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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 08:53

A la fin du très beau livre de Dominique Godineau, Citoyennes tricoteuses, les femmes du peuple de Paris pendant la révolution française, j’avais écrit le titre d’un projet de livre : Vivre et agir au féminin pendant la révolution à Montauban, 1789,1799. Je sais à présent que ce livre ne verra jamais le jour, aussi je publie ce chapitre en espérant que d’autres prendront le relais car le sujet mérite un bel effort. 09-03-2009 JP Damaggio

suite à l'adresse : http://la-brochure.over-blog.com/article-30082448.html 

DES FEMMES DANS LA REVOLUTION (1789-1794)

(I) Vues par les hommes

 

Si vous avez lu la liste des membres du comité de surveillance de Montauban vous n'avez peut-être pas été frappés par l’absence de femmes, soit que cette absence vous ait semblé naturelle, soit qu'une présence éventuelle vous paraisse absurde.

Si vous m'avez bien lu vous n'avez peut-être pas été frappé par mon manque de cohérence. Maintenant, il vous saute aux yeux. Alors que tout m'autorisait à éviter ce chapitre, je m'y lance avec détermination. J'ai l'esprit à ce point tordu que quand les femmes n'apparaissent pas dans l’histoire je les fais venir pour leur demander les raisons de leur absence. Et je découvre qu'il faut que je recommence non travail ...

Au minimum, je pourrais faire surgir la question des femmes dans la Révolution, de la bouche des hommes, car, quand on transforme tout, on ne peut pas imaginer le statut quo pour la moitie du genre humain. Mais commençons par le maximum c'est à dire par les femmes intervenant elles-mêmes.

Les femmes présentes à la société populaire peuvent accéder en certaines occasions au droit de parler à la tribune. Mais attention, rien (et pas même moi) ne vous autorise à confondre la femme du cordonnier Dély avec celle du maire bourgeois de Montauban Periès-Labarthe, donc rien ne vous autorise à lire les femmes comme un groupe social homogène. Qui sont donc toutes ces femmes présentes à la société populaire ?

Question bien difficile. Les noms qui apparaissent sont surtout ceux des femmes de la bourgeoisie pour la période qui précède 1794 mais aussi pour la période de l’an II. Elles peuvent former 20% de l’assistance.

Voici deux interventions qu'elles firent à la tribune de la société. D'abord le 17 Frimaire an II. Une citoyenne se disant parisienne monte à la tribune pour faire part des malheurs qu'elle a éprouvés à cause de son patriotisme et qui réclame des secours. Le président et le secrétaire donnent l’accolade à cette sans-culotte et la société est d'accord pour accéder à sa demande. Ensuite, fait encore plus étrange, le 15 Germinal, Calmels annonce une intervention d'une citoyenne "sous un habit qui n’est pas de son sexe" et qui vient de l’armée.

A ces deux interventions mentionnées sur le registre durent s’en ajouter d'autres sans doute moins marquantes. Leur présence dans la salle (et non à la tribune) est par contre plus souvent évoquée et on va vite comprendre pourquoi.

La société populaire avait une salle des séances spacieuse mais depuis toujours il y avait affrontement au sein de la société concernant le contrôle de la porte d'entrée et le fonctionnement des réunions. On avait installé des tribunes (ne pas confondre avec LA tribune) qui étaient séparées du reste de la salle par une barrière ou devaient se rassembler les présents non-membres de la société. Si exceptionnellement les femmes pouvaient aller s'exprimer à la tribune, quotidiennement elles devaient être aux tribunes des "spectateurs". Au moins en quatre occasions elles furent rappelées à l’ordre pour indiscipline : le 10 Frimaire, le 17 Frimaire, le 2 Nivôse et le 3 Ventôse.

Mais toutes les femmes devaient-elles aller dans les tribunes ? N'y avait-il pas possibilité pour des femmes d'avoir la fameuse carte de la société permettant de rester dans la salle, pour participer aux votes par exemple ?

Cette carte, vrai serpent de mer du règlement de la société, aurait dû être distribuée aux femmes qui en étaient membres c’est à dire celles jugées par le comite d'admission dignes d'y figurer mais je doute que cette décision ait pu être mise en application : dans le registre des membres de la société n'y figure pas de femmes et la question évoquée le 18 Frimaire l’est encore le 4 Nivôse.

Mon ignorance pourrait vous laisser sur cette impression mais, comme elle est mise à mal chaque jour, j’ai pu découvrir l’information capitale : le 7 Ventôse on demande de surveiller les femmes indignes d’avoir la carte. Donc, mon sens logique n'a eu qu'un tour à faire pour en déduire qu'enfin on avait fait une distribution de cartes aux femmes. Mais entre la logique et la réalité...

Ce point sur le fonctionnement de la société peut nous mener à cette anecdote qui prouve qu'il y a toujours une explication à l’indiscipline. Si les femmes se refusaient à aller dans les tribunes qu'on leur avait réservées c'est tout simplement parce que la lumière y était presque nulle. L’anecdote ne serait qu'insignifiante si en même temps, grâce à une intervention de Balthazard, on ne découvrait le scandale des scandales. Des femmes avaient inventé un commerce à partir des places des tribunes. Certaines venaient de bonne heure pour occuper les lieux et revendaient ensuite leurs places à celles qui arrivaient plus tard.

On décide solennellement de ne donner la carte "qu'aux citoyennes reconnues fréquentant la société par amour et non à celles qui n'y venaient que par curiosité". On était le 18 Frimaire et comme je l’écrivais au-dessus, plusieurs mois après la carte n’était toujours pas donnée..

Est-ce que l’inscription de cet abus (le commerce des places) sur le registre de la société était une façon d'écrire qu'une fois de plus les femmes étaient des êtres vils?

Interrogez-vous et passez ensuite aux femmes qui n'étaient pas là par curiosité. Mais alors pourquoi y étaient-elles ? Pour la bienfaisance. En 1791 elles avaient une société féminine dirigée par Mme Bruté puis elles fondèrent à la place un comité de bienfaisance. Il eut du mal à s'imposer car il faisait double usage avec le comité de bienfaisance de la société populaire. En particulier elles finirent par faire observer que quand il y avait une collecte de la société c'est son comité de bienfaisance qui récupérait toute la somme alors qu'elles pourraient en avoir la moitié à gérer. Et c'est seulement le 15 Germinal qu'elles osèrent demander un local qui, est-il précisé, devait servir à la couture et au rapiéçage du linge qui servait ensuite aux soldats de la nation.

Le 22 Brumaire elles avaient choisi d'adresser une lettre au président de la société populaire pour lui signifier qu'elles avaient un grand nombre de pauvres à secourir et peu de fonds ce dont "elles se plaignaient amèrement".

L'action essentielle des femmes tournera donc autour de ce combat pour la solidarité envers les pauvres et envers les soldats de la République. Elles défendront en particulier les femmes de ceux qui sont partis en Lozère combattre pour la liberté. C'est ainsi que le 8 Brumaire "un voeu fortement exprimé par la société et par les citoyennes des tribunes aboutit à une députation à la municipalité" pour faire avancer la revendication d'aide aux femmes des soldats de Lozère.

Sur un autre chapitre, on notera que les femmes sont sollicitées pour embellir les fêtes. Par exemple pour la première fête de la Raison ou le président de la société populaire "invite les amateurs de musique des deux sexes à faire connaître au dit Bonnet les genres de voix afin qu'il puisse composer les morceaux de musique analogues à leurs moyens respectifs. Les citoyennes Sartres, Lagravère, Bergis, Brun doivent embellir de leurs chants la célébration de la fête". C'est une femme qui symbolisera la Raison. D'autres symboliseront l’Egalite, La Victoire etc ...Ici aussi on retrouve le nom d'une fille de la bourgeoisie : Melle Preissac qui symbolise la Raison et qui vécut toute sa vie comme une Sainte Laïque. Dans le même ordre d'idée, on demande aux femmes de participer au théâtre républicain mais les résultats en Pluviôse ne furent guère satisfaisants malgré les appels lancés, une fois encore, par une femme de la bourgeoisie : Mme Poncet-Delpech. Le 13 Pluviôse on apprend que « les citoyennes qui avaient annoncé leur participation à la comédie se sont rétractées. »

 

Du côté du comité de surveillance, on évoque les questions féminines seulement 10 fois et, presque à chaque fois, ce sera pour un rappel à l’ordre révolutionnaire. Nous avons déjà évoqué « l'indiscipline » des femmes dans la salle des séances, mais elles ne devaient pas arriver à la cheville des hommes qui, non seulement occupaient mal leur place, mais provoquèrent violences, interruptions, trafics d'élections etc ... Par contre il existait une indiscipline plus spécifiquement féminine : c'était le refus de porter la cocarde tricolore.

Dés le 29 septembre 1793, une mise en garde générale avait été faite :

« Il y a ceux (pour dire celles) qui la portent sincèrement, ceux qui la portent par hypocrisie, ceux qui y mettent leur orgueil et leur richesse, ceux qui la portent par crainte. En conséquence les commerçants ne doivent pas refuser de vendre la cocarde au prix inférieur à 10 sous. De plus dans sa fabrication est fixé la qualité du tissu (pas de soie), la taille (pas trop minuscule ni trop grande) et le lieu ou elle doit être portée. »

Et pourtant le 5 Nivôse elles pouvaient encore se permettre de ne pas porter la cocarde tout en ayant l’audace, ainsi dévêtues, d'entrer dans le temple de la Raison.

Quant au respect du Décadi il fallait là aussi faire des rappels à l'ordre incessants pour inviter "les citoyennes à se passer de promenades publiques le Dimanche (vieux Style)".

Du côté indiscipline, un autre reproche habituel leur est expressément adressé le 11 Germinal : "On déclare qu'il y a peu d'ordre dans la société surtout du côté où se placent les femmes aussi il faut nommer des censeurs pour surveiller les causeries."

Et Firmin Galabert qui les décrit toujours grâce aux papiers Bosquet (un témoin de l’époque qui laissa ses archives), peut nous donner une explication aux causeries :

« Beaucoup portent leur ouvrage et vont là en assez grand nombre, comme on dirait aujourd'hui (en 1900) au théâtre, pour passer le temps ou se moquer des divers orateurs, des présidents qui, à ceux qui leur disent "Citoyen président, je demande la parole" répondent "tu la za". »

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