Grâce à l’ami Yves Vidaillac j’ai dans mes archives une revue chilienne si exceptionnelle… qu’elle a disparu depuis. C’est le numéro d’avril 2000 et la revue est morte exactement cinq ans après comme beaucoup d’autres revues indépendantes chiliennes. Ils ont été nombreux à verser des larmes de colère ou de crocodile sur cette disparition mais sans rien changer à cette mort injuste.
Rappelons que même sous gouvernement socialiste, 60% de la pub institutionnelle allait au groupe El Mercurio, le groupe de presse le plus à droite. Le reste allant à La Tercera qui ne vaut pas mieux.
Rappelons la longue liste des autres journaux morts surtout après la fin de la dictature :
Análisis (journal emblématique de l’opposition à Pinochet de 1973 à 1990) ; La Época et Fortín Mapocho, Cauce et Apsi ou El Metropolitano et les revues Página Abierta et Los Tiempos.
Il se trouve que dans ce numéro il y avait quelques auteurs bien connus en France avec Danielle Mitterrand, Régis Debray et Alain Touraine. Et aussi des grands noms chiliens comme Carmen Castillo, l’épouse du dirigeant du MIR assassiné Miguel Enriquez, devenue en France documentaliste et dont je me souviens d’un entretien pas triste avec justement Régis Debray publié dans espaces latinos. Elle lui avait posé la question pourtant si simple : « Etes-vous de gauche ? ».
Celle sur laquelle je m’arrête un moment c’est le dernier nom de la liste : Marta Harnecker. Notons en passant que ça fait beaucoup de femmes et c’est une des surprises de la revue : elle était dirigée par une femme, Faride Zeran.
Donc Marta Harnecker qui publie là un résumé du livre qu’elle venait de publier : La izquierda en el umbral del sigle XXI (livre disponible en espagnol sur le site de Rebelion). Un résumé tonique qui nous sort des diagnostiques accablants, pour ouvrir une perspective claire, courageuse, honnête et polémique.
Marta Harnecker est une philosophe chilienne qui était membre du Partis socialiste chilien quand elle a fui le coup d’Etat en 1973 pour se réfugier à Cuba. Formée à la pensée marxiste aux côtés du Français Althusser, elle a eu une grande notoriété du temps où les Amériques étaient en vogue au cours des années 60. Son cas démontre la rupture imposée par Pinochet : après le coup d’Etat beaucoup ont pensé qu’elle était morte car son travail pourtant toujours aussi combattif ne dépassait pas les frontières de l’île qui lui apporta tant.
Nous allons la croiser face à Vazquez Montalban. J-P Damaggio