Chapeau aux « Amis de Renaud Jean »
Clochemerle, c’est le titre d’un roman dont je présenterais à l’occasion le contenu. Il fut si représentatif de la vie française qu’il est entré dans le langage commun. Pour moi, ce n’est pas un mot que j’écris avec dédain car Clochemerle c’est la vie elle-même tant que cette vie ne bloque pas les initiatives car ans ce cas elle se change en mort. Visiblement les « Amis de Renaud Jean » ont quelques mérites à avoir lancé leur association : soit on leur reproche de se servir de Renaud Jean comme un masque pour cacher quelques projets inavoués et en même temps on leur indique que ce masque, c’est une galère !
Voyons les faits : après plusieurs mois d’efforts l’association propose une assemblée générale où la parole est libre, le débat largement ouvert aux diverses opinions avec un témoignage important sur lequel je ne reviens pas. Renaud Jean, pour ceux qui veulent le faire parler, aurait été fier de cette soirée. Il a lui aussi beaucoup aimé Clochemerle et toutes les querelles qui vont avec mais il ne s’y est pas enfermé. Son ouverture au monde, ce fut la défense des paysans.
Parmi les papiers qu’il a laissé aux archives il y a tout le dossier sur la FNSEA, un dossier oublié car la réflexion, jusqu’à présent, porta plus sur le communiste que sur le syndicaliste paysan. En activant un travail de mémoire, les « Amis de Renaud Jean » vont permettre de saisir l’ensemble de la personnalité de ce lutteur mémorable. Une façon de comprendre que jusqu’en 1961, date de sa mort, l’histoire paysanne semblait continue, alors qu’avec les années 60, nous assistons à une rupture colossale. Les maires qui lui succédèrent eurent à faire face à des questions totalement nouvelles, donc je considère que l’étude du cas de Renaud Jean devrait permettre de mieux réfléchir au changement de monde. L’invention de la machine à vendanger pourrait être le repère de la rupture. Hubert Delpont avait par ailleurs montré comment les luttes pour le statut du fermage et du métayage ont conduit à l’unification du monde paysan autour de « l’exploitant agricole », unité que Renaud Jena appelé de ses vœux mais qui ne signifiait pas pour autant que les intérêts des agriculteurs bretons ou du Sud-Ouest étaient les mêmes que ceux de la Beauce.
En naissant à Samazan, les « Amis de Renaud Jean » peuvent faire jouer la carte fondamentale du personnage, son « université » personne : l’impact de sa commune. L’association n’est pas l’œuvre d’universitaires qui se servent de Renaud Jean dans le cadre d’un plan de carrière (je pense à Stéphane Beaumont) mais l’œuvre de citoyens qui vont aider les chercheurs de la France entière à mieux percer le mystère de ce communiste exemplaire.
Quand j’ai découvert les lettres à sa femme, j’ai considéré que je ne pouvais pas évoquer Renaud Jean sous la forme d’un traditionnel livre d’histoire. Publier les lettres seules (d’ailleurs elles ne sont évoqués qu’une seule fois dans le livre de Max Lagarrigue) ça aurait donné un livre froid. J’ai donc couplé des extraits de lettres avec des documents complémentaires. Par exemple : Renaud Jean se plaint d’être plus mal traité en prison que ne l’étaient les prisonniers de 1851-1852. Je suis alors allé chercher des documents sur la révolte de décembre 1851 à Samazan et comme je m’y attendais j’ai trouvé là un moment phénoménal de l’histoire locale, que Renaud Jena avait toujours en mémoire car son histoire n’a jamais été seulement la sienne mais celle de toute une communauté (je vais donner le passage dans un prochain article). Les « Amis de Renaud Jean » c’est l’occasion, non seulement de parler du premier député communiste de France mais de tout un univers. Pensez à l’autre député communiste de 1936, R. Philippot. N’oubliez jamais que Renaud Jean a été libéré le 11 juin 1941 non sur la base d’un traitement de faveur mais avec les autres détenus qui comme lui étaient des mutilés de la guerre 14-18 (dont le frère de Jacques Duclos). Dix jours après, jamais il n’aurait été libéré vu les débuts d la guerre entre l’Allemagne et l’URSS et, en pensant au parcours de Philippot qui avait été en prison comme lui, il sait que le 22 juin il serait parti pour les camps sans jamais revenir. Penser à la mort de ce camarade des premiers jours a dû être un calvaire pour Renaud Jean.
Pour ma part, grâce au travail démocratique lancé les « Amis de Renaud Jean » je vais me mettre au travail sur deux points : présenter un livre sur les municipales et les législatives à Samazan en 1935-1936, et étudier la question de la naissance de la FNSEA.