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Sculpture sur Canyon Road Santa Fe, une rue consacrée aux artistes
Dimanche, 17 h, sur la Plaza de Santa Fe, c’est le désert. Même les deux Indiens jouant et chantant rangent leur matériel. Parking facile. Le tour des vitrines de la place rappelle que nous sommes dans la ville des artistes. Pourquoi tant de bijoux splendides, sculptures et autres merveilles ? Car la ville est belle, le climat agréable et le contexte très favorable à l’inspiration des créateurs ? Parce qu’un jour un peintre s’est trouvé bien en ce lieu et par le bouche à oreilles a fait venir des amis ? Les trois jours dans la ville confirment la première observation : la présence des arts est vraiment impressionnante. Mais le pourquoi n’a rien à voir avec des explications sociologiques, artistes ou climatologiques. La réponse est beaucoup plus terre à terre? comme nous dirions que la théorie de Marx est terre à terre.
Là où le profit est roi, l’activité va où le marché est possible.
Tony Hillerman est arrivé à Santa Fe en 1952 juste au moment où « la Cité différente » perdait son titre. Différente en quoi ?
Mais d’abord Tony Hillerman est différent en quoi du reste des Etatsuniens ? Dans son autobiographie il écrit à propose de son expérience de soldat en France en 1944 :
«Les renseignements militaires [des USA], un terme dont nous devions apprendre qu’il constitue le parfait oxymoron. » Et le livre n’est pas tendre avec l’idiotie de renseignements militaires envoyant à la mort de jeunes soldats étatsuniens. Généralement, par patriotisme, un bon citoyen aurait dû taire une tare qui depuis n’en finit pas de faire des dégâts malgré des tonnes d’écoutes téléphoniques.
Mais revenons au Santa Fe de 1952 : « A Santa Fe, capitale de l’Etat, les emplois relevant de la municipalité ou de l’administration du comté revenaient prioritairement aux Hispaniques alors que les Anglos étaient massivement représentés dans les branches touristiques et commerciales. Le tout rehaussé d’un vernis de culture par une colonie artistique très active, elle-même renforcé par une délégation de « pseudo » peintres, sculpteurs, etc. qui vivaient des largesses de proches fortunés. »
Pourquoi différente ? Car les Hispaniques, qui partout étaient relégués dans les marges de la société, occupaient à Santa Fe le haut du pavé ! La ville fut celle de l’aristocratie espagnole puis créole car stratégique du temps de la colonie puis de l’indépendance du Mexique. Elle l’est devenue encore plus quand le New Mexico est né car elle s’est trouvée sur tous les axes entre l’est et l’ouest, le sud et le nord. N’est-elle pas une étape de la fameuse route 66 ?
En conséquence la classe dirigeante, dont la visite du Palais du gouverneur donne une idée de la force, est restée en place et ceux qui furent désignés d’Anglos, c’étaient tous les nouveaux venus et pas seulement les Anglais.
A Santa Fe j’aurais dû aller visiter le cimetière pour y découvrir les traces de cette grandeur passée qui a fait une place aux artistes, place d’autant plus renforcée quand la ville est devenue touristique grâce à l’ingéniosité des opposants aux Hispaniques, les Anglos !
Hillerman est arrivé dans cette ville comme journaliste, d’abord de base puis plus reconnu, en conséquence il a appris à la connaître de l’intérieur aussi quand on lui a proposé de devenir enseignant en partant pour Albuquerque, il est parti avec joie. Aujourd’hui sa fille vit à Santa Fe où les rapports sociaux ont peut-être changé de nature. Pour la présence des artistes c’est par contre la même problématique : un tourisme de luxe leur a permis de s’enraciner. Ajoutons un éventuel vestige du passé : l’artisanat indien est riche et vigoureux, les maîtres d’hier ayant peut-être fait vivre également la créativité populaire ?
Jean-Paul Damaggio