Photo : L'évêque Le Tonnelier de Breteuil
Le 10 mai 1790 à Montauban, la contre-révolution met K.O. les « patriotes » et un mois après la situation est inversée à Nîmes. Pourquoi ? Nîmes qui a le pasteur Rabaut Saint-Etienne devenu personnage clef de la révolution tandis qu’à Montauban le pasteur Jeanbon Saint-André sera poussé par la défaite du 10 mai pour se lancer dans la politique.
La classe politique est d’abord le reflet des forces économiques en présence avec interférence des relations religieuses. Une fois ce constat de base rappelé il se trouve que la classe politique peut être plus ou moins intelligente (du moins c’est mon avis). Une intelligence qui consiste d’ailleurs à bien prendre en compte la réalité économique.
Je me plonge dans le 10 mai 1790 à Montauban car on y découvre rapidement une grande intelligence de la contre-révolution. Si le Sieur Froment de Nîmes avait été aussi malin que l’équipe montalbanaise : de Cieurac, de Chaunac, Vincent Teulières peut-être l’histoire de France aurait-elle pris une autre direction !
Toujours est-il, l’intelligence d’un moment est plus porteuse d’avenir que la bêtise de toujours.
C’était quoi, l’intelligence de la contre-révolution en 1790 ? Savoir se servir de la Révolution à son propre avantage ! Ce qui suppose :
1 ) admettre que la Révolution est légitime et irréversible
2 ) qu’une bataille de perdue ne signifie pas la défaite générale
3 ) valider en conséquence le principe qu’un Sicilien immortalisera : « faire que tout change pour que rien ne change ».
Le Capitalisme ne s’est pas inventé dans la Révolution dite bourgeoise mais dans l’intelligence de la contre-révolution ! La force du capitalisme repose sur ce constat : « on peut contourner la gauche, par la gauche ! »
Le conflit a une façade : droite contre gauche ; et une arrière-cours : les victoires de la gauche peuvent servir la droite.
Lénine, en révolutionnaire professionnel, savait que la Révolution se conduit sur deux fronts et pas seulement à cause de la fameuse maladie infantile du communisme.
Dès le 10 mai 1790 l’intellectuel Teulières (imprimeur de son état), le marquis-maire, le militaire audacieux et en guise de quatrième mousquetaire plus génial que les trois autres, l’évêque Tonnelier de Breteuil conduisirent les affaires de Montauban de façon « royale ». L’évêque d’extrême-droite aurait pu foncer tête baissée mais il n’était à Montauban que sur le papier et son idéologie de combat a pu être adaptée par ses Grands-vicaires et surtout l’imprimeur Teulières.
Cette intelligence de la contre-révolution avait une raison matérielle de base qui ne tient pas essentiellement dans les longues études qui firent leur jeunesse, mais dans le fait qu’ils osèrent gagner les élections municipales de février 1790. Eux qui considéraient que le pouvoir du peuple étaient une insulte à leur pouvoir du sang, comprirent qu’ils pouvaient légitimer leur pourvoir du sang… par le soutien du peuple. Tout esprit de gauche ordinaire avait cru qu’en donnant, par le vote, le pouvoir aux « gens actifs » (le suffrage universel viendra plus tard mais la question sera la même) ils allaient éliminer leurs oppresseurs de toujours, la noblesse. Et la grande majorité de la noblesse pensait de même ! A Montauban, elle pensait le contraire et a démontré qu’elle avait raison.
Entre situation économique et situation politique, le mécanisme n’est pas aussi mécanique que le voudraient les grands schémas généraux. Nous savons depuis 1790 que le capitalisme s’adapte parfaitement à des monarchies, des théocraties, des républiques, des dictatures, des seigneuries, du tribalisme… et même à toute disparition du pouvoir politique !
La révolution ou la réforme conduisent aussi directement à la confirmation du capitalisme qu’à sa contestation ! Victoire du fatalisme, ce même « fatalisme » qui va s’emparer petit à petit du grand Karl Marx et le conduire à penser que les hommes ne font que la révolution que leur dictent les conditions économiques ? A voir !
Jean-Paul Damaggio