Parce qu’avec quelques amis nous avions préparés, par des rencontres avec des conseillers régionaux, la séance plénière du Conseil régional du 20-12-2010, je peux écrire à présent qu’elle fut historique.
Elle a bien sûr commencé par une intervention du président Malvy qui a été aussi bon que d’habitude à un détail près. Le vote du budget est le domaine de prédilection de ce socialiste qui a servi avec tant de patience son maître François Mitterrand, en acceptant le poste de Ministre du budget. Quand on a construit le budget de la France avec les énarques les plus compétents de la planète, construire un budget régional est un jeu d’enfant d’autant plus facile qu’à chaque instant on peut sortir un joker : « le gouvernement est coupable de tout ». C’est un peu comme si en Grèce les socialistes grecs au pouvoir, disaient : « Le FMI est coupable de tout » en sachant que le FMI est pourtant dirigé par un de leurs amis. Mais en France ça tombe bien le gouvernement est entre les mains d’un adversaire politique, dont je combats moi aussi la politique, mais pas de la même façon.
Martin Malvy est donc sérieux, rigoureux, compétent, prévoyant, lucide et adroit et il faudrait repasser le film de la séance pour compter le nombre de fois où ses amis, sortant une tonne de pommade, lui cirèrent avec ardeur des pompes élégantes (le reste de l’article va démontrer qu’on peut confondre pommade et cirage). Jusque là, j’en conviens par avance, il n’y a rien d’historique et il n’y aurait rien eue d’historique si un soir de Noël de l’an 2000, le couple RFF-Etat n’avait offert au président Malvy, une ligne à grande vitesse. Depuis ce jour, TGV est dans sa bouche devenu un mot magique qui fait perdre à l’homme tout sens de la compétence, de la clairvoyance, du sérieux et de la prévoyance. Quelqu’un aura eu beau lui rappeler (mais à titre d’anecdote) que ce cadeau est étrange puisque les collectivités territoriales doivent en payer la moitié (« ce qu’on peut regretter » rappelle M. Chauzy du CESR), quelqu’un pourra lui indiquer (avec une argumentation appuyée) que cette moitié est d’autant plus perverse que le montant est vertigineusement en hausse, qu’importe, il fonce en sachant que sur ce point, même la droite ne viendra pas lui mettre d’embûches. Vu tous les maux que lui et ses amis attribuèrent au gouvernement, on aurait pu penser que ce silence de la droite aurait sonné comme un cri d’alarme, mais non, quand on est amoureux on devient parfois aveugle, or s’il existe un phénomène pour lequel on doit faire abstraction de tout sentiment, c’est bien la LGV !
L’historique côté théâtre
Martin Malvy a dit et répété depuis quatre mois qu’il fallait pour que le Conseil régional Midi-Pyrénées s’engage à financer Bordeaux-Tours, que l’Etat s’engage de son côté à faire Bordeaux-Toulouse. Brigitte Barèges UMP avait répondu dans la tribune du journal régional de rentrée, avec une argumentation ridicule, que c’était là de l’agitation politicienne, et Martin Malvy vient de lui donner raison, non sur l’argumentation, mais sur l’agitation théâtrale, puisque dans son intervention préliminaire - il fut une des trois rares personnes à évoquer la question - sans avoir pu expliquer les reculs de l’Etat, il a déclaré « qu’il fallait aller de l’avant » et qu’il fallait donc voter le financement du Bordeaux-Tours. L’«historique » n’est pas dans le vote seul (je vais y revenir) mais dans la manière de l’acquérir. Dans le dernier journal régional il est écrit : « Reste à convenir du pourcentage » pour dire que l’accord sur le LGV tient au pourcentage à payer pour Midi-Pyrénées, or nous ne saurons pas de quel pourcentage réduit il a été convenu, quant au paiement de Bordeaux-Tours ! Cet exercice fallacieux n’était qu’un exercice, puisque de toute façon ce paiement était échelonné à partir d’une convention proposant pour 2011 un versement de 15% du total ! Sur le même journal régional Thierry Suaud pour le groupe PS reprenait les mêmes arguments ridicules de l’UMP dans le numéro précédent, pour dire par exemple : « Personne n’ignore combien le TGV est un élément moteur de développement. Les Régions PACA et Alsace pourraient en témoigner. » Passons sur la confusion récurrente entre TGV et LGV, pour nous en tenir à l’idiotie du propos : Amiens vient d’avoir la LGV mais son développement n’est rien comparé à celui de Toulouse qui n’a pas la LGV ! (Martin Malvy lui-même le nota dans une assemblée générale de l’association le TGV vite !). Quant à l’Alsace, elle attend la fin des travaux de la LGV-Est dont les analyses s’accordent pour dire que les retombées économiques sont reportées à plus tard. Comme il a été beaucoup question de l’attractivité de Toulouse dont on attend une augmentation considérable de la population, quelqu’un aurait pu faire observer que sans LGV on peut se développer.
En France, un des outils du théâtre politique a pour non : l’Allemagne. Le 20 décembre la droite de Midi-Pyrénées rappela les succès de ce pays sur le plan industriel (pendant qu’en France on ne sait que se lamenter des fatales délocalisations) quand Malvy s’est référé au modèle politique décentralisé (pendant qu’en France l’Etat égorge plus que jamais les Régions). Or la réforme des Collectivités territoriales de la France oriente fortement le pays vers le modèle allemand (en égorgeant les entités locales au profit de Régions), et le modèle allemand industriel c’est quand les travailleurs acceptent de travailler dix jours gratuitement !
Pour conclure sur ce théâtre, Malvy tenta une opération classique en offrant aux présents de deviner l’auteur d’une citation mémorable et chacun de se creuser la tête et beaucoup d’être stupéfait en apprenant qu’elle venait du Coup d’Etat permanent si cher à François Mitterrand, un livre dont la nullité politique n’a d’égale que la filouterie de son auteur.
Mais ne tombons pas ici dans le piège tendu, laissons le théâtre pour l’essentiel.
L’historique côté engrenage
Tout le monde a été obligé d’en convenir, l’investissement est en baisse. Or dans cet investissement, il existe un élément en hausse qui sera à peine effleuré, la dépense pour la LGV Bordeaux-Tours. Que la baisse de l’investissement soit liée à la baisse des recettes, que cette baisse des recettes soit le résultat de l’infâme politique du gouvernement, que les gestions précédentes permettent de montrer une situation financière saine, le fait reste là : baisse de l’investissement (donc pour les lycées, l’emploi, le plan rail etc.) avec en son sein une hausse de l’investissement pour la LGV. Or cet investissement n’est pas de la COMPETENCE de la Région !!! En conséquence à quoi bon insister sur les méfaits de la politique gouvernementale si par ailleurs on accepte cette politique qui invite une Région à payer ce qu’elle n’a pas à payer ! Et à payer très très gros !
Comme toujours dans des cas pareils, quand on met le doigt dans l’engrenage, il faut que ce soit à dose homéopathique pour éviter la douleur. Reconnaissons que le gouvernement a bien joué en permettant aux régions d’augmenter la TIPP (Grenelle TIPP) pour leur permettre de financer la LGV ! Ainsi, à l’intérieur des recettes qui baissent, un secteur augmente, cette TIPP pour la LGV ! Un conseiller régional a posé la question : cette recette fléchée est-elle pour une seule infrastructure ? Malvy a répondu : « non, pour le plan rail comme pour la LGV ». Pour le moment, cette recette de 30 Millions d’euros (que nous allons payer au poste à essence) couvre-t-elle la dépense LGV (+14 millions d’euros) ? Cettee dépense va être exponentielle ce qui incitera à augmenter cette part de TIPP qui finalement ne pourra même pas couvrir le seul point de la LGV ! Quant aux Conseils généraux et communautés de communes qu'elles se brouillent sans rien !
En votant en catimini les premiers éléments de l’investissement le plus colossal que la Région n’ait jamais osé, celle-ci met un doigt dans un engrenage assassin et c’est ça qui a été masqué tout au long de la séance du 20 décembre 2010.
J’ai même entendu quelqu’un qui croit que la LGV c’est 102 millions d’euros alors qu’il ne s’agit que de la partie Tours-Bordeaux dont personne ne s’est étonné qu’elle soit payée à Toulouse mais pas à Paris. A partir du moment où les élus paient pour Tours-Bordeaux, ensuite, naturellement, on va les inviter à payer pour Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Hendaye.
Le système GPSO (Grand Projet du Sud-Ouest) est une machine construite pour que les institutions politiques soient soumises irréversiblement au monde économique de Vinci, Bouygues et Effage.
On ne commence pas un projet de LGV en annonçant un PPP (qui, au détour d’une phrase, a été dénoncé par le Front de Gauche et plus clairement par EE) mais en mettant en place avec RFF toutes les études, jusqu’aux expropriations (avec l’argent public), pour ensuite porter sur un plateau le bijou à Vinci et là, comme on a pu le vérifier à cette assemblée du Conseil Régional, tout le monde vote POUR, y compris le Front de Gauche et EE, puisque de toute façon le projet est largement avancé.
L’historique côté illusion
La présentation du budget faite par Marie-Lou Marcel fut un morceau de bravoure. Pas un mot sur la LGV ! Malvy avait de son côté rappelé le matin : « On ne nous pardonnerait pas d’être à l’écart du mouvement, qu’on l’approuve ou qu’on le désapprouve ». Quels Grecs pardonnent aux hommes politiques de droite ou de gauche de les avoir soumis aux banques et à des gestions aventureuses ?
Cette absence de référence à la LGV fut tel que le journaliste de La Dépêche, dans compte-rendu époustouflant, préfère centrer son propos sur les interventions d’un homme qui n’a rien dit, Monsieur Gérard Trémège ! Pour son groupe dissident de droite, c’est Monsieur Rivière qui a été en pointe ! Mais Gérard Trémège est un Tarbais que le PRG souhaiterait aider à obtenir un poste de sénateur… Chacun comprend que la LGV n’est rien par rapport aux calculs politiciens. Le compte-rendu du Grand Toulouse publié par le même journal était autrement utile.
Pour faire illusion le sport du jour a été de confondre le Plan Rail fortement évoqué (alors qu'il est en fin de course) et la LGV fortement oubliée (alors qu'elle débute). Or nous l’avons démontré cent fois, la LGV tue tout le rail populaire, donc les TERs du Plan Rail.
Non seulement la région devra payer de plus en plus pour combler le déficit des TERs mais qui plus est, le service va diminuer. Entendre par exemple que la LGV est un instrument d’aménagement du territoire, c’est un propos incendiaire de toute vérité sur le sujet. Quand la droite accuse Malvy de faire moins pour les routes (ce qu’il conteste) nous disons que la droite en défendant la LGV veut faire moins pour les routes. Une fois de plus, les sommes colossales qu’il va falloir investir au fil des ans pour la LGV, vont manquer sur des tas d’autres dossiers qui sont de l’ordre de l’aménagement réel du territoire.
Malheureusement pour Monsieur le Président Malvy, on peut continuer à nous prendre pour des demeurés (voir autre article), nous continuerons d’être là pour montrer qu’aller de l’avant… c’est plonger dans un gouffre.
21-12-2010 Jean-Paul Damaggio