Expo René Andrieu à Caylus
De Stendhal à Marx. Sur la route, de chez lui au Lycée de Cahors, j’imagine qu’en 1936, René Andrieu (1920-1998) va déjà de Stendhal à Marx. Voilà la réflexion imprévue que m’inspire l’exposition qu’à Caylus Janine Andrieu, Eline Rausenberger et Jacques Vandewalle consacrent au journaliste communiste.
Pourquoi à Caylus, Tarn-et-Garonne ? Parce que c’est dans un village d’à côté qu’est né et qu’a beaucoup vécu René Andrieu, et c’est aussi là que « Jacques le Belge » a fait sa rencontre. Une magnifique coïncidence si on sait que le dit Jacques est expert en tableau et que le village s’appelle Beauregard, là où la famille Andrieu faisait de bons repas.
Les deux hommes se rencontrèrent autour de l’art et la première surprise de l’exposition c’est le soin minutieux avec lequel elle est techniquement mise en place. Il ne s’agit donc pas d’une expo militante retraçant la vie de René Andrieu mais d’une confrontation avec les archives artistiques accumulées par le personnage au cours de sa vie. Pas pour gommer, ce qui serait impossible, l’engagement communiste du journaliste. D’ailleurs Jacques m’indique qu’une exposition à Londres va honorer le Picasso communiste, un homme qui, jusque sur son lit de mort a souhaité vérifier qu’il était à jour de ses cotisations au PCF, contrairement à ce que des critiques ont laissé entendre. Il va y contribuer par le prêt de quelques photos.
L’autre pilier de l’exposition est donc Janine Andrieu, l’épouse de René avec qui elle eut une fille. Elle a permis le prêt des œuvres que Jacques a si soigneusement restauré en vue de l’ouverture d’un musée qui conserverait toute la richesse des archives existantes. Janine sort ainsi de l’ombre au moment où elle publie aux Editions L’Harmattan une autobiographie qui va jusqu’à sa rencontre avec René du temps où son nom dans la Résistance était la Joconde.
Eline est présente par un immense tableau représentant une manifestation et complète merveilleusement ce croisement exceptionnel entre art et politique que l’on ne s’attend pas à trouver à l’Espace Zadkine-Prax.
Et Stendhal ? J’avais lu autrefois le livre de René Andrieu sur Stendhal (Stendhal ou le bal masqué, 1983 Lattès) avec grand intérêt car je croyais avoir la même passion que lui pour cet écrivain or, en marchant au milieu de cette ambiance de l’expo, en lisant les dédicaces, en croisant autant d’artistes, j’ai compris que pour Andrieu, Stendhal n’était pas seulement un objet d’étude. Il était Stendhalien depuis le jour où il avait obtenu à Toulouse sa licence de lettres et un Diplôme d’Enseignement Supérieur sur Stendhal et la philosophie au 19ème siècle. La vie du petit Quercynois fut une œuvre artistico-politique à la manière de Stendhal. Je ne peux ici en apporter une démonstration minutieuse ; j’espère seulement que la biographie qui le concernera un jour fera surgir cette dimension.
Le dépliant donné aimablement à l’entrée de l’expo contient d’abord une dédicace d’Aragon à propos des deux tomes de Henri Matisse, roman : « à René, trente-cinq ans de ma vie, et ça ne fait que deux bouquins – mais on ne réunit pas en livres illustrés l’Huma de ces années là, sauf les premières pages. Affectueusement. »
A chaque moment l’art et la vie s’unissent pour ce gamin qui, dès la 6éme passa en Conseil de discipline mais c’était pour des honneurs scolaires et non comme aujourd’hui pour des réprimandes. C’est l’illustration que j’ai retenu pour ces quelques lignes.
2-09-2009 Jean-Paul Damaggio