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La tombe de Gera Taro au Père Lachaise, avec une colombe, oeuvre de Giacometti.
Cet article de L’Humanité, au-delà de l’événement, témoigne d’une époque.
L’Humanité 2 août 1937
La vaillante journaliste Gerda TARO tuée sur le front de Madrid
a eu hier d'émouvantes obsèques
Les obsèques de la vaillante reporter photographe de notre confrère Ce Soir, qui trouva la mort dans un malencontreux accident sur le front de Brunete, se sont déroulées hier matin.
Toute la matinée, la foule, hommes, femmes, vieux, jeunes, groupes de jeunes chrétiens de l'Y. M. C. A., est venue nombreuse, à la Maison de la Culture, 29, rue d'Anjou, s'incliner devant la dépouille mortelle de la malheureuse jeune fille, cependant que des délégations, se relayant, montaient une garde d'honneur.
A 9 h. 30 c'était la délégation de l'Humanité qui assurait cette garde ; Cependant, les couronnes des divers groupes, organisations et personnalités, affluaient. On pouvait noter celles du Syndicat des crieurs de journaux, des Produits chimiques, du Comité international d'aide à l'Espagne, des midinettes, du groupe Art et Travail, de la Fédération du bâtiment, de l'Union des jeunes filles de France, de l'association internationale des écrivains.
La couronne de l'Humanité est particulièrement remarquée, ainsi que celles de l'ambassade d'Espagne, de l'association des volontaires d'Espagne, du personnel et de l'administration de Ce Soir, des porteurs de Paris-Midi et de Paris-Soir etc.
Mais la foule se rassemblait dans la rue d'Anjou, attendant pour conduire la vaillante jeune fille à sa dernière demeure.
L'Harmonie est en tête, des porteurs de couronnes se placent ensuite, puis un char de couronnes et enfin, le char funèbre qui transportera le corps.
Plusieurs milliers de personnes sont présentes quand l'Harmonie entonne une marche funèbre, cependant que des jeunes filles portant des couronnes, se placent autour du char. Le cortège, à travers Paris, va rejoindre le cimetière du Père-Lachaise.
On reconnaît Jean-Richard Bloch et Aragon, co-directeurs de Ce soir, Léon Moussinac, Jeanne Moussinac, Paul et Henriette Nizan, Benson, administrateur de Ce soir, notre camarade Delon, qui conduit la délégation de l'Humanité, Cabrol, dessinateur à l'Humanité.
De nombreux confrères sont également présents.
Tout le long du parcours, tant sur les boulevards que dans le quartier populeux de Ménilmontant, la foule stationnant, sur les trottoirs, attendra le passage du cortège.
Au Père-Lachaise, non loin de la tombe du regretté Henri Barbusse, face au Mur des fédérés, le cortège s'arrête. C'est à cet endroit que reposera désormais Gerda Taro.
Broc, au nom des collaborateurs de Ce soir, prenant la parole, rappelle le courage de la jeune disparue. Bergamin, au nom des écrivains espagnols, apporte le témoignage de l'Espagne républicaine et ajoute : «Je m'engage ici, comme écrivain, comme Espagnol et comme croyant, à apporter un jour ce qui était sa joie, la victoire de l'Espagne républicaine.»
Puis un délégué du syndicat des photographes vient déclarer que « Gerda Taro restera comme le symbole de leur métier.»
Aragon, directeur de Ce soir, apportant ses condoléances à la famille de la victime, rappelle le courage indomptable de cette jeune femme. Il associe son nom à ceux de Guy de Traversay, Delaprée morts en Espagne, à Lina Odéna, la gloire de la jeunesse espagnole, et à tous les martyrs de la guerre civile. Puis le corps est descendu dans la tombe et la foule une dernière fois défile.