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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 16:53

      Sur Raouza

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"5. Le premier convoi

Le premier convoi organisé passa la frontière dans les derniers jours de mai, une partie par l'enclave de Livia, l'autre par Bourg-Madame. J'étais avec ce premier convoi, rassemblés chez Cristofol et à Ur. Nous sommes montés à Puigcerda dans la nuit et par mesure de précaution, dans la rivière, tenant nos habits au-dessus de nos têtes. Pour la petite histoire, il y avait avec nous deux Noires Américaines, infirmières, qui rejoignaient le service de santé des Brigades. Elles montèrent à Puigcerda comme nous, dans le plus simple appareil, mais, noires dans la nuit noire, je n'ai conservé comme souvenir qu'une vision confuse et ténébreuse.

Ce premier convoi était composé de Français, de Canadiens, d'Anglais et d'Allemands. Ceux passés par Llivia nous rejoignirent. J'en confiai le commandement en plus du « passeur » venu, je crois, de Prades, à un Allemand, vétéran de la guerre 14-18, qui avait l'avantage de parler le français et l'anglais. J'ai appris par la suite, qu'après avoir été blessé, il fut tué lors de l'offensive de Téruel d'autres volontaires du convoi, aussi, hélas !

Ici se place un épisode, que j'ai vu se reproduire par la suite, et qui ne s'effacera jamais de ma mémoire. Arrivés à Puigcerda, spontanément, tous les volontaires voulurent nous remettre argent, montres, stylos, tout ce qui avait un peu de valeur, en nous disant « Ce sera pour aider les familles des premiers d'entre nous qui tomberont ». Geste touchant de solidarité, qui se renouvela en Espagne. On cite le cas de volontaires ayant fait don de leur solde pour construire une école pour la population d'un village. Ne pouvant accepter ce dépôt, j'ai conseillé qu'il soit remis au gestionnaire de la formation à laquelle ils seraient affectés ; et je crois qu'il en fut ainsi fait.

Une pratique dont il convient de parler, c'est celle du retrait automatique des passeports aux volontaires. Cette mesure pouvait se justifier pour le cas où, faits prisonniers, il aurait été de ce fait, difficile de prouver leur nationalité et de mettre en cause leur pays d'origine. Lors du rapatriement des volontaires internationaux, Anglais et Américains en particulier connurent des difficultés pour rentrer en possession de leur passeport. Beaucoup n'y réussirent pas, on leur répondait qu'il avait été égaré. On devine que ces passeports ne furent pas « perdus » pour tous.

Pendant la durée de la guerre, j'ai fait de fréquents voyages à Paris pour y rencontrer les responsables nationaux du travail pour l'Espagne. Rue Mathurin- Moreau, j'ai eu un entretien avec un Yougoslave qui s'occupait du recrutement des volontaires d'origine yougoslave, hongroise, roumaine, bulgare, grecque, etc. Je n'ai pas un souvenir précis de cette entrevue, mais beaucoup de points de ressemblance me font supposer qu'il pouvait s'agir de Tito, qui, on l'a su par la suite, s'occupait des émigrés des pays balkaniques dont les volontaires, envoyés par Paris, utilisaient nos filières pour les passages. Ceux-ci se sont poursuivis pendant plus d'une année, sans trop de difficultés. Pas un de nos convois ne fut intercepté ; il est vrai que notre réseau de renseignements fonctionnait à merveille, et que nous opérions de nuit sur un terrain désormais familier.

Une des plus grandes difficultés que j'ai rencontrée, fut celle de la langue. En effet, j'ai vu passer des volontaires de toutes les nationalités, certains venant directement de leur pays d'origine sans aucun rudiment de notre langue, ni d’aucune autre ; c'était le cas pour les Scandinaves, les Asiatiques, les Balkaniques. Certains convois étaient une tour de Babel miniaturisée. Heureusement, il se trouvait toujours dans le nombre quelque émigré, ayant séjourné dans plusieurs pays, qui arrivait à se faire comprendre de l'ensemble. Par la suite, pour pallier cette difficulté, j'avais obtenu de conserver provisoirement en France, cinq volontaires, véritables polyglottes qui, ensemble, pouvaient interpréter toutes les langues ou dialectes parlés.

Cela m'a été fort utile dans l'organisation des convois, car au deuxième passage que je fis, j'avais rencontré des difficultés quasi insurmontables. N'avais-je pas dans ce convoi, outre des Français, des Belges et des Suisses, des Finlandais, des Norvégiens, des Tchèques, des Albanais, des Mexicains, quelques Japonais, un Chinois, et d'autres dont je ne me souviens plus très bien? Cet assemblage hétéroclite donne la mesure de la difficulté. Ce problème se retrouvera dans les Brigades dont les unités seront formées sur des bases linguistiques au niveau de la section, de la compagnie ou du bataillon quand ce sera possible.

A partir de 1937, des Espagnols seront, soit individuellement, soit par unités, versés dans les Brigades Internationales. A mesure que la proportion d'Espagnols augmentera, le castillan supplantera le français, l'allemand et l'anglais, langues les plus utilisées jusqu'alors aux Brigades.

A l'occasion d'un autre séjour à Barcelone, j'ai rencontré Marcel Clouet vieux camarade de Toulouse. Il venait du front Nord. C'était avant qu'il ne perde un bras. Je ne l'ai jamais revu, car il fut fusillé par les Allemands à Lyon pendant l'occupation. En février 1938, à Castellar, près de Téruel, en pleine bataille où les Brigades étaient engagées pour la défense de cette position prise aux fascistes, j'ai rencontré Franz Dalhem, commissaire aux effectifs de la XIe brigade, et Pierre Rebiere, commissaire de la XIVe. Ces deux brigades étaient affectées à la 45e division Hans Kahle, qui allait être engagée à fond, le 14 mars, devant Caspe, sur le front d'Aragon.

Dalhem et Rebière se firent pressant pour que j'envoie, par des moyens accélérés, les volontaires encore en instance de passage en France. L'offensive de Téruel et la défense du front d'Aragon ayant causé d'énormes pertes aux Brigades, les demandes de renforts devenaient de plus en plus pressantes. Elles devinrent angoissantes lors de la bataille de l'Ebre où la XIVe brigade, à Ampasta, perdra 60 % de son effectif. Malheureusement, en 1938, la source d'approvisionnement en France était tarie, la plupart des militants volontaires étant déjà partis. Nos convois ne sont plus que des petits groupes de plus en plus espacés. Les services de recrutement de Paris et d'ailleurs font l'impossible mais on a l'impression que le plein a été fait et le recrutement de cette époque, s'il ne gagne pas en quantité, perd en qualité.

Au cours d'une visite de nuit à Albacete, siège de l'état-major des Brigades, j'ai vu pendant quelques minutes André Marty, inoubliable dans sa haute stature et ses yeux bleus à fleur de tête. Avec lui Pauline, sa femme, que je connaissais de Toulouse elle était la sœur de Taurinya qui aura le rôle que l'on sait, lors de l'affaire Marty.

A partir de mai 1938, la base des Brigades Internationales fut transférée d'Albacete à Barcelone, l'Espagne républicaine étant coupée en deux par l'offensive rebelle. Les Brigades ne seront désormais engagées que sur le front de Catalogne et d'Aragon. Seuls cinq cents volontaires étrangers qui n'avaient pu être rapatriés par manque de moyens de transports maritimes resteront intégrés à l'armée du centre. Aucun de ces hommes n'est revenu, ils furent certainement exécutés par les fascistes après la reddition.

 

A la mi-juin, nous avons participé à l'évacuation de la 43e division, encerclée dans la vallée del Alto Cinco, commandée par le colonel Beltram, surnommé « el esquinazardo » (le renard), acculé à la frontière. Après une résistance héroïque, privé de tout ravitaillement, il rentra en France avec toute sa division et demanda à être immédiatement rapatrié en Catalogne. Le transfert fut fait par chemin de fer, avec ravitaillement à Toulouse par nos soins, car le gouvernement français n'avait rien prévu, ou rien voulu faire." Marcel Thourel

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