Sur la photo Rachid Aous est l’homme aux chevaux blancs.
Un article de lui a été publié dans L’Humanité du 3 avril 2010
A la « Pizzeria Belfort » 2 rue Bertrand de Born, l’un des plus grands troubadours, il existe un lieu de débats, de rencontres qui le 28 ami recevait l’étrange Rachid Aous auteur d’une somme publiée par Les Editions Les Patriarches et Dar al-‘Uns éditions : « Aux origines du déclin de la civilisation arabo-musulmane ou Les sources du sous-développement en Terres d’Islam » (je respecte les majuscules). Pourquoi un personnage étrange ? Généralement nous avons des dizaines de révolutionnaires du verbe qui sont ensuite passés dans les couloirs du pouvoir, alors que lui est sorti des couloirs du pouvoir (la Banque algérienne où il joua un grand rôle pendant les années 70) pour promouvoir, par son action militante (il insiste sur ce terme) qui passe par le livre, la critique radicale des pouvoirs !
Avant la conférence, pour combler le quart d’heure toulousain, nous avons parlé un peu de Slimane Azem et il indiqua aussitôt l’admiration qu’il porte au poète qui, prémonition oblige, a chanté le non alignement avant Tito, dans un texte qu’il publia en tant qu’éditeur ! Parlant de sa mère en introduction il indiquera qu’illettrée elle parle parfaitement trois langues, le kabyle, l’arabe et le français.
Rachid Aous a décidé de tenir le langage de la vérité, ce qui par rapport au sujet est un défi en soi. Après Averroès (12e siècle), la grande civilisation arabo-musulmane va plonger dans un déclin dont aujourd’hui encore elle n’est pas sortie. Ce grand intellectuel a proposé un diagnostic de ce déclin, qu’on retrouvera ensuite, sans déboucher sur une solution. Les diagnostics étaient-ils mauvais ? Pour Rachid Aous Averroès sera le théoricien de l’entrisme en politique, un entrisme qui ne pouvait que conduire à l’échec. Le débat le montrera très vite que la plongée dans l’histoire n’est pas un simple jeu intellectuel mais un outil pour l’action politique au quotidien, Rachid Aous insistant d’ailleurs à plusieurs reprises pour dire que tout est politique et qu’en ce qui le concerne, il prend le risque, non seulement de changer les diagnostics, mais de proposer des solutions concrètes. Après Averroès viendra Ibn Arabi et ensuite une tentative de renaissance au début du 19e siècle. Nous retrouverons l’entrisme de ceux qui pensent qu’il faut se défaire de tout le « fatras » religieux par le retour aux fondamentaux de la religion, alors qu’il aurait fallu quitter le terrain de la religion et de son dogmatisme pour proposer la laïcité.
Il fait beaucoup référence à Alain de Ribera (peut-être s’y reviendrais dans un article spécifique). Je retiens surtout cette approche : la grandeur de la civilisation arabo-musulmane débute pas une impulsion religieuse mais très vite l’islam est emporté par ce qu’il déclenche. Bien sûr, dans le débat certains retiendront surtout l’impulsion provoquée par la religion quand d’autres considèreront que la capacité à être dépassé n’a pas été accepté par l’islam en question qui contiendrait donc en lui-même les raisons de tout le déclin. Je prends ici l’exemple des « nombres arabes » absorbés par cette culture à d’autres cultures.
Je ne me souviens plus pourquoi mais à un moment il rappelle un souvenir qui l’a marqué très profondément : l’expulsion subite des travailleurs marocains du territoire algérien par une lubie de Boumediene (un acteur algérien me rappela lui aussi ce souvenir marquant). Une façon sans doute de donner un exemple de son propre diagnostic : l’union consubstantielle entre le dogmatisme religieux et le comportement dictatorial des pouvoirs politiques.
Bref, pour faire court, il propose de libérer l’imaginaire en terre d’islam, d’en finir avec les discussions stériles sur les Français coupables de tout, sur les Etatsuniens coupables de tout, un tas de discussions stériles qui tentent de faire oublier la discussion sur le réel.
Enfin il insiste sur un point qui n’a pas été repris dans la discussion (il faudrait par divers processus l’effacer de nos mémoires) : l’union que les forces de libération nationale algériennes surent nouer avec les forces de progrès d’Europe. J’ai partagé l’essentiel du propos et tout particulièrement cet élément. L’idéologie dominante voudrait faire de tous les Français les enfants du colonialisme et combien sont-ils à s’auto-culpabiliser sur ce point ? Combien de Français ont contribué à l’aide à l’Algérie ? Ils se comptent par milliers suivant les époques (sans doute plusieurs millions au total) et leur héritage c’est aussi la France. Je me considère comme le fils d’anticolonialistes dont je ne vais pas contribuer à l’enterrement. Et concrètement aujourd’hui cette solidarité avec les démocrates algériens me paraît cruciale pour les uns comme pour les autres. Mais voilà… les démocrates algériens ne seraient-ils pas de simples Algériens occidentalisés ? Ce qui est une forme du discours… colonialiste à la sauce moderne !
28-05-2010 Jean-Paul Damaggio