D’abord, le 16 Septembre 2012, j’ai lu sur l’Huma ce mot très court que je reprends donc en entier :« Réaction de Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction de l'Humanité, à l'incident lors du débat sur le Front national avec Caroline Fourest : Lors d’un débat consacré au pluralisme, ce dimanche à l'Agora de l'Humanité, Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction de l’Humanité, a déclaré : "Un petit groupe de fanatiques religieux ou politiques, dont aucun ne peut se réclamer de la gauche, a empêché Caroline Fourest de s’exprimer samedi. C’est insupportable ! Ils ont ainsi obtenu qu’un des débats de la fête contre le Front national ne puisse pas se dérouler. CQFD! Nous ne laisserons pas ces intégristes empêcher les débats pluralistes qui sont la marque de la fête de l’Humanité." »
Comment des « intégristes » ont-ils pu réussir cet exploit ? Empêcher la tenue d’un débat au cœur même de la Fête de l’Huma ? Pour insupportable, ça me semble en effet insupportable.
L’Huma du lendemain sous la plume de Magali Jauffret, nous en dit un peu plus dans un article bilan du stand en question, où se sont tenus de grands moments auxquels j’aurais aimé participer :
« Mais samedi, alors que doit se tenir, sur le thème « Comment faire face au FN ? », un débat entre l’essayiste Caroline Fourest, auteur du livre Marine Le Pen, et Hervé Poly, secrétaire de la fédération communiste du Pas-de-Calais, suppléant de Jean-Luc Mélenchon aux élections d’Hénin-Beaumont, un groupe, pourchassant cette dernière à chacun de ses débats publics et composé de nervis et de fanatiques proches des « Indigènes de la République » et d’autres groupes extrémistes qui cherchent la bagarre et la menacent de lapidation, empêche sa tenue. Afin que l’incident ne dégénère pas, Charles Silvestre, secrétaire général des Amis de l’Humanité, chasse ce groupe, l’accusant, en faisant annuler ce débat contre le FN, de faire le jeu de Marine Le Pen. Un incident scandaleux, même si Hervé Poly discute une heure avec un public qui questionne son expérience. »
Charles Silvestre chasse ce groupe qui cependant a empêché la tenue d’un débat ? Alors que nous apprenons que la provocation est classique, comment expliquer qu’à la Fête de l’Huma des dispositions n’aient pas été prises avec un service d’ordre conséquent ? Le terme d’incident est-il approprié ? Si les « intégristes » en question étaient intervenus pendant le débat, nous aurions eu un incident. Mais là ils imposent l’interdiction du débat sur un sujet crucial aujourd’hui ! C’est un pas énorme dans l’offensive de l’intolérance.
Face à l’énormité du fait, j’ai voulu savoir ce que nous dit Caroline Fourest sur son blog : Le sabotage d'hier est certainement rageant, frustrant et impressionnant.
D’abord sa description des assaillants :
« Ce ne sont pas des "islamistes" qui se sont déchaînés hier, mais des gauchistes pro-islamistes. Il y avait bien quelques "enfants" naturels (j'entends politiques) de Tariq Ramadan, décidément très amers. Mais surtout des gauchistes persuadés que toute critique de l'islamisme est forcément raciste puisque dans leur monde binaire, digne du choc des civilisations, il y a le monde de l'Islam contre celui de l'Occident blanc. Les musulmans sont les "damnés de la terre", le voile leur emblème et ceux qui critiquent l'islamisme -- surtout s'ils sont blancs -- ne peuvent être que d'affreux croisés, des sortes de nouveaux colons servant de chiens de garde au racisme post-colonial... »
ET
« Ce qui m'a valu, en 2004, de fermer la porte à un certain Pierre Tévanian, contributeur dans nos pages [Pro Choix la revue de Caroline Fourest[i]] et enclin à prendre le parti de l'islamisme et du voile... Quelques mois plus tard, il devenait l'un des acteurs clefs du rapprochement entre gauchistes et islamistes au sein des "Indigènes de la République". Il était, hier, l'un des meneurs du sabotage. Aux côtés de Saïd Bouamama, connu pour sa rage contre l'universalisme. Leur état de passions, de vengeance, me fait dire qu'ils ont drôlement soufferts de mes méthodes à moi : l'enquête et l'argumentation. »
Caroline Fourest tient donc à le rappeler, que c’est un affrontement au sein de la gauche :
« En France, la gauche universaliste (féministe, antiraciste et laïque) a tenu bon et même gagné face aux confusions mortifères de la gauche différentialiste servant d'alliée objective à la tentation obscurantiste. Peu de pays peuvent en dire autant, surtout en ce moment. C'est pour ça que je tenais à vous le dire. Tant qu'il en sera ainsi, tout va bien. Mieux qu'ailleurs et peut-être que demain. »
Ensuite la description des défenseurs parmi le public :
« Il faut voir leur tête dépitées face à un public qui a tenu bon, horrifié par leurs accusations grossières et leurs méthodes dignes de la propagande d'un autre temps. Il faut scruter (je n'ai pu le faire qu'après coup) cette foule à l'esprit clair scander "liberté d'expression", et le "fascisme ne passera pas" face à une poignée de dogmatiques aveuglés se croyant très à gauche... bien qu'il défendent en réalité l'ordre obscur de dominants, réactionnaires et totalitaires. »
Le bilan est cependant là : pour calmer la situation il a fallu que Caroline Fourest s’en aille.
L’affaire pourrait en rester là et certains me disent même : « inutile de faire du bruit pour si peu. ». Ce blog n’a aucune capacité à faire du bruit, par contre c’est dans Rue89 et dans Le Nouvel observateur que les Invisibles s’expliquent pour changer les "victimes" en "bourreaux" car eux aussi (comme Caroline Fourest) ne manquent pas de relais dans la presse.
En résumé, ils n’ont pas empêché le débat, c’est Caroline Fourest qui est partie et le refuse toujours.
En résumé, le service d’ordre a joué son rôle : « Dans la pratique, la diversion de Bader [prenant un mégaphone pour s’exprimer] a bien fonctionné puisque le service d’ordre l’a mis au sol à deux reprises et étranglé. Mais pas assez bien pour Myrto [l’autre personne devant prendre le relais de la provocation], elle aussi violemment plaquée au sol alors qu’elle tentait simplement de déposer une banane dorée sur la tribune. La violence du plaquage a tellement surpris les militants qu’ils ont abandonné toute la mise en scène prévue initialement pour lui venir en aide. Ce faisant, ils se sont retrouvés une petite vingtaine regroupés devant la tribune. C’est ainsi qu’a commencé notre “micro-manif”. Nous ont rapidement rejoint une autre dizaine de membres du public, protestant contre la venue de Caroline Fourest, d’autres militants nous soutenaient depuis les gradins scandant des slogans contre le racisme. »
Ce long article dénonce plus particulièrement le parti de gauche et des membres du public se montrant racistes sous diverses formes.
Ce qu’on apprend d’utile c’est que les organisateurs de la fête avaient été mis en garde contre l’invitation faite à Caroline Fourest, bien avant le débat. Voici la conclusion de la lettre en question :
« Ces positions islamophobes [de Caroline Fourest] et les accointances qu’elles ont avec celles d’une partie de l’extrême-droite, rendent inadmissible la présence de Caroline Fourest à un débat visant à lutter contre le FN. Les responsables du PCF devraient savoir que l’on n'invite pas à débattre les personnes faisant le lit de ceux que l’on prétend combattre. Mais peut-être que le PCF n’a pas rompu avec un héritage colonial déterminant ses positions sur la question de l’islamophobie ? Nous demandons aux organisateurs de la fête de l’Humanité de se ressaisir en revenant sur leur décision d’inviter C. Fourest qui n’a pas sa place dans une manifestation se voulant antiraciste. »
Pour eux, l’invité aurait dû être Said Bouamama, car cette association prétend dicter sa loi aux organisateurs. Cet échange me paraît très important quant à un juste réflexion sur l'avenir que nous voulons. Jean-Paul Damaggio
[i] J’ai été abonné un temps à cette revue. Caroline Fourest a animé une émission sur France Inter cet été qui ne l’a pas passionné mais elle a droit à la parole bien sûr. Cet article ne vise pas à un face à face entre les pro et les anti Caroline Fourest mais bien à chercher à répondre à la question : « Comment lutter contre le F.N. ? »