Il aura fallu l’échec le plus cuisant du PS pour qu’enfin la Gauche unie (Izquierda Unida) sorte des bas-fonds (voir évolution du vote sur le tableau). Le parti étant passé de 4 à 7 % et, vu la loi électorale, de 2 à 11 députés, le phénomène n’a pas pu passer inaperçu. Cependant toute lecture trop rapide peut conduire au contre-sens.
D’abord comme le prouve le tableau de la participation, malgré les manifestations considérables qui ont crié à l’adresse des politiques : « Non, Non, Non, vous ne nous représentez pas » le taux de votants reste très élevé pour un pays européen (73,8 autant qu’en 2008). En conséquence, la méfiance envers les politiques n’a pas entraîné un effacement du politique. Conséquence : le vote pour la gauche unie me semble plutôt un vote de défiance envers les deux autres grands partis qu’un vote en faveur des idées d’IU. Comme je l’avais indiqué suite aux précédentes élections régionales, ce mouvement est divisé entre ceux qui se radicalisent et refusent d’aider le PS, et ceux qui pensent encore au moins pire. Dans le cadre d’élections législatives dont tout le monde savait que la droite les emporterait, la difficulté d’IU n’était pas la même que dans le cadre d’élections régionales où des élus IU pouvaient faire élire ou pas un président de région PS. Dans une région (Salamanque), IU a préféré s’abstenir faisant ainsi basculer la région dans les bras du parti de droite.
En 2011 la campagne de Cayo Lara, chef d’IU, a renvoyé dos à dos, PS et PP presque sur le thème « blanc bonnet et bonnet blanc » donc l’avenir semble encore plus compliqué que le présent, pour l’élaboration d’une réelle sortie de crise démocratique. Les défenseurs du PP appuient sur tout ce qui divise la gauche, et le PS, totalement défait ne sait s’il peut en déduire qu’à l’avenir son discours doit être plus à gauche pour ressouder l’opposition.
Ce phénomène se retrouve à droite avec le succès du parti de Rosa Diez (UPy D), un parti qui est né seulement en 2007 (IU est né en 1986), qui se place au centre, tout en venant d’une scission du PS ! Ce parti passe de un élu à quatre et ajoute donc au grignotage du bi-partisme qui n’existe plus en Allemagne, et qui a du mal à exister en Angleterre. Vargas Llosa a appelé à voter pour ce parti en espérant que le PP n’ayant pas la majorité absolu il soit obligé de négocier avec ce parti afin d’éviter toute dérive autoritaire. La montée de ce parti clairement opposé aux nationalismes (il demande que l’Etat puisse récupérer les compétences en matière d’éducation et de santé) n’a pas empêché surtout au Pays basque, le succès des indépendantistes de Amaiur.
En conséquence toute comparaison avec la situation en France serait hasardeuse. Dans notre pays la population veut se défaire de Sarkozy autant qu’en Espagne elle voulait se défaire de Zapatero. En France, l’échec de Sarkozy passe par la victoire de Hollande même si Mélenchon ou Chevènement rappellent périodiquement qu’ils peuvent être au second tour. Sarkozy aimerait bien avoir au second tour comme adversaire Marine Le Pen ou Mélenchon…
En conséquence, le candidat Front de Gauche, s’il ne veut pas aller dans le sens du vote utile qui sera de plus en plus fort au fur et à mesure qu’approchera la date de l’élection (phénomène classique de la présidentielle qui va être encore plus fort), devrait me semble-t-il rappeler qu’un bon score Front de Gauche serait un moyen d’inciter le futur président Hollande à écouter cette tendance, en souhaitant qu’il soit élu. Je sais, ça réduit les ambitions, mais les ambitions n’ont de sens que si elles sont liées aux moyens. Ce n’est pas après le second tour qu’il faut expliquer un mauvais résultat par les moyens de l’adversaire ou de l’allié, car ça nous le savons avant ! Etre crédible sur le rapport de forces, c’est être crédible sur le discours d’ensemble. Dire, Mélenchon peut être au second tour, car dans une élection tout est possible, c’est dire qu’on a une politique où tout est possible ce qui n’est JAMAIS le cas sauf à nier la réalité. Mais pour ce que j’en ai à dire…
23-11-2011 Jean-Paul Damaggio