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30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 09:04

En rangeant mes dossiers "Cladel" je tombe sur cet article oublié, dont je m'étonne de l'actualité. Il est peut-être dans le dossier Vazquez Montalban mais je juge utile de le mettre ici aussi dans le dossier Cladel. 30-05-2011 JPD

 

 

Léon Cladel (1835-1892) est un écrivain natif de Montauban qui défendit par son art, son ancrage occitan, tout en étant accroché à sa vie parisienne qui fait que sa tombe est au Père Lachaise.

Vazquez Montalban (1939-2003) est un écrivain  natif de Barcelone qui défendit par son art, son ancrage catalan, tout en étant accroché à sa vie madrilène et à la langue espagnole.

On pourrait les imaginer porteurs d’un pays à cheval sur les Pyrénées, allant de Valence à Bordeaux en passant par Limoges et Nice, pour un retour par Marseille et Barcelone, pays dont des occitanistes aiment vendre la carte imaginaire. Ils portent beaucoup plus que des mythes.

 

Léon Cladel avait 36 ans quand il participa à la Commune et Vazquez Montalban 29 ans quand il observa le Mai 68 planétaire, de son poste stratégique qu’était l’Espagne franquiste. Tous deux sont des écrivains politiques ce que je différencie de l’étiquette « écrivains sociaux » et encore plus de celle «écrivains engagés ». Leur double ancrage géographique et historique les a incité à placer le peuple au cœur de leur œuvre, le peuple dans sa complexité tout comme dans ses luttes.

 

Evoquer ensemble ces deux écrivains doit permettre de saisir une philosophie qu’ils partagent contre tous les pouvoirs établis ! Pour eux, le contraire de la fidélité n’est pas l’infidélité, pas plus que le contraire de lent n’est rapide. La contradiction n’est pas à l’extérieur mais à l’intérieur des réalités : la fidélité à la soumission doit être combattu par la fidélité à l’émancipation. Et si j’évoque en premier lieu la notion de fidélité c’est quelle charpente les deux œuvres. Prenez toutes les autres notions et vous aboutissez au même constat : l’adversaire n’est pas celui qui sort du chapeau de l’idéologie dominante mais celui que l’on arrache aux serres de cette même idéologie. Le socialisme n’est pas le contraire du capitalisme mais l’expression des contradictions du capitalisme.

 

Cladel vivait encore en un temps très rural et il rassembla des nouvelles sous le titre : Urbains et Ruraux. Il savait très bien que la Commune fut exécutée par le déferlement des « Ruraux » mais n’en déduisit jamais que les Ruraux se réduisaient aux massacreurs de la Commune et les Urbains aux glorieux « communalistes ». Cladel avait du mal à reprendre le mot « communard ». Les contradictions se situent autant au sein des ruraux que des urbains dont certains peuvent donc s’unir sur les valeurs de « la Belle », à savoir bien sûr la république sociale.

Vazquez Montalban vécut en urbain et eut aucun mal à saisir les contradictions de villes partout en mutation, de Prague à Moscou en passant par sa chère Barcelone.

 

L’idéologie dominante active les plus fausses contradictions pour éviter l’unité de son véritable adversaire. Diviser pour régner, c’est opposer le blanc et le noir, la France et l’Allemagne, la campagne et la ville, les hommes et les femmes. Sur ce point encore, même si les féministes conduisirent des combats utiles, pas question pour Cladel et Vazquez Montalban d’oublier la contradiction de fond sous prétexte de céder aux facilités. Léon Cladel, à la différence de Proudhon par exemple, considérant que la place des femmes devait être égale à celle des hommes, fit le portrait de femmes diverses, toutes femmes du peuple, parfois grandioses et parfois inhumaines. Vazquez Montalban procéda autrement car il semble avoir eu plus de mal à se positionner entre la femme mythique (La Pasionaria) et la femme réelle, celle qui conduit l’enquête dans son roman fabuleux, Galindez, et qui devient, au fil des pages plus glorieuse que l’homme dont elle trace le portrait.

 

Ce cheminent conduit à une fracture qui concerne la place accordée à la joie ! Pour Léon Cladel, la joie s’appelle la postérité, tandis que pour Vazquez Montalban, la joie est clle du moment. Cette question me semble fondamentale chez les révolutionnaires. Se lever face aux misères du monde, c’est s’accrocher aux dites misères avec le risque d’y sombrer. Faire l’éloge des vaincus de 1871, c’est revivre très douloureusement un moment qui ne prête pas à sourire. Cladel dans son œuvre n’a rien à voir avec Alphonse Allais ou Alphonse Daudet. Cladel vécut la prison pour ses idées (30 jours en 1876) et quand il raconte ce séjour, à indiquer le nom des visiteurs, il commence justement par Alphonse Daudet puis Stéphane Mallarmé en finissant par le jeune Jules Guesde. Il savait apprécier les autres écrivains pour leurs qualités, mais lui était triste parmi les tristes. Sa joie, il la puisait chez ses enfants qui en effet lui assurèrent une postérité : Judith Cladel par ses écrits, Marius par ses statues et même sa petite fille Dominique Rollin si présente chez Gallimard. Il pensait que son œuvre comme celle de Zola (qui fit son éloge funèbre) ou celle de Baudelaire (son premier préfacier) toucherait les générations futures. Il n’en a rien été.

Vazquez Montalban en quête de joie présente - la postérité n’ayant aucun intérêt à ses yeux – a eu une femme féministe qui dès 1967 décréta qu’elle ne ferait pas la cuisine. Il se mit aux casseroles, y trouva grand plaisir, et n’en sortit jamais sauf pour écrire. Voilà pourquoi, très tôt, il s’opposa à Mac Do, mais plus encore au Ketchup car le Ketchup peut même détruire un bon plat que vous avez préparé chez vous.

Les deux écrivains n’ont jamais aimé le culte du héros mais Cladel restait marqué par une culture religieuse qui place le bonheur après la mort, tandis que Vazquez Montalban préférait les hédonistes.

 

Puis-je terminer par une conséquence pratique ? A lire des écrivains politiques pourquoi ne pas conclure par une considération politique ? Croire que la droite c’est le contraire de la gauche (ou l’inverse) c’est faire un cadeau à la droite. D’où la nullité du slogan bien connu : « battre la droite ». La gauche peut gagner seulement si elle surmonte ses propres contradictions et idem pour la droite. La victoire de la gauche n’est jamais sur ce faux adversaire qu’est la droite mais sur elle-même. Tout son travail est là, et qu’elle laisse la droite vivre sa propre vie ! Quand la gauche veut se cacher à elle-même ses contradictions, alors elle s’autodétruit. Mais quand la gauche a-t-elle été la gauche ? Chaque fois que le peuple politique se releva, chaque fois que la fidélité à l’émancipation l’emporta sur les creux appels à l’espoir.

15-02-2009 Jean-Paul Damaggio

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