La droite se creuse la cervelle pour savoir les causes de son échec. Chacun scrute la campagne de Sarkozy pour en pointer les forces et les faiblesses. Comme si aujourd’hui, en Europe, une élection se gagnait ou se perdait sous l’effet d’une campagne ! L’essentiel c’est le bilan et Sarkozy savait très bien un an avant que cette présidentielle serait perdue. Il s’agissait seulement de limiter la casse. A l’échelle de millions d’électeurs et d’électrices les marges de manœuvre issues des mérites d’une campagne restent faibles. Si les sondages ont leurs milites, depuis toujours le vainqueur du second tour a été donné bien à l’avance (à l’exception de 2002 où le vainqueur attendu n’a pas passé l’épreuve du premier tour). En fait si la droite se creuse la cervelle c’est surtout pour régler la question du candidat. D’ici 5 ans quel sera le bilan de Hollande ?
En Europe, si hier il y avait une prime aux sortants, elle tombe aujourd’hui entre les mains des « sortis ». Les sortis de 2012 en France c’est la droite, comme ce fut le PSOE en Espagne. Que va-t-il se passer à présent ? Pas question ici de prédire le futur mais une observation du passé s’impose.
En 1981 j’avais 30 ans, je pensais que le PS allait décevoir, et que le PCF ramasserait les miettes. Mais le PCF était au gouvernement et il fut jugé responsable encore plus que le PS de l’échec du programme commun. Cependant, pour le PCF, les questions de politique intérieure n’étaient pas les seules en cause. L’effondrement de l’URSS n’était pas de nature à renforcer les PC du monde entier. Donc la droite a gagné en 1986 et le PCF a poursuivi son déclin.
Jacques Chirac a-t-il déçu ensuite de 1986 à 1988 ? Il n’a pas eu le temps et comme nous étions encore à l’époque de la prime au sortant, Mitterrand a été réélu et cette fois le PCF a évité d’entrer au gouvernement. La déception causée par le PS n°2 a été encore plus forte que la précédente et dès 1993 c’est la cohabitation qui va propulser Chirac à la tête du pays.
Plus malins que les autres, il décide d’une dissolution de l’Assemblée avant que la déception ne soit trop forte. Les élections devaient avoir lieu en 1998, elles eurent lieu en 1997. Une nouvelle fois le sortant est sorti.
Cette fois Jospin, plus malin que les autres, demande par référendum que le mandat présidentiel soit ramené à cinq ans. Première étape d’une révolution dans la Vème république, puisqu’ensuite ce sont les législatives qui sont placées à la remorque de la présidentielle. Tout était prévu pour une victoire de Jospin sauf l’intrus Front national. Contre Chirac, Jospin aurait gagné mais il a perdu avant !
Dans la nouvelle ère, le sortant Chirac ne s’étant pas représenté, Sarkozy a gagné comme s’il était l’homme nouveau. Sauf que Sarkozy et son équipe ont cru que cette fois le PS était K.O. à jamais. D’autant que l’ouverture rendait ridicule les survivants d’un PS proche par ailleurs d’une scission sur sa gauche (qui viendra un peu après). Crise ou pas crise, Hollande ou pas Hollande, Sarkozy était condamné par sa propre victoire. Il a invoqué la crise, mais comment se fait-il qu’il ne l’a pas vu venir ? Qu’il ne l’a pas anticipé ?
Pour le gouvernement Hollande, dès 2014 la sanction électorale va commencer. Impossible prévision ? Non, j’imagine seulement que l’histoire va se répéter. 1981, victoire de la gauche et en 1983 aux municipales suivantes, c’est la revanche de la droite, revanche d’autant plus facile que les municipales de 1977 avaient été très très bonnes pour la gauche. 2007, victoire de la droite et dès 2008 aux municipales c’est déjà la revanche de la gauche.
Les grandes tendances obéissent à des mécanismes qui sont toujours en place. Les citoyens, par les campagnes électorales, peuvent infléchir ici ou là ces tendances mais sans en changer le sens. Ce sont ces tendances que le Front de gauche utilisent pour expliquer l’échec aux législatives par rapport à la présidentielle : le moteur de la présidentielle servant le parti dominant. Qui peut battre le PS ?
Le Front de gauche comme alternative ?
Le Front de gauche même sans faire partie du gouvernement a répété que Hollande a été élu grâce à ses électeurs et aux prochaines municipales il devra aider le PS à sauver les meubles. En 2002 suite à l’échec du gouvernement Jospin, le PCF a plongé au bénéfice de l’extrême gauche (10%). Alors le PCF a eu pour fonction de remonter la pente en proposant l’union avec l’extrême-gauche. M-G Buffet ne pouvait réussir en 2007, mais Mélenchon a changé la donne sur ce point. Le cas grec est lié au mode de scrutin qui fait qu’il ne peut se répéter en France. Tout l’édifice politique chez nous est bloqué non par le bipartisme, mais par la bipolarisation. Le Front de gauche va avoir une grande difficulté pour se présenter comme alternative quand partout, dans les collectivités territoriales il gère avec le PS. Et il n’avancerait pas mieux s’il coupait les ponts avec ce même PS. La difficulté est globale pour les gauches du monde. En Espagne, où le mode de scrutin est plus proportionnel, pour le moment, la Gauche Unie monte dans les sondages mais au moment de l’élection, quel type de gouvernement possible ?
La droite comme revanche ?
La droite peut se partager en deux. L’UMP a prouvé qu’un parti unique c’était moins productif qu’un parti avec des alliés, comme le PS en a fait la démonstration [j’ai cru un temps que le modèle gagnant UMP pousserait vers un grand parti de la gauche]. Une partie de l’UMP peut s’allier avec un FN « normalisé », pendant que l’autre partie se tournera vers le centre. Des deux droites, laquelle dominera l’autre ? Tel est l’enjeu qui naîtra après les prochaines municipales. Sarkozy a préparé le terrain pour une domination de la droitisation. L’échec de Bayrou facilite la tâche de ses amis sauf que cas Borloo est toujours là. Il reste cependant des forces à droite pour rééquilibrer la dite droite. Le cas français se distingue peu, à mon sens, du cas italien avec pourtant un mode de scrutin tout différent. Quand, en 1992, l’opération « mains propres » a mis par terre les deux partis dominants, la démocratie chrétienne et le PS, j’ai cru que c’était enfin la victoire du nouveau PCI changé en PDS. Erreur, Berlusconi est arrivé. Pour peu de temps, car la gauche alliée au centre a enfin gagné mais sans oser prendre les mesures institutionnelles interdisant le cumul du pouvoir médiatique et politique. Berlusconi a marqué le pays et quand en septembre 2011 au cours d’un voyage en Italie j’ai pu constater qu’il était lâché à la fois par le patronat, le Vatican et ses alliés, je n’ai pas douté que la droite trouverait une sortie… à droite. Elle a inventé le « gouvernement par les experts ».
Il n’y a plus qu’à attendre le retour de la droite dure ?
Je présente seulement de grandes tendances pour réfléchir en fonction du passé. La politique n’est cependant pas une simple mécanique, surtout en France, et il appartient à chacun d’assumer ses propres responsabilités pour que le bien commun soit mieux en charge. JPD