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Chanson Plus Bi Fluoré et Ouvrard

 Le groupe Chanson Plus vient de passer à Montauban. Il a apporté sa grande capacité à chanter tout le bien commun en matière de chansons. Des Basques aux Corses, des chansons grivoises à l’Internationale, du Québec à Ouvrard tout y est passé. Ils ont repris le fameux tube de Gaston Ouvrard et je me suis demandé s’ils savaient que l’artiste est décédé à Caussade, tout près de Montauban ? J’offre ici les révélations extraordinaires d’un artiste qui a connu Ouvrard (extraites d'une brochure que nous avons publiée). Si Chanson Plus a adapté la chanson d’Ouvrard avec le thème de l’informatique, vous allez apprendre d’où vient vraiment cette chanson ! JPD

 

Ouvrard m’ouvrit les yeux !

 

Le 26 novembre 1981, j’ai entendu un message radio me répéter en boucle : Caussade est dans le Lot-et-Garonne. Puis, quand, en fin de journée, la rectification arriva, ce fut pour indiquer que Caussade était dans le Tarn. Les erreurs de ce genre sont multiples et peut-être faut-il donner un autre exemple : en 1965, en rendant compte des résultats des élections municipales, la vénérable ORTF ne cessa d’indiquer en lieu et place de Valence d’Agen, Villeneuve d’Agen !

Cependant le cas de Caussade, la petite ville que je connais bien depuis, est important car il était mentionnée comme lieu de décès de Gaston Ouvrard, un chanteur connu nationalement. Comment ! Vous ne connaissez pas le fils d’Eloi ? Mais si, souvenez-vous : J’ai la rate / Qui s’dilate / J’ai le foie / Qu’est pas droit… Un vieux tube de la chanson française. Caussade porte les marques de son identité comme toutes les villes et villages. C’est la ville du chapeau. Et alors ?

Ah ! Si tout le monde savait ce qui se cache sous les ritournelles à succès ! Pour le commun des mortels, le succès de Gaston Ouvrard est intitulé : « je n’suis pas bien portant », un letmotiv qui se retrouve dans un refrain qui n’est pas un vrai refrain : « Ah ! bon Dieu ! qu’c’est embêtant / D’être toujours patraque : Ah ! bon Dieu qu’c’est embêtant / Je n’suis pas bien portant ». En réalité Géo Koger (faut-il que je prouve son existence ?), le parolier, avait plagié une chanson locale de Caussade qui s’intitulait : « je n’suis pas président ». Elle commençait ainsi : « J’ai Gimat / Qui s’dilate / J’ai Montjoi / Qu’est pas droit … ». Je renvoie en annexe la chanson toute entière pour ne pas alourdir mon propos.

Etant, en ces temps reculés, curieux des actualités, j’avais demandé à mon facteur préféré l’origine des villages répertoriés et il n’avait pas eu de mal pour repérer alors un territoire inexistant à mes yeux de Parisien : Le Tarn-et-Garonne. La chanson avait été écrite en l’honneur d’un pauvre personnage local qui, faute d’accéder au poste de président du Conseil général, se lamentait sur la triste situation des communes qu’il pensait aider par son action déterminée. La chanson de Géo date de 1932, juste après « j’ai deux amours » chanté par Joséphine Baker et juste avant « la java bleue » chantée par Fréhel, à moins qu’il n’y ait eu auparavant le très célèbre « Prosper » chanté par Maurice Chevalier. A l’époque je n’avais pas cherché plus loin, pensez, j’avais à peine onze ans ! Né en 1895, Géo Koger devait avoir beaucoup d’affinités avec le Sud.

 

Gaston Ouvrard savait tout ça et il fut reconnaissant à l’auteur provincial, d’avoir laissé vivre son plagiat le plus réussi, de sa si belle vie. En ce temps réel, on ne faisait pas appel aux juges pour un oui ou pour un non. Il s’installa donc à Caussade. Pour son décès, le communiqué masqua l’appellation « Tarn-et-Garonne » pour laisser en sommeil la référence au plagiat. Imaginez que, comme les sportifs qui perdent leur victoire par la découverte du dopage, le bon Gaston soit volé de son succès au moment de son décès ! Le fautif n’aurait été autre que Géo Koger mais il était mort en 1975 dans le plus grand silence. Les paroliers sont toujours plus méconnus que les interprètes. Bref le Tarn-et-Garonne ne pouvait exister et, ce qui se révéla être une anecdote de ma vie, en devint une obsession quand, moi-même je fis le trajet P-M.

N’ayant aucun envie de vivre dans un Paris chiraquisé je suis descendu dans le Sud-Ouest début Mars 1977[i]. A peine familiarisé avec le journal local La Dépêche qu’est-ce que je découvre en Une le 10 mars 1977 ? Pour son anniversaire, le vieux Gaston se fit prendre en photo devant une pochette de disque 33 tours, où on le voyait plus jeune, sous ce titre : « Les grandes chansons, OUVRARD ». Cette photo fit la Une du quotidien. J’ai cru qu’il y aurait un article en page intérieure, mais non, c’était un bref clin d’œil à l’homme de 87 ans, un clin d’œil dont voici la conclusion : « Toujours mobilisé sur le front de la bonne humeur, il n’est pas question pour lui d’abandonner la joie de vivre. J’ai la rate qui s’dilate, c’est bien de la chanson ». Quel plaisir de retrouver les grandes oreilles de ce vieux frère ! Sur la photo, j’ai cru discerner en arrière-plan, une bouteille qui ne pouvait être que du mandarin.

J’en serais resté à cette joie enfantine si un voisin bien portant n’était passé à ce moment-là pour me révéler, sans le savoir, le pot aux roses. Fier de faire mon instruction locale, il me demanda : « Et les trois personnages de l’autre photo de Une, vous les connaissez ? ». Je n’avais aucun mal à reconnaître le président François Mitterrand (en fait il ne l’était pas encore) puis le vieux complice de ses quatre cents coups Alain Savary. Par contre, impossible de mettre un nom sur le troisième personnage. Il me faisait penser à Aramis, les deux autres jouant Athos et Porthos. Mon voisin bienfaiteur m’indiqua alors : c’est le futur président du Conseil général ! J’ai failli m’exclamer comme le commissaire des cinq dernières minutes: « Mais c’est bien sûr ! et le 1er janvier 87, il fêtera sa premier nouvel an de président ». Tout est ici très codé et Ouvrard n’était donc pas en Une par hasard ! Le directeur du journal voulait lui offrir un cadeau d’anniversaire pour prévenir d’éventuelles révélations du genre : « Te fatigues pas, le Tarn-et-Garonne n’a jamais existé » ce qui signifierait qu’il n’existe pas lui-même.

J’ai donc attendu avec impatience l’année 1987 en tenant parfois la plume de quelques amis dont l’un qui écrivit quelque part en octobre 1984 : «Le tonton du village ».

« Dans un premier temps, comme Tarn-et-Garonnais, je me suis senti fier d’avoir un ministre comme pays. D’autant que cela faisait longtemps que l’on y travaillait du côté de VALENCE. Je me suis dit : tê on verra moins le « pitchoun » dans la DEPECHE. On peut être vieux et avoir des illusions. On ne voit plus que lui dans le journal, depuis qu’il est au QUAI d’ORSAY. C’est vrai que maintenant c’est maman qui est PDG. Mais moi, qui donne mes sous au Gouvernement, je pensais qu’un Ministre des Relations Extérieures c’était toujours en voyage à l’étranger et que ça allait coûter cher. Et bê, pas du tout, le nôtre de Ministre, il voyage que dans le Département. Il doit avoir le mal du pays. On aurait dû plutôt le mettre à l’intérieur, comme çà, au moins, même ici, on pourrait croire qu’il travaille. »

Cet ami avait tenu à écrire « Tarn-et-Garonnais » car je n’avais pas encore écrit ce livre qui l’en aurait dissuadé.

 

En ce mois de Mars 1977, ce directeur général du journal, futur président du Conseil général (on écrira PCG), était en train de mettre le pied sur la première marche du pouvoir : la mairie. Quand vous saurez qu’ensuite, la mairie de Caussade a été offerte à l’ami le plus proche (et sénateur comme lui) de ce PCG, vous comprendrez que la chanson d’Ouvrard a été une immense source de joie de vivre, à condition de laisser la version souterraine loin de la version pudique. Imaginez que partout on se mette à chanter : J’ai Gimat qui s’dilate, j’ai Montjoi qu’est pas droit … Un fait d’empereur (la création du 82) deviendrait un fait trop comique (tout y va trop mal) !

 

Le Tarn-et-Garonne n’a jamais existé, et le refus de dire « Caussade en Tarn-et-Garonne » à la mort d’Ouvrard justifie ma démonstration. J’insiste, s’il avait existé, on aurait rabâché partout : « Ouvrard, le comique troupier est décédé à Caussade TARN-ET-GARONNE, petit département français où le chanteur pensa un temps se faire paysan ». La seule chose qui m’ait étonné, c’est qu’Ouvrard n’ait pas pensé à s’offrir une tombe qui fasse penser à Napoléon. Y avait de quoi faire rire après sa mort, tout en honorant celui qui aurait créé le Tarn-et-Garonne où Caussade l’accueillit si bien. Léon Dunara

 



[i] Note de l’éditeur : Bien d’autres raisons amèneront Léon à Montauban dont le décès le 24 avril 1976 de Jean Malrieu dont il défendra sans cesse l’œuvre en rappelant la notice du Dictionnaire général du surréalisme que Gérard Legrand lui consacra en 1982 (avec il est vrai une erreur qui fait décéder Jean en 1975) où il écrit : « Son lyrisme transcende de robustes assises régionales, voire rustiques pour atteindre à l’expression d’une « gaya scienza » dont l’amour est à la fois le principe et l’issue ».

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