Dans mon livre sur les 101 femmes il n’y a pas Caroline Fourest mais une Tunisienne qui l’a accompagnée à la Fête de l’Huma et dont le nom n’apparaît nulle part : Nadia El Fani. Ceux qui auront lu le livre comprendront pourquoi, le but de cet article étant de revenir sur le cas d’une femme qui y est également présente, Jeanne d’Arc.
Comme tout auteur, j’apprécie les remarques sur mes écrits, favorables ou défavorables, aussi j’ai été très heureux qu’un ami m’interpelle en me disant que jamais il n’y aurait mis Jeanne d’Arc. Cet historien des luttes populaires considère que cette femme n’a jamais eu l’histoire qu’on lui a collé à la peau après la guerre de 1870 quand la Troisième république a souhaité se fabriquer des héros nationaux. Ah ! si Jeanne d’Arc pouvait revenir pour jeter hors d’Alsace, les Allemands…
En fait sa colère contre ce mythe ne lui a pas permis de bien saisir par quel chemin j’en suis arrivé à Jeanne d’Arc, chemin que le lecteur de ce blog peut comprendre s’il tape le nom de l’héroïne sur le moteur de recherche du blog.
La discussion en serait restée là si le soir même, lisant mes vieux dossiers je n’étais tombé sur un entretien avec Pier Paolo Pasolini qui se termine ainsi :
« Mon idéal esthétique est franc, massif, statique. Ce n'est pas un monde moderne et élégant. Je crois en la violence de la forme, à l'attaque directe de ce qui constitue l'essence de l'idée (c'est pourquoi Dreyer et surtout Jeanne d'Arc m'ont tellement influencé). »
Grâce à l’ami René Merle j’apprends que le Jeanne d’Arc en question est un film de Carl Theodor Dreyer. Voici ce que dit Wikipédia :
« C’est pourtant grâce au franc succès public de l’une de ces comédies, Le Maître du logis (1925), que Dreyer fut invité à venir travailler en France. Il se vit alors confier par le vice-président de la Société Générale de films, le duc d’Ayen, un manuscrit composé par l’écrivain Joseph Delteil, qu’il remania pour en faire le scénario de La Passion de Jeanne d'Arc (1928)1. Dreyer s’intéressait à la vie de Jeanne d’Arc depuis la canonisation de celle-ci, en 1924. Son ambition n’était pas de tourner un simple film d’époque, bien qu’il ait étudié de manière approfondie les documents relatifs au procès de réhabilitation : il voulait « interpréter un hymne au triomphe de l’âme sur la vie »2. Restait à trouver la comédienne capable d’incarner la martyre : Lillian Gish, Madeleine Renaud furent un temps pressenties. Mais c’est sur Renée Falconetti, une vedette du théâtre de boulevard, que son choix se porta finalement. La rencontre fut déterminante : au cours du premier essai, Dreyer crut voir aux petites rides, aux marques de son visage que cette femme avait dû connaître « bien des épreuves, bien des souffrances ». Ce visage de douleur devint le sujet même du film, la surface sur laquelle Dreyer pouvait faire apparaître la Passion de la Jeanne d’Arc historique, mais aussi le vrai visage de l’humanité souffrante. »
Voilà comment on arrive à Joseph Delteil ! Je ne suis un admirateur amusé de cet écrivain…
Mais puisque j’ai cité l’entretien de Pier Paolo Pasolini interrogé par Gidéon Bachman je note cette observation de l’auteur de l’entretien : « Pasoloni se considère comme un marxiste, et singulièrement comme un disciple de Gramsci qu’il cite sans discontinuer. »
Parfois certains pensent que je me disperse... Jean-Paul Damaggio