Aujourd’hui j’ai décidé de ne plus reporter le cri de colère que m’inspire la reconversion de Daniel Herrero que La Dépêche me rappelle périodiquement (ici c’est un article du 8 mai 2010). Cet ancien héros du rugby est devenu consultant pour les entreprises afin de donner aux participants aux stages un peu plus de punch que d’habitude.
En mai 1992 avec des amis nous fondions un journal qui voulait présenter une gauche ferme sur ses principes mais ouverte à la nouveauté (Point Gauche !). Au même moment une organisation amie animée par Françoise Fontanier faisait venir à Montauban Daniel Herrero pour présenter son livre l’Ami Indien. Le compte-rendu de la soirée s’imposait et voici le résultat dont je ne suis pas fier même si je ne suis pas responsable du virage Herrero.
L’ovale-œuf avec Daniel Herrero
Herrero, ça commence un peu comme hérétique. Le 23 mai salle des fêtes de Fonneuve, à l'invitation de l’association Lectures Plurielles, l’homme au bandeau rouge n'a pas manqué à sa réputation. Simplement, en chair et en cheveux, il devient plus vrai que jamais. Avec huit autres, ils parlèrent "rugby" et miracle !, même les novices purent rire, rêver et penser à la vie dans son ensemble.
Le rugby et les jeunes ? Belle occasion de faire le procès d'une jeunesse rebutée par les "joies" du rugby ? Herrero ira à contre-pied : belle occasion de faire le procès d'une fédération qui ne sait pas donner aux jeunes d'aujourd'hui l’élan vers un autre rugby, un rugby à la hauteur de leurs espérances.
Le rugby et le fair-play ? Belle occasion de rappeler que dans les stades de rugby on n'a pas vu les affrontements propres au foot. Herrero ira à contre-pied. Il y a entendu souvent les injures, les mépris divers. Le fair-play préside seulement aux joies du rugby anglais. Dans le genre iconoclaste, il alla même jusqu'à préciser que dans son sport chéri, il a trouvé une dose d'abrutis aussi importante qu'ailleurs.
Elargissons le débat s'il vous plaît. Jusqu’à l’universel ? Le rugby est sport minoritaire et Jean-Pierre Bodis en déduit que la réside, sa chance, celle de pouvoir proposer un profil d’aventure différent. En France il est minoritaire. Essentiellement l’Occitanie. Pourquoi ce mystère ? En Tam et Garonne, l’impeccable animateur du débat, directeur de la Jeunesse et des sports de son état, indiqua que sur les 25 000 licenciés du département, 8900 le sont au foot contre 2500 au rugby (ils sont 8900 à la pétanque mais la comparaison est injuste car on peut licencier à tous les âges). Le rugby est donc minoritaire sur ses terres.
La chance du rugby est son ballon.
Vous connaissez des sports de balle avec un ovale ? Cet ovale, c’est l’œuf, c’est la forme du ventre de la femme enceinte. Cet ovale on peut le prendre dans ses bras et je ne vois pas d'autres ballons auxquels des joueurs puissent s'attacher avec autant d'affectivité (ailleurs j’évoquerai le rapport avec le foot étasunien). Le rugby, sport de contacts, ne peut que faire la joie des enfants qui dès la maternelle adorent s'empiler les uns sur les autres.
Alors parlons de rugby et de violence ? Ces corps en mêlée peuvent donner lieu à des coups de savates qui traînent et que nos caméras ne loupent pas, aussi, quand elles ne sont pas là, c’est encore plus dur. Herrero ne le cache pas, à Toulon on est des durs, ce qui lui donna un rêve généreux : transcender cette énergie vers les beautés du jeu. Si "la France est odieuse" en matière de vulgarité au quotidien, on peut espérer ne pas en rester là, on peut croire en l’éducation !
Rugby, jeunes et éducation ? « Régénérer l’éducation de la souffrance" et au-delà, régénérer l’éducation tout court. André Garrigue qui participait à la table ronde a eu un mot très juste : "pour entraîner, il ne s'agit pas de transmettre un savoir, il faut faire vivre les jeunes à partir de leurs interrogations". Ambition en contradiction avec cette autre qu'il évoqua : « ah ! si nous pouvions donner aux générations nouvelles les joies qui ont été les nôtres ! ». En fait avec le rugby, on vérifie qu'on est à un carrefour de civilisation et Herrero a eu les paroles les plus claires, les plus directes. Contre le militarisme, contre le mépris des prolétaires, contre les médias. Pour les droits du corps, pour l’authenticité, pour le monde d’aujourd’hui.
Au sujet du rugby et des médias, il a été observé qu'au départ la télé à joué en faveur du. Rugby car il s'agit d'un sport spectaculaire. Puis, la manière de filmer s'est améliorée et aujourd’hui le rugby passe moins bien. Herrero a précisé qu'il n'a jamais demandé à passer sur aucun média. Le rugby, a indiqué le capitaine de Colomiers, n'a pas de "presse dissidente" et donc la critique est impossible d'où le fait que la FFR ne connaisse pas cette rupture qui permettrait peut-être d'ouvrir de nouveaux horizons.
Revenons aux jeunes, puisqu’ils sont l’avenir (Herrero est fier d'être un enfant). Il faudrait que des règles soient adaptées à leur âge, que les équipes juniors reviennent au temps des A et B pour éviter qu'à 16 ans on joue contre des adversaires de 20 ans. Herrero, prof de gym, sait tout le mépris que la France à pour le corps au bénéfice de l’intellect et il trouve ça catastrophique dans le monde où nous vivons. Une citation de son dernier livre beau, par sa simplicité : « Elle est partie sur de mauvaises bases, l’école ! Elle continue à déconner de plus belle ! Si elle était simplement stupide et bêtasse, on lui pardonnerait. Mais elle est inhumaine Elle fait du mal à beaucoup d’enfants. Si on avait au moins le mi-temps pédagogique comme cela existe dans tous les pays aussi développés que le nôtre ... Le matin réservé à la culture, à la connaissance indispensable… L’après-midi libre, pour le travail personnel, pour faire ses devoirs tranquillement, sans précipitation, pour le jeu, pour le sport, peut-être les jeux du corps, les jeux de l’esprit, la poésie, la lecture. »
Dans le dernier numéro d'un journal précédent, j'avais terminé un article en citant Herrero interrogé dans l’Huma. Il ne répondit pas "bien" au sujet de Cuba d'où il revenait et José Fort (fort en dogmatisme) lui répondit bêtement : « Tes propos ont le mérite de la franchise. Tu es un libertaire, Daniel ! ». Herrero est un visionnaire, c’est-à-dire quelqu'un qui arrive à faire passer, chez beaucoup, un message d'avenir. Lisez "L’Ami indien » et je dis : "Merci Daniel, et bon courage au PUC ". Jean-Paul Damaggio
Dernière minute : Les Occultes ont eu le juge Falcone.