L'Art et les artistes. 1931/10-1932/02.
MARCEL-LENOIR
A TRAVERSces pensées que Marcel-Lenoir écrivait avec « l'espoir, disait-il, que j'arriverai à débarrasser ma cervelle de tout l'inutile qui l'encombre », on peut lire celle-ci : « Dormir, dormir!... Oh! mort, seule salvatrice de la douleur, me berceras-tu quand sonnera l'Angelus au crépuscule de mon ultime souffrir ? J'aurai tant besoin de repos ».
Puis quelques pages plus loin : « Quelle sera donc la dernière pensée que j'écrirai ? Je me souhaite qu'elle soit la joie de vivre ».
Souffrance et joie, toute la vie de Marcel-Lenoir, sa vie de peintre, sa vie d'homme, sa vie de père, sa vie physique comme sa vie morale, fut partagée entre l'une et l'autre. Mais c’est lui aussi qui ,parlant du chant, semblable à celui de la terre natale dont on aime se souvenir mais contraire, celui du lieu futur, répliquait :« l'hosanna de la mort ». Il a entendu cet hosanna l'accueillir, cet été, dans le petit village de Montricoux où il prenait ses vacances.
Sa vie ne fut guère qu'une suite de batailles. Bataille d'abord contre la misère lorsque, jeune provincial tombé à Paris, il passait des journées à copier les primitifs au Louvre, ou lorsque sur le boulevard Saint-Michel il vendait lui-même ses dessins. Batailles ensuite picturales et spirituelles : il s'acharnait dans la défense de ses convictions ; il exigeait constamment de lui et de tous ceux qui essayaient de le suivre une discipline tenace, quelquefois désespérante ; il refusait les chemins aisés et préférait s'épuiser, victorieusement d'ailleurs, à la solution de difficiles problèmes.
Une des plus fécondes batailles qu'il gagna fut celle de la rénovation de la fresque dont il alla rechercher les éléments chez les maçons eux-mêmes. Et un des plus grands problèmes qu'il résolut fut celui du but supérieur de la peinture qui était, comme le résuma ici M. Stanislas-.
Fumet, « de dire dans un langage concret des vérités universelles, sans les traduire, mais en les situant plastiquement, solidement dans l’espace .».
C'est sans doute à cette bataille continuelle que Marcel-Lenoir acquit cette originalité véhémente et absolue de caractère, à laquelle il dut en grande partie d'être à demi méconnu ;
mais son talent et son travail si puissants et personnels commençaient à lui ouvrir l'audience du public ; il faut souhaiter que dans un proche avenir celui-ci puisse comprendre pleinement la valeur du grand artiste de la Crucifixion aux Masques et de Jeunesse, et qu'une large manifestation lui fasse mieux connaître ces richesses restées trop longtemps cachées en haut d'un atelier difficilement franchissable.
Sur l'œuvre du maître du Couronnement de la Vierge, nous ne pouvons mieux faire aujourd'hui que renvoyer nos lecteurs aux articles et aux notes que depuis vingt ans l'Art et les Artistes lui a consacrés. Marcel-Lenoir laisse inachevée une formidable fresque à laquelle il travaillait depuis longtemps, et qu'il intitulait A la gloire de Dieu ; elle devait se développer en plein air sur un espace de 600 m2 dans un immense cadre architectural conçu par lui-même. Il en reste heureusement de nombreuses études qui seront pieusement recueillies.
Dans le même numéro on mentionne Cladel pour le salon d’automne :
LA SCULPTURE
Maillol dominé toute cette intéressante section par son ample figure méditative, lourde de pensées. D'autres figures très remarquables l'entourent : celle d'H. Parayre, la Femme à la draperie de Guénot, noble et fier marbre à la grâce sereine ; la Jeune Femme accoudée de G. Contesse dont le style est pur ; le frêle nu de Cazaubon ; la Femme se coiffant, largement traitée, d'Hubert-Yencesse ; le nu de Popineau, qui cependant a moins de charme que les précédents ; la Figure allongée de Cladel…