SAINT-ANTONIN, la culture en 1936

Voici un compte-rendu d’activité publié dans La Dépêche de Toulouse du 16 novembre 1936 qui témoigne d’une activité culturelle à Saint-Antonin Noble-Val, à faire pâlir bien des villes de France. JPD

Société d'études locales
UN AN DE TRAVAIL
 

Par déférence et par gratitude envers tous ceux qui nous ont honorés et aidés de leur agissante sympathie, nous avons voulu présenter ici, comme nous l'avions fait dans notre assemblée générale de septembre, un résumé de l’activité de notre société au cours ce l’année qui s’achève. Ainsi nos amis proches ou lointains verront-ils si oui ou non et dans quelle mesure nous avons mérité leur confiance et justifié l’espoir qu’ils avaient mis en nous.
Dans toutes les directions où nous avions promis de pousser nos recherches l’effort non seulement est entrepris et chemine, mais encore a atteint des réalisations précises et précieuses. En ce qui concerne l’histoire locale, les travaux sont en cours. Les murs de notre musée s’ornent de nombreux documents, curieux ou rares, qu’a dénichés l’infatigable passion de notre ami Raymond Granier. Notre premier bulletin dont la rédaction s'achève, publiera une étude du même chercheur et un travail de notre savant collaborateur M. Donat.
En géologie la prospection se poursuit, les observations s'accumulent, les conclusions se préparent. La collection de fossiles de notre musée s'enrichit tous les jours ; les déterminations de formes rares s'assurent en se multipliant. Nous travaillons en liaison avec des professeurs ou des attachés au Muséum de Paris, qui prennent un vif intérêt et une part active à nos efforts. Une étude, que de hautes compétences estiment déjà magistrale et qui est due à notre jeune ami Cavaillé, va paraître dans la « Revue des Pyrénées ». Notre bulletin en publiera une seconde du même auteur. Enfin, ce bulletin contiendra un essai de climatologie orographique, dû, à la plume de notre érudit et charmant confrère, M l'abbé Galan.
En botanique, non seulement les recherches, depuis très longtemps entreprises, continuent plus que jamais actives, mais encore l'herbier régional est commencé. Le travail avance lentement en raison du très exigeant scrupule que nous tenons à apporter à la préparation et à la présentation des plantes, aux diagnoses, aux considérations critiques sur les variations, l'habitat et la synonymie. Néanmoins, nous tenons déjà à la disposition des curieux une cinquantaine de spécimens définitivement préparés et commentés, dont certains offrent, pour le spécialiste, un très vif intérêt.
En ce qui concerne la spéléologie, la Société a exploré, mensuré et décrit 10 grottes ou rivières souterraines et trois avens totalement ou en partie inexplorés jusqu'à ce jour. Le compte rendu de ces explorations paraîtra dans notre bulletin, où figureront pour la première fois les croquis, coupes et plans, de ces étranges et parfois redoutables abîmes. Les escaliers, rampes et passerelles ont à peu près tous posés. Le courant électrique arrive déjà dans la grotte, où il éclaire les travailleurs que dirige notre excellent ami Rauzet, dont l'expérience, le prudent courage et l'universelle compétence d'artisan sont pour nous un si précieux appoint. Au printemps prochain nous espérons rendre possible et facile à tous la visite de l'une des plus délicates et des plus riches parmi les étrangetés souveraines. Nous demandons au public de vouloir bien patienter encore quelques mois : actuellement la visite de la grotte n'est pas tout à fait sans danger. Chacun comprendra que la responsabilité de la société est dangereusement engagée tant que les contrats d'assurance, en voie d'établissement ne sont pas parachevés. Ajoutons enfin que les fouilles ébauchées dans le diverticule, et qui ont donné lieu déjà à de si importantes constatations, vont être reprises dès le temps chaud.
Le musée local, grâce en partie au zèle intarissable et fougueux de nos camarades Régi et Bès, s'enrichit et s'organise rapidement. Et nous sommes heureux de remercier ici, avec une gratitude particulièrement instante, le conseil municipal de notre ville, qui vient de nous accorder, au prix d'un sacrifice dont nous savons le poids, la seconde salle de notre monument. Que nos compatriotes nous permettent aussi de leur dire avec quelle émotion reconnaissante nous avons constaté l’accueil chaleureux qu'ils ont fait à notre initiative, et l'empressement unanime qu'ils mettent à orner notre musée des pièces les plus curieuses, les plus rares et quelquefois les plus touchantes.
En ce qui concerne enfin la préhistoire, nous devons un spécial hommage à M. Dumas, propriétaire de l'abri de Fontalès, qui a bien voulu nous confier, de façon très expressément exclusive, le soin d'exploiter son riche gisement. Qu'il sache à quel point sa charmante bonne grâce, si parfaitement éclairée, nous a touchés, encouragés et servis. En effet sous la direction de l'un des meilleurs parmi les nôtres, de Paul Darasse (qui trouve piquant de déguiser une vaste, sûre et fine érudition sous les espèces d'un pêcheur à la ligne ingénu et narquois) de remarquables découvertes ont été faites déjà. Outre un outillage magdalénien riche et très divers et qui comprend d'authentiques silex en scie, des polissoirs, des harpons, des aiguilles, etc..., la collection de notre musée possède dès maintenant trois pièces capitales : un dessin d'équidé, au trait, sur calcaire, un fragment d’os plat gravé d'une fine tête de saïga, et enfin une pièce strictement unique à ce jour : une pendeloque en os, à l'anneau nettement détaché et ornée d'une tête chevelue de bison. Est-il besoin de rappeler à nos compatriotes que ces fouilles exigent, contrairement à ce qu'on pourrait croire, beaucoup d'information et beaucoup d'expérience ? pourquoi faut-il que nous ayons à dire ici que, la semaine dernière encore, un très beau harpon à barbelures unilatérales a été brisé et abandonné par un fouilleur d'occasion, mal informé et maladroit ? M. Dumas lui-même nous prie de rappeler au Public qu'il a confié à Paul Darasse, et à lui seulement, le soin de pratiquer des fouilles à Fontalès. Une fois de plus nous supplions nos collaborateurs et nos meilleurs amis eux-mêmes, de vouloir bien consentir, même s'il leur en coûte un peu, le sacrifice de ne fouiller que dans la compagnie, sous la direction et avec les conseils de notre ami Darasse.
Nous sommes sûrs, au reste, que notre très pressante prière sera comprise et entendue. Aussi est-ce avec le plus joyeux et confiant espoir que, à tous, pour tous et de tout cœur, nous disons merci, — Le secrétaire Pierre Bayrou.