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Cinéma italien : il divo à Montauban

Cinéma italien :
il divo à Montauban

 

 

Grâce à une association dynamique, La Dante Alighieri, douze films italiens viennent d’être projetés à Montauban et pour cette chronique je n’en mentionne qu’un : il divo, un film de Paolo Sorrentino qui nous plonge dans le courant politique… de Giulio Andreotti (il divo fut un de ses multiples surnoms dans un pays où leur usage reste fréquent).

Nous sommes dans la Rome de 1990 (exactement de 1991 à 1993) et revivre la grande époque des tangente c’est comme plonger dans la préhistoire de notre univers actuel. Pourtant, 1990, ce n’est pas si loin !

Après l’ignoble assassinat de Giovani Falcone, donc bien après celui d’Aldo Moro, les juges italiens et en premier lieu ceux de Milan, décident de poursuivre les truands de la politique jusqu’au boues. Ils signent ainsi la mort politique du grand Giulio Andreotti qui a été au cœur de la vie politique du pays depuis des années avec comme arme de combat : la Démocratie Chrétienne (DC). Le film commence par son ultime succès : son dernier poste de président du conseil. Mais le réalisateur a choisi comme angle d’attaque de montrer l’Italie sombre, l’Italie mafieuse, l’Italie des complots sous forme d’un drame presque comique avec un bande son très varié. La justice ayant fini par acquitter le personnage clef, le film est à charge contre lui mais en laissant toute sa place au mystère ce qui rejoint celui de l’équivalent français : Mitterrand. Bien sûr l’équivalence doit s’entendre à partir des différences entre les deux pays qui sont depuis longtemps comme frère et sœur.

Le film aurait pu choisir l’autre personnage clef de l’édifice, le socialiste Bettino Craxi qui décida de fuir les juges en allant vivre ses ultimes jours chez son ami de l’Internationale socialiste, le Tunisien Ben Ali. Avec Andreotti cependant, tout devient plus palpitant : il reste face à ses juges, il reste face aux défaites. La plus cuisante fut son échec à la course à la présidence où il fut battu par Oscar Luigi Scalfaro le 26 mai 1992 (l’homme est depuis 2007 membre du Parti démocratique). Le film rend parfaitement bien ce tournant de l’histoire italienne.

Le spectateur se prend à penser : tout ce nettoyage, toute cette bagarre, cette disparition de la Démocratie chrétienne pour en arriver à Silvio Berlusconi qui était déjà là, en embuscade en 1990, quelle tristesse ! Qui était au bout du compte le vrai chef de la Loge P2, Andreotti ou Berlusconi ?

Parmi les voyages à l’étranger d’Andreotti, le réalisateur du film retient le voyage au Kremlin. Comme pour le reste des événements, pas question de montrer l’homme de la rue ou l’adversaire politique, non, on reste parmi les sommités. Gorbatchev est au pouvoir et on imagine qu’Andreotti est à Moscou pour en savoir plus sur la décision du PCI de se lancer dans une mutation suite aux effondrements à l’Est de 1989. L’Italie des années 90 est en effet un triple laboratoire : la mort de la classe dirigeante DC, la naissance d’une opposition d’un type nouveau (les communistes reconvertis à la social-démocratie) et surtout le cas de la Ligue Nord d’Umberto Bossi qui a Milan travaille à la reconstruction d’une classe dominante à mi chemin entre le fascisme et le populisme, entre l’anti-étatisme et le dictatorial.

En bout de route, Gorbatchev tombera, Andreotti aussi, et aujourd’hui ils sont comme des fantômes qui rôdent encore quelque part, tous les deux étant vivants, en quête peut-être d’un rêve impossible.

Le film par ses choix esthétiques ne cherchent pas à apporter des réponses. Il témoigne seulement d’une époque. Quel accueil a-t-il reçu en Italie ? Toni Servillo qui joue le personnage clef, souvent filmé en gros plan comme sur photo, accomplit un miracle pour se couler en un personnage globalement exagéré et même temps si humain ! Son entretien avec Eugenio Scalfari, le responsable de La Repubblica est une scène marquante.

Pour le premier intéressé qui a vu le film en séance privée, il s’agit « d’un mauvais travail, une saloperie de plus qui retourne la situation et montre un personnage qu’il n’a jamais connu ». Fair play, il ne portera pas plainte car « pour une homme politique, il vaut mieux être critiqué qu’ignoré ». Un sens de l’humour du personnage qui marque tout le film en commençant par la phrase de départ : « Sauf les guerres puniques, on m’aura accusé de tous les maux de l’Italie ». Faut-il le plaindre à la fin ? C’est plutôt cette autre question qui court pendant la projection : que restera-t-il de son œuvre ?

3-03-2009 Jean-Paul Damaggio

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