Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
31 décembre 2010 5 31 /12 /décembre /2010 13:33

paysans.jpg

Ce texte est un chapitre extrait du livre ci-dessus de 1995, dont la couverture reprend une banderole de paysans mexicains à Cuernavaca en 1975. Il raconte l’histoire de plusieurs personnages. Ici c’est le Bastard et son double le Bastard cohérent.

 

 

 

Le Bastard se souvint qu'aux archives, cherchant le mot "paysan" dans le fichier matière, il tomba sur cette note : "voir révolte" et en effet les révoltes de paysans de part le monde furent et sont nombreuses. A part la Commune de Paris (et encore quand on sait que par exemple 80 rouergats y moururent) quelle révolution se fit sans les paysans ? Le Premier Janvier 1994, le sud du Mexique fut secoué par l'une d'elles. Elle fut connue sous le nom de "révolte zapatiste". En choisissant le métis Emiliano Zapata comme emblème révolutionnaire, les paysans du Chiapas ne pouvaient mieux faire pour populariser leurs revendications. Bien des journaux de la planète ne manquèrent pas de faire leur Une avec les hommes au passe-montagne. "0 regresso de Zapata" titre Visao l’hebdo portugais Et le débat allait être vif entre les deux frères ennemis Octavio Paz et Carlos Fuentes. Vraiment, un débat sur la question paysanne ? « Je te demande de ne rien sacrifier, mon fils ni la magie des Indiens, ni la théologie des chrétiens, ni la raison des Européens nos contemporains, le mieux c'est que nous récupérions tout ce que nous sommes, pour continuer à être, et finalement pour être un peu mieux. » Fait dire Carlos à un de ses héros.

Le Bastard Cohérent propose pour une fois un peu de tourisme et le voici sur la belle route vers le Sud-Ouest de Mexico-City (rien à voir avec cette autre route chère à Jacques Desmarais par l'intermédiaire de Kerouac). Après avoir laissé l'Université puis le Popocatepelt sur sa gauche, le voici au bout d'une heure à Cuernavaca, où il aurait très bien pu ne pas s'arrêter pour filer vers Acapulco. Mais, dès l'approche de la ville, il laissa la belle rocade pour la vieille avenue Obregon et la rue Morelos qui le mèneraient sur La Plaza. Morelos, un nom qui sans doute résonne moins aux oreilles du Gradé B. que celui d'Acapulco ! (ce n'est pas le lieu rêvé de Jeanne). Le Bastard Cohérent, en quête du lieu de naissance du premier paysan du monde, croyait trouver son paradis en ce coin du Mexique. Franchement il n'avait pas rêvé mieux que d'arriver sur La Plaza au moment d'une manifestation paysanne ! Et pourtant c'est ce qui arriva : banderoles déployées, quelques ouvriers agricoles occupaient les lieux de manière pacifique et détendue. Le palais d'Hernan Cortès n'avait qu'à bien se tenir ! L'Etat du Morelos a donné naissance à l'homme et à la légende qui s'appelle Zapata. « La géographie façonne le destin » dit Blais en 1991 pour qui le roman Padro Paramo du mexicain Juan Rulfo est le plus important d'Amérique Latine. Il ajoute : « Cette œuvre parle de la mort et du destin d'une manière que les Nord-Américains anglophones qu'on les appelle gringos ou maudits anglais, ne pourront jamais comprendre. »

Né en 1873, au carrefour de tant de cultures, Emiliano sera un combattant incroyable de la cause paysanne. Dès 1909, ses concitoyens l'élisent président du conseil local. A partir de sa contrée, Zapata développera sa revendication majeure : la restitution des communaux aux indigènes. Lutte classique à travers le monde, lutte d'avant la propriété. Suite à la première phase de la révolution, la victoire de Madero en 1910, Zapata se méfie et conserve la direction en chef de la police rurale. Il a bien raison puisque peu après, en guise de réforme agraire, le nouveau pouvoir lance l'armée contre les révoltés. L'ambassadeur des USA, Henry Lane Wilson ne se contentera même pas de cette action puisqu'il soutiendra le conservateur Huerta qui renverse Madero le 9 Février 1913 et l'assassine. Le mérite de Zapata sera de répondre à la fois politiquement et par les armes. Le 25 Novembre 1911, il publie le Plan de Ayala qui revendique toujours le retour des communaux aux paysans dépossédés par les grands propriétaires.

« Considérant que, dans leur grande majorité, les villages et les citoyens mexicains ne possèdent même pas la terre qu'ils foulent, qu'ils ne sont pas en mesure d’améliorer un tant soit peu leur condition sociale, ni de se consacrer à l’industrie et à l'agriculture, les terres, les montagnes et les eaux se trouvant aux mains d'un petit nombre, il est établi ce qui suit : un tiers de ces monopoles sera exproprié, contre indemnisation des richissimes propriétaires, et distribué à ceux des villages et des citoyens qui sont dans l'incapacité de faire prévaloir d'anciens droits sur la terre. »

Le 4 Décembre 1914, Pancho Villa et Zapata se rencontrent pour la première fois. Le premier représente les hommes du Nord, individualistes et solitaires. Le deuxième les villages communautaires indiens. Les deux hommes s'entendent et entrent dans Mexico. N'obtenant pas le soutien du mouvement ouvrier, ils se diviseront à nouveau. Encore un effet du clivage ville/campagne et de clivages campagne/campagne. Pour abattre Zapata il faudra une fois de plus user de la trahison et de l'assassinat et ça se fera le 10 Avril 1919. Zapata et son immense chapeau (aucun conseiller en publicité n'aurait pu lui trouver meilleure image de marque) ne pouvait mourir. Il restera le représentant typique du petit propriétaire en révolte, incompris de la ville, incompris des politiciens et qui n'avait qu'une idée en tête : redonner de la terre aux paysans et c'était une idée en trop ! En même temps que sévissait cette révolution, un caricaturiste (José Guadalupe Posada 1852-1913) ) puis des peintres (Orozco) la mettront en images. En images, comme par hasard ! Et comme par hasard, un dirigeant du PCI puis du PDS, Achille Ochetto appellera son premier enfant Emiliano en souvenir de Zapata (le deuxième Malcom) (ça n'empêchera pas sa première femme de rejoindre le camp de Berlusconi en 1994).

Le Bastard Cohérent se trouve à Cuernavaca pour toucher du doigt un rêve paysan et l'écouter à travers la langue du pays, la langue nahualt qui ne se conserve que dans quelques villages. Les jeunes ont souvent honte de cette mélodie. (Pour combattre la honte, faut-il en avoir honte ?). Il veut aussi le voir à travers les paysages, le discuter en mangeant un taco et le fêter. Lors de la distribution zapatiste des terres, en 1915, Zapata lui-même décida qu'une parcelle reviendrait à chaque chapelle ou église pour que le produit de cette terre contribue au financement des fêtes Et parmi les fêtes, le carnaval, dont la date est éminemment agricole. Le carnaval, se compose des cortèges de danseurs, les chinelos, qui naissent de chaque quartier et que conduisent les auteurs c'est-à-dire les hommes capables de composer des vers facétieux sur leur propre cortège, sur la beauté des femmes ou sur les personnages hauts en couleur du village, tout en pouvant mettre à jour des problèmes collectifs. Les auteurs organisent aussi d'innombrables activités : défilés, bals, banquets. Ils n'avaient pas besoin de Maison de la Culture, puisqu'ils s'appuyaient sur un folklore. Le Bastard Cohérent pense alors, à l'étasunien Seymour Papert qui démontrera de manière fabuleuse, comment le folklore des écoles de Samba brésiliennes l'aidérent à créer son langage informatique, Le Logo. « L’école de Samba. même si elle n'est pas "exportable" telle quelle, présente un ensemble de caractéristiques que tout environnement d'apprentissage devrait et pourrait avoir. Apprendre n’y est pas dissocié du réel L'école de Samba a un but et, si l’on y apprend, c'est pour participer à ce but (le carnaval) Le novice n’y est pas tenu à l’écart du spécialiste, et le spécialiste lui aussi apprend. Le milieu Logo rappelle l’école de Samba sur certains points, il en diffère sur d'autres.» Comme l'école de Samba ressemble à l'école du carnaval de l'état de Morelos ! Comme on retombe encore sur la pédagogie ! La campagne a toujours intégré les immigrés mais aussi les handicapés mentaux car on y trouva une tâche pour chacun.

 

Zapata porteur de la culture millénaire des paysans du Morelos, voulait, par ce don d'une parcelle de terre à la chapelle, assurer le financement des cérémonies ou chacun donnait de la voix : « Je chante pour qu'on m'entende / non pour montrer ma belle voix / Pour qu'on entende ma plainte / Dans mon pays et ailleurs. » Ce simple geste montre plus que tout combien il sut être POLITIQUE ! Que des religieux aient été aux côtés des paysans du Chiapas, le 1 Janvier 1994, apparaît bien comme une tradition ! Déjà du temps de Zapata un des dirigeants était le catholique Diaz Soto y Gama et la plupart des combattants portaient des images de la Vierge de Guadalupe une indienne à ne pas confondre avec la Vierge "blanche".

Ce détour touristique si beau mériterait tant d'attentions et tant de souvenirs ! La pyramide de Teopanzolco pour l'ancienne histoire ! Les autres guérillas récentes pour l'histoire vivante comme celle de 1974 quand 50 avions et 20 hélicoptères matèrent une révolte dans le Guerrero, état proche du Morelos(1). Mais il lui faut revenir en France où, pas plus qu'au Mexique, Le Bastard Cohérent ne retrouvera sa vie. JPD

(1)   Révolte parfaitement bien racontée dans le rare livre traduit en France de Carlos Montemayor : Guerre au paradis, 1999 pour la traduction, Gallimard

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog des Editions la Brochure editions.labrochure@nordnet.fr
  • : Rendre compte de livres publiés et de commentaires à propos de ces livres
  • Contact

Activités de La Brochure

 

La pub sur ce blog n'est bien sûr en aucun cas de mon fait. Le seul bénéficiare financier est l'hébergeur. En conséquence ce blog va servir exclusivement aux productions de La Brochure. Pour les autres infos se reporter sur un autre blog :

 VIE DE LA BROCHURE

 

BON DE COMMANDE EXPRESS en cliquant ICI      

___________________________________________________________

 Les Editions La Brochure publient des livres, des rééditions, des présentations de livres. Ils peuvent être commandés à notre adresse ou demandés dans toutes les librairies (voir liste avec lesquelles nous avons travaillé  ici      ) :

Editions La Brochure, 124 route de Lavit, 82210 ANGEVILLE

Téléphone : 05 63 95 95 30

Adresse mèl :                          editions.labrochure@nordnet.fr

Catalogue de nos éditions :                                       catalogue

Catalogue 2011 :                                                                   ici

Présentation des livres :                                          livres édités

Bon de commande :                                             bon de commande

Nos livres sont disponibles chez tous les libraires

indépendants en dépôt ou sur commande

 

Nouveau blog RENAUD JEAN et LIVRES GRATUITS

Vous pouvez nous demander de recevoir la lettre trimestrielle que nous publions et nous aider avec les 10 euros de la cotisation à notre association. Merci de nous écrire pour toute information. Les Editions La Brochure.      

Articles sur la LGV: seulement sur cet autre blog:

Alternative LGV 82     

 

 

Nouveautés de 2013

 Elections municipales à Montauban (1904-2008) ICI :

Moissac 1935, Cayla assassiné : ICI

Tant de sang ouvrier dans le nitrate chilien ICI  

Révolution/contre-révolution le cas du 10 mai 1790 à Montauban ICI

 ADÍOS GUERRILLERO  ici

J’ai vu mourir sa LGV ici

Derniers titres :

Portraits de 101 femmes pour 20 euros. ici

Karl Marx, sur Bolivar ici

Ducoudray-Holstein Histoire de Bolivar ici

Jean-Pierre Frutos, Refondation de l’école ici

Jean Jaurès : Articles de 1906 dans La Dépêche et dans l’Humanité ici

Recherche