pour écrire mon livre sur Léon Cladel. JPD

 

Sac-A-Tout

 

Détachons une jolie page de ce charmant volume que Séverine publie pour les enfants. Elle l’a écrit sous la dictée d'un petit chien, qu'elle aime passionnément, M. Sac-à-Tout. Et voici comment cet intéressant animal, qui vagabondait par les rues, s'introduisit, un jour, chez sa bonne maîtresse :

 

MÉMOIRDES D’UN PETIT CHIEN

Le pêne joua ; quelqu'un fit mine de sortir, se ravisa, fut appelé de l'intérieur, laissa le battant mal fermé. Je poussai un peu : il céda. J'étais dans une antichambre encombrée d'un cartonnier, de casiers à journaux. Point d'erreur : dès le premier pas, on était fixé. A travers deux portes séparées par une sorte de tambour, et dont la première, de mon côté encore, était restée mal close, des voix s'entendaient. A tout hasard, je me blottis sous une chaise.

Appelé par la sonnerie électrique, un domestique vint. Derrière lui, à l'ombre de son tablier, je pus franchir la seconde porte, me réfugier sous une table, d'où il m'était facile d'observer sans être découvert.

Dans un salon qui me parut somptueux (je n'avais pas, jusqu'alors, beaucoup vécu dans le monde), une dame, qui me sembla imposante, était assise.

Elle était drapée d'une robe d'intérieur noire, en laine, très simple ; elle était pâle avec des cheveux fauves ; elle paraissait songeuse et attristée.

Sur ses genoux, une gentille griffonne jaune s'était dressée, flairant ma présence insolite, protestant sourdement :

—La paix, Frisette ! Tais-toi, petite amie. Qu'au moins, de vous autres, j'obtienne du calme et du silence.

Elle se leva, s'étira, s'en alla jusqu'à un fauteuil où des gazettes étaient jetées pêle-mêle ; prit l'une, puis l'autre et les laissa successivement tomber sur le tapis, sans colère, mais avec tant de lassitude !

Puis, elle s'en fut vers la cheminée, se pencha, respira longuement une rose qui défaillait dans un cornet de cristal :

—Heureusement, il y a les fleurs, les arbres, la bonne terre... et les bêtes.

Elle souleva Frisette du divan jusqu'à niveau de son visage, et l'embrassa avec effusion.

Je jugeai que le moment était propice à me montrer. A pas de velours, les yeux baissés, le maintien modeste, je m'avançai. Je n'étais pas très en beauté, les préoccupations morales de chacun autour de moi, récemment, ayant nui aux soins de ma toilette.

J'avais le pelage à demi repoussé, tout en bourre ; et, comme il avait plu, j'étais crotté jusqu'aux yeux. Hors-cela, ma distinction naturelle plaidait en ma faveur.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? cria Séverine.

On l'avait entendue : des gens, des bêtes, firent irruption, curieusement, par toutes les issues. Et je fis, moi, connaissance avec ceux qui allaient devenir mes bons compagnons : la sévère Augustine, qui gouverne ; la riante Nénette, qui charme ; Emile, ce vieux rat de bibliothèque ; et le brillant Mégot ; et l'excellent Rip (le meilleur cœur de chien que j'aie jamais connu) ; et Miss, l'Anglaise, si braillarde, mais si bonne fille, et regardant son maître Paul — un ami qui avait bien voulu consentir à s'occuper du secrétariat — avec une si admirable expression d'attachement et de ferveur !

—D'où vient ce chien-là ? Qui l'a fait entrer ?

Personne ne répondait, et pour cause ! Tous me considéraient comme tombé de la lune, ou introduit, en farce, par le voisin. Je sentis que la partie se jouait, qu'il la fallait gagner, et que c'était un peu difficile, vu le nombre de collègues déjà dans la place. Donc, je clignai les paupières, drôlement ; je fronçai le nez, je me mis à rire comme une personne, montrant mes dents ; et, finalement, me laissant aller sur le côté, je fis le mort à la perfection.

Au total, un vif succès.

Rip, dit Pépère, — qui savait rire aussi — vint vers moi, me fit fête. Mégot se montra hospitalier, Miss et Frisette, naturellement plus réservées, ne témoignèrent d'aucune antipathie, et même Jotte, demeurée en arrière, derrière la porte de la salle à manger, s'abstint de toute manifestation hostile.

L'hilarité de Nénette était sans limites ; Augustine avait le sourire... Alors, devant cette unanimité de bienvenue, Séverine décida :

— Allons, puisque tu es, restes-y ! Tu ressembles tellement à Marquise.

Si elle avait su!

 

 

J'avais retrouvé jusqu'à mon nom, car Séverine, d'intuition, me voyant dévorer sans mesure, s'était écriée :

— C'est un vrai sac-à-tout, cet affamé-là !

Et j'avais connu d'autres choses encore, jusque-là insoupçonnées : un mobilier de poupée, exhibé du reliquaire d'enfance ; des repas pantagruéliques, où figuraient du potage, un petit melon, un succulent os de côtelette, du dessert, du sucre ; une niche, sans coussins de soie, bien entendu, mais rembourrée confortablement ; par les soirs frais, lorsque tondu, un manteau taillé dans une robe hors d'usage à la patronne, et cousu par elle, s'il vous plaît ; aux murs, sur l'étagère, les portraits des amis ; enfin, ce que n'aurait jamais pu même entrevoir en songe le chien de saltimbanque, le traîne-la-patte que j'avais été.

Vraiment, lorsqu'un bout de ruban frais (plus coton que soie, vous savez, mais l'effet n'y perd rien), lorsqu'un bout de ruban frais en cravate, une rosette sur le front, la serviette sous le menton, la nappe à mon chiffre (nous avons la même initiale, Séverine et moi, c'est bien commode), je jetais un coup d'œil alentour et soulevais le couvercle de la soupière, il me semblait rêver !

Mais il n'est pas que les satisfactions de l'estomac. Celles du cœur sont non moins impérieuses. Je les obtins aussi. La Jotte, ma douce fiancée, devint Mme Sac-à-Tout.

On s'épousa à la campagne, sans tambours ni trompettes, sans témoins ni dépenses.

Le bonheur est discret. Mais quel beau voyage de noces, en pleine nature, et, comme dit Phèdre, «à l'ombre des forêts »!

Ah ! notre bois, le joli coin ! Deux hectares, pas plus, mais au penchant de la colline, qui a la forêt de Compiègne pour oreiller et comme ourlet à sa robe verte, en bas, la route blanche, —deux hectares pleins d'ombre, de fraîcheur, de solitude !

Par larges trouées, s'y découvre la vallée : le féodal manoir, le lac, la «tour de guette» de la vieille église, d'où le veilleur scrutait l'horizon ; et, par-dessus le coteau d'en face, au fond perdu des plaines, toute bleuâtre et toute onduleuse, l'autre forêt, celle de Villers-Cotterêts!

A l'opposé, en chevet, talus planté de hêtre et velouté de mousse, c'est la chaussée Brunehaut.

Des Romains la bâtirent, et la reine y passa. Parfois, dans l'éboulis des pierres, roule un gros sou de bronze à l'effigie d'un César.

Ah ! oui, le joli coin que ce bois-là ! Il a des sources fraîches où il fait bon boire ; des clairières où le soleil vous chauffe en espalier; des fourrés tapissés de pervenches, de violettes et de muguets! On y est bien pour s'ébattre, on y est bien pour dormir.

—Rip et Frisette doivent y être bien aussi...

Ils ont, à mi-côte, en avant de la Cabane, au grand cercle de la Table ronde (où des roches, au pied de six hauts arbres, marquent nos six places), ils ont la seule tombe qu'admet Séverine : la grosse pierre fruste où le nom est gravé. L'endroit est beau et, quand l'automne arrive, sous la jonchée des feuilles, plein de mélancolie. C'est là que nous irons tous dormir, l'un après l'autre.

Plus tôt, plus tard, c'est affaire au destin ! La vie m'est douce, mais je suis prêt.

J'ai fait mon devoir, et j'ai « vécu »; je n'ai, au cours de mon existence, —ceci touche à la politique, on m'excusera de ne pas préciser — mordu qu'un seul être, et je ne le regrette pas... le danger était pour moi ! J'ai été flatté par la main de Sarah Bernhardt (une main que les souverains et l'ombre de Shakespeare avaient baisée) ; Henri Robert, contre l'employé qui voulait m'expulser du wagon, à Rouen, a prononcé pour moi, sur le quai du départ, aux hourras de l'assistance, la plus exquise des plaidoiries. J'ai voyagé, vu du pays, participé à des heures historiques...

Que souhaiter de plus ? Que rêver de mieux ? Aussi, philosophe, je commence à vieillir en famille, récompensé au delà de toute mesure, d'avoir été — au contraire de tant de gens ! — attaché à ma parole, fidèle à mon serment.

SAC-A-TOUT. / Pour copie conforme : SÉVERINE.

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