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23 avril 2009 4 23 /04 /avril /2009 13:45

21 avril 2009


Cher Alberto

La pluie qui persiste autour de moi vient de me pousser vers mon ordinateur où j’ai eu subitement envie de savoir où en était le cas « Lori Berenson ». Cette New-yorkaise qui croupit depuis des années dans les prisons péruviennes, où elle fut envoyée en 1995 suite à sa capture, doit attendre la fin de son incarcération qui approche au moment où la tienne commence, et c’est drôle !

Je n’aurais pas pris la plume pour mentionner de telles banalités si je n’avais appris qu’aujourd’hui même elle a quitté la prison Huacariz de Cajamarca pour se retrouver à la prison de Chorillos à Lima. Le transfert s’est fait par bus grâce à l’emprise Díaz : départ à dix-neuf heures jeudi 16 avril, et arrivée à La Victoria, à Lima, à onze heures le lendemain matin. Pourquoi ce transfert, cher Alberto ? Il s’en passe des choses dans cette prison de Cajamarace : en 2008 on y a trouvé des kilos de drogues, de très nombreuses armes et surtout des cellulaires (nous disons téléphones portables) mais jamais personne n’avait imaginé qu’une des rares femmes présentes parmi les 600 détenus (pour 500 places) puisse tomber enceinte ! Oui, Lori Berenson attend un enfant pour le mois prochain et, depuis la nouvelle qui date de septembre, plusieurs personnes se sont laissées aller à penser qu’il existe un lien entre la visite de son mari intervenue le 15 août, et l’attente du fils.

Moi-même je ne savais pas que Lori s’était mariée en 2005 avec Aníbal Sánchez Apari, un détenu qu’elle croisa et aima à la prison de Puno. Tous deux purgeaient la même peine en tant que membres du MRTA (Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru) mais Aníbal a pu sortir avant, alors que Lori doit attendre 2011.

Le transfert à Lima s’explique pour deux raisons : Lori avait déjà des douleurs lombaires et de plus, à quarante ans, la grossesse mérite des surveillances impossibles à la clinique Limatambo de Cajamarca, où on découvrit sa nouvelle situation.

Sa prison des alentours de la célèbre Cajamarca, Lori dût la laisser avec un pincement au cœur : elle y apprit le métier qu’elle veut faire en sortant, fabriquer des gâteaux et particulièrement les traditionnels panetones de Noël qui ne sont pas qu’italiens ! Cher Alberto, as-tu seulement une idée des activités que tu vas déployer pour occuper dignement ton temps en prison ? En revenir à tes études mathématiques ? Ou écrire tes souvenirs ? Je pense pour un livre de mémoires et je veux t’aider.

Quand, lors de son arrestation, devant les caméras de télévision, Lori déclara sans se gêner : « Au MRTA il n'y a ni délinquants, ni terroristes, c'est un mouvement révolutionnaire » vous auriez dû, Alberto, deviner qu’elle allait vous donner du fil à retordre. A 18 ans, elle a abandonné la vie d'enseignante toute tracée, que ses parents lui préparèrent à New York, pour vivre au Salvador, suite à un échange universitaire. Etudiante en anthropologie social, elle fut marquée par la misère sociale qu'elle découvrit. Elle devint secrétaire du FMLN (Farabundo Marti de Libéracion National).

Quand le juge lui déclara :

- Le FMLN a commis des excès contre les populations ?

- Beaucoup moins que l’armée du Salvador répliqua-t-elle.

Une enquête des Nations Unies a révélé par la suite que pour le Guatemala 80% des massacres furent le fait de l’armée de ce pays et 20% le fait de la guérilla qui riposta avec les moyens du bord. Au Salvador la proportion a sans douté été la même.

En Février 1990, Lori partit au Nicaragua pour mieux apprendre l’espagnol et aider les réfugiés du Salvador. L'histoire s'enchaîne comme celle d'un espoir de justice libération. Elle travailla pour le FMLN à Managua puis en 1992 et 1994 elle revint au Salvador. Pour achever ce détour instructif par l’Amérique centrale, voyons l’étape Panama. Par des traductions et autres petits boulots, elle y survécut jusqu'à la rencontre de Pacifico Castellon qu'elle suivit au Pérou en 1994. Dès novembre 1995, vos services, cher Alberto, prouvèrent leur efficacité : elle fut capturée dans le quartier de La Molina à Lima, suite à un affrontement avec la police, et elle fut condamnée à la perpétuité en mars 1996 par des tribunaux dont on ne peut pas dire qu'ils avaient le souci de la vérité.

Le 3 septembre 2000, par un article de Laura Puertas, je découvre le cas dans cet infâme journal que vous n’avez jamais supporté : La Republica. Les lobbies nord-américains avaient réussi à mettre la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur le dossier mais sans succès.

Lori Berenson connaissait parfaitement une autre membre du MRTA, Nancy, la femme de Nestor Cerpa, le chef du commando qui prit les otages à l’Ambassade du Japon en 1996. D’ailleurs, avant de mourir sous les coups de feu des policiers, la dernière demande de Nestor était simplement la libération de sa femme. Pour te rappeler, Alberto, avec qui tu vivais à l’époque, voici une info de l’ex-otage ambassadeur du Japon dans un entretien à La Republica avec Angel Paez en juillet 1997 : «Pendant la prise d'otages, j'ai caché les bijoux de ma femme, Naoko, et les portraits des empereurs Akihito et Michiko pour que les subversifs ne les prennent pas comme trophée de guerre mais, quand nous sommes revenus à la résidence, après la capture, on nous rendit seulement les portraits de nos empereurs. »

Les bijoux n’avaient pas pu être volés par les guérilleros du MRTA : ils furent tous tués !

Bref, après ta réélection de l’an 2000, les USA décidèrent de se faire moins gentils en ressortant le cas Lori Berenson. Mais il y a eu la fameuse vidéo qui fit tomber Montesinos et puis d’autres vidéos qui rendit le cas de la New-Yorkaise inutile pour provoquer votre chute. Dans une vidéo y apprend qu’au moment des accords avec l’Equateur suite à la guerre, des demandes furent formulée par Ferrero Costa, le négociateur de l’OEA, en faveur d'un nouveau procès pour la Nord-américaine prisonnière alors à Yanamayo à Puno. Vladimiro accepta l’idée. La jeune femme devenait à cette occasion une monnaie d’échange : un geste pour Lori contre un geste en faveur de la paix, mais la paix put se conclure sans ce marché !

Je crois Alberto, que dans tes Mémoires il te faudrait suivre d’abord l'acte d'accusation pour le comparer avec le tien. Avec le MRTA, pouvait-elle fomenter la prise du Congrès en 1995 ? Ensuite il te faudrait suivre à la loupe, l’enquête : pourquoi seulement en l’an 2000 des juges proposent-ils de la confronter avec Pacifico Castellon, le peintre panaméen ? Ils auraient loué ensemble l’appartement où fut capturé l’un des chefs du MRTA Miguel Rincon Rincon.

En fait, Montesinos, à découvrir l’arrogance d’une femme n'hésitant pas à le défier, eut l'idée d'en faire une affaire, c'est-à-dire un nouvel outil pour assurer son propre pouvoir. Quels conseils reçut-il de ses amis de la CIA ? Et toi-même, don Alberto, comment as-tu pris la mesure de l’embrouille ?

Tout d' un coup, je me dis, cher Alberto, que j'aurais plutôt dû écrire à la jeune femme aux cheveux longs, aux lunettes sages et à la pose tranquille. Voici ce que je lui aurai dit :

 

Chère Lori,

Je souhaite que la naissance de ton fils puisse t’ouvrir une page heureuse de ta vie. Je souhaite que ta sortie de prison soit une revanche contre l’injustice. Je me souviens de toi au cours du second procès en l’an 2001, quand tu jetas quelques coups d'œil à tes parents Mark et Rhoda Berenson que tu revoyais à cette occasion. Leur regard te renvoya des images sages d’une enfance qui te semble si loin. Ta vie au Pérou a-t-elle créé un mur entre eux et toi ? Je sais qu’ils aiment beaucoup tes panetones.

Le procureur du Pérou, à présent débarrassé de Montesinos, mais qui en restera la créature, était encore saignant alors. Mario Cagnaro (ça sonne italien) a signalé que dans la prison de Chorillos où tu as abouti ces derniers temps, tu as chanté à la gloire du MRTA avec... Nancy. En fait, tu prétends que ta seule participation visa à attirer l’attention des gardiens sur l’état de santé de Nancy. Presque déjà six ans de prison, et Nancy toujours avec toi ! Celle qui a perdu son amour dans cette fameuse attaque de l’Ambassade du Japon, comment va-t-elle aujourd’hui ? Sur une photo de presse de l’an 2000, je l’ai aperçu pour la première fois dans un habit vert. Nancy, mère d'un enfant dont le père fut Nestor Cerpa, aura-t-elle droit à un autre procès ?

Le plus dur face à face de ce procès d’hier, ce fut la confrontation avec ton ancien amoureux, ce Panaméen qui pour sauver sa peau sera prêt à tout. Il expliquera comment tu as rencontré en Equateur, Carlos, c'est-à-dire, Nestor Cerpa et comment il vous confia 5000 dollars à chacun pour passer au Pérou afin d'y créer, à Lima, une planque pour le MRTA. Il aura la mémoire des dates et je cite, ce 6 novembre 1994 à Panama, celle de votre première rencontre, celle d'un amour possible ou impossible, celle d'une lutte à couteaux tirés. Chère Lori, les hommes sont peu fiables mais l’histoire est pleine de rebondissements : celui-là même qui cause le plus grand de tes malheurs, cet ex-président Alberto que tu as le droit de vomir, tu vas peut-être le croiser en prison avec son complice Vladimiro ! J'avais imaginé à tort une condamnation inférieure à sept ans, les sept ans que tu as déjà fait, tu dois en fait attendre 2011 et comme tu peux garder ton fils en prison trois ans, vous sortirez ensemble ! Tu n'auras pas, à ta sortie, un vaste réseau capable de t'offrir un voyage de par le monde pour expliquer ta jeunesse, aux assoiffés de justice, tu auras seulement une famille pour te réconforter. Peut-être emploieras-tu les mots pour nous écrire les récits de ta survie ? Ta révolte, Lori, sans frontière et sans fin, appartiendra à la clandestinité de la dignité humaine d'un siècle qui la bafouait. Un jour d'avril, j'ai tenu à apporter mon soutien financier à la mère de Nestor Cerpa qui vivait alors en France mais je ne sais trop aujourd’hui où elle est. Bref, je te souhaite bon courage et prends soin de toi. Jean-Paul Damaggio

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