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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 14:13

 Certains vont d’étonner que je débute cette catégorie sur René Bouquet (un film à la télé vient de résumer sa vie ) par cet article de mai 1937 qu’il publie dans La Dépêche. Le futur maître de la police de Vichy d’avril 1842 au 31 décembre 1943 était d’abord ce passionné d’agriculture ! Visait-il un poste de ministre, un poste de député ? En attendant plus sur le sujet (j’habite à 5 km de la tombe de René Bousquet), cet article un peu long montre un homme intelligent et novateur. A suivre. JPD

 

 

La crise maraîchère

 

La crise maraîchère ne constitue qu’un aspect de la crise agricole. Elle est due à la surproduction et à un défaut d’organisation des marchés.

 

Les grèves des 15 septembre et 28 décembre dernier, le conflit qui existe actuellement entre les maraîchers de l’Ile de France et leurs ouvriers, attirent l’attention des pouvoirs publics sur un aspect fort inquiétant de la crise agricole.

Il paraît inutile d’insister sur la réalité de la crise maraîchère car personne ne songe à en discuter l’évidence. La Confédération générale des producteurs de légumes estime que la baisse subie sur ces produits est de l’ordre de 30 à 60%. Pour mieux éclairer le public, ce groupement a relevé les cours moyens des légumes aux Halles de Paris exactement à un an de distance et pour un jour identique, un dimanche (le 21 mars 1936 et le 22 mars 1937).

Voici quelques-uns de ces cours aux 100 kg :

Ail……                ……               500…400

Carottes                                      55    45

Carottes du midi                   270  100

Epinards                                  250  100

Escarole du Midi                  270  100

Le cent de chicorée du Midi  130   60

Choux                                             85   30

Choux-fleurs                              215  150

Ces quelques chiffres concrétisent le problème. Ils font apparaître une baisse importante par rapport à 1936 et un coefficient d’augmentation inférieur à 3% par rapport aux prix pratiqués en 1913.

Nous voudrions examiner ici dans leur ensemble les causes de cette crise maraîchère et les remèdes qu’il est souhaitable d’y apporter.

 

Les causes de cette crise

Elles sont nombreuses mais de gravité inégale. Elles se réfèrent essentiellement à la protection douanière, aux transports, à l’organisation des grands marchés, à l’influence des nouvelles lois sociales, à l’insuffisance de la qualité et à l’augmentation de la production.

 

Protection douanière

Sur le premier trimestre 1936 et le premier trimestre 1937le contingent des légumes frais a été fixé à zéro. De ce côté par conséquent on ne peut faire plus. Par contre les contingents de « conserves de légumes » à importer en France restent encore fixés à des chiffres trop élevés. Ils empêchent ainsi l’industrie de la conserverie française de jouer son rôle d’élimination des excédents avec toute l’efficacité nécessaire. Enfin, en ce qui concerne les « légumes secs » les contingents alloués à l’étranger restent trop élevés.

 

Transports

La politique jusqu’ici pratiquée par les transporteurs et plus particulièrement par les grands réseaux de chemin d fer, n’a pas été inspiré ni par des considérations d’intérêt général, ni par le souci de la prospérité de l’économie du pays. Les réseaux n’ont eu malgré toutes leurs déclarations officielles, qu’un seul souci : celui de se défendre contre les concurrences dont ils étaient l’objet.

On le constate par le fait que les tarifs d’envoi sur les grands marchés sont plus avantageux que les tarifs de réexpédition ce qui favorise l’embouteillage des marchés et provoque l’avilissement des cours.

On le constate aussi par le fait que les transports vers Paris sont, en général, mieux organisés et plus avantageux que les tarifs des expéditions transversales. On le constate enfin par le fait que les tarifs de transit accordés aux marchandises étrangères sont quelques fois plus avantageux que ceux accordés aux produits similaires destinés par nos producteurs à l’exportation.

 

Organisation des grands marchés

Il paraît difficile de parler de l’organisation des nos grands marchés lorsqu’on a le spectacle lamentable du désordre qui règne aux Halles de Paris. Ce marché est tel aujourd’hui qu’il existait en 1857. Pour faire face aux nécessités nouvelles dues à l’accroissement de la population, on s’est contenté de laisser s'étendre les Halles de Paris dans les rues avoisinantes. Cette carence dans l’organisation nous la retrouvons dans la réglementation. Ainsi s’établissent et se perpétuent des erreurs de distribution qui provoquent la pléthore la baisse consécutive des produits maraîchers, un défaut d’organisation dont les répercussions se font sentir sur le prix des marchandises au détriment des producteurs et des consommateurs. Cette anarchie laisse le champ libre à la spéculation. Les expéditions de nos produits locaux sur le marché de Paris ne sont plus rémunératrices que pour quelques intermédiaires habiles et entreprenants.

 

Influence des nouvelles lois sociales.

Cette influence s'exerce dans un double sens contradictoire. Elle tend à réduire la consommation et à augmenter la production.

A réduire la consommation, parla fermeture deux jours par semaine des marchés et des boutiques alors qu'il s'agit de denrées essentiellement périssables. A augmenter la production parce que la classe ouvrière cherchera avec raison d'ailleurs, à utiliser les loisirs qui lui ont été accordés pour assurer elle-même la culture et la production des légumes de consommation courante.

 

Insuffisance de la qualité. - La crise maraîchère, dont, nous essayons d'examiner les causes s'est certainement ressentie de l'insuffisance de la qualité de quelques uns de nos produits. On perd trop souvent de vue que l'on diminue la recette en abandonnant la recherche de la qualité par celle de la quantité. On ne dira jamais assez le mal qu’on fait à notre production maraichère certaines pratiques, telles que le fardage ou l'envoi sur les marchés de produits presque impropres à la consommation.

 

Augmentation de la production

D'après la statistique agricole, la superficie des cultures maraîchères dans la France métropolitaine a évolué de 76.716 hectares en 1904 à 266.845 hectares en 1913 pour atteindre près de 360.000 hectares en 1937. La statistique confirme donc les faits et l'expérience de tous ceux qui suivent l'évolution de l'économie rurale

Cet accroissement de la production a diverses raisons : D'abord la limitation récente de certaines cultures qui a libéré des terres consacrées à la culture maraichère. Ensuite, la diminution des superficies affectées à la production des céréales notamment et la nécessité de rechercher des cultures de remplacement. Enfin l’accélération et l’amélioration des transports qui ont permis aux primeurs d’Afrique du Nord d’arriver en meilleur état et à meilleur compte sur le sol de la métropole.

Il faut noter également la perte de certains débouchés extérieurs tels que celui des pommes de terre ou des artichauts sur l’Angleterre. A toutes ces causes constantes s’ajoutent des causes exceptionnelles et notamment le fait que la succession de plusieurs hivers très doux et très humides ont été particulièrement favorables à la production légumière.

 

Les remèdes

Pour remédier à cette crise, il faut évidemment agir en même temps sur toutes les causes. Il faut améliorer encore la protection douanière, pratiquer une politique plus rationnelle des transports, réorganiser nos grands marchés en assurant de façon effective la défense des producteurs éloignés du lieu des transactions, appliquer les lois sociales de manière à ne pas diminuer les jours de vente aux producteurs eux-mêmes en leur demandant de rechercher l’amélioration de la qualité et de collaborer à la répression du fardage.

Malheureusement il n’est pas possible de penser que l’application de ces différentes mesures puisse être immédiatement réalisable. Suffirait-elle d’ailleurs à assainir un marché sursaturé et constamment alimenté de quantités très largement supérieures aux possibilités de la consommation ? C’est bien peu probable, autrement d’ailleurs, et si cela devait suffire à assurer l’organisation du marché et la revalorisation des cours qu’adviendrait-il ? On peut facilement prévoir que du jour au lendemain, la culture maraîchère devenant rémunératrice, l’accroissement de la production continuerait ou reprendrait, son cours de telle sorte que nos agriculteurs ne sortiraient d’une crise que pour retomber dans une autre.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous pensons qu’il faudra sans doute en arriver un jour ou l’autre à une limitation de la production, limitation souple, libérale dont les principes seront posés et les modalités d’application réglées par des comités professionnels régionaux. Cette règlementation devra avoir pour principal objet de provoquer tout au moins une « stabilisation » à défaut d’une « réduction des surfaces ». Certes, la deuxième solution plus brutale sans doute, serait plus efficace à condition de prévoir l’exonération totale des petits producteurs ou des producteurs spécialisés qui sont dans l’impossibilité de trouver des cultures de remplacement et de ne toucher sous aucun prétexte aux cultures exclusivement réservée à la consommation familiale.

Cette limitation, en toute équité, ne devrait être imposée qu’aux seuls responsables de cette crise actuelle de surproduction : ceux qui, dans des entreprises semi-industrielles de culture, profitent de la richesse naturelle de nos grandes plaines de France pour produire sans tenir compte ni des conditions économiques ni de la situation particulière des marchés sur lesquels leurs produits devront être écoulés.

Il resterait ensuite à donner aux petits et moyens producteurs, éloignés des grands marchés où se vendent leurs produite les moyens de défendre leurs intérêts et leurs droits. Que se passe-t- il en effet aujourd’hui encore dans notre région ? Certains cultivateurs vendent à des expéditeurs locaux qui prennent à leurs charges les risques mais aussi les bénéfices. D'autres, plus nombreux pour éviter des pertes de temps, livrent leurs récoltes, au fur et à mesure, à des intermédiaires qui viennent prendre livraison à la ferme et assurent ensuite la transmission à une grande maison de commerce chargée de la vente sur le marché. Quelques jours après, le bordereau de vente arrive. Il porte un prix que le producteur n'a pu discuter, duquel il faut déduire les frais de transports, de manutention, d'emmagasinage, de courtage. Il faut le reconnaître, la partie n'est pas égale, les bénéfices réalisés ne le sont pas non plus. Si rien n'est changé à cet état de choses les producteurs auront intérêt à se grouper en coopératives pour trouver eux mêmes des débouchés et organiser sinon la vente directe, du moins la vente au commerce directement en contact avec le consommateur.

 

D'une manière générale, l’application de ces remèdes exige la collaboration confiante des pouvoirs publics et des intéressés, les pouvoirs publics légiférant dans la plénitude de leurs attributions en s'entourant des avis des organisations professionnelles, ces derniers s'astreignant à une discipline sans laquelle aucune organisation n'est viable.

Il ne faut pas perdre de vue que la crise maraichère soulève un problème complexe. Certains ont grand tort de vouloir le comparer à celui du blé ou du vin dont les données sont beaucoup plus précises. La vérité c'est qu'il est temps de considérer le problème agricole dans son ensemble. Pendant trop longtemps on a dû pour faire face aux nécessités urgentes d'une crise grave, parer au plus pressé sans se préoccuper suffisamment des répercussions ou des incidences.

IL n'existe pas en réalité un problème du blé différent du problème du vin, ou de celui des produits laitiers, des denrées fourragères ou des produits maraichers.

Il n'y a qu'une question qui se pose celle de savoir si l'on cessera de pratiquer une politique agricole « à la petite semaine », pour entreprendre, alors que c'est possible, l'œuvre générale et méthodique d'organisation de la production rurale dont le pays a besoin.

 

René BOUSQUET,

Ancien directeur du cabinet ministre de l'agriculture.

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