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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 14:35

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Voici un entretien issu des Lettres Françaises de 1990. Les propos ont été recueillis et traduits par Georges Tyras qui a publié un livre d’entretiens avec MVM en 2004 à La renaissance du Livre. JPD

Lettres Françaises : Manuel, vous êtes en France sur invitation de l'Université, qui a inscrit votre œuvre romanesque au programme d'étude de ses étudiants. Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
Manuel Vazquez Montalbàn : Le symptôme encourageant d'un intérêt nouveau pour une littérature vivante. L'Université est en général plus à l'aise avec les auteurs morts, parce que lorsqu'il quitte le territoire rassurant du savoir érudit, de la bibliographie critique, l'enseignant universitaire est obligé de prendre des risques. Disons qu'avec des écrivains vivants mais qui ont accumulé les annuités en tant qu'écrivains, le risque est moindre...
L.F : Jean Patrick Manchette voit dans la récupération du roman noir par la critique universitaire un signe de légitimation, donc une raison d'abandonner le genre.
M.V.M. : Ce n'est pas faux, mais si on poussait ce raisonnement jusqu'au bout, on aurait en permanence notre baluchon sur l'épaule, pour ainsi dire. On finirait par nous expulser de toutes les maisons par où nous passons en tant qu'écrivains, si on ne se défaisait pas de la crainte de voir notre œuvre soumise à analyse. A la différence de Manchette qui, je pense, s'est volontairement réfugié dans une littérature qui pouvait lui sembler plus provocative, plus maudite et plus perverse, je n'ai pas été rechercher sous le toit du roman policier la preuve de ma marginalité. Ça ne m'a pas gêné non plus de la trouver là.
L.F. : Votre venue, initialement prévue pour mars, a dû être reportée en raison de vos activités de journaliste et d'intellectuel contre la guerre du Golfe. Il y a compatibilité naturelle entre ce labeur militant et votre conception du métier d'écrivain ?
M.V.M. : Qu'il soit clair que je n'ai pas pris parti dans la guerre du Golfe en tant que militant politique, par engagement dans une organisation concrète, mais face à l'horreur de ce conflit en tant que répartition inégale des rôles entre ceux qui meurent et ceux qui tuent. On a beaucoup attaqué les pacifistes, y compris depuis des positions de gauche, sous le prétexte que la vie n'est pas toujours une valeur absolue, qu'il faut parfois la risquer pour une cause juste plutôt qu'être munichois. C'est une stupidité fondée sur une méconnaissance flagrante de l'histoire. Et dans cette guerre, il y avait trop de bombes intelligentes d'un côté et une trop grande capacité de sacrifice de l'autre. Et quand une culture intellectuelle qui se revendique parfois de la gauche proclame quelle est disposée à mourir, c'est extrêmement dangereux, parce que ça veut plutôt dire qu'elle est disposée à tuer.
L.F. : Contrairement à l'Espagne, où l'ensemble quasiment unanime des intellectuels s'engageait pour la paix, y compris en fondant de toutes pièces un journal pour la Paix, l'intelligentsia françaises, du moins celle qui s'exprimait, ne s'est guère engagée, depuis un Le Clezio déclarant récemment que la guerre aurait pu le pousser à cesser d’écrire, jusqu'à un Lévy qui se prononçait pour l'intervention occidentale.
M.V.M. : Dans le premier cas, c'est un renoncement que je ne comprends pas. Dans le second, il y a longtemps que pour moi les prestations de B.-H. L. font partie de l'histoire de la pitrerie plutôt que du comportement intellectuel. Elles expriment aussi son dépit de ne pas avoir pu être Sartre. J'ai le sentiment que la croisade, pleine de mépris et de vitupérations, que ce monsieur a entrepris contre la fonction des gourous intellectuels du passé ne traduit que son propre dépit pour être arrivé trop tard, dans un monde où les gourous ne sont plus possibles.
L.F. : Il y a quelques années, vous qualifiiez l'Europe de "servante raisonneuse des Etats-Unis". Vous le pensez toujours ?
M.Y.M.: Non. Elle est devenue la servante soumise des Etats-Unis.
L.F : Est-ce que les médias n'ont pas contribué à élaborer cette image ?
M.V.M.: Ils ont en tout cas atteint un degré de corruption impensable. Dans son immense majorité, la presse n'a véhiculé que le discours officiel.
L.F. Est-ce que l'engagement ou la défense de positions éthiques sont rendus plus faciles à concilier avec l'écriture par le choix d'un genre comme le roman noir ?
M.V.M. : Ça ne devrait pas être le cas. Lorsque je fais de la poésie ou du journalisme ou du roman "blanc", je reste la même personne et j'utilise des mécanismes de connaissance similaires. C'est vrai que le genre noir offre une certaine technologie, celle du discours réaliste, à un moment où il était difficile d'y avoir recours, parce qu'il était grillé, en quelque sorte. Mais je ne vois pas pourquoi une littérature capable de se prononcer et d'intervenir sur l'histoire devrait nécessairement être noire.
L.F. : Parce que, pour reprendre vos propres termes, le roman noir est l'instrument idéal d'exploration du sous-sol de la société.
M.V.M. Ce que je veux dire, c'est que le roman noir a un fonctionnement textuel qui lui permet, mieux que tout autre type de roman, d'affiner la connaissance des limites qui séparent, dans notre société organisée, ces deux vérités sans cesse conciliées : la politique et le délit, la légalité et 1’illégalité, le sol et le sous-sol. Les conditions de naissance de ce genre romanesque l'ont doté d'une poétique, la question du point de vue, la nécessité de l'investigation, etc..., qui en font un outil merveilleux pour aborder tout ça depuis la perspective de la chronique, du témoignage. Mais il est sans doute possible de le faire depuis d'autres types d'écriture, d'autres formalisations. Le roman noir a la capacité de dresser un acte notarié de la réalité avec suffisamment de filtres poétiques pour que le constat ne passe pas pour une sanction politique, pour une proposition de vérité absolue, bref pour tout ce qu'a pu représenter dans le passé une certaine littérature d'endoctrinement. Ses mécanismes de mise à distance le sauvent de la tentation du messianisme.
L.F. Le Seuil annonce la parution de Galindez, roman de type historique. Est-ce que les mécanismes que vous évoquez pour le roman noir valent pour le genre historique ?
MY.M.: Tout dépend de ce qu'on entend par là. C'est une étiquette qu'on a été jusqu'à appliquer aux romans de d'Ormesson Pour moi un roman "historique" est un roman qui se base sur un fait appartenant à notre histoire récente et qui intervient sur notre histoire actuelle. Galindez est un roman qui part d'un événement appartenant à l'histoire du sous-sol de la résistance contre Franco, l'enlèvement à New York, en 1956, d'un représentant du gouvernement basque en exil, Jesus de Galindez, séquestré, torturé et assassiné dans les geôles de la République dominicaine de Trujillo. Ce roman, pour moi, est comme un exercice d'éthique comparée : évaluer la musculature morale qu'on cultive de nos jours par rapport à celle de ceux qui ont fait la guerre civile et la résistance.
L.F. : Comment expliquez-vous la floraison du genre après 1975, tout comme celle du roman noir, d'ailleurs, alors que du point de vue de l'histoire littéraire, il semble que la mort de Franco soit, selon votre expression, "une ligne imaginaire".
M.V.M. : Les choses ne sont pas aussi claires. C'est vrai pour le roman historique, mais il s'agit d'un roman historique hors de l'histoire qui, pour fuir l'engagement de l'actualité, effectue une recréation archéologique du passé. C'est un roman ludique, un jeu intellectuel de reproduction qui n'est pas conditionné par les mutations de la société. Il peut se faire que Franco soit mort ou vivant. Quant au roman noir, il apparaît avant la mort de Franco, avec Pedrolo ou Fuster. Tatouage est de 1974. Un Andreu Martin approche le genre par des voies parallèles. Ce qui est vrai, c'est que la mort de Franco permet de clarifier définitivement les possibilités d'utilisation du genre. Il est indubitable que je n'aurais pas pu écrire la solitude du manager sous la dictature, à cause de la façon d'évoquer le rapport à l'institution policière, la description du processus politique, la clarté de la critique idéologique, la liberté sexuelle qui envahit l'écriture, etc... Mais pour ce qui est de la fonction du genre, la mort de Franco n'a pas changé la nature d'une société qui permettait déjà d'assumer la convention du roman policier critique.
L.F. Est-ce que la relation entre la production littéraire et les conditions socio-historiques d'élaboration est toujours aussi claire ? Par exemple, pour ce qui est de l’émergence du roman noir, peut-on comparer l'Espagne des années 70 aux Etats-Unis des années 20 ?
M.V.M. Ce n'est pas évident. Les années 70 signifient la définitive homologation de la société espagnole dans ce qu'on peut considérer comme une société capitaliste avancée, au terme d'un processus d'intégration commencé dix ou quinze ans auparavant. Les Etats-Unis des années 20 en sont à ce stade depuis longtemps, c'est une société hyper-capitaliste, hyper-compétitive, dans laquelle des intermédiaires, dont le détective privé parmi d'autres, aident à survivre dans une jungle urbaine qui n'a plus grand chose à voir avec celle des aventures de Jules Verne !
L.F. Quel rôle a pu jouer, pour son émergence en Espagne, la connaissance du roman noir américain ? Dans un ouvrage qui a fait date au milieu des années 50, l'Heure du lecteur, le critique José- Maria Castellet consacre tout un chapitre à Dashiell Hammett...
M.V.M.: Ce livre représente en Espagne un fantastique effort d'actualisation du savoir sur la littérature, qui se fonde sur un travail critique déjà engagé en France pour comprendre la fonction de l'écrivain, celle du point de vue dans le roman, etc... Il apporte, par exemple, toute une information neuve sur ce que signifie le "Nouveau Roman" en tant qu'expérience d'avant-garde, la question des rapports entre la fonction de l'écrivain et celle du lecteur, ce que signifie le behaviourisme dans cette relation — et c'est là que se place l'étude sur Hammett ce que signifie la sociologie littéraire comme méthode d'investigation, la part du sartrisme dans la connaissance littéraire de l'époque. Dans un livre, tout à coup, nous avons reçu l'impact de tout ce qui se faisait à ce moment en Europe dans le domaine de la théorie du roman. Ce texte a marqué non seulement les écrivains des années 50, mais aussi ceux qui vinrent après.
L.F. Aujourd'hui le maître-mot de la théorie littéraire est celui de post-modernité, qui prône, pour le plaisir du texte et la communicabilité immédiate, un effacement des frontières génériques.
M.V.M. : Il y a une pratique pure et dure du roman noir, et puis il y a une ligne moins fondamentaliste, que pour ma part je revendique, qui consiste à utiliser des éléments techniques du roman noir pour revivifier un discours de type réaliste. L'accueil que fait la post-modernité au roman noir, l'utilisation du patrimoine, la liberté de se revendiquer de n'importe quelle tradition, n'importe quel code, culturel ou linguistique, vont dans ce sens. Je dirais même que ce sont des instruments de remplacement des tentations avant-gardistes, une reconnaissance de l'impossibilité de toute avant-garde. Mais je nuancerais aussitôt par la voie de la légitimation de tous les héritages, on peut finir par légitimer un retour à la rhétorique, un retour à la formule comme élément sécurisant. J'accorde au contraire toute sa valeur au principe selon lequel toute proposition artistique implique une proposition de viol. Pour moi, est littéraire et créatif le texte qui, même s'il se réclame, selon un critère post-moderne, d'une quelconque tradition littéraire, la viole en même temps qu'il l'assume. Il n'y a créativité qu'à travers le viol. Sinon, ce n'est que de la reproduction.
L.F. : Seriez-vous d'accord pour estimer que vous assumez l'héritage narratif dans au moins deux directions : celle du roman noir de la série Carvalho répondant à une sorte d'urgence testimoniale, et celle du roman "blanc", à coloration historique, comme Galindez ou le Pianiste, faisant davantage appel au traitement de la mémoire...
M.V.M.: Je n'accorde aucune importance à la notion d'urgence. J'en proposerais une autre qui serait la capacité à faire de la littérature sous la provocation de l'immédiateté. Mais sans aucune sensation d'urgence. C'est une sensation qu'on ne peut ressentir que si on pense avoir affaire à une littérature indispensable et c'est une vision des choses dépassée désormais. La littérature que je fais m'est indispensable à moi. Je ne sais pas si elle l'est pour la société. Ce que l'on peut manipuler d'un point de vue littéraire, c'est l'immédiateté. C'est un défi qui n'est pas seulement éthique, mais aussi technique. Ce que l'on ne peut pas faire, au nom d'un défi qui ne serait qu'éthique, c'est légitimer n'importe quoi sous prétexte qu'il faut privilégier une littérature de discours politique.
L.F. Et la mémoire comme matériau de base de Galindez ?...
M.V.M. Pas tant la mémoire qu'une réflexion sur ce qu'on pourrait appeler l'éthique de la résistance. Qu'est-ce que ça veut dire résister ? Refuser d'assumer le pouvoir, refuser l'ordre établi. Quel sens ça a eu, quel sens ça a pris. Ça me paraît terriblement nécessaire d'aborder cette question parce qu'on est en train de nous inculquer le principe de l'inutilité de la résistance et de la critique. On veut nous faire croire que la critique est une survivance, pas une nécessité. Et je suis en désaccord total, surtout dans un monde qui tend à se rapprocher par d'autres chemins du modèle évoqué par Orwell dans 1984. On s'attendait à ce que 1984 nous arrive par l'Est, et il nous arrive par le Nord. Parce que c'est le Nord qui est en train de nous enseigner la vérité unique, le marché unique, l'armée unique.
L.F. : Le succès de vos romans ne nuit-il pas à la crédibilité de leur propos ? Dans le dernier épisode de la série Carvalho, Le Labyrinthe grec, les préventions d'un écrivain "rouge, très rouge" s'effondrent devant l'importance d'un chèque destiné à lui acheter une Autobiographie de Franco.
M.V.M. Le succès est quelque chose de tout à fait mystérieux et incontrôlable. Je ne crois pas qu'on puisse extraire la quintessence du best-seller. Cette Autobiographie de Franco, je suis en train de l'écrire. C'est un jeu ironique sur le rôle de l'écrivain, le mien en particulier. Je me moque de moi- même mais l'histoire dira qui se moque de qui. Je ne récupère pas l'éthique. Il n'y a rien à récupérer dans l'éthique. Je crois que chaque époque a besoin de définir la sienne. Je ne me livre pas à un exercice comparatif pour conclure que les gens de la résistance contre Franco avaient davantage de valeur éthique.
En grande partie, ils ont été obligés d'agir comme ils l'ont fait. Chaque époque crée sa musculature. Sous Franco, il fallait être des athlètes ; à notre époque, on est plus sédentaire, on a les muscles plus mous. Et on change de chemise plus souvent. On se sent moins contraint par le dramatisme de l'histoire. Et puis tout à coup le dramatisme de l'histoire se produit. Alors il faut dire quelque chose, il faut prendre position. C'est une réflexion que j'ai engagée déjà dans un roman qui n'est ni blanc ni noir, les Thermes, qui traite d'une Europe heureuse où il ne se passe jamais rien, mais quand il se passe quelque chose, alors c'est comme le retour de la bête.
L.F. : L'amertume historique de Carvalho est de plus en plus sensible. Quelle part de vous y a-t-il dans le personnage ?
M.V.M. : Pepe a une conduite qui lui est nécessaire en tant que personnage. Je ne vois pas pourquoi mes états d'âme devraient intervenir.
L.F. : Dans le Labyrinthe grec pourtant, la biographie fictive de Pepe mêle des traits littéraires, par exemple son passé d'agent secret, à des détails tirés de votre propre expérience, comme le séjour en prison de 1962.
M.V.M. : Oui, jusqu'à présent, je n'ai jamais été, que je sache, agent de la CIA. C'est une donnée qui est propre au personnage. Mais tu as raison, toute la série Carvalho est fondée sur cette tension entre lui et moi. Lorsque tu crées un personnage, s'engage un processus de simulation qui fait que le personnage se comporte comme tu te comporterais toi si tu étais le personnage. C'est ce qui justifie la fameuse réplique de Flaubert. "Madame Bovary, c'est moi", ça veut dire que si Flaubert avait eu les caractéristiques sociales et sexuelles de Madame Bovary, il se serait comporté comme elle.
L.F. Deux thèmes manifestent de plus en plus fortement l'emprise du réel sur votre écriture. Celui de la spéculation foncière, d'abord.
M.V.M. : C'est qu'en Espagne, c'est devenu une préoccupation obsessionnelle. Pour ne pas parler de Barcelone, où la principale source de richesse de l'oligarchie a toujours été la spéculation du sol. Ça n'a fait qu'empirer avec la récente période de croissance économique. Les périodes de croissance ont toujours reposé sur des procédés assez sauvages. En théorie, cette cité marchande qu'est Barcelone devrait avoir un cerveau, c'est-à-dire des institutions démocratiques, mais elles ont été débordées par le défi olympique. Pour achever les travaux, il a fallu s'assurer la complicité d'une bourgeoisie spéculatrice et du capitalisme privé. La spéculation foncière est devenue sauvage. Dans mes romans, la ville est un labyrinthe à la fois symbolique et réel. Ce thème devait logiquement apparaître.
L.F. Les Jeux Olympiques sont une fracture supplémentaire ?
M.V.M. Disons que les embellissements du paysage urbain qu'ils provoquent ont peu de chance de résoudre les problèmes humains des habitants. Par ailleurs, dans cinquante ans, comment saura-t-on si ce sont les bons choix qui ont été faits ? Les réalisations conduites par un maire pragmatique qui avait la force politique derrière lui pour imposer ses vues sur d'autres projets sont tout ce qui restera. Les Jeux auraient pu constituer la première occasion pour les citoyens d'exprimer leur opinion sur les mutations de leur cadre de vie. Cette possibilité a été immolée sur l'autel de la rentabilité privée.
LF. : L'autre thème exemplaire est celui de l’homosexualité, comme comportement de rupture.
M.V.M. : Dans une société comme la société espagnole, l'homosexualité est encore un exemple de conduite limite, dont l'observation m'intéresse, en soi et en tant que provocation. Dans la Joyeuse Bande de Atzavara, j'utilise ce facteur de provocation pour démontrer l'hypocrisie du changement, au sens où, à un moment qui est celui de l'euphorie du changement, on croit que tout est possible, et puis, deux ans plus tard, on se rend compte que la société s'est stabilisée, qu'elle a retrouvé une hiérarchie de valeurs traditionnelles. Et c'est de nouveau l'occultation de l'homosexualité, et sa revendication comme pratique sexuelle de provocation. Ce qui m'intéresse, c'est la psychologie particulière de l'homosexuel, qui est toujours un étranger par conscience de son exception, et la problématique du regard sur les autres, conditionné par la pression sociale.
L.F. : Le traitement du sida dans le Labyrinthe grec renvoie à la question de la pression sociale?
M.V.M. Chaque époque à besoin de sa peste. Dans mon enfance c'était la tuberculose. Ce qui est sarcastique, c'est que le sida est devenu le cilice de notre temps, un cilice qu'on n'a pas besoin de porter: on l'a dans la tête. Et il joue un rôle répressif terrible, non ? De régression totale. Qui coïncide avec un reflux général dans tous les domaines, où domine la peur de perdre ce que l'on possède : le travail, la santé, la sécurité, etc... C'est la fin de l'idée de pro- grès, une sensation de sauve-qui-peut.
L.F. : Vous êtes à l'image de vos textes, Manuel, terriblement désenchanté...
M.V.M. : Je suis indigné par notre tendance à l'autosatisfaction, par la complaisance avec laquelle nous regardons le monde que nous sommes en train de construire. Dans le même temps, nous, citoyens du Nord, nous en détruisons un autre, et il y a une relation dialectique entre cette destruction et cette construction. C'est une faute terrible de ne pas le reconnaître. Jusqu'à présent, c'était la volonté exclusive d'une tendance idéologique de la droite. Mais elle a gagné de larges secteurs de la gauche. Et son engagement dans cette falsification de l'histoire me paraît lamentable, comme une véritable trahison.
L.F. : L'écrivain lui-même ne peut plus agir sur le monde?
M.V.M.: Il le peut. Je dirais même qu'il le doit, aussi longtemps qu'existera ce que nous appelons la division du travail, qui reste en vigueur malgré la fin des régimes de l'est. Il faut qu'il soit bien conscient des rythmes de cette action. Le temps n'est plus où un écrivain post-romantique pouvait rêver de changer le cours de l'histoire avec un poème. De nos jours, on sait que l'histoire ne change pas même avec toute la programmation de la télé américaine.

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