Les Amis de Renaud JEAN proposent cette reproduction fidèle d’un article du journal Le Travailleur du 25 Octobre 1936. Instructif aujourd’hui ! JPD
Profession de foi de Renaud JEAN candidat.
Citoyen délégué,
Le Parti Communiste m’ayant désigné comme son candidat à l’élection sénatoriale du 25 Octobre, je viens vous demander votre suffrage.
Vous m’excuserez de ne pas vous rendre visite. Vous me connaissez. Quelques minutes de conversation n’ajouteraient ou ne retrancheraient rien à ce que vous savez de moi.
Fils de cultivateur, cultivateur moi-même jusqu’au jour où la guerre m’enleva au travail de la terre, j’ai toujours vécu dans le contact le plus étroit avec la population laborieuse de nos campagnes et de nos villes.
Député du département du Lot et Garonne de 1920 à 1928, de l’arrondissement de Marmande depuis 1932, j’ai rempli tous mes engagements. Représentant du peuple, j’ai consacré tout mon temps et toutes mes forces à la défense du peuple. Je ne crains ni de mes amis, ni de mes adversaires, aucun reproche justifié.
Douze années de travail, s’ajoutant à la puissance du Parti auquel j’appartiens, m’ont valu d’être placé à la Présidence de l’une des plus importantes commissions de la Chambre des Députés, de la commission de l’Agriculture, et de collaborer à l’élaboration de la loi créant l’Office du blé.
Ma conduite d’hier vous répond de ma conduite de demain : je crois être en tous point digne de votre suffrage.
Mais, si vous avez le droit et le devoir d’exiger de tous les candidats les explications et les garanties personnelles que je vous ai données, vous devez surtout exiger d’eux, des explications et des garanties politiques.
A l’heure où le Sénat va être appelé à se prononcer sur les plus graves problèmes, si vous acceptiez de voter dans la confusion, vous commettriez la pire des fautes.
Le Parti Communiste n’a rien à changer aux déclarations qu’il vous soumît lors des élections législatives des 26 Avril et 3 Mai.
Le Parti Communiste ne renonce pas à sa doctrine et sa politique particuliers. Il continue à penser qu’en dehors de la suppression du régime et des profits capitalistes, et de la «socialisation des moyens de production et d’échange», il n’y a pas de solution durable aux malheurs qui accablent l’humanité, aux crises, et aux guerres.
Le Parti Communiste continue de penser aussi que, quelle que soit leur conception de l’avenir, une tâche commune et immédiate s’impose à tous les Partis de gauche, à tous les démocrates, à tous les hommes de bonne volonté : la défense du pain, de la liberté, et de la Paix.
Comme en Avril, la règle d’action du Parti Communiste reste : tout pour le Front Populaire, tout par le Front Populaire.
En quelques semaines, le gouvernement Léon BLUM, appuyée par la majorité investie de la confiance du pays, a réalisé une partie des réformes promises. Dans les mois qui viennent, le Parti Communiste poursuivra son action pour l’application intégrale du programme adopté le 26 Avril et 3 Mai par la majorité du corps électoral.
Dissolution effective des lignes factieuses ; épuration de l’Administration : l’exemple de l’Espagne montre que la faiblesse à l’égard des factieux, et de leurs complices, conduit à la guerre civile dont nous ne voulons pas !
Réforme de la presse : publication de l’origine des ressources des journaux ; réglementation de la publicité commerciale, suppression du scandale de la publicité financière.
Assainissement des milieux politiques : vote et application de textes sur les incompatibilités parlementaires. Vote rapide de la législation agricole promise. A la création de l’Office du blé doivent s’ajouter sans délais des lois réglant la question des dettes agricoles, permettant le contrôle ou la taxation du prix des engrais, instituant l’assurance nationale contre les calamités, créant la propriété culturale, réformant le régime du métayage, organisant les allocations familiales.
Mise en train du programme des grands travaux, électrification, adduction d’eau, construction des chemins ruraux, moyens de défense contre les inondations.
Application du programme financier du Front Populaire : réforme démocratique du système des impôts, création de nouvelles ressources au détriment des grosses fortunes : majoration du taux de l’impôt général sur les gros revenus, réorganisation de l’impôt successoral, mise en vigueur de la carte d’identité fiscale. En outre de ces mesures, le Parti Communiste demande un prélèvement sur le Capital.
Défense de la Paix : le Parti Communiste repousse avec mépris les attaques de ceux qui l’accusent de souhaiter une « croisade » contre les pays fascistes. Le Parti Communiste veut la Paix avec tous les pays. Il est prêt à négocier avec tous les pays, même avec l’Allemagne d’Hitler, dans le cadre de la Société des Nations et sur la base de l’assistance mutuelle. Car il pense que la Paix est indivisible : nous la sauverons partout, ou bien partout nous aurons la guerre !
Le Parti Communiste n’a jamais demandé l’intervention armée de la France contre les fascistes Espagnols. Mais, conscient du danger que ferait courir à nos institutions démocratiques et à notre pays l’installation en Espagne d’un gouvernement soumis à l’influence de Mussolini et Hitler, il proteste contre la fausse neutralité qui désarme les républicains espagnols, tandis que les rebelles fascistes sont largement approvisionnés.
Conformément au droit international, il réclame la levée du blocus de fait imposé au Gouvernement de Front Populaire espagnol.
Le Parti Communiste demande simplement que soit en entier réalisé dans l’ordre, dans la discipline, le programme en faveur duquel le pays s’est librement prononcé les 26 Avril et 3 Mai. Or, dans l’examen des mesures favorables aux travailleurs (en Juillet et Août à propos de l’Office du blé, et plus récemment au sujet des garanties nécessaires contre une hausse éventuelle résultant d’une dévaluation), la majorité de la Chambre s’est heurtée à la résistance de la majorité du Sénat.
La majorité conservatrice du Sénat se prépare à opposer une résistance plus acharnée encore aux mesures de justice fiscale que le Gouvernement et les Partis du Front Populaire ont l’intention d’inclure dans le prochain budget.
Il appartient aux délégués sénatoriaux du département du Lot et Garonne, en envoyant siéger au Luxembourg, un homme acquis sans restrictions au Front Populaire et à son programme, de dire au Sénat, avec calme mais avec fermeté, que le pays n’admettra pas le freinage ou le sabotage de la volonté du suffrage universel.
Vive le Front Populaire pour le pain, pour la liberté, pour La paix !