Montauban-Privatisations (V) : une révolte ordinaire
Le 20 mai à 18h 30, une réunion générale permettait la constitution d’un comité de défense des services publics de Montauban. Afin d’éviter tout risque de politisation récupératrice et dans le but de « rassembler toutes les énergies au-delà des enjeux partisans », l’inter-syndicale en était l’organisatrice, avec la CGT comme animatrice majeure, Nous ne reviendrons pas ici sur les conditions concrètes de la privatisation (http://la-brochure.over-blog.com/categorie-10923635.html ) mais seulement sur les moyens d’action mis en place. La pétition Son texte est court et clair : « Nous, usagers des services publics de Montauban et de sa Communauté d’Agglomération, nous opposons à la privatisation des services publics de l’eau, de l’assainissement, de la collecte des déchets, de la piscines que veut imposer Brigitte Barèges. Nous nous prononçons pour le maintien et la modernisation des services publics. Nous exigeons qu’avant toute décision, la population soit consultée par l’organisation d’un référendum d’initiative locale. » Cette pétition peut être signée très largement comme l’a démontré une participante qui a fait signer les habitants de sa rue. Le référendum Cette question se veut la pièce maîtresse de la riposte car si 7500 électeurs et électrices de Montauban la signent, les élus d’opposition peuvent imposer le point à l’ordre du jour du Conseil municipal. Les prises de parole ayant été essentiellement de responsables politiques, pétition et référendum leur permettent de jouer le premier rôle, situation naturelle quand nous savons que la décision est fondamentalement politique. Il s’agit donc de gagner « la bataille de l’opinion » et le cas de Castres a été mis en avant, sauf qu’à ma connaissance c’est surtout la bataille d’experts contre les surfacturations qui a décidé le maire à changer d’avis (voir articles). A Montauban nous avons une maire qui va dans le sens contraire de celui de Castres, plusieurs personnes ayant rappelé qu’elle est décidée, dans ce cas la bataille de l’opinion, toujours indispensable, ne sera pas suffisante, pas plus que les deux autres actions en perspective. Elles ont été suffisantes pour faire reculer Mme Barèges sur quelques points comme la facturation des heures d’études pour les enfants des écoles, mais pas sur le thème des privatisations, un dossier très ficelé et de longue haleine. La question peut être mise à l’ordre du jour du Conseil municipal, elle ne se changera PAS en référendum. Je n’ai pas osé la question : « Qui pense sérieusement, dans la salle, que nous aurons un référendum ? ». J’ai été cent fois d’accord avec la pétition lancée pour demander à Chirac un référendum sur le TCE car, par souvenir du gaullisme, ce dernier pouvait être tenté par l’opération. J’ai été totalement contre la pétition lancée pour demander la même chose à Sarkozy car, n’ayant aucune chance d’aboutir, elle risquait de ridiculiser l’opposition au petit frère du TCE. C’est ce qui s’est produit avec, en dernier recours, une manifestation à Versailles peu représentative des victorieux du NON. Sur la question des privatisations de l’eau, malgré une opinion défavorable, à 70% l’eau est privatisée par des municipalités de toutes tendances politiques. Combien de municipalités de gauche en TetG travaillent en régie ? Le drame est là : la fracture entre l’opinion et la classe politique. Fracture qui provient de l’idée générale que ce qui est bien, c’est la baisse de l’impôt pour la baisse du nombre de fonctionnaires. Là par contre la bataille de l’opinion n’est pas gagnée. Les fonctionnaires continuent de passer pour des nantis ! La manif et le débat du 26 mai Que la manif du 26 mai se termine devant les Ateliers municipaux, qu’elle soit suivie d’un débat avec un acteur des luttes de Castres, c’est là aussi une bonne chose. Tout comme l’idée d’une forte pression sur le Conseil municipal du 4 juin. Tout ceci constitue une réponse ordinaire à une attaque extra-ordinaire contre les services publics. La grève ? Les responsables syndicaux ont délimité deux champs d’action : les salariés qui doivent « garder la maîtrise de leur lutte » et le comité de défense, ce dernier pouvant seul faire plier Mme Barèges car il peut mobiliser toute la population. Etrange conception de la solidarité ! La formule « garder la maîtrise de la lutte pour les salariés » était par avance une réponse à la proposition que j’avais faite dès le 14 mai et que la majorité des personnes présentes avaient eu en main. Elles n’ont donc pas étonné par mon intervention reprenant l’idée : les éboueurs ont une force de frappe particulière, ils ne peuvent faire grève pour des raisons financières, avec la solidarité financière (1000 personnes donnant 50 euros) ils peuvent tenir une grève d’un mois dans le cadre d’un bras de fer avec la mairie. Les réponses qui m’ont été apportées ne m’ont pas convaincu. « Pour le moment les salariés n’en sont pas là » : c’est vrai surtout si les organisations syndicales refusent de lancer la réflexion globale sur ce moyen d’action ! J’étais présent à la réunion des salariés et j’ai bien entendu une responsable lancer d’abord l’appel : « Dîtes-nous ce que vous voulez ». Une personne a posé la question de la grève. Réponse juste : « Une grève ça se construit ». Mais qui veut discuter ensuite hors des sentiers battus pour la construire ? « Ils ne veulent pas d’une grève qui risque d’être impopulaire ». De deux choses l’une, ou on gagne la bataille de l’opinion et la grève non seulement sera populaire mais suscitera l’admiration, ou on ne gagne pas cette bataille et alors la pétition devient dérisoire (sauf pour la classe politique qui pense gagner les prochaines élections). C’est à voix basse que quelqu’un dans la salle s’est fait cette réflexion : et si avec la pétition, dont les élus ont souhaité une mise en conformité avec la règle électorale (elle l’est déjà avec la référence à l’adresse), on ajoutait une colonne : oui ou non à une solidarité financière pour une éventuelle grève des éboueurs ? En effet, rien n’indique que cette forme d’action soit la bonne mais au moins sa mise en discussion pourrait permettre de tester le rapport de force mieux que la révolte ordinaire. D’autres idées existent mais les personnes n’osent les formuler. Observations annexes En assistant aux deux réunions, celle des salariés et celle du comité, j’ai vérifié que deux mondes se côtoient très peu. Ceux qui pensent que les classes sociales n’existent plus devraient pouvoir visionner les deux débats : celui du 13 mai et celui du 20 mai. Ils seraient surpris. D’un côté une réunion populaire et de l’autre une réunion de la petite et moyenne bourgeoisie (à laquelle j’appartiens). D’un côté une réunion où les réflexions fusent dans tous les sens, où les réalités sont perceptibles directement ; de l’autre une réunion très classique, très « bon élève », très tribune. Je n’ai pas été surpris qu’à la première réunion, la classe politique ait été presque totalement absente (seul un responsable du PCF) peut-être parce qu’il était évident qu’il s’agissait seulement d’écouter. Quand j’entends « que les salariés gardent la maîtrise de leur lutte » j’applaudis des deux mains mais pour les salariés qu’elle est la lutte proposée ? Faire en sorte que les négociations ouvertes sur la transformation de leur statut se fassent collectivement et non individuellement. Quand un salarié a demandé : « Mais alors, il y a déjà des convocations individuelles, faut-il refuser d’y aller ? » Je ne connais pas la réponse syndicale. Quand je mentionne le rappel des luttes de 1995, je ne parle pas d’un souvenir personnel, mais d’une réflexion entendue à cette réunion. Bref, pourquoi à la réunion du comité, le seuls salariés à s’être exprimés sont des responsables syndicaux ? Car juste avant ils avaient été présents au rassemblement de la mairie et que lé réunion en plus c’était beaucoup ? A force de perdre des batailles avec les méthodes ordinaires, ceux qui détiennent le pouvoir du « travail », bien qu’ils soient les plus motivés, sont les plus dubitatifs devant la façon de magnifier « les usagers ». Inventer la révolte, c’est admettre qu’il faut LES DEUX, alors qu’autrefois le point de vue de l’usager était totalement oublié, mais c’est admettre ensuite qu’il faut trouver les moyens d’établir un PONT pour organiser la rencontre entre deux mondes, le peuple qui ne se sent plus représenté, et les représentants qui ne connaissent plus le peuple. La lutte devant durer, peut-être aurons-nous l’occasion de revenir sur le sujet ? 21-05-2009 J-P Damaggio
Nota : Comme je suis un adepte de la transparence je précise que dix personnes très variées m’ont envoyé un message pour soutenir ma proposition dont certaines étaient présentes à la réunion, l’une d’elle est intervenue pour souhaiter que l’idée ne se perde pas en cours et de route et pour demander d’autres assemblées générales. Je les en remercie. A suivre.