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Par éditions la brochure
La valse du hérisson
Par un hasard de la vie, Démocrite fut invité à tenir chronique quotidienne sur un journal courant 2007. Il a rassemblé les textes en question, publiés par les Editions La Brochure sous le titre d’une des chroniques, celle que nous vous offrons. La Valse du hérisson, 164 pages, 15 euros, ISBN : 978-2-917154-13-7
Et voilà, c’est reparti, sur nos routes empoussiérées, se dodelinent ces petites bêtes non pas à poils ni à plumes mais à piquants que l’on nomme communément hérissons. Mâles ou femelles, petits ou grands, ces grands pourfendeurs de couleuvres, insectes et autres viscosités rampantes ont le chic et le choc pour surgir du bas-côté sous nos roues crantées.
Immanquablement le résultat ressemble à une bouillie informe d’où émerge de ci de là, un museau, une patte figée dans la mort motorisée. Je n’ai pas de tendresse particulière pour ces animaux, si ce n’est que je tente de les respecter pour leur contribution à Dame Nature et que je regrette profondément que leurs pas menus les portent systématiquement sur nos départementales asphaltées à leurs risques et périls. Le péril est bien souvent le lot de ces charmantes bestioles. Par ailleurs, je ne résiste pas au plaisir d’un audacieux parallèle entre cette existence vouée à la recherche d’insectes et à la nôtre tout aussi périlleuse quand à la somme des dangers qui nous guettent sans cesse : guerres, maladies, accidents, tromperies et autres inventions dont l’Homme a le secret. Nous passons tellement de temps à vouloir traverser la vie avec nos aveugles passions que nous avons parfois du mal à voir le transport qui nous écrasera au mitant du parcours. Notre besoin affiché de battre sans cesse des records de vitesse, de richesse, de pouvoir nous fait oublier le sens même d’une vie trop souvent ternie par les vicissitudes du quotidien.
Pareil au hérisson qui s’empresse de traverser sans se soucier du monstre métallisé qui se présente au loin, nous avons une propension extraordinaire à courir après notre perte sans jamais prendre le temps de regarder à droite, à gauche avant de nous engager. Le hérisson signe une fois sur deux sa perte ! Puissions-nous ne pas faire de même et nous préserver de toute illusion quand il s’agit de traverser le gué ! Puissions-nous montrer autre chose que nos piquants pour exister !
J’ai ramassé le cadavre du hérisson mort devant mon portail, et pour ne pas laisser au bord de la route ceux qui n’osent franchir le pas, je vous invite à construire un monde où personne ne sera écrasé, écarté, oublié en chemin.
Cet hérisson a cessé de vivre et n’a pu se défendre malgré ses piquants et ses pattes étaient mues d’une dernière pulsion à son agonie. Gageons que les hommes et les femmes que nous côtoyons chaque jour se choisiront enfin un autre destin et qu’ils refuseront l’inéluctable pour ne pas être un jour… au bord d’une route !
Les violons jouaient un air joyeux de Johann Strauss, une valse, je crois ! Et nous nous souvenons de cette autre guerre…
Le 5 mai 2007
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