Nous sommes le 9 mars 2000, à un moment où le PCF s’interroge sur lui-même, Robert Hue ayant quelques vagues propositions de changement de nom. Juste à côté de la tribune libre d’Herrero il y a la chronique de Clémentine Autain qui, sous le titre Start Up ! évoque ces jeunes qui partent aider les entreprises plutôt que les partis politiques. Un côte à côte assez étrange. Un mois après la parole est donné à Daniel Bensaïd le trotskiste. La vie ne serait-elle pas qu’étrange ? Toujours est-il le PCF s'est ragé à l'idée d'Herrero, il n'a pas changé de nom, ce qu'à fait la LCR devenue NPA avec l'insccuès que l'on sait. JPD
"A mes yeux, il ne peut pas y avoir d'aventure démocratique dans la société française sans un parti structuré autour des idées qu'historiquement le Parti communiste a défendues dans le siècle : à savoir une répartition plus équitable des biens produits par l'humanité, ou encore une préoccupation permanente quant à la défense de celles et de ceux qui ont le plus de difficultés dans le monde actuel. Ce parti me paraît être bien plus qu'un « aiguillon»: il légitime une action gouvernementale, en même temps qu'il est porteur d'une dynamique nettement orientée du côté du partage, de l'égalitaire, du fraternel. Il reste que, dans l'histoire contemporaine, le Parti communiste français, qui fut comme les autres partis communistes d'Occident, incontestablement branché sur l'Union soviétique, est resté scotché sur une manière de concevoir et de percevoir la politique que j'estime régressive, fossilisante... qui plus est, aveugle et hypocrite à certains moments, ce qui a terni ce que j'appellerais la noblesse humaniste, le pouvoir rebelle du dit « parti communiste». Une part importante de l'essence même de ce parti s'est trouvée ainsi altérée par des connexions équivoques, quand elles n'étaient pas simplement absurdes et destructrices : de Budapest à l'Afghanistan, en passant par Ceausescu ou le culte de la personnalité, jusque dans notre pays...
Pourtant, cette richesse et le dynamisme culturel de ce parti dans l'émergence d'une politique plus solidaire, demeurent indispensables, dans des formes à renouveler. La presque totalité des partis communistes d'Occident ont changé de nom : la volonté de tirer un trait sur un certain passé, peut-être aussi un peu la soumission à l'autorité du marketing et de la communication... Moi, je trouve beau le mot de «communisme », je trouve son histoire riche et douloureuse à la fois, je suis de ceux qui pensent que ce parti doit continuer à s'appeler «Parti communiste », et que les hommes et les femmes qui sont aujourd'hui de ce courant-là soient porteurs de son évolution. De même, j'ai la conviction que ce parti est légitimement un parti de pouvoir, et pas seulement un parti d'opposition, comme je l'ai cru moi-même pendant très longtemps. La présence au gouvernement de ministres communistes de la qualité de ceux que nous avons est à la fois recevable et révélatrice de l'une des richesses de la politique française. Ce qui n'empêche pas, bien au contraire, de souhaiter de la part de ce parti davantage de dynamisme, de rébellion, d'impertinence, vis-à-vis du libéralisme excessif et du capitalisme générateur d'égoïsme et de cupidité...
J'insiste d'autant plus sur ce point que nous vivons une époque charnière, avec des générations qui ont un vécu un siècle, et d'autres qui en vivent un autre: actuellement, il y a une anomalie, que je qualifierais de «structurelle» : le Parti communiste n'est pas un parti de jeunes... Je ne suis pas de ceux qui pensent que la jeunesse est égoïste, rétractée, régressive et narcisse—comme je l'entends, malheureusement, trop souvent. Bien au contraire... Le Parti communiste avec ce mot, oui, de «communiste»—doit être un parti de jeunesse, si tant est que le sens qu'il porte est proche des valeurs que la jeunesse peut aujourd'hui véhiculer. Or, il ne l'est pas: c'est l'une de mes douleurs.
Sans doute que, dans cette voie-là, le Parti communiste doit s'améliorer, se bonifier. Les jeunes sont à l'écoute des douleurs et des souffrances du monde. Je les sais tout autant citoyens que l'ont été les générations de la seconde partie du XXe siècle — les fameuses «trente glorieuses» ou les héros de la Résistance. Nul ne peut rester insensible à la mobilité du monde et aux incroyables soubresauts qui l'agitent, surtout pas les communistes d'aujourd'hui... Mais la toute-puissance de l'image ou les effets de mode ne transforment pas la réalité. Il reste nécessaire de combattre les criardes et douloureuses inégalités et donner l'espoir pour tous d'une vie passée à autre chose que tenir debout."
Daniel Herrero
(*) Ancien international de rugby; auteur de Petites Histoires racontées à un jeune du Front national
(Éditions du Rocher, 7997)•