Encore le 22 décembre, Martin Malvy était tout à fait serein quant à l’avenir de Bordeaux-Toulouse, du moins en séance publique du Conseil régional. Deux mois après, il envoie une lettre à Fillon au moment où se tient la simple réunion d’une association ! (voir compte-rendu de la présence de Pépy). Pourquoi ce revirement car je vous l’assure il y a revirement comme je vais le prouver. Trois phénomènes se télescopent pour faire trembler l’édifice : la crise financière (un projet basé sur un emprunt énorme, quand les taux augmentent les coûts flambent), les élections présidentielles, « le débat Claraco » comme l’appelle Pépy.
Crise financière
La Dépêche d’aujourd’hui rend compte de cette réunion avec les propos de Malvy :
« Le système imaginé par le gouvernement est fou : demander à 58 collectivités territoriales de financer. » Heureusement, elles sont 26 à avoir refusé de signer la Convention donc ce système est déjà simplifié ! Blague à part Monsieur Malvy, ce système, c’est vous qui l’avez demandé sinon Bordeaux-Toulouse n’était pas dans le projet GPSO. Il est de bon ton de taper sur le gouvernement aujourd’hui (voir point suivant) mais il faut assumer d’autant que…
Suite du propos de Malvy :
"Nous proposons d’arrêter de financer Tours-Bordeaux, et de prendre en compensation l’intégralité du tracé Sud-Gironde-Toulouse à notre charge."
Les conseillers de Monsieur Malvy doivent lire ce blog car c’était la proposition minimum et de bon sens que je faisais au moment du vote de la Convention intervenu il est vrai, il y a une éternité, à savoir un an ! Malvy explique que ce qu’il donne pour Tours-Bordeaux c’est ce que l’Aquitaine donne pour Bordeaux-Toulouse donc on fait l’échange et l’affaire est faite. Mais combien sont-ils à avoir cru que Malvy avait négocié en s’assurant qu’il ne paierait Bordeaux-Tours que si Bordeaux-Toulouse se faisait ?
Pourquoi cette crainte subite et pourquoi écrire à Fillon ?
Car comme l’indique Le Petit Journal ce sont les trois : Izard, Cohen, Malvy qui ont la même démarche et qui proposent au gouvernement :
« Soit les collectivités de Midi-Pyrénées cessent de payer pour Tours-Bordeaux et assurent ensuite la totalité de la participation des collectivités à Bordeaux-Toulouse ; soit leur contribution à Tours-Bordeaux est considérée comme une avance que les collectivités d’Aquitaine rembourseraient quand commenceraient les travaux sur Bordeaux-Toulouse. La somme n’aurait plus à être déboursée par les collectivités de Midi-Pyrénées. Cette deuxième formule a l’avantage de simplifier l’affaire dans la mesure où les collectivités de Midi-Pyrénées ont déjà commencé à payer pour Tours-Bordeaux explique-t-on au Conseil régional. »
Vous suivez la simplification ? Encore, il y a trois jours on m’assurait que le Conseil régional n’avait rien versé pour Bordeaux-Tours ! Au moins c’est clair, les chèques (non les mandats) ont bien été signés. Charles Marziani nous l’avait indiqué, EELV nous avait dit non.
Mais pourquoi écrire à Fillon ?
Parce que, et nous sommes les seuls à pouvoir le dire grâce à la lecture attentive de la Convention de financement, s’il y a rupture du contrat il faut écrire à Fillon qui a 60 jours pour être d’accord sinon on va devant le tribunal administratif.
L’élection présidentielle
Il n’aura échappé à aucun lecteur que nous sommes en période d’élection présidentielle et ce délai de 60 jours nous renvoie après la défaite de Sarkozy, donc à un règlement du dossier entre socialistes. Si par malheur pour le PS, Sarkozy était élu alors les retours de bâtons seraient sans doute saignants !
En effet, il s’agirait d’un simple changement d’écriture : je ne paie p lus aujourd’hui et je paie demain. Mais qui va payer aujourd’hui une LGV en construction entre Tours et Bordeaux, construction dont je vais parler dans un autre article et qui nécessite un minimum d’étude du contrat de concession qui en règle juridiquement les principes. Qui propose cette étude ?
« Le débat Claraco »
Voilà que dans ce contexte, Le Lot-et-Garonne, maillon faible de l’édifice (mais ils sont tous devenus faibles), annonce qu’il paie Tours-Bordeaux mais pas Bordeaux-Toulouse suite à l’étude Claraco. L’association d’élus qui a porté ce projet a parfaitement su jouer de l’actualité et il faut donc rendre hommage à son travail. J’avoue que je craignais qu’elle arrive trop tard. Ils connaissaient l’expérience d’une étude alternative au pays basque qui a été sans suite aussi, ils se sont d’abord consacrés à l’action en direction des élus du Conseil général. C’est parce que le Conseil général a été secoué que l’étude prend de l’importance. Le contenu technique de l’étude est une chose, les suites politiques une autre, et ce sont elles, qui mettent le feu aux poudres car c’est maintenant un enchaînement de phénomènes qui s’opèrent. Puisque le Lot et Garonne ne paie plus pour Toulouse-Bordeaux, Midi-Pyrénées ne veut plus payer pour Tours-Bordeaux mais que dit Alain Rousset qui doit aujourd’hui ronger son frein ? Car c’est lui qui va devoir avancer des sommes colossales dès à présent !
L’impossible facture
Pierre Izard : « ça fait 24 ans que je me bats pour la LGV [comme vous le constatez, un combat très antérieur au nouvel aéroport qui, à cette époque là n’était même pas dans les cartons] et mon enthousiasme commence à être mis en péril. »
En donnant les chiffres 2011 aujourd’hui - 5,7 milliards pour Bordeaux-Toukouse- je crains que RFF n’ait eu envie de voler au secours de Fillon car ce dernier n’a pas entre les mains que la lettre de Malvy disant qu’il ne veut plus payer Tours-Bordeaux : il doit valider le tracé Bordeaux-Toulouse. Cette validation devait intervenir sans problème fin janvier puis a été reportée fin février (La Dépêche indiquant que c’était imminent) et voilà que la décision est reportée fin mars, moment propice pour prendre une telle décision !
C’est sur ce blog que nous avons, les premiers, annoncés la facture de Bordeaux-Toulouse pour le Conseil régional à un moment où nous n’imaginions pas qu’il fallait aussi ajouter les factures de Tours-Bordeaux, Bordeaux-Espagne et le tronçon commun. Par la suite j’ai entendu des conseillers régionaux confondre le versement pour Tours-Bordeaux et le versement pour Bordeaux-Toulouse. Non messieurs, ce n’est pas 200 millions pour Bordeaux-Toulouse mais aujourd’hui avec les réajustements qu’il faut calculer (le montant est un pourcentage du prix total) sans doute le triple. Or le Conseil régional a des recettes pour payer (la part spéciale de TIPP que nous payons déjà à la pompe) mais pas les autres collectivités territoriales [et ça aussi il faut le répéter dans les Conseils généraux] le trou s’approfondit.
Conclusion
Par cette phrase : « Nous proposons d’arrêter de financer Tours-Bordeaux » Malvy sait très bien qu’il sonne le glas de Bordeaux-Toulouse. Bien sûr, il dit que non, c’est juste un transfert, mais un transfert impossible car il veut rompre un contrat que les autres parties n’ont pas modifié, donc il est perdant devant la justice sauf accord amiable. Après le glas viendra l'enterrement. 1-03-2012 Jean-Paul Damaggio.