« Dans mon rêve j’ai vu les morts
Et les ai trouvé vivants
Je les questionnai sur leur sort
Et compris toute leur colère
Ils pleuraient les vivants
Qui aux yeux des gens sont morts »
Slimane Azem
(sur la photo le frère de Slimane et sa fille)
La journée du dimanche 2 novembre s’est déroulée en deux temps. Un premier temps autour de la tombe du chanteur au cimetière de la ville et un deuxième temps dans un jardin à côté de la voie ferrée où une œuvre artistique a été dévoilée ainsi que la plaque portant le nom de Slimane Azem.
Etrange : en ce jour de la fête des morts propre à la religion catholique, à Moissac, c’est la tombe d’un homme qui faisait référence au Coran ou aux saints de son village qui rassemble le plus de monde autour de sa tombe. Pourquoi ? Parce que le Slimane Azem vivant a su écouter les morts, comme des vivants d’aujourd’hui pensent à lui, étant mort. Le respect des aïeux était une des pierres angulaires de sa poésie et la strophe qui introduit cet article s’adresse aux jeunes qui, en méprisant les anciens, sont aux yeux des gens déjà morts.
Comme pour la religion, le respect ne signifie pas chez Slimane la simple soumission. En tant que chanteur, il saura être à la fois de son temps, des temps passés et de ceux du futur. Honorer les morts ce n’est pas les répéter, ce n’est pas davantage les oublier.
La foule des 300 personnes présentes témoignait par sa diversité, du passage de témoin qui s’est produit et se produit, tout comme dans le concert de la veille, la dimension festive d’Origines Contrôlées s’allia avec l’art plus paisible d’Idir pour que chacun se sente dans la fête.
Le frère de Slimane eut juste ces paroles que j’espère avoir bien entendu : « Les vivants sont morts, les morts sont vivants, éternellement ».
La foule s’est ensuite déplacée en ville pour plus de discours mais toujours autant d’émotions, appuyées par des chants berbères chantés par une partie de l’assistance.
Le maire, Jean-Paul Nunzi, rappela la bonté, la générosité propre à l’artiste Slimane, il rappela les traits de son visage faits à la fois de douceur et de douleur. En rendant hommage en ce lieu – un hommage inespéré pour certains – il rappela Candide et son jardin. Après tant de souffrances il reste à cultiver son jardin non comme le lieu d’un repli mais au contraire comme le lieu d’espoir, espoir de futures récoltes toujours possibles.
Le frère de Slimane et sa fille Malika (sur la photo) apporteront aussi leur lot d’émotions à cette cérémonie qu’une fine pluie ne pouvait ternir. Quelques vers du poète ont résonné comme celui qui, à présent, se trouve sur l’œuvre définitive présente sur la place et qu’il vous reste à découvrir.
Un passage d’une chanson de Slimane sera lu en amazigh, en occitan et en français. André Calvet, occitaniste bien connu qui, dans un dictionnaire des noms de rues de Moissac, avait manifesté, voici un an, avec son ami René Pautal, le souhait de voir le nom de Slimane sur les murs de la ville, apporta cette touche à la cérémonie. Auteur de la traduction en occitan (avec Norbert Sabatié), et que vous trouverez sur ce site, il permit concrètement ce croisement des langues avant que ne reprennent les multiples discussions, les multiples retrouvailles d’une famille en devenir, celle des peuples construisant leurs destins.
2-11-2008 Jean-Paul Damaggio